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Allergologie

Publié le 02 mai 2012Lecture 10 min

Traitements phyto-thérapiques de l’allergie

S. MiCHALEt, Université Claude Bernard Lyon 1, UMR CNRS 5557-Écologie microbienne, Centre d’étude des substances naturelles (CESN), Institut des sciences pharmaceutiques et biologiques (ISPB), Lyon

Une synthèse bibliographique de revues systématiques d’essais cliniques utilisant des extraits végétaux dans des manifestations allergiques est présentée et montre que certains phytomédicaments semblent être efficaces. Plus particulièrement, des remèdes issus de la médecine traditionnelle chinoise (ASHMI et FAHF-2), ayurvédique (Boswellia sp.) et européenne (Petasites hybridus) ont fait l’objet d’études pharmacologiques et cliniques plus poussées et pourraient représenter de futurs médicaments utiles dans la prise en charge des allergies.

Les plantes sont responsables, principalement via leurs pollens ou leurs toxines de réactions allergiques chez l’homme. Elles peuvent également représenter des sources de principes actifs dans le traitement symptomatique de certaines manifestations allergiques : on peut citer par exemple des agents sympathomimétiques comme l’éphédrine ou ses dérivés, des anticholinergiques comme les dérivés hémisynthétiques de l’atropine ou encore des bronchodilatateurs comme la théophylline. Les plantes peuvent également être utilisées sous forme d’extraits plus ou moins complexes chimiquement (phytothérapie), contre certaines manifestations allergiques. La composition du remède phytothérapique ainsi que son indication diffèrent selon le système de médecine traditionnelle considéré. La médecine traditionnelle chinoise (MTC) et l’Ayurveda comportent un nombre important de plantes utilisées dans certaines affections comme l’asthme ou la rhinite allergique, et de nombreuses études pharmacologiques et cliniques (bien que parfois de faible niveau méthodologique) sont disponibles dans la littérature. En Europe, l’utilisation de plantes médicinales dans les manifestations allergiques est moins répandue, et pour la plupart d’entre elles, seules des activités in vitro ont été décrites. Cependant, quelques plantes ont fait l’objet d’études plus poussées qui peuvent présenter un intérêt dans la lutte contre les allergies. Nous nous attacherons donc à présenter un état des lieux des données disponibles dans la littérature avant de nous attarder plus particulièrement sur quelques médicaments phytothérapiques potentiellement intéressants dans le traitement des allergies et dont certains sont actuellement en phase de développement clinique.   Revues systématiques dans la littérature Deux types de manifestations allergiques sont plus particulièrement traités dans les revues systématiques d’essais cliniques utilisant des extraits végétaux : l’asthme et la rhinite allergique. Concernant l’asthme, deux revues systématiques ont été réalisées (1,2). La première a intégré 17 essais cliniques randomisés, dont 6 concernaient des plantes utilisées en MTC, 8 des plantes utilisées en médecine ayurvédique et 3 des remèdes de diverses origines. Neuf de ces essais ont montré des améliorations des symptômes, et pour 2 d’entre eux, des augmentations significatives du volume expiratoire maximal seconde (VEMS) ont été décrites. Le niveau méthodologique de ces essais est cependant très faible et aucune conclusion sur l’efficacité d’un traitement n’a pu être tirée de cette revue (1). La seconde reprend les éléments publiés dans une revue Cochrane conduite par les mêmes auteurs(3) et analyse les résultats de 26 essais cliniques randomisés contre placebo portant sur 20 préparations phytothérapiques différentes. Les résultats montrent une amélioration de certains symptômes (augmentation du VEMS dans 2 études) et/ou de la fonction pulmonaire (augmentation du débit de pointe dans 3 études et de la capacité vitale forcée [CVF] dans 2 cas). Là aussi, les auteurs constatent un faible niveau méthodologique (échantillons de petite taille, durées courtes, hétérogénéité dans la présentation des résultats), et