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COVID-19

Publié le 09 mar 2021Lecture 9 min

Objectifs, indications et effets secondaires de la vaccination

Colas TCHÉRAKIAN, Service de pneumologie, hôpital Foch, Suresnes ; Centre de compétence des déficits immunitaires ; Centre de référence des éosinophiles (CEREO)

Le rôle annoncé de la vaccination par la HAS est le suivant :
• réduire la morbi-mortalité attribuable à la maladie Covid-19, d’une part ;
• maintenir les activités essentielles liées au fonctionnement du pays, d’autre part, et en particulier du système de santé.

Compte tenu de ces indications, il faut donc prioriser puisque pour l’instant il n’y a pas assez de doses. Comment prioriser ? Cela dépend si vous privilégiez les avantages médicaux ou socio-économiques de la vaccination. Les études, dont celle, française, réalisée à partir du Système national des données de santé (SNDS), permettent une identification très précise des populations les plus à risque. L’analyse des données de la population française comprenant les maladies chroniques et les facteurs (âge, sexe…) a permis d’évaluer précisément le risque d’hospitalisation ou de décès en cas de Covid-19. On y retrouve l’âge, le sexe masculin et 7 conditions particulièrement à risque. Cette analyse a été faite sur la première vague de l’épidémie, du 15 février au 15 juin 2020, pendant laquelle un peu plus de 87 800 personnes ont été hospitalisées pour Covid-19, dont 15 660 en sont décédées à l’hôpital. Il ressort à nouveau que l’âge est le 1er facteur de risque (figure 1). Figure 1. L’âge comme principal facteur de risque de mortalité. Les résultats de cette étude confirment que les personnes âgées sont de loin les plus fragiles face à l’infection par le SARS-CoV-2 : les risques d’hospitalisation et de décès augmentent de façon exponentielle avec l’âge. Ainsi, par rapport aux sujets âgés de 40-44 ans, le risque d’hospitalisation est multiplié par : – chez les 60-64 ans = 2 ; – chez les 70-74 ans = 3 ; – chez les 80-84 ans = 6 ; – chez les 90 ans et plus = 12. Et le risque de décès est multiplié par : – chez les 60-64 ans = 12 ; – chez les 70-74 ans = 30 ; – chez les 80-84 ans = 100 ; – chez les 90 ans et plus = 300. L’homme est plus fragile: avec un risque d’hospitalisation multiplié par 1,4 et de décès par 2,1 par rapport aux femmes, l’homme est à considérer plus à risque face à la Covid, ce d’autant plus qu’il est âgé (figure 2). Figure 2. Résumé des facteurs démographiques associés à la mortalité. Les sept maladies chroniques les plus à risque Alors que la présence d’un asthme est souvent reconnue comme un facteur de risque majeur d’infection respiratoire grave (30 % des patients hospitalisés pour grippe H1N1 étaient asthmatiques), la surprise fut de ne pas retrouver cette population surreprésentée pendant les différentes vagues. L’impact potentiel de 47 maladies chroniques sur l’évolution de la Covid-19 a été étudié. Il ressort des résultats de cette analyse que la quasi-totalité des affections chroniques est associée à des risques accrus d’hospitalisation et de décès pour Covid-19, à l’exception de la dyslipidémie. C’est sur ces données qu’est basée la liste d’accès prioritaire à la vaccination. La HAS prévoit cinq phases successives d’accès à la vaccination. Il nous faut donc répondre à la double problématique de protéger les personnes les plus vulnérables (car vacciner un patient peu à risque c’est retirer une dose à patient à risque en période pénurie) et protéger ceux qui soignent. En effet, l’OMS et les publications ont rapporté un taux de contamination particulièrement haut chez les soignants, entre trois et cinq fois plus que la population générale (Covid-19: protecting health-care workers. Lancet 2020). *cf. Imagerie thoracique LA VACCINATION EST BASÉE SUR LE VOLONTARIAT DANS CES POPULATIONS ET N’EST PAS OBLIGATOIRE. • La première phase fut donc de cibler les populations à très haut risque épidémique : – les résidents d’établissements accueillant des personnes âgées et résidents en services de longs séjours (EHPAD, USLD…) ; – les professionnels exerçant dans les établissements accueillant des personnes âgées (en premier lieu en EHPAD, USLD) présentant eux-mêmes un risque accru de forme grave/de décès (plus de 65 ans et/ou