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Allergologie

Publié le 31 mar 2014Lecture 21 min

Les allergènes moléculaires : que faut-il en penser ?

F. LAVAUD, Hôpital Maison-Blanche, CHU de Reims
Depuis plus de 5 ans , les allergènes moléculaires sont un outil complémentaire mis à disposition de l’allergologue pour aider au diagnostic dans des situations complexes, pour mieux comprendre les allergies croisées et également mieux gérer la prise en charge thérapeutique, notamment au niveau de l’immunothérapie spécifique (ITS). Avec le recul d’utilisation quotidienne, on peut maintenant réfléchir et faire le point pour constater là où ils sont effectivement utiles ou quand ils sont en défaut. Cette nouvelle approche nécessite par ailleurs une appropriation et une nouvelle façon de raisonner non plus en source allergénique mais en famille biochimique.
Allergènes moléculaires naturels et recombinants : soyons clairs   De la source allergénique à l’allergène recombinant Dans notre langage quotidien, et dans nos échanges, on parle abusivement d’allergènes recombinants. Par exemple, on écrira : « Je demande un dosage d’allergènes recombinants pour Der p 1 ». Der p 1 n’est pas un allergène recombinant mais un allergène naturel. Allergènes naturels et allergènes recombinants font partie des composants allergéniques, et c’est bien sous ce terme que les laboratoires qui commercialisent les dosages biologiques les intitulent. Ces composants sont des protéines purifiées, allergènes majeurs ou mineurs, identifiés dans une source allergénique qui a été elle-même purifiée sous forme d’extrait à partir de la collecte d’un échantillon sélectionné de matériel organique. Il faut bien comprendre qu’une source allergénique (un extrait de pollen de bouleau par exemple) est un mélange complexe de protéines, allergènes ou non, allergènes majeurs (reconnus par plus de 50 % des sujets allergiques) ou mineurs, glycoprotéines, polypeptides, etc. Parmi les allergènes, certains comportent des épitopes effectivement reconnus par le système immunitaire et déclenchant la cascade allergique, allergènes linéaires ou conformationnels et d’autres épitopes, également reconnus par le système immunitaire et les IgE mais avec un potentiel réactogène nul ou encore mal défini. Ce sont les épitopes à déterminants carbohydrates, les CCD. La connaissance des allergènes majeurs et mineurs d’une source allergénique a permis de les répertorier selon une classification internationale, celle de l’IUIS (International Union of Immunologic Societies) qui prend en compte les trois premières lettres du nom de famille avec majuscule, par exemple « Bet » pour Betula et bouleau (le latin reste la langue des classifications botaniques ou entomologiques) ; puis la première lettre en minuscule du nom d’espèce, par exemple « v » pour verrucosa, puis un chiffre, souvent arbitraire et qui correspond souvent à l’ordre d’inscription dans le répertoire des allergènes. On obtient alors Bet v 1 ou Bet v 2… Les allergènes moléculaires naturels sont obtenus par extraction aqueuse d’une source allergénique. Par définition, on leur attribue un « n » précédant la dénomination internationale. Ceci devient donc nBet v 1. Cette extraction naturelle a ses limites et elle ne permet pas d’isoler les allergènes non hydrosolubles, en particulier les oléosines de l’arachide, et certains procédés d’extraction les dénaturent (chauffage, agents chimiques, stockage) conduisant à des allergènes moins réactifs et moins sensibles, expliquant des faux négatifs. Ceci a abouti à la fabrication d’allergènes recombinants (figure 1) qui, sans entrer dans le détail, sont obtenus par génie génétique à partir de souches de bactéries ou de levures. Ces allergènes recombinants sont plus « purs », plus stables, standardisés de façon optimale et fabriqués de manière « industrielle ». Les allergènes moléculaires recombinants portent la lettre « r » avec par exemple rBet v 1. Ce sont des allergènes linéaires ; la structure tertiaire de la protéine recombinante n’est pas reconstruite, ce qui pourrait poser des problèmes de reconnaissance immunitaire. Figure 1. Principe de la synthèse d’un allergène recombinant. D’après la brochure Questions Pratiques – Les allergènes recombinants, avec l’aimable autorisation des laboratoires ALK-Abelló.   