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Otologie

Publié le 06 mar 2011Lecture 7 min

Otorrhée : comment y voir plus clair ?

M. FRANÇOIS Service ORL, Hôpital Robert Debré, Paris
L’otorrhée se définit comme un écoulement par le méat acoustique externe, quelles que soient sa couleur et son origine. Les deux éléments d’orientation les plus importants sont l’aspect de l’otorrhée et son ancienneté.  Il faut d’abord éliminer ce qui n’est pas une otorrhée (1) : des larmes, des gouttes auriculaires (poser la question aux parents car ils ne le disent pas toujours spontanément), du cérumen (la question ne se pose qu’avec du cérumen très fluide, après un bain de mer prolongé par exemple).
Écoulement sanglant ou sanguinolent Les otorragies entrant dans le cadre d’un traumatisme crânien sortent du cadre de cet article. La conduite à tenir face à une otorragie en l’absence d’aérateur transtympanique est résumée par la figure 1. Les otorragies de faible abondance que l’on voit en consultation sont les otorragies par plaie du conduit auditif externe et les otorragies dues à des granulomes à la base d’un aérateur transtympanique (2). Il faut traiter par le mépris les plaies du conduit (surtout pas de gouttes) et par des gouttes auriculaires contenant un antibiotique autorisé sur oreille ouverte en cas d’otorragie sur aérateur transtympanique. Plus rarement, il s’agira de la rupture de bulles d’une myringite phlycténulaire (ex. : otite grippale – qui n’a en fait rien à voir avec la grippe, ni aviaire, ni porcine) et qui se traite comme toute otite moyenne aiguë. Otorrhée claire Ce que l’on craint devant une otorrhée très fluide et transparente, c’est l’otoliquorrhée (ou fuite de liquide céphalorachidien) (2). Elle peut apparaître au décours d’un traumatisme crânien, quand l’otorragie s’estompe (mais celle-ci a pu être minime). On observe alors le phénomène de la cocarde sur les compresses mises sur l’oreille pour recueillir le liquide qui s’en écoule (halo clair autour d’un centre plus rouge). La recherche de glucose à la bandelette réactive est positive. Il faut mettre un pansement stérile sur l’oreille, faire faire une imagerie pour localiser la brèche et rechercher des lésions associées. La brèche a des chances de s’obturer spontanément si elle est située au niveau du tegmen. Pour faciliter cet assèchement, il faut laisser l’enfant en position assise et lui perfuser du mannitol. Si l’écoulement n’est pas très important, il est licite d’attendre 10-15 jours avant de proposer une intervention. En revanche, en cas de fracture platinaire ou translabyrinthique, l’intervention doit être pratiquée aussi vite que possible. Dans tous les cas, il faut prévoir une vaccination antipneumococcique. L’état de l’audition sera apprécié par audiogramme à oreilles séparées si l’état de l’enfant et sa coopération le permettent, sinon par enregistrement de potentiels évoqués auditifs. Otorrhée purulente C’est le cas de figure le plus fréquent. Cet écoulement peut venir du conduit auditif externe (CAE) ou de l’oreille moyenne (figure 2). Otite externe Si le tympan est normal, c’est que l’otorrhée vient du revêtement cutané du CAE, autrement dit c’est une otite externe (2). Le diagnostic est envisagé avant même de faire l’otoscopie si le patient signale qu’il a mal au moindre attouchement du pavillon de l’oreille, ou si l’enfant recule dès que vous avancez la main vers l’oreille infectée, alors qu’il ne recule pas lorsque l’on s’approche de l’autre côté (1,4). L’écoulement est d’abondance variable, le plus souvent quelques traces au méat, parfois un écoulement plus profus. Le conduit auditif est souvent oedématié, mais parfois peu modifié. Le diagnostic se fait sur la douleur, le tympan normal et l’otorrhée ou la modification de couleur de la peau du conduit. Le traitement est purement local par gouttes auriculaires (cf. recommandations de l’Afssaps (5) et de la Société française d’ORL (6)) contenant des antibiotiques. Si le conduit est sténosé, pour que les gouttes puissent bien imprégner