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COVID-19

Publié le 09 mar 2021Lecture 19 min

Vaccination contre le SARS-CoV-2 : que savons-nous ?

Véronique GODOT, Université Paris-Est Créteil ; VRI (Vaccine Research Institute), Créteil - vaccine-research-institute.fr

Avec presque deux millions de morts dans le monde et un nombre de cas qui ne cesse d’augmenter, la vaccination anti-SARS-CoV-2 est la seule opportunité tangible, via l’immunité de groupe, de bloquer la pandémie de la Covid-19 et de retourner à une vie « normale ». Mieux connaître et comprendre les types de vaccinations possibles permet de prendre part à ce débat sanitaire pour nos patients, nos proches et nous-mêmes. La première partie, plus fondamentale, revient sur les mécanismes de réponse immunitaire au cours d’une vaccination. Il décrit ensuite les différents types de vaccination (ARN, protéines…), les vecteurs utilisables (lipides, adénovirus…) et la nécessité ou non d’adjuvants, ainsi que leurs effets sur l’immunité. La deuxième partie s’intéressera aux différents types de vaccin anti-SARS-CoV-2 déjà à disposition et à leur efficacité clinique. Enfin un aperçu des vaccins à venir clôturera ce chapitre. Pour finir, la troisième partie de l’article reprend les indications de la vaccination, l’efficacité attendue sur les variants et le retour de la pharmacovigilance en France.

Colas TCHÉRAKIAN

Rappels généraux sur la réponse immunitaire anti-infectieuse et l’historique de la vaccination Une réponse immunitaire en deux étapes Au cours de l’histoire naturelle d’une infection microbienne, qu’elle soit d’origine virale ou bactérienne, l’intrus est rapidement détecté par notre système immunitaire. La rencontre aboutit à l’activation des cellules de l’immunité innée en première ligne. Les neutrophiles, les monocytes/macrophages et les cellules dendritiques phagocytent le pathogène selon des modalités intrinsèques. Ils l’encerclent, l’avalent et le digèrent afin de circonscrire l’infection. C’est une course comme la montre qui s’engage entre les virus et les bactéries dont la croissance ou prolifération est rapide et nos cellules immunitaires innées. La réponse immunitaire adaptative se met en place lorsque notre immunité innée est dépassée et ne parvient pas à juguler l’infection. L’immunité innée passe en quelque sorte le relais à une deuxième ligne de défense, les lymphocytes T (CD4 et CD8) et B dont la force de frappe est plus chirurgicale. L’activation et la prolifération des lymphocytes capables de reconnaître l’intrus prend plusieurs jours, entre une et deux semaines selon le type cellulaire. Pendant ce laps de temps, l’intrus prolifère et inflige des dégâts à notre organisme. C’est ce délai que cherchera à raccourcir la vaccination. Après leur activation, les lymphocytes T CD4 (ou T4) produiront des médiateurs solubles, véritables guides et potentialisateurs des réponses immunitaires. Les lymphocytes B sous l’action de ces guides produisent des anticorps aux pouvoirs neutralisants ou opsonisants. Les premiers se fixent sur les virus et empêchent leur entrée dans nos cellules. Les seconds recouvrent le pathogène et le rendent plus visibles pour nos cellules phagocytaires. L’intrus est ainsi détruit plus rapidement. Les lymphocytes T CD8 (T8) antiviraux éliminent nos cellules infectées et limitent ainsi la propagation des virus (figure 1). Figure 1. Rappels généraux sur la réponse immunitaire anti-infectieuse. Une réponse immunitaire en deux étapes. Après la résolution de l’infection et une phase de réparation, notre organisme conserve une fraction de lymphocytes T et B mémoires. Ces cellules mémoires seront capables de reconnaître le même intrus lors d’une nouvelle infection. Ils seront plus rapidement activés et fonctionnels qu’au cours de la première rencontre. Notre organisme gagne un temps précieux dans la lutte anti-infectieuse grâce à cette propriété anamnestique des lymphocytes. La vaccination consiste à générer des lymphocytes T et B mémoires anti-infectieux à faible coût pour notre organisme. Elle aide notre organisme à réagir rapidement en cas d’infection