Les familles biochimiques La connaissance déjà ancienne des réactivités croisées entre extraits allergéniques a abouti assez rapidement à l’identification d’associations cliniques épidémiologiquement pertinentes ; par exemple, le syndrome « pomme-bouleau », « latex-fruits » ou « acariens-crevette-mollusques ». L’apport des allergènes moléculaires a par la suite permis d’identifier un allergène commun entre ces sources allergéniques d’origine différente et d’expliquer pourquoi cette association de la carpe et du lapin avait une réalité immunologique. On est donc arrivé à la notion de famille biochimique (tableau) et cette notion a bouleversé les classifications botaniques et zoologiques rapprochant par exemple le pommier et le bouleau et faisant évoquer un ancêtre commun où certaines protéines ont été conservées. Cette notion a permis aussi de montrer que des allergènes communs (et donc croisés) étaient presque universellement répartis dans le monde végétal ou animal puisque faisant partie même des protéines de base de la cellule primitive ou des moyens de défense visant à la survie de l’espèce. On est arrivé ainsi à la notion de panallergènes avec par exemple la famille biochimique des profilines ou à celle des protéines de transfert lipidique ou au monde complexe des protéines de stress, les « pathogenesis related proteins » ou PR proteins auxquelles on donne aussi un numéro d’ordre, par exemple les PR 10. Celles-ci font partie des moyens de défense du végétal vis-à-vis des agressions biologiques ou physiques. Ainsi, on sait maintenant qu’être allergique à la famille biochimique des PR 10 qui sont présentes dans le pollen de bouleau sous forme de l’allergène majeur Bet v 1, explique aussi qu’on soit réactif à d’autres protéines de la même famille et possédant des homologies de structure très proches, par exemple Aln g 1 du pollen d’aulne ou Mal d 1 de la pomme. Le patient va donc présenter une rhinite lors de la floraison de l’aulne et du bouleau et une allergie alimentaire à la consommation de pomme.   Ne pas tomber dans l’ésotérisme Si déjà entre allergologues nous commençons à nous retrouver dans cette véritable révolution, il faut aussi bien réaliser que ce qui a été difficile à appréhender (et qui nécessite encore des efforts si on sort des grands tableaux classiques de l’allergie moléculaire et des familles biochimiques) devient très mystérieux, voire incompréhensible pour nos correspondants et encore plus pour nos patients. Il va falloir que la communauté allergologique fasse des efforts dans son discours, ses comptesrendus, ses explications aux coll è gue s e t aux pa t i ent s , s e s structures d’éducation thérapeutique… pour clarifier ses termes et faire comprendre des messages simples permettant une meilleure prise en charge thérapeutique dans l’éviction ou les prises médicamenteuses. Imaginons un message brut destiné à un généraliste et au patient : « Je diagnostique une allergie aux PR 10 et je conseille… ». Quel va être l’accueil ? Grand mystère ? Grand gourou ? Charlatan ? Il se fiche de moi ? C’est bien ce que je pensais, l’allergologie reste une médecine parallèle ? Il faut donc que nous passions maintenant à une phase d’information, peut-être d’appropriation des termes. Peut-être les changer et trouver un terme plus évocateur que PR 10, LTP, et même pour « profiline, viciline, isoflavone-réductase… » ? L’allergologue reste un clinicien et doit garder un langage clair tout en bénéficiant des acquis scientifiques qui valorisent son activité. Autre besoin de traçabilité, les classifications internationales elles-mêmes sont difficilement utilisables par les allergologues praticiens car elles manquent de logique, les allergènes étant classés par numéro d’identification. Ainsi, dans la famille des PR 10, tout va bien au début avec Bet v 1, puis Aln g 1, Pru p 1, Cor a 1, Mal d 1, Api g 1 et l’effort se porte sur la connaissance Bet = bouleau, Aln = aulne, Pru = pêche (mais cerise est Pru av 1 !), Mal = pomme, Api = céleri. Cela se complique avec Ara h 8 (de l’arachide), Gly m 4 (du soja) qui font partie des mêmes PR 10. Autre exemple, pour les profilines, on retrouve les allergènes Bet v 2, le mieux connu, et aussi Phl p 12 de la fléole, Art v 4 de l’armoise, Fra e 3 du frêne, Ara h 5 de l’arachide, Hev b 8 du latex, etc. Donc, aucune similitude dans la numérotation : comment s’y retrouver pour les prescriptions d’examens complémentaires et dans leur interprétation. Qui n’a pas sa fiche à portée de main ? Ce sont peut-être des détails, mais il va falloir essayer de se simplifier la pratique quotidienne surtout si la liste des allergènes et des familles s’agrandit. Des référentiels existent et sont d’usage facile via Internet (Allergome, Allerdata), mais fautil s’y reporter systématiquement devant son patient ?   Les principaux apports en pratique allergologique En dehors de l’aide incontestable que peuvent apporter en épidémiologie l’usage des allergènes moléculaires, et notamment des puces qui permettent de quantifier la réponse IgE à plus d’une centaine d’allergènes sur un seul prélèvement, mais qui ne sera pas détaillée ici, les bénéfices se situent à trois niveaux : identification de marqueurs de sensibilisation à une famille allergénique, marqueur de sévérité, aide aux indications thérapeutiques et au suivi.   Identification de marqueur de sensibilisation Il convient tout d’abord de préciser que cette aide au diagnostic ne se fait que par dosage biologique, les allergènes moléculaires n’étant encore employés pour tests cutanés que dans des études expérimentales, même s’ils apportent un gain de spécificité à ce niveau. Les tests cutanés demeurent la première approche du bilan allergologique, le moyen diagnostique le plus rapide, le plus sensible, le moins onéreux et le plus vaste, même si la liste des allergènes commerciaux va en se réduisant. Cependant, le dosage des IgE spécifiques vis-à-vis des allergènes moléculaires a sa place dans des contextes cliniques évocateurs : • Une allergie saisonnière où le bouleau est en cause sur une clinique hautement évocatrice peut être abordée, même en l’absence de tests cutanés, par un dosage des IgE spécifiques pour Bet v 1 et Bet v 2. Un résultat positif pour Bet v 1 rend inutile des explorations complémentaires pour les autres pollens où Bet v 1 est un allergène majeur et le patient à un risque supérieur à 90 % d’être également réactif. S’il décrit un syndrome oral à la consommation de pomme crue, on peut admettre que seul ce dosage positif suffit pour faire le diagnostic d’allergie associée à la famille des rosacées. • Un tableau clinique d’allergie pollinique dans un contexte de polysensibilisation au niveau des tests cutanés, s’il est associé à des symptômes d’allergie alimentaire à différents végétaux de famille botanique différente, pourra être étayé par un dosage d’IgE pour les profilines, par exemple Bet v 2, Phl p 12 ou Pru p 4. Ce dosage positif expliquant l’apparente polysensibilisation observée pour ce panallergène. • Une allergie alimentaire sévère à des végétaux crus ou cuits sera abordée par tests cutanés puis par dosage d’IgE pour les LTP, surtout si le patient est originaire du Sud de l’Europe. S’il est réactif à Pru p 3 ou Cor a 8, le diagnostic est d’allergie aux LTP est porté et les mesures d’éviction pourront être précisées. • Autres exemples, dans le cadre d’un bilan systématique d’une allergie alimentaire, en cas de test cutané ou de dosage d’IgE spécifiques positif à l’arachide, le dosage des allergènes moléculaires de l’arachide sera utile pour préciser dans quel contexte se situe cette sensibilisation : vicilines (Ara h 1) et sensibilisation potentielle aux vicilines de autres fruits à coque, ou PR 10 protéine (Ara h 8) et sensibilisation probable aux autres végétaux contenant cet allergène. Dans le même domaine, une anaphylaxie d’effort reliée au blé sera explorée par dosage des IgE visà- vis de l’oméga 5 gliadine rTri a 19 qui est beaucoup plus spécifique que le test cutané à la farine de blé. Ainsi, ces dosages biologiques permettent de mieux comprendre