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Allergologie

Publié le 07 juil 2023Lecture 4 min

Dermatites de contact, pensez aux résines époxy

Denise CARO, Boulogne-Billancourt

Les dermatites de contact sont une des principales causes de maladies professionnelles et parmi elles, la manipulation des résines époxy occupe une large place. Les systèmes époxy comportent de nombreux allergènes fortement sensibilisants de plus en plus fréquemment utilisés et qu’il faut savoir rechercher.

Les résines époxy représentent la deuxième cause de dermatites de contact professionnelles en Europe (derrière les additifs du caoutchouc et devant les bioacides)(1,2) et la première en Finlande(2,3). La prévalence élevée des allergies aux époxy tient à leur fort potentiel sensibilisant et à leur utilisation croissante. Les allergènes présents dans les systèmes époxy concernent non seulement les résines époxy, mais aussi les durcisseurs et les diluants entrant dans la composition des produits. Les métiers de la construction sont en première ligne, mais l’ingénierie électrique, l’aéronautique, la plasturgie, la production de peintures et d’articles de sport sont également très exposées au risque d’allergie aux systèmes époxy. Entre 2011 et 2020, la prévalence de cette dermatose professionnelle est passée de 8 à 26 % chez les plombiers et tuyauteurs, de 14 % à 24 % chez les opérateurs en plasturgie et de 16 % à 23 % chez les peintres(2). On a même enregistré des cas d’allergie aux époxy chez des agents chargés de nettoyer des imprimantes 3D. À noter que récemment des dermatites de contact aux époxy ont été observées en dehors du contexte professionnel, chez les personnes (parfois des enfants) qui confectionnaient de petits objets en résines en suivant des tutoriels sur Internet.   ECZÉMA DES MAINS ET DU VISAGE La contamination se fait soit par voie aéroportée, soit par voie manuportée ; en cause, les surfaces contaminées, les éclaboussures et surtout des équipements de protection inadaptés. Sur le plan clinique, la forme cutanée la plus fréquente est un eczéma des mains et des avant-bras. Une atteinte du visage, notamment au niveau des paupières, est possible ; le responsable est alors le plus souvent un durcisseur (volatil). Une urticaire de contact est beaucoup plus rare. Elle est localisée aux mains, aux bras et au visage. Elle est le fait d’anhydrides d’acide, comme l’anhydride méthylhexahydrophtalique (MHHPA)(4). Dans tous les cas, les signes cliniques régressent avec l’arrêt de l’exposition. Le diagnostic repose sur des signes cliniques évocateurs rythmés par une exposition à un produit suspect et des tests. Pour les tests cutanés, on peut faire appel à la batterie standard européenne (BSE) qui contient l’éther diglycidique du bisphénol A (DGEBA) à 1 %, principal allergène des résines époxy. Toutefois la négativité de la BSE n’élimine pas la possibilité d’une réaction à un autre allergène époxy : tel est le cas de 20 % des patients sensibilisés à un diluant et de 60 % de ceux sensibilisés à un durcisseur. Il convient alors de faire appel à une batterie époxy. Parmi les résines époxy non DGEBA, citons le bisphénol-F-diglycidil-éther (DGEBF)(5), présent dans la batterie époxy, et souvent utilisé avec le DGEBA pour en augmenter la résistance chimique. On observe aussi des allergies aux résines époxy aniline, employées dans des applications militaires et aérospatiales -éther tétraglycydilique de 4,4’-méthylènedianiline (TGMDA)(6) et des résines époxy cycloaliphatique (huiles de coupe et huiles minérales). Pour certains de ces allergènes qui ne sont pas dans la batterie époxy, il n’y a pas d’autre solution que de tester le produit fini en veillant que la concentration de la substance suspecte soit compatible avec celle utilisée dans les tests(7). Pour cela il faut rechercher la composition exacte du produit inscrite sur la fiche de données de sécurité. Les diluants réactifs sont responsables jusqu’à 30 % des allergies aux systèmes époxy. Les principaux allergènes sont le 1,4-butanediol diglycidyl éther (BDDGE), le phényl glycidyl éther (PGE) et le p-tert-butylphényl glycidyl éther (PTBPGE)(7). De même, les durcisseurs sont en cause dans près de 26 % des allergies aux systèmes époxy. Les principaux sont le m-Xylylènediamine (MXDA) – qui se trouve dans la batterie époxy –, le 2,4,6-Tris(diméthylaminométhyl)phénol (tris-DMP) et l’isophorone diamine (IPDA)(7,8). Enfin de nouveaux durcisseurs sensibilisants émergent, comme le copolymère de benzènamine et formaldéhyde hydrogenné (FBAP), 1,3-benzènediméthylamine, N-(2-phényléthyl) dérivatives (1,3-BDMA-D). Les patients sensibilisés à ces substances réagissent au diaminodiphénylméthane (MDA) qui semble être un bon test de dépistage(9). Par ailleurs, le diagnostic d’urticaire aux systèmes époxy repose sur une clinique évocatrice et un dosage des IgE anti-conjugué anhydride d’acide-albumine humaine (plutôt que sur des tests cutanés dont la pertinence clinique est moins bonne)(4,10).   LES RÈGLES DE PRÉVENTION La prévention de ces allergies cutanées aux systèmes époxy peut être résumée en suivant l’acronyme STOP : Substitution/élimination, mesures Techniques, mesures Organisationnelles et Protection individuelle (gant, lunettes, vêtements). Le salarié devra être changé de poste et parfois même de lieu de travail en cas d’allergie aéroportée. Il est possible de se référer à un guide donnant les gants de protection à utiliser en fonction des produits chimiques et de la durée d’exposition*. Une épaisseur suffisante pour protéger efficacement est nécessaire. Les plus fins – gants laminés multicouches d’une épaisseur de 0,07 mm – ne sont pas très confortables. Les gants butyles de protection chimique sont plus épais (> 0,3 mm) ; il est utile d’ajouter par-dessus plusieurs gants en vinyle que l’on retirera chaque fois qu’on recevra des éclaboussures. Tous ces gants sont chers et doivent être changés tous les jours. De plus en plus utilisés dans de nombreux secteurs industriels (et certains loisirs), les systèmes époxy, hautement sensibilisants, doivent faire l’objet d’une protection renforcée. Toute réaction allergique exige l’arrêt définitif de l’exposition, pas toujours facile à obtenir sans changer radicalement de poste de travail, voire d’entreprise. *Forsberg Quick Selection Guide to Chemical Protective Clothing.

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