présence de comorbidité[s]). • Nous sommes maintenant dans la deuxième phase depuis le 18 janvier. Il a été proposé de vacciner : – les personnes âgées de plus de 75 ans, en commençant par les plus âgées/présentant une ou plusieurs comorbidité(s) ; – puis les personnes âgées de 65- 74 ans, en priorisant celles présentant une ou plusieurs comorbidité( s) ; – puis les professionnels des secteurs de la santé et du médicosocial âgés de 50 ans et plus et/ou présentant une ou plusieurs comorbidité(s) (quel que soit le mode d’exercice). • La troisième phase (févriermars) : – les personnes à risque du fait de leur âge (50-65 ans) ou de leur(s) comorbidité(s) non vaccinées antérieurement ; – les professionnels des secteurs de la santé et du médico-social non vaccinés antérieurement ; – les opérateurs/professionnels des secteurs « essentiels ». • La quatrième phase (fin mars) : – les personnes vulnérables et précaires (sans domicile fixe…), vivant en collectivité (prisons, établissements psychiatriques, foyers…) non vaccinés antérieurement du fait de leur âge ou comorbidité(s) ; – les professionnels prenant en charge les personnes vulnérables dont les travailleurs sociaux, non vaccinés antérieurement du fait de leur âge ou comorbidité(s) ; – les personnes vivant dans des hébergements confinés ou encore travaillant dans des lieux clos favorisant l’acquisition de l’infection (ouvriers du bâtiments,abattoirs, etc.) non vaccinés antérieurement du fait de leur âge ou comorbidité(s). • La cinquième et dernière phase (cet été) : elle cible les autres tranches de la population susceptibles d’être infectées (18-50 ans) et non ciblées antérieurement. Faut-il vacciner les personnes ayant déjà fait une Covid prouvée ? Il est reconnu que l’immunocompétent s’ immunise cont re le SARS-CoV-2 facilement et efficacement. Qu’il ait été symptomatique ou non. Cette réponse est mémoire et perdure au moins 6 mois à bon titre (https://francais.medscape.com/voirarticle/3606588). Cela plaide pour une vaccination en dernier de la population ayant déjà été infectée. En cas de vaccination, une dose est suffisante et fait office de rappel. Les effets systémiques sont plus prononcés chez les personnes ayant été infectées et vaccinées, sans toutefois plus d’effets sévères rapportés jusqu’ici. Tolérance aux vaccins contre le SARS-CoV-2 La tolérance relevée dans les études de phase 3 contre placebo sont rapportées dans la partie sur les vaccins. Toutefois c’est plus de millions de doses qui avaient été administrées au début du mois. En France, nous disposons quasiment en temps réel des données des centres régionaux de pharmacovigilance français : 1 772 000 vaccinations ont été réalisées au total à la date du 04/02/2021. Concernant le Comirnaty (BioNTech et Pfizer), 2 140 cas au total d’effet secondaire ont été rapportés, en majorité non graves. Avec une meilleure tolérance chez l’homme et d’autant plus qu’il est âgé (figure 3). On compte 24 cas d’hypersensibilité et d’anaphylaxie de grade II et III. Les poussées hypertensives relatées rentrent toutes dans l’ordre en quelques heures à quelques jours. Concernant le Covid-19 Vaccine Moderna, seuls 40 cas avaient été recensés sans signal particulier. Le nombre d’effets rapportés n’a pas été ramené au nombre de vaccins administrés pendant la même période. Enfin, le vaccin d’AstraZeneca est administré aux professionnels de santé depuis 6 jours. Au total, 10 000 doses ont été administrées et 149 signalements rapportés. C’est essentiellement l’intensité du syndrome grippal qui est rapporté, chez des sujets jeunes avec une moyenne d’âge des sujets vaccinés de 34 ans. L’intensité des effets secondaires a conduit à de nombreux arrêts de travail obligeant à réorganiser les vaccinations pour ne pas vacciner en même temps le personnel du même service. Figure 3. Effets indésirables liés à la vaccination en France, rapportés par les centres de pharmacovigilance. Vaccins ou mutants : qui gagnera ? C’est la course entre la vaccination et la propagation du vaccin. Alors que l’immunité collective est atteinte en Israël avec presque 70 % de la population vaccinée (avec 2 doses), la France est loin derrière à 3,5 % de double vaccination. Sur la figure 4, le nombre de doubles doses reçues pour 100 habitants. Figure 4. Pourcentage