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Tabacologie

Publié le 03 nov 2022Lecture 7 min

Tabagisme : combattre les idées des parents pour améliorer la prévention

Mathilde EYMERY, Service de pneumologie et d’allergologie pédiatrique, hôpital Femme-Mère-Enfant, hospices civils de Lyon

Le tabagisme est actuellement la première cause de mortalité évitable dans le monde. En France, elle représente 78 000 décès soit 13 % des décès annuels. La lutte contre le tabagisme a donc été fixée comme priorité nationale par le ministère de la Santé depuis plusieurs décennies. Les pédiatres sont particulièrement concernés par ce problème de santé publique, d’une part, parce que la population pédiatrique est la plus vulnérable face à l’exposition tabagique, d’autre part, parce que 70 % des fumeurs réguliers commencent à fumer avant l’âge de 18 ans. Comment protéger au mieux les enfants exposés au tabagisme dans leur milieu de vie ?

Trois modes de tabagisme • Le tabagisme passif correspond à l’exposition in utero du fœtus (via un tabagisme actif ou expositionnel de la mère) à la nicotine et à divers composants de la fumée de tabac qui traversent la barrière fœto-placentaire. • Le tabagisme expositionnel est défini comme l’exposition involontaire aux différents composants de la fumée de tabac, lorsque la cigarette est allumée, mais aussi longtemps après qu’elle a été éteinte. • On parle enfin de tabagisme actif dès lors qu’il y a une consommation répétée de produit contenant du tabac. Les jeunes sont particulièrement vulnérables face à ce produit au potentiel addictif très puissant  : la dépendance au tabac s’installe chez eux très rapidement et sera d’autant plus forte que l’initiation sera précoce. Or plus encore que la quantité de tabac fumée par jour, c’est l’ancienneté du tabagisme (c’est-à-dire la durée d’exposition au tabac) qui conditionne les risques sur la santé. Tabagismes passif et expositionnel : quels dangers ? La toxicité du tabagisme expositionnel relève non seulement de la fumée secondaire, c’est-à-dire de celle qui se dégage de l’extrémité incandescente de la cigarette allumée et du papier entourant le tabac, mais aussi de la fumée tertiaire, qui représente l’ensemble des composants toxiques de la cigarette qui se déposent sur les mains, les vêtements, les cheveux, les surfaces autour du fumeur, ou se retrouvent en suspension dans l’air et les poussières, et ce pour une durée de plusieurs heures à plusieurs semaines. L’ensemble des fumées secondaire et tertiaire constitue ce que l’on appelle la « fumée environnementale » (figure, p.4). Figure. La toxicité du tabagisme expositionnel. Les composants les plus nocifs y étant plus concentrés, la fumée secondaire est quatre fois plus toxique que la fumée principale, avec notamment des taux de monoxyde de carbone, de benzopyrène, de benzène et de nicotine, substances irritantes, cancérogènes et hypoxémiantes, entre 3 et 10 fois supérieurs à ceux de la fumée directement inhalée par le fumeur. En outre, l’inhalation, l’ingestion et l’absorption cutanée des composants de la fumée tertiaire sont jusqu’à cent fois plus importantes chez les enfants en bas âge que chez les adultes. C’est pourquoi la nocivité du tabagisme expositionnel est accrue chez les jeunes enfants. Or ces fumées représentent un réel danger pour la santé des personnes exposées. Les méfaits du tabagisme passif et du tabagisme expositionnel sont en effet de mieux en mieux établis. Sans les énumérer de façon exhaustive, on retiendra principalement ceux d’ordre respiratoire (altération du développement et de la fonction pulmonaire, majoration du risque d’hyperréactivité bronchique, d’asthme et de bronchopathie chronique obstructive), ceux ayant des conséquences sur le développement du système nerveux central (perturbation des centres de régulation veille-sommeil, augmentation du risque de mort subite du nourrisson, retard de développement psychomoteur, troubles neurocognitifs avec difficultés de concentration, difficultés relationnelles avec les pairs, troubles des conduites) ou encore un retentissement sur le système immunitaire (plus forte susceptibilité aux infections respiratoires et ORL), ainsi que les risques de complications obstétricales con cernant le tabagisme passif (petit poids de naissance, prématurité, microcéphalies, etc.). Idées reçues sur l'exposition tabagique Même si un certain nombre de parents ont entendu que leur tabagisme pouvait être nocif pour la santé de leur(s) enfant(s), bon nombre d’entre eux se déculpabilisent en se défendant de ne fumer qu’en l’absence de ceux-ci, en dehors de leur lieu de vie. Voici un ensemble d’idées fausses, véhiculées par