la totalité de la peau du conduit, l’ORL pourra insérer, sous contrôle de la vue, un petit tampon expansible ou une mèche de gaze de 1 cm de large, à retirer deux jours après (s’il [elle] n’est pas tombé[e] avant, car rapidement le conduit reprend son diamètre habituel). Les antibiotiques par voie générale ne sont indiqués que dans des cas très particuliers, tels que déficit immunitaire ou diabète, et toujours en complément des gouttes auriculaires. On n’omettra pas de proposer des antalgiques de palier II, car les otalgies sont particulièrement vives et peuvent être insomniantes. En cas de pérennisation de l’otorrhée due à une otite externe, il faut évoquer la possibilité d’une surinfection mycosique, demander un prélèvement avec recherche de germes banaux, mais aussi de champignons et prescrire des gouttes auriculaires contenant de la nystatine (5,6).   Otite moyenne aiguë perforée Si l’enfant a eu très mal à l’oreille avant que ne débute l’otorrhée et, qu’à la différence de ce qui se passe en cas d’otite externe, il n’a (presque) plus mal depuis que son oreille coule, c’est qu’il s’agit probablement d’une otite moyenne aiguë (OMA) perforée. À l’otoscopie, si l’otorrhée est peu abondante, on voit une perforation du tympan, en général punctiforme, d’où sourd du pus, en particulier lorsque l’enfant crie (3). Le tympan peut être déformé en « pis de vache ». Ce n’est ni un signe de gravité de l’otite, ni un signe de mastoïdite(1). Cette déformation est due à la poussée du pus sous pression sur une perforation qui est trop fine pour que le liquide s’écoule facilement. Quand l’otorrhée cessera, la membrane tympanique retrouvera une allure normale. Enfin, l’otorrhée peut être pulsatile (1), ce n’est pas un signe de gravité, mais simplement le témoin d’une hyperplasie inflammatoire de la muqueuse de la caisse qui transmet le pouls capillaire à l’otorrhée. Cependant, si l’otorrhée est abondante, elle masque complètement le tympan. Les ORL sont équipés pour aspirer le pus sous contrôle de la vue, sous microscope, ce qui permet d’examiner le tympan. Cette aspiration n’est pas indispensable dans les formes typiques d’OMA perforée : épisode aigu avec fièvre, otalgie initiale, pas d’antécédent connu de perforation tympanique constatée en dehors d’une otorrhée. Le traitement des OMA perforées spontanément est le même que celui des OMA. Il n’est pas utile de prescrire des gouttes auriculaires (5,6). Otite chronique avec perforation tympanique Si l’enfant a une otorrhée purulente, alors qu’il n’a pas eu de fièvre ni d’otalgie, il s’agit probablement d’une suppuration sur une perforation tympanique plus ou moins ancienne, surtout si l’oreille dégage une odeur fétide. Il faut adresser le patient à un ORL qui pourra aspirer l’oreille s’il y a encore une otorrhée lors de son examen et, en fonction de ses constatations otoscopiques, demandera ou non un examen tomodensitométrique des rochers en vue d’une intervention chirurgicale. Ne demandez pas vousmême l’examen tomodensitométrique, car il risque d’être ininterprétable : l’aspect est le même que ce soit une OMA, une OMA prolongée, une mastoïdite, une otite chronique non cholestéatomateuse surinfectée, et même certaines otites cholestéatomateuses quand la lyse osseuse n’est pas très importante ! Il faudra le refaire lorsque l’oreille sera sèche, entraînant donc une deuxième irradiation. En revanche, il faut proposer un traitement pour (essayer d’) assécher l’oreille par des gouttes auriculaires sans antibiotique ototoxique (car vous n’avez pas vu le tympan). Les bains sont contre-indiqués tant que l’oreille coule.   Otorrhée fétide Une otorrhée fétide oriente vers deux diagnostics : un corps étranger méconnu ou une otite chronique cholestéatomateuse. Dans les deux cas, il faut du matériel particulier (aspiration d’oreille, microscope, micropinces, etc.) et l’expérience des gestes sous microscope chez l’enfant. Il est donc préférable d’adresser l’enfant à un confrère ORL.    

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