et limite ainsi la propagation des virus ou bactéries et les dégâts causés par l’infection. Historique de la vaccination et mécanismes déclenchés par les différents modes vaccinaux Il faut au cours de la vaccination reproduire l’histoire naturelle de la maladie infectieuse et aboutir à l’activation des lymphocytes mémoires sans pour autant déclencher une maladie. Plusieurs stratégies permettent de « débarrasser » les produits microbiens contenus dans les vaccins de leur pouvoir pathogène (figure 2). Figure 2. Les différentes catégories de vaccins. Vaccination par micro-organismes vivants atténués : une réponse puissante et persistante Le vaccin ROR est composé de virus vivants atténués de la rougeole, des oreillons et de la rubéole. Le BCG, le vaccin antivariolique, les vaccins contre la fièvre jaune et les rotavirus utilisent également des virus vivants atténués. Cette première approche a l’avantage d’être très immunogène (active de fortes réponses immunitaires) mais est déconseillée chez les personnes immunodéprimés. Autre inconvénient, l’atténuation d’un pathogène est un processus long obtenu après des transferts successifs du pathogène dans des hôtes autres que l’être humain. Le virus mute pour s’adapter à son nouvel hôte. Il conserve sa capacité de réplication mais perd sa virulence. Le revers de la médaille est que ces microorganismes sont de fait contre-indiqué chez l’immunodéprimé, car ces pathogènes atténués peuvent donner d’authentiques maladies s’ils ne sont pas contrôlés par le système immunitaire. Vaccination par micro-organismes inertes et fragments protéiques : faciles à produire, sans risque mais moins immunogènes L’essor de la microbiologie et l’identification des agents pathogènes a fait progresser la vaccinologie vers le développement de vaccins inertes composés de pathogènes tués. Le vaccin contre la poliomyélite et le vaccin contre l’hépatite A sont des exemples de vaccins « inactivés ». Ils induisent des réponses immunitaires moins fortes que les vaccins « vivants atténués » mais leur production est plus aisée. Des injections de rappel de ces vaccins tués sont nécessaires afin de maintenir (de conserver) le pool de lymphocytes mémoires. Une nouvelle étape décisive dans la vaccinologie est marquée par l’avènement du génie génétique et notre capacité à produire de façon illimitée des fragments microbiens identifiés en amont comme étant des cibles préférentielles de notre système immunitaire. Des vaccins à sous-unités protéiques sont ainsi produits comme le vaccin contre l’hépatite B composé de protéines de surface du virus, le vaccin contre les infections à papillomavirus humain ou encore le vaccin conjugué antipneumococcique qui associe un polysaccharide (glucide) bactérien et une protéine. La synthèse artificielle des sous-unités microbiennes ou antigènes microbiens utilise des systèmes d’expression comme des cellules d’insectes, des levures dans lesquelles nous introduisons le gène codant pour le fragment microbien sous le contrôle de systèmes adéquats. La protéine est ensuite produite en grande quantité puis purifiée avant d’être utilisée dans la composition des vaccins. La vaccination à ADN ou ARN On fournit le plan pour la production de la protéine du pathogène, notre corps fait le reste. Une production industrielle rapide, une réponse immunitaire personnalisée mais le choix du transporteur d’ARN/ADN est crucial et la conservation compliquée. Dans la vaccination à ADN ou à ARN (vaccins à acides nucléiques), l’étape d’expression de l’antigène microbien s’effectue directement dans les cellules de l’organisme vacciné après l’inoculation du gène codant l’antigène avec son système de régulation. • Quels avantages à l’utilisation d’ARNm ? Une partie de l’avantage de la vaccination ARNm repose de la découverte des récepteurs Toll-Like ou TLR. Cette découverte a fait l’objet du prix Nobel 2001 attribué au Français Jules Hoffmann et à l’Américain Bruce Beutler. Ces récepteurs reconnaissent des motifs moléculaires présents dans le génome des pathogènes, en particulier le TLR7 et le TLR8 sont spécifiquement activés par les