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CONGRÈS

Publié le 08 avr 2021Lecture 7 min

Asthmes sévères : ne pas négliger la composante allergique

Denise CARO, Paris

L’asthme est dit sévère quand il nécessite pour être contrôlé, l’utilisation de fortes doses de CSI (corticostéroïde inhalé) associées à au moins un autre traitement de fond et/ou une corticothérapie orale (CSO) ou quand il demeure incontrôlé en dépit de ce traitement de palier 5 du GINA. Ces asthmes sévères, bien que minoritaires (< 5 % des asthmes) sont difficiles à prendre en charge. Une fois le diagnostic d’asthme sévère établi, il convient d’en déterminer le phénotype pour décider de la stratégie thérapeutique à mettre en œuvre. Idéalement, cette décision est prise en réunion collégiale d’asthme.

« L’ allergie est souvent le parent pauvre de la prise en charge de l’asthme, en particulier des asthmes sévères, a indiqué Michel Migueres (Toulouse). Or une allergie est retrouvée une fois sur deux au cours d’un asthme sévère(1) ; d’où la nécessité d’explorer ces patients à la recherche d’une sensibilisation ». La réunion collégiale d’asthme La prise en charge d’un asthme de palier 5 pour lequel la question d’un traitement additionnel se pose doit idéalement être discutée en réunion collégiale d’asthme (RCA). Ce staff réunit trois pneumologues ou plus, ainsi que des intervenants d’autres disciplines, sollicités en fonction des dossiers examinés. Une fiche type « asthme sévère » est élaborée pour préparer la réunion : confirmation du diagnostic d’asthme (élimination des diagnostics différentiels), confirmation d’asthme sévère, niveau de contrôle, évaluation de l’observance, présence de comorbidités, ainsi que les résultats du bilan (EFR, enquête allergologique, IgE totale, éosinophilie, mesure de la FeNO, etc.). Cette fiche préparatoire permet une discussion constructive entre tous les intervenants en présence, en particulier pour envisager les différentes options thérapeutiques en fonction du phénotype de l’asthme (biothérapies, CSO, thermoplastie, opportunité d’entrer dans un essai clinique…). La Fédération française de pneumologie (FFP) répertorie les RCA, qui peuvent être universitaires, hospitalières, libérales ou mixtes. « Le pneumologue est le chef d’orchestre du diagnostic (positif et différentiel) et de l’organisation du parcours de soins du patient asthmatique sévère », a rappelé Mathieu Larrousse (Toulon). « Organiser une RCA n’est pas si compliqué », a-t-il estimé. Les RCA doivent être déclarées au secrétariat de la FFP*. *secretariat@ffpneumologie.org L’enquête allergologique pour un asthme est la même que pour une rhinite allergique. On teste les allergènes perannuels (acariens, phanères, moisissures) et les pollens (graminées, bouleau, cyprès, frêne, plantain armoise — l’ambroisie et la pariétaire sont recherchées en fonction des régions —). La recherche d’IgE spécifiques peut être utile en présence d’une discordance clinique, de tests cutanés ininterprétables, d’une polysensibilisation (intérêt des recombinants), en complément des tests cutanés avant une désensibilisation. Un dosage des IgE totales est réalisé lorsqu’un traitement par anti-IgE est envisagé.L’enquête allergologique pour un asthme est la même que pour une rhinite allergique. On teste les allergènes perannuels (acariens, phanères, moisissures) et les pollens (graminées, bouleau, cyprès, frêne, plantain armoise — l’ambroisie et la pariétaire sont recherchées en fonction des régions —). La recherche d’IgE spécifiques peut être utile en présence d’une discordance clinique, de tests cutanés ininterprétables, d’une poly-sensibilisation (intérêt des recombinants), en complément des tests cutanés avant une désensibilisation. Les acariens figurent au premier rang des allergènes responsables d’asthme(2). D’après l’enquête observationnelle AdArA, près de la moitié des patients allergiques aux acariens ont un asthme(3). Une réponse bronchique retardée s’observe chez 57 % des patients allergiques aux acariens versus 16 % des allergiques au chat et 33 % des allergiques aux graminées (p < 0,01)(4). On dénombre au moins 23 allergènes majeurs d’acariens ; ils ont un effet adjuvant de la réponse immunitaire (et facilitent la réaction IgE-dépendante), une action sur le muscle lisse bronchique et un effet cytotoxique. Pour leur part, les pollens deviennent plus agressifs en raison des facteurs climatiques (durée et intensité de la production pollinique) et de la pollution responsable d’une altération de la clairance muco-ciliaire et d’un effet adjuvant sur la réponse à l’allergène (diesel, ozone). D’autres allergènes comme les blattes ou la moisissure Al ternaria, grands pourvoyeurs d’asthme, sont peu présents en