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Apnées du sommeil

Publié le 19 mai 2013Lecture 10 min

De la PPC à la VNI - Comment traiter l’hypoventilation alvéolaire chez un patient apnéique ?

F. VIAU, Centre Médical Bligny, Briis-sous-Forges
On constate de plus en plus souvent, chez les patients apnéiques explorés en polygraphie, des patients présentant sur leur gazométrie artérielle un syndrome d’hypoventilation alvéolaire. Se pose dès lors le problème de la meilleure façon de traiter ce syndrome, dont on sait qu’il peut aggraver le pronostic. Suivant les situations cliniques et les pathologies associées, on voit sur quels arguments une stratégie mettant en œuvre une pression positive continue (PPC) optimisée plutôt qu’une ventilation non invasive (VNI) peut se discuter et quelles sont les situations dans lesquelles une VNI d’emblée est préférable. 
Décrite pour la première fois en 1981(1), la pression positive continue (PPC) est le traitement de référence du syndrome des apnées du sommeil. Son principe consiste à maintenir ouvertes les voies aériennes supérieures en créant de façon dynamique, à l’aide d’un flux continu d’air, une pression positive qui s’oppose aux forces négatives responsables du collapsus pharyngé. Elle ne constitue pas à proprement parler un mode de ventilation assistée, mais on lui connaît des effets sur la ventilation : modifications du recrutement alvéolaire, des volumes pulmonaires et de la géométrie des muscles respiratoires. La ventilation non invasive (VNI) chronique, quant à elle, a pour but d’optimiser la ventilation alvéolaire d’un patient, soit en lui imposant un volume courant, soit en assistant sa respiration spontanée. Elle concerne donc des patients atteints du syndrome d’hypoventilation alvéolaire chronique, syndrome que définit le couple hypoxémie- hypercapnie (PaO2 < 70 mmHg – PaCO2 > 45 mmHg). Historiquement, les patients atteints d’hypoventilation alvéolaire ont été traités d’abord en ventilation de type volumétrique (ventilation = volume courant x fréquence respiratoire) ; par la suite, la PPC, destinée initialement à traiter les apnées du sommeil, a donné naissance à la VNI barométrique à deux niveaux de pression (VDNP ou Bilevel). Cette dernière tend à supplanter la VNI volumétrique en raison de ses coûts plus faibles et de sa capacité à réaliser une assistance respiratoire partielle confortable, bien adaptée aux conditions de longue durée du domicile.   Figure 1. Patient SOH ventilé au masque sous contrôle de la PaCO2 transcutanée.   PPC et VDNP : comment ? • La PPC est réalisée grâce à une turbine électrique qui crée de façon dynamique une surpression dans les voies aériennes en y insufflant un flux d’air ; la pression résultante est contrôlée en permanence par un capteur. Ce dernier commande une boucle de rétrocontrôle continue asservissant le fonctionnement de l’appareil à la pression prescrite. L’ensemble est relié au patient par un tuyau unique aboutissant à une interface non invasive la plus étanche possible (masque facial ou nasal). Pour que le système fonctionne sans réinspiration du CO2 expiré, il est nécessaire d’avoir un trou dans le masque ou juste à sa sortie. Le CO2 sera éliminé par cet orifice à la condition de maintenir dans le circuit une pression positive pendant l’expiration, ce qui est le cas, par définition, avec une PPC. La respiration d’un patient sous PPC est totalement spontanée, sans assistance aucune. • La VNI en VDNP dérive de la PPC simple. L’appareil de PPC est capable de détecter l’inspiration et d’y répondre instantanément en générant une pression plus élevée. Cette pression d’aide (PIP ou IPAP) est maintenue pendant toute l’inspiration et assiste le travail respiratoire du patient dans sa phase active (inspiratoire), un peu comme le ferait un muscle inspiratoire supplémentaire. On a ainsi transformé la PPC en aide