le pourquoi de symptômes cliniques divers et de polysensibilisations observées sur les tests ou les IgE spécifiques pour les sources allergéniques. On peut aussi mieux aborder d’apparentes réactivités croisées observées sur les dosages d’IgE spécifiques pour des sources allergéniques comportant des CCD. Si le patient a développé des IgE visà- vis de ces épitopes, dont la pertinence clinique n’est pas prouvée, de nombreux dosages d’IgE spécifiques seront positifs. Ainsi, si ces dosages sont positifs pour différents pollens, aliments, venins, un dosage d’IgE pour les allergènes moléculaires de ces différentes sources, par définition exempts de CCD, permettra de redresser le diagnostic et d’éviter, s’il est négatif, des erreurs thérapeutiques, telle une désensibilisation à tort pour le venin d’abeille. Marqueur de sévérité de l’allergie Une même source allergénique contient différents allergènes à potentiel de dangerosité extrêmement variable. Pour les allergies alimentaires, il est important de mettre en évidence des facteurs de gravité potentielle pour l’application des mesures d’éviction et l’utilisation de la trousse d’urgence. Les patients seront d’autant plus à risque de réactions anaphylactiques si la réactivité se fait vers les familles moléculaires des LTP et des protéines de stockage. À l’inverse, l’allergie aux PR 10 n’est le plus souvent que d’un syndrome oral et ne se manifestera que pour les fruits ou légumes crus. Pour les profilines, les tableaux cliniques sont variables, le plus souvent bénins et on suppose que la sensibilisation aux CCD est asymptomatique. Ainsi, certaines sources allergéniques contiennent tous ces allergènes. Un test cutané ou un dosage d’IgE spécifiques positives pour la source allergénique « noisette » peut, si la clinique n’est pas franche, être étayée par les dosages d’allergènes moléculaires Cor a 1 (PR 10) et Cor a 8 (LTP). Il en est de même pour la pêche avec Pru p 1 (PR 10) et Pru p 3 (LTP). Selon le profil de réactivité, les mesures d’éviction seront plus complètes pour un profil LTP, éviction du fruit cru et cuit et prescription d’adrénaline, que pour les PR 10, éviction du fruit cru et risque moins grand, l’adrénaline devenant moins justifiée. De même, pour l’allergène latex, nous avons à disposition 8 allergènes moléculaires et le profil de réactivité du patient est foncièrement différent ainsi que les facteurs de risque. Un test cutané positif au latex ne veut rien dire si le contexte clinique est douteux. Dans les allergènes du latex, 4 sont ciblés comme marqueurs de sévérité et de risque de réaction anaphylactique per-opératoire. Ce sont Hev b 1 (facteur d’élongation du latex) à laquelle sont plutôt sensibilisés les patients multiopérés, Hev b 3 (une protéine proche de Hev b 1), Hev b 5 (de nature inconnue) et Hev b 6 (hévéine) à laquelle sont plus fréquemment sensibilisés les soignants. La reconnaissance de Hev b 5 a, du reste, permis d’enrichir l’extrait pour test cutané qui en était faiblement pourvu. Si le profil de réactivité du patient se fait vers un de ces allergènes moléculaires, le risque est important et des mesures d’éviction du latex sont impératives pour les soins médicaux, dentaires ou chirurgicaux. En revanche, une sensibilisation isolée à Hev b 8 (profiline) n’est pas un facteur de risque et certaines équipes recommandent de n’effectuer en per-opératoire qu’un choix de gants sans latex. Pour un personnel soignant sensibilisé uniquement à cet allergène moléculaire, aucune reconversion n’est à envisager. Aide au choix du traitement et au suivi L’analyse des profils de réactivité aux allergènes moléculaires trouve sa place dans les indications de désensibilisation aux pollens. Si le patient est sensibilisé aux bêtaexpansines (Phl p 1 et Phl p 5), allergènes majeurs et communs des pollens de graminées, la désensibilisation est indiquée si les critères cliniques sont respectés. En revanche, si pour un même test cutané positif ou un dosage d’IgE positif pour la source allergénique « graminées », le profil se fait vers Phl p 12 (profiline) ou Phl p 7 (polcalcine), l’indication n’est pas à retenir, du