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Allergologie

Publié le 09 mar 2021Lecture 6 min

Les allergènes, que faut-il penser de leur présence dans les cosmétiques ?

Céline COUTEAU, Laurence COIFFARD, Université de Nantes

L’incorporation d’un parfum dans un cosmétique est chose courante. Ce type d’additif permet de rendre attractifs les produits en question et constitue une signature olfactive pour les sociétés concernées. Qui dit parfum dit toutefois aussi, bien souvent, allergènes. Ces molécules, à déclaration obligatoire au niveau des emballages cosmétiques depuis 2003, font l’objet de questions de la part du consommateur qui ne sait plus trop bien quoi penser de ceux-ci. Les professionnels de santé ont besoin d’informations fiables afin de pouvoir évaluer les risques en fonction des ingrédients.

Un cosmétique, une somme d'ingrédients Un cosmétique est constitué par l’association de trois catégories d’ingrédients : les actifs, les excipients et les additifs. Les excipients représentent le corps de la formule. Ils sont incorporés à un pourcentage élevé et permettent d’améliorer l’application au niveau de la peau, des muqueuses ou des cheveux. Les actifs sont responsables de l’action revendiquée (effet hydratant, amincissant, protecteur vis-à-vis des UV…). Les additifs, enfin, permettent d’assurer une bonne conservation pendant le délai d’utilisation du produit, de moduler la consistance du produit et d’en améliorer les caractères organoleptiques le rendant ainsi plus attractif pour nos sens. Les gélifiants permettent d’augmenter la viscosité de la préparation. Les tensioactifs sont indispensables afin de réaliser des émulsions stables dans le temps. Les colorants, les parfums, les édulcorants et les arômes sont ajoutés aux formules afin de les rendre agréables à l’œil, à l’odorat et au goût. Pour réaliser un cosmétique, il est nécessaire de connaître parfaitement leurs caractéristiques physico-chimiques et de maîtriser la réglementation. Un certain nombre d’ingrédients sont interdits (ils sont regroupés en annexe II du Règlement [CE] n°1223/2009), d’autres sont autorisés sous conditions. L’annexe III regroupe les « substances que les produits cosmétiques ne peuvent contenir en dehors des restrictions prévues », l’annexe IV établit la « liste des colorants que peuvent contenir les produits cosmétiques », l’annexe V, la « liste des agents conservateurs admis dans les produits cosmétiques », et l’annexe VI, la « liste des filtres ultraviolets admis dans les produits cosmétiques ». Ces listes sont amenées à être modifiées au fil du temps en fonction des connaissances nouvelles acquises. En 2003 (directive 2003/15/CE), 26 allergènes ont fait leur entrée en annexe III avec l’obligation de faire état de leur présence dès lors que leur concentration est supérieure à 0,001 % dans les produits sans rinçage et 0,01 % dans les produits destinés à être rincés. En août 2017, l’un de ces allergènes, le Lyral®, est interdit par le Règlement (UE) 2017/1410. Les allergènes à déclaration obligatoire, quels sont-ils ? Quels sont les parfums associés ? Du numéro d’ordre 67 (Amylcinnamal) au numéro d’ordre 92 (Evernia furfuracea extract) de l’Annexe III du Règlement (CE) no 1223/2009 sont indiqués les 25 allergènes devant être mentionnés dans la liste des ingrédients des cosmétiques en comportant. Les parfums associés sont le plus souvent des parfums floraux. Le parfum de rose est certainement le parfum le mieux représenté, puisque cinq allergènes à déclaration obligatoire possèdent des notes florales s’y rapportant. De la coumarine à la très agréable odeur de foin coupé chaude et tenace retrouvée dans la nature dans la fève tonka, au carbonate de méthyl-heptine à l’odeur de violette, obtenu par voie de synthèse depuis le début du XXe siècle, ces allergènes constituent une ressource importante pour le parfumeur (tableau 1). Les allergènes à déclaration obligatoire, quels taux de sensibilisation ?  