virus à ARN monocaténaire (comme le SARS-CoV-2) et les ARN messagers synthétiques (vaccination ARN). L’activation directe de ces TLR par l’ARNm du pathogène va entraîner une stimulation des cellules initiant la réponse immunitaire (les cellules dendritiques) à la façon d’un adjuvant « naturel » et déclencher ce que les immunologistes appellent un signal de danger. De plus l’ARNm une fois introduit dans la cellule va permettre la production d’une protéine virale (et non du virus en entier), que votre cellule va découper en petit morceaux, morceaux présentés ensuite au système immunitaire (les lymphocytes CD8+). L’avantage ici est que votre organisme choisit le morceau de protéine qui lui semble le plus efficace pour s’immuniser. Lorsqu’on vous vaccine avec des peptides exogènes, on choisit pour vous les morceaux qui conviennent à la plupart des individus, c’est moins personnalisé. • Comment transporter le gène viral dans nos cellules ? Toute la difficulté est d’emmener le gène dans votre cellule en entier et fonctionnel. Car votre organisme essaie justement de se débarrasser des ARN étrangers pour éviter de se faire infecter. Le gène à inoculer peut être véhiculé dans nos cellules soit à l’aide de vecteurs viraux non virulents, soit de vecteurs lipidiques. Le vaccin contre Ebola utilise le virus de la stomatite vésiculaire (VSV) rendu inoffensif dans lequel est inséré le gène (ADN) codant la glycoprotéine d’enveloppe d’une souche du virus afin de transporter le gène dans nos cellules. Les vésicules lipidiques quant à elles pourront fusionner avec les lipides de notre membrane cellulaire et déverser l’ARN dans la cellule. • La vaccination à ARN contre la Covid-19 Il n’y a pas de précédent dans la vaccination à ARN, à l’échelle industrielle, en dehors de la vaccination contre la Covid-19. C’est l’ARN codant la protéine spike (S) du virus SARS-CoV-2 qui a été sélectionné dans ces vaccins. Cette protéine S est la clef qui permet au virus SARS-CoV-2 de pénétrer dans nos cellules afin de produire de nouvelles particules virales. Elle est la cible préférentielle des premiers vaccins produits contre la Covid-19. Ici l’objectif est d’activer, dans l’organisme vacciné, la production d’anticorps dirigés contre la protéine S virale. L’inconvénient de ces vaccins à ARN est leur mode de conservation à des températures très basses, -20°C ou -70°C selon le type de vaccin. À ce jour, trois vaccins contre la Covid-19 ont obtenu une autorisation de mise sur le marché en France par l’ANSM (l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé). Il s’agit des vaccins à ARN (indiqués dans le texte par ordre alphabétique) Comirnaty (de Pfizer et BioNtech) et Moderna COVID-19 mRNA (produit par la firme éponyme Moderna) et du vaccin AstraZeneca/ChAdOx1-S fruit d’une collaboration entre AstraZeneca et l’université d’Oxford (Royaume-Uni). Le choix des deux premières firmes s’est porté sur l’utilisation de vecteurs lipidiques pour encapsuler l’ARN, tandis qu’AstraZeneca utilise un vecteur viral (un adénovirus du chimpanzé non réplicatif) qui renferme le gène codant la protéine S du virus SARS-CoV-2. Ces particules nanolipidiques (LNP) qui encapsulent l’ARN sont très importantes, car en plus du rôle de vecteur elles exercent un rôle de signal danger via les TLR et stimulent la réponse immunitaire comme le ferait un adjuvant. L’adénovirus a également ce double rôle de transporteur et d’activateur du système immunitaire. Production des vaccins : quelles étapes ? La production de ces vaccins s’est faite en un temps record grâce à la mobilisation à l’échelle mondiale des acteurs de la recherche académique avec l’identification du virus SARS-CoV-2, le séquençage de son génome et l’étude des réponses immunitaires chez les patients en cours d’infection ou convalescents, les partenaires privés et les autorités sanitaires et selon un processus rigoureux immuable (figure 3). Figure 3. De la découverte d’un pathogène infectieux à la production d’un vaccin. L’immunogénicité des candidats vaccins (leur capacité à activer des réponses immunitaires) est évaluée sur des cellules en culture