moins pour ce pollen. Le même raisonnement se fait pour le pollen de bouleau et les trois allergènes Bet v 1, Bet v 2 et Bet v 4 (polcalcine). Si le profil est orienté Bet v 1, la désensibilisation est indiquée ; s’il est Bet v 2 et/ou Bet v 4, elle devient inutile. Autre bénéfice, les allergènes moléculaires apportent de l’aide à l’indication d’un test de provocation orale. La recherche d’IgE vis-àvis de l’ovomucoïde est utile pour documenter une tolérance à l’œuf si le taux est inférieur à 1 U/ml avec une bonne tolérance pour le blanc d’oeuf cru. De même, pour l’arachide, Ara h 2 est plus performant (plus réactif) pour différencier les allergiques des patients tolérants. Enfin, dans le domaine de l’anaphylaxie aux venins, lorsque les tests cutanés objectivent une polysensibilisation abeille-guêpe dans une situation clinique peu évidente, insecte non identifié par exemple, le dosages des IgE vis-à-vis des allergènes moléculaires majeurs Api m 1 pour l’abeille, Ves v 5/Pol d 5 pour les guêpes, conditionne le choix de la désensibilisation : soit double désensibilisation, soit désensibilisation orientée vers l’insecte dont l’allergène est réactif.   Les limites des allergènes moléculaires Les allergènes moléculaires et la reconnaissance des familles allergéniques sont une révolution en allergologie et les quelques exemples cités en sont une illustration. Jongler avec les allergènes moléculaires est une nouvelle pratique qui nécessite un apprentissage, une nouvelle vision du diagnostic des maladies allergiques et de leur prise en charge, et peut-être un nouveau langage. Cependant, il serait illusoire, voire dangereux de raisonner uniquement avec ce nouvel outil diagnostique sans risquer de se faire taper sur les doigts. Tout acte diagnostique a ses limites et ses contraintes et doit être resitué dans un contexte général de prise en charge globale d’une pathologie complexe où l’expertise de l’allergologue tient la première place. Les limites administratives Le dosage d’IgE spécifiques, que ce soit pour une source allergénique ou un allergène moléculaire, obéit aux règles générales de nomenclature des actes de biologie. Ce dosage ne peut être cumulé à un dosage d’IgE totales ni à un dosage multiallergénique. On ne peut cumuler plus de 5 pneumallergènes et 5 trophallergènes et un seul dosage pour le latex. Le remboursement ne se fait que sur cette base et le biologiste est en droit de facturer hors nomenclature les demandes supplémentaires. Ceci veut dire que, d’une part, il faut choisir avec discernement les allergènes moléculaires à tester en acte biologique. Pour une famille de panallergènes relativement homogène comme les PR 10, on peut se contenter de Bet v 1, mais ceci n’est pas généralisable. Par ailleurs, si on joint dans la demande des dosages pour des sources allergéniques, il reste d’autant moins de possibilités pour les allergènes moléculaires. Cela peut aussi aboutir à une impasse. Pour le latex, un seul dosage est possible. Cela n’est pas compatible avec une exploration complète d’anaphylaxie per-opératoire avec test au latex positif. Il en est de même dans le cas des allergies professionnelles du personnel soignant. Les laboratoires commercialisant les dosages d’IgE spécifiques ont également mis à disposition des microarrays qui permettent d’effectuer plus d’une centaine de dosages (puce ISAC), mais cet examen n’est pas pris en charge, son coût reste élevé (plus de 100 euros) et il nécessite l’acquisition d’un matériel de lecture dédié. Par ailleurs, l’interprétation des résultats est délicate en dehors d’un contexte clinique et n’est pas du ressort d’un biologiste non allergologue. Il convient à ce niveau de remarquer que ces examens, aussi sophistiqués soient-ils, ne montrent qu’une sensibilisation et que l’on peut être sensibilisé sans être malade.   