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Thérapeutique

Publié le 15 aoû 2016Lecture 8 min

Quel traitement antalgique à domicile après amygdalectomie de l’enfant ?

D. GALLAS, Goupe hospitalier public du sud de l’Oise, Senlis-Creil

L'amygdalectomie est une des interventions les plus fréquemment réalisées chez l'enfant. Elle concerne principalement une population pédiatrique jeune, avec très majoritairement une indication opératoire de désobstruction dans le cadre de SAOS (syndrome d’apnée obstructive du sommeil), et beaucoup plus accessoirement des angines à répétition. Elle s’accompagne d’une douleur d’intensité variable survenant principalement dans la première semaine post-opératoire.

Constituée d’un fond permanent, la douleur présente des paroxysmes lors de la déglutition par mise en tension et spasmes des muscles pharyngés et des piliers du voile du palais, et par irritation des terminaisons nerveuses lors du passage des aliments sur la zone laissée cruentée. L’antalgique de référence de niveau 2, en plus du paracétamol, était jusqu’en 2013 la codéine pour la période post-amygdalectomie à domicile.   Métabolisme de la codéine La codéine est transformée en morphine par une enzyme hépatique, le cytochrome P450 CYP2D6, dont l’activité est extrêmement variable d’un individu à l’autre. Il existe donc un risque important et non prévisible (en dehors d’analyses de profil pharmaco-génétique non pratiquées en routine), chez les métaboliseurs rapides CYP2D6 de « bolus » de morphine, de toxicité avec dépression respiratoire, particulièrement en cas de syndrome d’apnée du sommeil. La prévalence estimée des métaboliseurs rapides est évaluée de 1 à 2 % chez les Nord-Européens et les Asiatiques, de 3,5 à 6,5 % chez les Caucasiens et les Afro-Américains, jusqu’à 29 % chez les Éthiopiens. Il existe par ailleurs des métaboliseurs lents (4 à 6 % suivant les ethnies), chez qui la codéine est peu ou nullement efficace. Par ailleurs, le phénotype CYP2D6 peut changer au cours de la vie, de l’âge, de l’alimentation, d’interactions médicamenteuses et du régime alimentaire.   Amygdalectomie et codéine Une revue de la littérature médicale(1) concernant les décès ou les dépressions respiratoires publiés ou signalés à la FDA entre 1969 et mai 2012, chez des enfants de 21 mois à 9 ans ayant reçu de la codéine aux doses appropriées, recense 10 décès et 3 dépressions respiratoires. Parmi ces 13 cas, 8 venaient de subir une amygdalectomie. Parallèlement, une enquête interne de l’AAOHNS(2) retrouve 2 décès chez des enfants amygdalectomisés et traités par paracétamol et codéine pour syndrome d’apnée obstructive du sommeil. En 2013, la FDA relayée par l’Agence européenne des médicaments et l’ANSM en France recommandent l’arrêt de l’utilisation de la codéine : – chez l’enfant de moins de 12 ans ; – chez l’enfant de moins de 18 ans après amygdalectomie ou adénoïdectomie ; – chez la femme allaitante. Son usage est réservé à l’enfant de moins de 12 ans en cas d’échec du paracétamol et/ou des AINS. Le sirop pédiatrique de codéine (Codenfan) a donc été retiré du marché. Quelles sont les alternatives thérapeutiques ? L’analyse de la littérature ne permet pas de recommander l’infiltration per-opératoire d’anesthésiques locaux dans les loges amygdaliennes pour diminuer la douleur post-opératoire : son absence d’efficacité est prouvée, avec de surcroît un risque d’injection de proximité intracarotidienne ou intramédullaire cervicale. La restriction de l’activité physique et les conseils de régime alimentaire particulier sont utiles dans la prévention de l’hémorragie post-amygdalectomie, mais sans effet sur la douleur postopératoire. Le paracétamol agit sur la composante centrale COX 3 (cyclooxygénase 3) sans action COX 1 et COX 2, donc sans effet antiinflammatoire. La dose recommandée est de 60 mg/kg/j, répartie en 4 prises quotidiennes. La dose toxique est de 90 mg/kg/j avec une hépatotoxicité. Le risque principal est d’atteindre cette dose toxique par la multiplicité des formes galéniques seules ou en association avec d’autres molécules. Les AINS « classiques » inhibent la synthèse des prostaglandines par activité non sélective COX 1 et COX 2. Ils sont antalgiques, antipyrétiques, anti-inflammatoires, mais inhibent la fonction plaquettaire. L’action antalgique est de mécanisme sous-cortical, associée à l’effet anti-inflammatoire. L’analyse des multiples études sur l’utilisation de l’ibuprofène dans ce