dans un premier temps. Si les tests in vitro sont concluants, l’évaluationse poursuit chez l’animal, la souris en général puis le singe. À l’issue de ces tests précliniques, seuls les candidats vaccins qui ont démontré leur innocuité et leur efficacité à protéger les animaux contre l’infection sont testés chez l’Homme dans des essais cliniques de phase 1. La vaccination d’un nombre limité de volontaires en bonne santé permet d’évaluer les effets secondaires des candidats vaccins et de déterminer le dosage le plus efficace pour induire des réponses immunitaires comme la production d’anticorps. Si les données obtenues sont concluantes, le candidat vaccin est testé à une plus large échelle dans un essai clinique de phase 2. Plusieurs centaines ou milliers de volontaires sont vaccinés. Leur réponse immunitaire est suivie pendant plusieurs mois et en parallèle sont répertoriés les effets secondaires. C’est également au cours des essais cliniques de phase 2 que le schéma vaccinal (nombre de doses, intervalle entre les doses) est précisé. Cette nouvelle étape franchie, l’efficacité des candidats vaccins est évaluée dans les essais cliniques de phase 3. Plusieurs milliers de volontaires reçoivent le vaccin ou un placebo selon un processus de randomisation automatisé. Afin d’éviter de biaiser les résultats de l’étude, les volontaires et les scientifiques ignorent quelles sont les personnes inoculées avec le candidat vaccin ou le placebo. Le nombre d’individus infectés ainsi que les effets indésirables rares (détectables grâce au suivi de milliers d’individus) sont comptabilisés dans les deux groupes (vaccin contre placebo) au terme de l’essai clinique de phase 3. Les vaccins anti-SARS-CoV-2 disponibles à ce jour Vaccin Comirnaty de Pfizer-BioNTech L’efficacité du vaccin Comirnaty de Pfizer et BioNtech (BNT162b2 mRNA) contre la Covid-19 a été évaluée dans un essai clinique de phase 3 comprenant 43 548 volontaires âgés de 16 à 85 ans et recrutés aux États-Unis, en Argentine, au Brésil, en Allemagne, en Afrique du Sud et en Turquie. La moitié des participants a reçu le vaccin l’autre le placebo (ratio 1:1). Le schéma vaccinal consiste en deux injections intramusculaires de vaccins (30 microgrammes de BNT162b2 mRNA) ou du produit placebo à 21 jours d’intervalle. Les volontaires seront suivis pendant 24 mois (numéro d’enregistrement de l’essai clinique sur le site ClinicalTrials.gov : NCT04368728). Les résultats d’une première analyse à court terme, au vu de l’urgence sanitaire, ont été publiés dans la revue scientifique The New England Journal of Medicine (Polack FP et al. N Engl J Med 2020). Une infection à SARS-CoV-2 symptomatique a été constatée chez 8 participants du groupe vaccin et 162 volontaires du groupe placebo, tout âge confondu, soit une efficacité du vaccin de 95 %. Lorsque l’analyse ne prend en compte que les volontaires âgés de plus de 65 ans dans les deux groupes, l’efficacité vaccinale atteint 94,7 % et 100 % chez les participants de plus de 75 ans. Un cas grave de Covid-19 a été observé dans le groupe vaccin contre 9 cas répertoriés dans le groupe placebo. L’article détaille la fréquence des effets secondaires locaux ou systémiques pour chaque symptôme dans le groupe vaccin et le groupe contrôle mais ne donne pas de chiffre global, c’est-à-dire de pourcentage de volontaires ayant déclaré au moins un effet secondaire local ou systémique ce qui complique l’analyse de ces données. Les effets secondaires locaux répertoriés, après la première dose sont par exemple une douleur au point d’injection (chez 83 % des participants du groupe vaccin âgés de moins de 55 ans contre 14 % des volontaires du groupe placebo de la même tranche d’âge et 71 % chez les plus de 55 ans contre 9 % dans le groupe placebo), une rougeur, un gonflement chez 5 à 6 % des participants du groupe vaccin quel qu’en soit l’âge. La fréquence des effets secondaires locaux n’augmente pas après la seconde injection de vaccin. Les principaux effets secondaires systémiques répertoriés chez les participants des deux groupes sont une fatigue chez 59 % des volontaires âgés de 18 à 