Les limites dans l’interprétation Être sensibilisé à un allergène d’une famille moléculaire ne signifie pas pour autant que la sensibilisation s’étend à toute la famille ni bien sûr les symptômes et les mesures thérapeutiques. Cela est notamment vrai pour les LTP. Ces panallergènes alimentaires sont responsables d’allergies sévères, mais avec des risques différents. Il est probable que des sous-familles existent, ou que la présentation de l’allergène soit masquée, ou qu’il ne soit pas présent dans la partie consommée de la plante. Les LTP sont présentes dans pratiquement tous les aliments d’origine végétale et l’éviction idéale viserait donc à ne manger aucun fruit ou légume, cru ou cuit. Ceci est irréalisable et ne correspond pas à la réalité. Figure 2. Corrélations entre les dosages d’IgE spécifiques pour rVes v 5 (guêpe vespula) et rPol d 5 (guêpe poliste) chez des patients allergiques à la guêpe vespula ou à l’abeille et n’ayant jamais été piqués par des polistes. Les résultats sont corrélés avec un R2 de 0,6132 (Reims et Rennes). Il est probable qu’il existe des sous-familles de LTP, par exemple celle des rosacées ou celle des céréales, et les constatations observées in vitro ne sont la conséquence que d’une homologie de structure finalement assez éloignée et pour un allergène linéaire qui ne tient pas compte de la structure tertiaire ou quaternaire de la molécule. Autre exemple, si les LTP sont bien présentes dans les feuilles et les tiges, elles sont absentes ou très faiblement représentées dans les racines. Être réactif à une LTP de la pomme de terre (présente dans les feuilles ou les tiges) ou à un autre de ses allergènes du système aérien ne veut pas dire que l’on sera symptomatique à la consommation du tubercule. Pour l’allergie aux venins, les allergènes moléculaires ne sont d’aucune aide pour la distinction entre allergie au venin de polistes et de vespula. Les allergènes disponibles, en particulier l’antigène 5 qui est commun et les dosages pour les allergènes moléculaires Ves v 5 et Pol d 5 ne sont pas discriminants, témoignant simplement d’une sensibilisation à la famille des vespidés (figure 2). D’autres allergènes plus spécifiques doivent être évalués et le même raisonnement tient pour les allergènes moléculaires d’Aspergillus qui n’apportent rien dans le diagnostic et le suivi des aspergilloses.   Quelle sera la limite des allergènes moléculaires ? La liste des allergènes s’étend de mois en mois en ciblant les sources allergéniques les plus fréquentes et les allergènes majeurs. On peut se demander jusqu’où il faut aller en termes de service rendu. Le tout dernier allergène moléculaire est celui de la guêpe vespula Ves v 1. Aidera-t-il à mieux discerner vespula et polistes ? Ce n’est pas sûr car la protéine est commune aux deux guêpes. Il n’apportera de toute façon rien de plus par rapport au dosage comparatif Ves v 5/Api m 1 pour faire la distinction avec l’abeille. Pour les pollens de graminées, est-il nécessaire d’avoir des dosages pour les allergènes mineurs sachant que des orientations modernes de l’ITS nous orientent vers un allergène commun du groupe 5 ? Que doit-on faire de familles d’allergènes dont on connaît mal la pertinence clinique, par exemple les isoflavones réductases ou les pectates lyases ? Enfin, comment apprécier les profils de réactivité détectés par les allergènes moléculaires pour des systèmes complexes tels ceux des moisissures ou des phanères ? Il manque des études phénotypiques et, sous certains aspects, les données des analyses biochimiques dépassent les connaissances cliniques. Pour terminer, il a pu être envisagé que l’utilisation des allergènes moléculaires s’ouvrirait vers le diagnostic par tests cutanés et l’ITS. Pour les tests cutanés, des travaux ont été effectués avec certains allergènes dont ceux des pollens, mais nous sommes encore loin de leur mise à disposition à grande échelle. Pour l’ITS, les premiers essais avec des allergènes moléculaires de bouleau et d’acariens se mettent en place ou vont se mettre en place. Obtiendra- t-on de meilleurs résultats ? On peut l’espérer et les traitements seront de toute façon plus homogènes et les résultats plus faciles à évaluer. En revanche, il est possible que la réponse individuelle soit inégale car peut-être trop ciblée et ne tenant pas compte des allergènes mineurs qui ne le sont que sous un profil statistique.

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