contexte est difficile du fait de la variabilité retrouvée dans celles-ci, qui montre un risque d’hémorragie post-amydalectomie variant de 1 à 4. Le rapport bénéfices/risques de l’utilisation de l’ibuprofène semble pencher en faveur de son utilisation, même si le risque de majoration hémorragique ne peut être exclu(2). L’aspirine est un inhibiteur sélectif COX 1, de moins en moins utilisé comme antalgique du fait de son inhibition de la fonction plaquettaire, devenue sa principale indication chez l’adulte et d’autres contre-indications chez l’enfant. Elle est bien évidemment contre-indiquée du fait du risque hémorragique majeur en postamygdalectomie. Les corticoïdes agissent en amont par inhibition de la voie des COX et de la lipo-oxygénase. Le métabolisme n’est pas bien connu, mais celui-ci fait aussi intervenir le cytochrome P450. Ils ont fait la preuve de son efficacité en bolus per-opératoire pour la prévention des nausées et vomissements post-opératoires, et semblent diminuer la douleur post-amygdalectomie précoce. Suivant les études, le risque hémorragique post-opératoire est variable, mais leur utilisation pourrait être intéressante. Le rapport bénéfices/risques de l’utilisation post-opératoire des corticoïdes n’est à ce jour pas évaluée et devrait l’être de manière prospective en termes d’antalgie, de risque hémorragique et de risque d’infections. Le tramadol (1 à 2 mg/kg 4 fois/j) est un antalgique de niveau 2, agoniste des récepteurs mu(µ) de la morphine, et inhibiteur de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline. Il ne peut être utilisé qu’après 3 ans. Son métabolisme passe aussi par le cytochrome P450 CYP2D6, avec le risque de polymorphisme génétique identique à la codéine, toutefois moins étudié que la codéine. Les effets pourraient être plus modérés que la codéine, du fait du double mécanisme d’action, et de l’affinité 10 à 20 fois plus faible que la codéine sur les récepteurs mu(µ). Les deux effets principaux sont la majoration des nausées-vomissements, et la dépression respiratoire en cas de SAOS. Le risque respiratoire semble minime aux doses habituelles de 1 mg/kg 4 fois/j. Le rapport bénéfices/risques semble a priori favorable en restant vigilant chez les sujets à risque d’apnée obstructive du sommeil. Le risque de dépression respiratoire chez les métaboliseurs rapides ou ultra-rapides est probable, mais actuellement insuffisamment étudié. La morphine reste l’antalgique de référence, mais quasiment impossible à utiliser au domicile, du fait d’une galénique mal adaptée en France, du risque de surdosage, du risque de nausées-vomissements et surtout de celui de dépression respiratoire chez l’enfant jeune et celui à risque de SAOS.   Quels schémas thérapeutiques proposer ? La Société française d’ORL et la Société française d’anesthésie et de réanimation(3) ont donc rédigé fin 2014 une proposition de recommandations antalgiques à la maison post-amygdalectomie chez l’enfant selon plusieurs schémas, en plus du paracétamol à 15 mg/kg 4 fois/j per os. Chaque opérateur pourra adapter ces recommandations en fonction du profil de chaque patient : – option AINS (ibuprofène suspension buvable une dose/kg de poids 4 fois/j) en cas de SAOS ou de comorbidités respiratoires, du fait de l’absence de majoration du risque respiratoire, mais au prix d’un potentiel surrisque hémorragique ; – option tramadol (1 mg/kg 4 fois/j) sans sur-risque hémorragique mais avec surrisque de dépression respiratoire en cas de SAOS ou de comorbidités respiratoires ; – option corticoïde per os à domicile, actuellement non validée par la littérature, qui demande à être évaluée au plan antalgique, hémorragique et infectieux. L’ensemble de ces recommandations doit évidemment s’accompagner de l’éducation des parents lors des consultations chirurgicale et pré-anesthésique, en leur expliquant la nécessité impérative d’un traitement antalgique programmé et continu en post-opératoire, même en l’absence de plainte supposée de l’enfant, ce qui est probablement la principale cause d’échec du traitement antalgique, y compris de niveau 1. La remise de l’ordonnance d’antalgiques post-opératoires lors de la consultation chirurgicale y contribue. La restriction de l’activité physique et les conseils de régime alimentaire particulier sont utiles dans la prévention de l’hémorragie post-amygdalectomie, mais sans effet sur la douleur post-opératoire.

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