55 ans et après la 2edose de vaccin (contre 23 % dans le groupe placebo), des maux de tête (52 % versus 24 %), des frissons (35 % versus 4 %), des diarrhées (10 % versus 8 %), des myalgies (37 % versus 8 %) et des douleurs articulaires (22 % versus 5 %). Dans le groupe vaccin, les effets secondaires, qu’ils soient locaux ou systémiques, sont moins fréquemment observés chez les participants âgés de plus de 55 ans. La fréquence de ces symptômes augmente après la deuxième injection de vaccin. Un cas de lymphadénopathie axillaire droite, un cas d’arythmie ventriculaire paroxystique et un cas de paresthésie de la jambe droite ont été répertoriés dans le groupe vaccin. Par ailleurs, une incidence de 11,1 cas d’allergie par million de doses a été calculée par le CDC (après la vaccination aux États- Unis de 1 893 360 individus) dont des cas d’anaphylaxie et de réactions allergiques (prurit, rash, picotements de la gorge, signes respiratoires modérés) survenues en moyenne 13 minutes après la vaccination (Shimabukuro T et Nair N. JAMA 2021). L’incidence des réactions anaphylactiques provoquées par le vaccin Comirnaty est supérieure à celle qui est observée pour la majorité des autres vaccins, de l’ordre de 1,31 par million de doses (McNeil MM et al. J Allergy Clin Immunol 2016) (figure 4). Figure 4. Vaccin Comirnaty : incidence de 11,1 cas d’allergie par million de doses. Moderna COVID-19 mRNA (nucleoside modified) L’efficacité du vaccin ARNm Moderna (mRNA 1273) contre la Covid-19 a été évaluée dans un essai clinique de phase 3 comprenant 30 420 volontaires âgés de 18 ans à plus de 65 ans et recrutés aux États-Unis. La moitié des participants a reçu le vaccin l’autre le placebo (ratio 1:1). Le schéma vaccinal consiste en deux injections intramusculaires de vaccins (100 microgrammes de mRNA-1273) ou du produit placebo à 28 jours d’intervalle. Les volontaires seront suivis pendant 24 mois (numéro d’enregistrement de l’essai clinique sur le site ClinicalTrials.gov : NCT04470427). Les résultats d’une première analyse à court terme ont été publiés dans la revue scientifique The New England Journal of Medicine (Baden LR et al. N Engl J Med 2021). Une infection à SARS-CoV-2 symptomatique a été constatée chez 11 participants du groupe vaccin et 185 volontaires du groupe placebo, tout âge confondu, soit une efficacité du vaccin de 94,1 %. Lorsque l’analyse ne prend en compte que les volontaires âgés de plus de 65 ans dans les deux groupes, l’efficacité vaccinale atteint 86,4 %. Aucun cas grave de Covid-19 n’a été observé dans le groupe vaccin contre 30 cas répertoriés dans le groupe placebo. Les effets secondaires locaux (au site d’injection) sont observés, après la première dose, chez 84,2 % des volontaires du groupe vaccin contre 19,8 % des participants du groupe placebo et augmentent après la seconde injection. Il s’agit pour la majorité des cas répertoriés de douleurs au site d’injection, moins fréquemment d’érythème ou de gonflements locaux et plus rarement de lymphoadénopathies. Les effets secondaires systémiques ne diffèrent pas entre les deux groupes après la première injection. En revanche, l’écart se creuse après la deuxième injection. De la fièvre, des maux de tête, une fatigue et des myalgies sont décrits par 79,4 % des volontaires du groupe vaccin contre 36,5 % des individus du groupe placebo. Une paralysie faciale périphérique aiguë (paralysie de Bell) a été signalée chez trois volontaires du groupe vaccin et un volontaire du groupe placebo, ce qui nécessitera une surveillance particulière dans les futures analyses. Une incidence de 2,5 cas d’allergie par million de doses a été calculée par le CDC (après la vaccination aux États-Unis de 4 041 396 individus) principalement des cas d’anaphylaxie observés chez des femmes dont la moitié seulement avaient déjà des antécédents connus d’anaphylaxie. Des cas d’allergie non anaphylactique ont également été rapportés et se sont manifestés plus de 30 minutes après la vaccination (figure 5). Figure 5. Vaccin Moderna COVID-19 mRNA : incidence de 2,5 cas d’allergie par million de doses. AstraZeneca Oxford AZD1222 