France métropolitaine. Enfin l’allergie alimentaire n’est qu’exceptionnellement responsable d’asthme. Enfin, le nombre de sensibilisations intervient dans le risque de développer un asthme : 17 % des patients sensibilisés à 2 allergènes présentent un asthme et c’est le cas de 44 % de ceux ayant au moins 3 tests cutanés positifs(5). Il existe une corrélation forte entre le nombre de tests cutanés positifs et l’hyperréactivité bronchique(6). Impact de l'allergie dans la prise en charge de l'asthme Face à un asthme allergique, il faut rechercher et traiter une rhinite allergique (RA). En effet celle-ci est responsable de symptômes d’asthme plus sévères, d’un moins bon contrôle de la maladie et de davantage d’exacerbations(7). Traiter la RA améliore le contrôle de l’asthme(8) et réduit le risque d’exacerbations (1,3 % vs 6,6 % ; p = 0,001)(9). Même si l’éviction de l’allergène semble être une mesure de bon sens à prendre, cela n’est pas toujours fait. L’utilisation de housses anti-acariens, de purificateurs d’air, l’éviction d’un tabagisme passif et les conseils d’éducation sont des mesures efficaces qui diminuent la charge allergénique dans l’environnement et les symptômes d’asthme chez l’enfant(10). Quant à la désensibilisation, elle est efficace mais n’a pas de place dans les asthmes sévères. En effet, elle est réservée aux asthmes allergiques de palier 3 ou 4 du GINA avec un VEMS > 70 %. Après un an d’ITA, on observe une réduction significative des doses de CSI(11). Dans le respect de ses indications, l’ITA ne majore pas le risque d’exacerbations asthmatiques et le réduit même d’environ 30 %(12). Phénotyper les asthmes sévères  Une fois le paramètre allergique évalué et pris en compte, le phénotypage des asthmes sévères est essentiel pour décider de la stratégie thérapeutique. Une inflammation T2 est une indication pour initier une biothérapie. En pratique les signes en faveur d’une inflammation T2 sont les suivants : éosinophilie sanguine > 150, fraction exhalée du NO (FeNO) > 20 ou éosinophilie de l’expectoration induite > 2 %. On tiendra également compte de l’existence d’un déterminisme allergénique. Quatre cas de figures se présentent ; il peut s’agir : d’un asthme allergique éosinophilique, d’un asthme allergique non éosinophilique, d’un asthme non allergique éosinophilique ou d’un asthme non allergique non éosinophilique. L’asthme allergique éosinophilique est le plus fréquent des asthmes allergiques sévères ; il peut bénéficier de toutes les biothérapies indiquées dans l’asthme sévère (anti-IgE, anti-IL-5 et anti-IL-5R, anti-IL-4R). Le choix relève d’une discussion collégiale qui s’appuie sur les recommandations de la HAS et la prise en compte de divers cofacteurs (poids de l’allergie, polypose naso-sinusienne, RA, taux d’éosinophiles circulants). L’antiIgE est la biothérapie la plus ancienne. Elle est indiquée sous réserve que le patient ait une sensibilisation dûment prouvée à un allergène perannuel, qu’il ait un taux d’IgE total > 30. La posologie et la fréquence des administrations sont conditionnées par le poids du patient(13). Au-delà de l’éosinophilie, d’autres facteurs sont prédictifs de réponse thérapeutique. L’efficacité de l’anti-IL-5R est d’autant meilleure que le patient est sous CSO, qu’il a une polypose nasale, qu’il a un syndrome obstructif plus marqué, qu’il est exacerbateur fréquent, ou qu’il est un peu plus âgé. Avant 18 ans, on préfère l’anti-IgE. L’asthme allergique non éosinophilique représente 25 % des asthmes allergiques sévères(13). « Et même si cela ne semble pas très logique, le choix se porte sur l’anti-IgE », a précisé M. Migueres. L’asthme éosinophilique non allergique est minoritaire(14). Un anti-IL-5 ou un anti-IL-5R peut être utilisé si le taux d’éosinophiles est > 300 ; on choisira un anti-IL-4R si le taux d’éosinophiles est supérieur à 150 et/ou la FeNO est > 20. Enfin le cas des asthmes sévères non éosinophiliques non allergiques est plus complexe. Il existe une variabilité des phénotypes inflammatoires ; un asthme de type T2 peut apparaître quand la maladie évolue ; il faut donc rechercher régulièrement les stigmates de l’inflammation T2 en renouvelant les hémogrammes (éosinophiles) et la mesure du FeNO. Cependant certains asthmes restent non T2 ; dans ce cas, on n’a pas (pour l’instant) de biothérapies disponibles. On optimise le traitement conventionnel (ajout d’un anticholinergique), et on discute les traitements d’exception (macrolides, thermoplastie, chirurgie bariatrique, voire CSO…). Rappelons que la prescription initiale des biothérapies est hospitalière (que l’établissement soit public ou privé) et que son renouvellement peut être fait en ville.   

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