inspiratoire (AI ou PSV pour pressure support ventilation)(2) ; l’AI est un procédé déjà connu des réanimateurs respiratoires qui l’utilisent couramment dans les situations de détresse respiratoire ou de sevrage ventilatoire. Dans la VDNP, l’expiration est passive, comme pour toute ventilation mécanique, mais il est bien sûr nécessaire de maintenir une pression expiratoire minimale (PEP ou EPAP) pour que fonctionne l’orifice antiréinspiration, puisque le circuit reste un tuyau unique. La VDNP permet d’obtenir chez le patient une ventilation qui reste spontanée, c'est-à-dire déclenchée par lui-même, mais assistée en pression au temps actif du cycle. Elle facilite ainsi la correction d’une hypoventilation alvéolaire à moindre coût en termes de travail ventilatoire.   PPC et VDNP : pour qui ? Pour le clinicien, la question pratique se pose comme suit : quels patients apnéiques doivent bénéficier de la PPC simple et quels patients relèvent de la VDNP ? Trois groupes de patients sont à considérer : – le syndrome des apnées du sommeil « simple » (SAS) ; – le syndrome obésité-hypoventilation (SOH) ; – l’Overlap syndrome (ou syndrome de recouvrement), c'està- dire l’association chez un même patient d’un SAS avec une BPCO.   Le syndrome des apnées du sommeil La cible « physiopathologique » de la VDNP étant clairement l’hypoventilation alvéolaire, peut-on rencontrer cette dernière dans le SAS « simple » et si oui comment doit-on la traiter ? D’un point de vue physiopathologique, il existe des travaux démontrant une accumulation de CO2 artériel durant les apnées avec une d’élimination possible durant les épisodes de réinspiration postapnéiques. On retrouve dans ces travaux une corrélation entre la longueur de ces apnées et l’accumulation de CO2(3), ainsi qu’une corrélation entre la PCO2 à l’état de veille et la valeur du rapport du temps passé en apnée sur le temps passé en phase de reventilation interapnéique(4). Figure 2. Appareil de ventilation barométrique VDNP de génération récente.  L’hypoventilation alvéolaire des SAS simples est rare, mais elle existe en l’absence de syndrome obstructif. On la retrouve avec une prévalence globale de 14 % dans une population asiatique de 1 227 apnéiques publiée récemment(5). Sa prévalence est corrélée positivement à l’index d’apnée hypopnée (IAH), ainsi qu’à l’index de masse corporelle (IMC). Il apparaît dans cette étude que la PPC simple suffit, chez la moitié des patients observants, à corriger l’hypercapnie après 3 mois. Il est donc légitime si l’on retrouve une hypoventilation alvéolaire chez un SAS « simple » de tenter d’abord un traitement par simple PPC. En cas d’échec, on aura recours à la VDNP.   Le syndrome obésité-hypoventilation Le cas du SOH est un peu différent. Le SOH se définit comme l’association d’une hypoventilation alvéolaire avec un IMC > 30 kg/m2, toute autre cause d’hypoventilation exclue(6). Le SOH peut être considéré comme une maladie différente du simple SAS sur les arguments suivants : – la majorité des SAS ne sont pas obèses et l’hypoventilation alvéolaire, quoique possible, reste rare dans le SAS ; – le SOH n’est lié ni à la sévérité de l’IAH ni à la durée des apnées ; – il existe environ 15 à 20 % des SOH qui n’ont pas de SAS. Il n’est pas douteux, cependant, que les apnées jouent quand même un rôle dans la pathogénie de nombreux SOH. L’étude citée précédemment(5) le suggère d’ailleurs en signalant une corrélation positive entre la PCO2 et l’IMC chez les SAS simples hypercapniques. Cependant, les apnées ne peuvent rendre compte à elles seules de l’hypercapnie du SOH. L’insensibilité à la leptine semble avoir une place, quoique encore peu claire, dans la pathogénie de l’hypoventilation alvéolaire chez ces patients. Mais c’est surtout un troisième mécanisme, comparable à celui décrit dans l’hypercapnie des insuffisances respiratoires restrictives (de type pariétal ou neuromusculaire), qui concourt à l’installation d’une hypercapnie chronique diurne. Il s’agit d’épisodes d’aggravation de l’hypoventilation en sommeil REM, de mécanisme non apnéique(7), qui provoquent par leur répétition une désensibilisation de la réponse des centres respiratoires chémosensible au CO2, permettant à la longue l’installation de l’hypercapnie diurne chronique. La démonstration d’une corrélation entre le temps passé en REM chez les patients SOH et la réponse de leurs centres au stimulus hypercapnique en épreuve de réinspiration(8) est un argument pour le soutien de cette hypothèse. L’intérêt de ces considérations tient au fait que la ventilation alvéolaire nocturne étant contrôlable par la VNI ; l’hypoventilation de ces patients est réversible par la ventilation(9), au même titre que celle due au mécanisme apnéique l’est par la PPC. Ainsi, a-t-on pu proposer dans le SOH une stratégie de ventilation par optimisation du contrôle des apnées et des résistances des voies aériennes supérieures par une simple PPC optimisée (c'est-à-dire capable de permettre un débit inspiratoire sans limitation) pour contrôler l’hypercapnie. Quand cette stratégie est insuffisante, on recourt alors à la VNI, de préférence sous forme d’une VDNP qui se montre alors efficace(10). Enfin, il faut retenir que l’hypoventilation alvéolaire des SOH vus pour la première fois en poussée de décompensation, ce qui représente environ 30 % des circonstances de découverte de ces patients, doit être traitée en première intention par la VDNP, quitte à proposer, après régression de la poussée, un relais par la PPC simple, dont on se doit alors de contrôler l’efficacité(11). On aura parfois recours en première intention à la PPC dans le SOH, mais on aura plus souvent l’occasion d’utiliser dans cette pathologie la VDNP, soit en raison de circonstances aiguës décompensées, soit lorsque la PPC n’aura pas été suffisante pour contrôler l’hypoventilation alvéolaire.   L’Overlap syndrome L’existence d’un Overlap syndrome peut se définir par les critères suivants : VEMS/CV lente < 60 %, associé à un IAH > 20/heure(12). C’est la rencontre chez un même patient de deux pathologies dont les effets délétères s’additionnent. Ces deux pathologies sont fréquentes et les études épidémiologiques plaident en faveur d’une association fortuite. Lorsqu’on étudie leur fonction respiratoire et leur gazométrie, les Overlap syndromes sont significativement plus hypoxémiques et plus hypercapniques que les SAS simples. Ils désaturent plus profondément qu’eux à IAH égal (SaO2 moyenne nocturne significativement plus basse). Figure 3. Exemple d’évolution de la SaO2 et de la PaCO2 enregistrées en transcutané durant la première heure de VNI chez un patient Overlap syndrome (Sentec Digital Monitor-Log).  Au plan hémodynamique, ils ont des pressions et des résistances artérielles pulmonaires significativement plus élevées. Dans l’Overlap syndrome, la PPC s’impose si le SAS est significatif, mais elle suffit rarement à compenser l’hypoxémie nocturne et il faut alors la complémenter en oxygène. On manque d’études contrôlées prouvant la réelle efficacité de cette attitude, mais une étude publiée récemment a montré une nette différence de mortalité à 100 mois en faveur d’une population d’insuffisants respiratoires obstructifs graves apnéiques traitée par PPC complémentée en oxygène versus une population témoin comparable traitée par oxygénothérapie seule(13). Pour les patients Overlap syndrome les plus sévères en termes d’hypercapnie, l’expérience clinique permet de recommander comme alternative à la PPC + O2, la VDNP complémentée elle aussi en O2 lorsqu’ils sont en poussée, voire au long cours si l’hypercapnie devient trop difficile à maîtriser sous simple oxygénothérapie de longue durée.

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