L’efficacité du vaccin AstraZeneca/ChAdOx1-S (AZD1222) contre la Covid-19 a été évaluée initialement chez 23 848 volontaires âgés de 18 ans à plus de 70 ans répartis dans trois essais cliniques indépendants réalisés au Royaume-Uni, au Brésil et en Afrique du Sud. La moitié des participants a reçu le vaccin AstraZeneca/ChAdOx1-S (n = 12 082), l’autre moitié un placebo ou un vaccin contrôle, le vaccin méningococcique conjugué tétravalent A,C,W,Y (MenACWY, n = 11 768). Le schéma vaccinal consiste en deux injections intramusculaires à 28 jours d’intervalle du vaccin AstraZeneca/ChAdOx1-S (5x10^10 particules virales) ou des produits contrôles. Toutefois, au cours de l’essai réalisé au Royaume-Uni, 1 367 volontaires ont reçu une première dose de vaccin AstraZeneca/ChAdOx1-S inférieure à la dose prévue initialement (soit 2,2x10^10 particules virales). De plus, l’intervalle entre les deux injections était compris entre 6 et 12 semaines pour 8 236 volontaires (4 105 dans le groupe vaccin et 4 131 dans le groupe placebo/ contrôle). Les participants sont suivis pendant 12 mois (numéros d’enregistrement des essais cliniques sur le site ClinicalTrials.gov : NCT04324606, NCT04400838, et NCT04444674). Les résultats de la première analyse à court terme a inclus 11 636 participants âgés de 18 à 55 ans (5 807 volontaires dans le groupe vaccin et 5 829 dans le groupe placebo/ MenACWY) pour certains paramètres et la totalité des volontaires pour d’autres paramètres. Les données de l’analyse intermédiaire ont été publiées dans la revue scientifique The Lancet (Ramasamy MN et al. The Lancet 2020). Une infection à SARS-CoV-2 symptomatique a été constatée chez 30 participants du groupe vaccin et 101 volontaires du groupe placebo/MenACWY, soit une efficacité du vaccin de 70,4 %. La répartition des cas de Covid-19 au sein des volontaires du groupe vaccin est de 3 cas parmi les individus vaccinés avec une première dose faible de vaccin et 27 cas parmi ceux vaccinés avec la dose standard de vaccin soit une efficacité vaccinale de 62,1 % dans ce groupe. Aucun cas grave de Covid-19 n’a été observé dans le groupe vaccin contre 2 cas répertoriés dans le groupe placebo/MenACWY. Les effets secondaires répertoriés de manière exhaustive dans l’article sont décrits chez 79 % des participants du groupe vaccin et 89 % du groupe placebo/MenACWY. La survenue de trois cas de myélite transverse, deux dans le groupe vaccin et un dans le groupe placebo/ MenACWY nécessitera là aussi une surveillance particulière dans les futures analyses (figure 6). Figure 6. Vaccin AstraZeneca/ChAdOx1-S.   Données additionnelles Si la méthodologie de ce papier princeps est tout à fait critiquable, il a permis de montrer qu’il y avait un effet dose et surtout un impact du moment où il fallait administrer la deuxième dose. En effet on constate une diminution de la protection si la deuxième dose est injectée trop tôt. D’autre part, bien que cette première étude ait été peu convaincante, le gouvernement britannique a largement vacciné sa population permettant d’obtenir des résultats secondaires. Que dit la biologie ? On obtient une réponse avec anticorps neutralisants et réponse cellulaire également (dès J14) chez tous les participants après la deuxième dose (Folegatti PM et al. Lancet 2020). Que dit la clinique ? Une nouvelle analyse montre très clairement un effet d’anergie en cas de revaccination trop précoce. L’anergie se traduit par la baisse de réaction à un antigène. Ce mécanisme d’anergie a été rapporté pour d’autres vaccins, comme le pneumovax où une revaccination trop rapprochée entraîne une baisse de production d’anticorps. Et de fait plus l’espacement est important entre deux doses, plus l’efficacité augmente. Ainsi, le simple fait d’espacer la deuxième injection de vaccin ChAdOx1 nCoV-19 permet d’augmenter son efficacité. Quand on reprend l’analyse des premières données (les plus mauvaises avec une réponse à 63 % globale), il s’avère qu’on atteint une protection de 55 % si vous revaccinez à moins de 6 semaines alors que pour les patients ayant reçu (par erreur) leur dose trop tard (> 12 