l’opinion publique, que le médecin se doit de corriger. • « Je ne fume que lorsque les enfants sont allés se coucher » ou « J’aère la pièce après avoir fumé » Comme expliqué ci-dessus, les substances nocives provenant de la fumée de cigarette se déposent sur les surfaces, imprègnent les tissus et tapisseries, restent en suspension dans les poussières, et de ce fait persistent dans une pièce longtemps après que la cigarette a été éteinte. Or ni la ventilation ni un nettoyage classique ne permettent d’éliminer efficacement la nicotine et les autres composants de la fumée tertiaire incrustés sur les surfaces et dans la poussière domestique. Ainsi, le fait de fumer dans une pièce dans laquelle l’enfant évoluera par la suite l’exposera à un risque, même s’il n’est pas là lors du geste. En inhalant les poussières, touchant les surfaces et respirant les particules piégées dans les tissus, il sera contaminé de manière insidieuse par ces substances toxiques. • « Je fume dans une pièce où les enfants ne viennent jamais » Composée de très fines particules, la fumée de cigarette passe facilement d’une pièce à l’autre, même lorsque l’on utilise un système de ventilation. En effet dans le meilleur des cas, cette précaution ne réduira que de moitié la concentration de toxiques présents dans la fumée de cigarette. • « Je fume exclusivement à l’extérieur » Comme précédemment, en raison de la taille du diamètre de ses composants, la fumée de cigarette peut facilement pénétrer à l’intérieur de l’habitation par les portes et les fenêtres. De plus, le fumeur ramènera en rentrant, les substances nocives qui se sont déposées sur sa peau, ses vêtements et dans la poussière qui l’entoure. •« Dans la voiture, j’ouvre la fenêtre quand je fume » Même si la fenêtre est ouverte, fumer dans une voiture dégage de fortes concentrations de substances nocives dans l’air ambiant. Comme dans une pièce d’habitation, les substances nocives se retrouveront dans l’air que l’on respire et se déposeront sur les surfaces (sièges, tapis, plafond, etc.). Or la lumière du soleil, les températures extrêmes et la faible circulation d’air favorisent, à l’intérieur de la voiture, les réactions chimiques et augmentent l’adhérence des substances nocives à la poussière et aux surfaces. Ces substances persisteront ainsi encore plus longtemps que dans une pièce quelconque, jusqu’à 3 semaines d’après certaines études. Là encore, les méthodes de nettoyage classique (aspirer, dépoussiérer, etc.) et l’aération seront inefficaces pour réduire significativement le taux de substances nocives. • « Je ne fais que vapoter » Il n’existe encore peu de données sur la cigarette électronique, mais l’Institut norvégien de santé publique avait déjà lancé une alerte en 2015 sur les hauts taux de nicotine sanguins et urinaires retrouvés après une exposition passive à une e-cigarette, du fait là encore de la propagation de la nicotine via la fumée secondaire. Par ailleurs, il existe un risque lié aux composants des gaz rejetés et formés lors de l’évaporation des gouttelettes, notamment certains composés organiques volatiles et particules ultrafines. Ceux-ci peuvent notamment engendrer un encombrement bronchique, une hyperréactivité, voire un effet cancérogène sur les voies respiratoires. Enfin, quelle que que soit la forme de tabagisme, il a été démontré un risque accru de développer des addictions chez les enfants ayant des parents fumeurs. CHIFFRES CLÉS • En France, environ 50 % des femmes tabagiques continuent à fumer pendant la grossesse et 22 à 30 % des femmes enceintes sont elles-mêmes exposées au tabac. • 40  à 78  % des enfants sont exposés dans leur milieu de vie au tabac en Europe (variable selon le niveau socio-économique) et le tabagisme est responsable d’un tiers des décès prématurés des enfants dans le monde (OMS). • La première cigarette est fumée en moyenne en France vers 14 ans ½ et 33 % des jeunes de 15-19 ans sont déjà des fumeurs actifs.   Les risques des tabagismes passif et expositionnel ne doivent pas être négligés. La toxicité du tabagisme expositionnel est liée aux fumées secondaires et tertiaires. Conclusion Il existe une véritable nécessité d’informer les parents et tout l’entourage de l’enfant sur les risques, nombreux et potentiellement sévères, liés à l’exposition tabagique en pré-comme en post-natal. Pour limiter au maximum l’exposition de son entourage aux fumées secondaires et tertiaires, le fumeur doit veiller à se laver mains et visage, ainsi qu’enfiler une tenue (veste) dédiée, lorsqu’il sort pour fumer. Aucune autre mesure (en dehors du sevrage complet) ne sera réellement efficace.  

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