Afin de pouvoir choisir les cosmétiques du quotidien en toute connaissance de cause, il est indispensable de connaître le pouvoir allergisant des allergènes à déclaration obligatoire. Dans la littérature scientifique, on peut trouver les résultats d’un très grand nombre d’études cliniques réalisées sur des échantillons de tailles très variables. Afin de classer les allergènes de la manière la plus objective possible, nous n’avons retenu pour notre part que les études portant sur des échantillons d’individus de taille « raisonnable » (tableau 2). On notera le cas particulier du linalol et du limonène qui sont considérés comme des pré-haptènes dans la mesure où leur oxydation par l’oxygène de l’air avec formation d’hydroperoxydes potentialise leur effet allergisant. On remarquera que les mousses d’arbre considérées comme très allergisantes ne présentent pourtant pas le taux de sensibilisation le plus élevé. Leur caractère allergisant devrait encore diminuer du fait de l’interdiction de deux molécules se formant par décomposition. En effet, l’atranol et le chloroatranol ont rejoint la liste des substances interdites dans les cosmétiques (Règlement [UE] no 2017/1410 de la Commission du 2 août 2017 modifiant les annexes II et III du règlement [CE] no 1223/2009 du Parlement européen et du Conseil relatif aux produits cosmétiques). Le parfumeur y perd en saveur (la mousse d’arbre sans ces ingrédients perd en caractère iodé, marin), le consommateur y gagne en innocuité. Dans le classement effectué restent trois absents. Il s’agit du salicylate de benzyle, le carbonate de méthyl-heptine et le Lilial®. Selon l’échantillon considéré, on pourra considérer le salicylate de benzyle comme un allergène fort (6,13 % pour un échantillon composé de 1 255 sujets) ou comme un ingrédient parfaitement bien toléré (aucun cas de sensibilisation pour un échantillon composé de 10 538 sujets). Pour le carbonate de méthyl-heptine, il est impossible de trouver des études réalisées à grande échelle. Seuls quelques cas cliniques sont évoqués. On peut citer le cas, rapporté en 1935, d’une personne allergique à son rouge à lèvres ou bien le cas d’une laborantine ayant développé une maladie professionnelle à cet allergène en 1988. Le carbonate de méthylheptine est considéré de manière arbitraire comme un « sensibilisant fort ». Le Lilial® ou butylphényl méthylpropional, enfin, est considéré comme un agent « faiblement », voire « très faiblement sensibilisant » ; un taux de sensibilisation de 1 % est pourtant avancé sans pour autant apporter de précision en matière de taille d’échantillon. Les allergènes autres que les « 25 à déclaration obligatoire »   Le risque d’allergie lorsque l’on utilise un cosmétique n’est jamais nul. Si l’on pense, généralement, en tout premier lieu au parfum, il n’en reste pas moins de nombreux autres ingrédients possédant, eux aussi, un caractère sensibilisant. On pensera ainsi à certaines matières premières telles que la lanoline et le baume du Pérou qui ont progressivement été éliminées des compositions cosmétiques. La méthylisothiazolinone et la méthylchloroisothiazolinone, avec des taux de sensibilisation de 3 à 8 % selon les études considérées, sont regardées comme des conservateurs antimicrobiens très allergisants et ont été intégrées à ce titre dans la batterie standard européenne (BSE). Les phénomènes allergiques observés avec ces ingrédients sont prévisibles et connus. Très utilisés dans les années 1980, ces conservateurs avaient été abandonnés pour des raisons liées à leur mauvaise tolérance. La polémique concernant les parabens, en faisant ressortir du placard ces conservateurs volontairement oubliés, a provoqué ce que certains ont appelé de manière imagée des « épidémies d’allergie ». Les allergènes dans les cosmétiques maison Sur la toile circulent de nombreuses recettes de cosmétiques toutes moins sûres les unes que les autres. Les huiles essentielles, pourvoyeuses d’allergènes, sont présentes dans la grande majorité des cas. Contrairement à l’industriel qui contrôle l’identité et la qualité des matières premières utilisées, la consommatrice devra faire confiance, les yeux fermés, à la société qui lui livre les ingrédients dont elle a besoin pour mettre au point sa crème hydratante ou sa crème solaire. Connaissant l’implication des produits d’oxydation dans les réactions allergiques, on ne peut que tirer la sonnette d’alarme quant à la pratique de ce type de loisir ! Conclusion • En pratique on retiendra que le risque zéro n’existe pas, dans le domaine cosmétique, en matière d’allergie. • Afin de pouvoir comparer les ingrédients en matière d’effet allergisant, il est indispensable de disposer de résultats obtenus sur des échantillons de grande taille. • À partir de ces résultats, il sera alors possible d’évaluer le risque encouru.   Nous encourageons le lecteur à lire les Regards consacrés à chacun des 25 allergènes ; ceux-ci sont consultables sur le site : https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr

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