semaines) la protection augmentait à 81 % ! (Lancet 2021) Que dit l’étude « dans la vraie vie » ? Dans l’étude dite « écossaise », le gouvernement écossais a évalué l’efficacité prospective de la vaccination dans toute la population écossaise (> 99 %, soit 5,4 millions de sujets). Ce travail prospectif est remarquable. Il en ressort qu’après une première dose du vaccin Cominraty le risque d’hospitalisation à 30 jours est diminué de 85 %. Pour le ChAdOx1 d’AstraZeneca c’est une diminution des hospitalisations de 94 % à 30 jours. Plus intéressant encore, cette diminution atteint plus de 80 % pour les plus de 80 ans (Vasileiou E et al. Lancet 2021 preprint). Vaccins à venir D’autres vaccins contre la Covid-19 sont cours d’évaluation ou ont déjà été autorisés dans d’autres pays. Au total et à la date du 10 février 2021, 23 vaccins sont en cours d’évaluation dans des essais cliniques de phase 1, 36 dans des essais cliniques de phase 2, 20 dans des essais de phase 3 et 8 autres vaccins ont été approuvés par les autorités sanitaires dans au moins un pays autre que la France. Les vaccins cités comme exemple ci-dessous ont été choisis du fait de la particularité de leur composition, comparé aux vaccins déjà sur le marché en France, la population vaccinée ou leur schéma vaccinal. • Le vaccin NVX-CoV2373 de Novavax est un vaccin à sous-unité protéique. Il est composé de la protéine S du SARS-CoV-2 et d’un adjuvant. Ce vaccin est testé dans un essai clinique de phase 3 avec 15 000 participants âgés de 18 ans à 84 ans. La société qui produit le vaccin annonce une efficacité du vaccin contre le variant « anglais » et « sud-africain » (deux formes mutées du virus). Ces données n’ont pas encore été publiées dans une revue scientifique et par conséquent n’ont pas encore été évaluées (ou sont en cours d’évaluation) par la communauté scientifique. • Le vaccin Janssen Ad26COV2.S Covid produit par la filiale pharmaceutique de Johnson & Johnson est un vaccin à vecteur viral (de type adénovirus) qui renferme le gène codant la protéine S du virus SARS-CoV-2. L’efficacité de ce vaccin est en cours d’évaluation dans un essai clinique de phase 3. L’essai a démarré au mois de septembre 2020 et inclus 60 000 volontaires âgés de 18 ans à plus de 60 ans. Le schéma vaccinal comprend une seule injection de vaccin inoculée par voie intramusculaire (numéro d’en registrement de l’essai clinique sur le site ClinicalTrials.gov : NCT04505722). Les résultats de cette étude font l’objet d’une communication de la part de la firme Johnson & Johnson. Ces données n’ont pas encore été publiées dans une revue scientifique. • Le vaccin GamCOVIDVac (ou Sputnik V de Gamaleya) utilise deux vecteurs viraux différents. La première dose du vaccin est un adénovirus 26 codant la protéine S. La deuxième dose, administrée à 21 jours d’intervalle, est un adénovirus 5 codant également la protéine S. Cette stratégie permet de réduire l’immunité contre le vecteur viral après l’injection de rappel. Les données de l’essai clinique de phase 3 (n = 14 964 volontaires dans le groupe vaccin et 4 902 dans le groupe placebo ; ratio 3:1 ; âge > 18 ans) viennent d’être publiées dans la revue The Lancet (Logunov DY et al. The Lancet 2021) et indiquent une efficacité vaccinale de 91,6 %, tout âge confondu, et 91,8 % chez les volontaires de plus de 60 ans. • Le vaccin Coronavac inactivé (à base de virus tué) contre la Covid-19 produit par la société Sinovac Life Sciences a été approuvé par les autorités sanitaires dans 5 pays (le Brésil, la Chine, l’Indonésie, la Turquie et le Chili). Ce vaccin est en cours d’évaluation dans un nouvel essai clinique de phase 3 (numéro d’enregistrement de l’essai clinique sur le site ClinicalTrials.gov : NCT0445659) où deux doses de vaccin ont été administrées par voie intramusculaire à des patients atteints de la Covid-19. Les inclusions dans l’essai se sont terminées au mois d’octobre 2020. Voir aussi l'article complémentaire à cette mise au point : Objectifs, indications et effets secondaires de la vaccination par Colas TCHÉRAKIAN

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