de population, par pays, ayant reçu intégralement la vaccination (deux doses). Par ailleurs, il faut tenir compte du type de vaccins, car ils n’offrent pas tous le même niveau de protection. Pour l’instant le variant « anglais » VOC-202012/01, bien que deux fois plus contagieux, n’échappe pas aux anticorps neutralisants produits soit contre le SARS-CoV-2 classique lors d’une infection, soit après une vaccination disponible aujourd’hui. Ce qui tombe bien car ce variant est en train de rapidement couvrir le territoire Français. C’est un cas sur deux de Covid aujourd’hui et plus demain. On ne peut pas en dire autant du variant « sud-africain » (501Y.V2), qui n’a pas l’augmentation de contagiosité du variant anglais et ne représente que 5 % des infections aujourd’hui. Mais s’il échappe une fois sur deux aux anticorps post-infection ou postvaccination, il va bientôt devenir le plus prévalent et l’histoire repart à zéro. Heureusement la mutation E484K est déjà identifiée et séquencée. À l’heure où j’écris ces lignes, on peut espérer qu’un ARNm codant pour la protéine S mutée va être inséré dans un vecteur déjà testé et le vaccin pourra sortir plus vite, comme pour les vaccins saisonniers de la grippe. Le scénario catastrophe serait la multiplication des mutants mixtes que l’on voit apparaître, combinant la mutation anglaise avec gain d’infectiosité et la mutation sud-africaine permettant d’échapper au système immunitaire. Ces mutants ont déjà été repérés et pourraient se répandre plus rapidement qu’on ne pourrait revacciner. AstraZeneca : l’heure de la réhabilitation ? Les données de vraie vie rebattent les cartes des indications. Finalement le ChAdOx1-S d’AstraZeneca, conspué initialement pour des résultats mitigés rapportés dans une étude elle-même bancale, semble tirer son épingle du jeu haut la main en vie réelle. D’ailleurs il est aussi efficace dans la population âgée que le Cominraty de Pfizer dans l’étude écossaise ! Finalement dans une France qui court derrière les vaccins, une monodose qui fait 76 % de protection et protège des formes graves inciterait à vacciner largement avec l’AstraZeneca/ChAdOx1-S en monodose, quitte à faire un rappel tardivement puisqu’on sait que plus le temps passe meilleure est l’efficacité. Et ce, en l’ouvrant à la population âgée qui, en attendant le Pfizer qu’on n’a pas, continue d’être quotidiennement hospitalisée en réanimation. Éthiquement, cela pose question. Astra le vaccin du sujet âgé ? Finalement avec une meilleure tolérance du vaccin après 50 ans et une bonne protection chez le sujet âgé (diminution de plus de 80 % des hospitalisation chez les plus de 80 ans en Écosse chez les personnes âgées, n’ayant rien à envier au Cominraty de Pfizer sur ce terrain), l’AstraZeneca n’est-il finalement pas LE vaccin du sujet âgé ? AstraZeneca : « le vaccin du vendredi » ! Le début de campagne vaccinale par le vaccin COVID‐19 Vaccine AstraZeneca a été marqué par la survenue d’un grand nombre de cas de syndromes pseudo‐grippaux (970 cas dont 314 classés graves) accompagnés d'une fièvre élevée (> 39 °C dans plus de 60 % des cas renseignés) et un impact important sur les arrêts de travail (plus de 45 % des cas rapportés). C’est le vaccin du vendredi (ou de la veille d’un repos) ! Particulièrement chez la femme jeune, surtout si a déjà fait la Covid. Attention donc à la date d’injection et au personnel soignant de jouer le jeu en acceptant de sacrifier potentiellement un jour de repos. Pour mémoire, une réaction intense ne contre-indique pas la deuxième dose car la réaction est moins forte à la seconde injection. En conclusion • Il existe une bonne immunité anti-SARS-CoV-2, c’est notre chance. • Seule l’acquisition de l’immunité de groupe peut chroniciser la maladie à bas bruit. • Faut-il aujourd’hui se vacciner ? Certainement. Vous avez ici les éléments pour comprendre le débat actuel sur la vaccination. Il faut toutefois bien hiérarchiser les indications compte tenu du manque de doses et ne pas gaspiller par exemple des doses à vacciner des personnes déjà immunisées dans les premiers mois après une Covid. À l’inverse les données de vraie vie doivent nous faire réfléchir à l’utilisation du ChAdOx1-S d’AstraZeneca sous un autre angle.  

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