même si certains résultats positifs sont encourageants, aucune recommandation ne peut être faite à partir de ces résultats (2). Concernant la rhinite allergique, une seule revue est disponible et inclut 16 essais cliniques randomisés qui portent sur 10 préparations différentes, utilisées contre placebo ou comparateur actif. Six essais concernent l’utilisation d’extraits du pétasite (Petasites hybridus) et tous montrent un effet supérieur au placebo (sauf un essai de 43 personnes) ou équivalent aux antihistaminiques. Cependant, comme le notent les auteurs, le fait que 3 des essais soient financés par les fabricants des tablettes encourage à conduire des essais indépendants avant de tirer une conclusion (4). Focus sur quelques plantes ou mélanges Certaines préparations végétales ont été plus particulièrement étudiées chimiquement, pharmacologiquement et cliniquement, ou sont en phase d’essais cliniques et méritent donc une attention particulière : Petasites hybridus, astéracées (figure 1)   Figure 1. Petasites hybridus (astéracées) Le grand pétasite (en anglais « butterbur », qui rappelle l’utilisation ancienne de ses feuilles pour conserver le beurre) est une plante vivace native d’Europe poussant dans les lieux humides et utilisée en médecine traditionnelle depuis le Moyen Âge. Plusieurs essais cliniques ont été réalisés à partir d’extraits de cette plante et concernaient la rhinite allergique, l’asthme ou les migraines. Deux extraits brevetés sont actuellement commercialisés, l’un obtenu à partir du rhizome (Petadolex®) est vendu notamment aux États-Unis contre les migraines, et l’autre obtenu à partir des feuilles (ZE 339, Tesalin®) est dispensé sur ordonnance contre la rhinite allergique en Suisse. Le composé majoritaire, la pétasine (un sesquiterpène), inhibe la biosynthèse des cystéinylleucotriènes (cys-LT), la libération de la protéine cationique des ésosinophiles et l’activité de la phospholipase A2 cytoplasmique (5,6). Des essais sur souris asthmatiques ont été réalisés et ont montré que l’extrait ZE 339, donné lors du test de provocation par l’antigène, inhibe la production de cytokines Th2 (interleukines [IL-4, IL-5]), ce qui diminue l’hyperréactivité bronchique et le recrutement des éosinophiles dans le liquide de lavage broncho-alvéolaire (LBA) (7). Une étude clinique publiée récemment a testé l’extrait ZE 339 versus placebo ou desloratadine sur 18 patients allergiques au pollen (8). Le traitement a été administré 5 jours avant le test de provocation à l’antigène et les résultats montrent que ZE 339 diminue le temps d’obstruction des voies nasales de manière plus importante que la desloratadine et diminue également le taux d’IL-8 et de leucotriènes B4 (LTB4) dans les sécrétions nasales avant challenge. Les auteurs évoquent la possibilité d’une utilisation de cet extrait dans le traitement prophylactique des rhinites allergiques. Boswellia sp., burséracées Figure 2. Gomme séchée de Boswellia serrata (burséracées) – Encens. Cet arbre natif des régions arides d’Afrique australe retrouvé en Inde ou à Madagascar, produit une gomme oléo-résineuse (encens, figure 2) utilisée depuis l’Égypte antique. B.serrata est utilisé en médecine ayurvédique contre certains états inflammatoires, notamment l’asthme. De nombreux essais cliniques ont été réalisés pour évaluer son efficacité dans le traitement de diverses maladies inflammatoires et plusieurs extraits sont commercialisés à l’heure actuelle : 5-Loxin®, Alfapin®, H-15®. Les composés majoritaires, des dérivés des acides boswelliques (dérivés triterpéniques), ont été testés in vitro et in vivo dans de nombreuses études et ont notamment été décrits comme inhibiteurs de la 5-lipo-oxygénase et de la cyclo-oxygénase-1 (COX-1) (9). D’autres terpènes, l’incensole et son dérivé acétylé, ont montré une inhibition de l’activation du facteur nucléaire (NF)-κB et de la dégradation de son inhibiteur IκBα (10). En plus des effets anti-inflammatoires, cette plante a également montré des effets immunomodulateurs : en effet, l’acétate d’incensole inhibe la production d’IL-1β, IL-6 et du facteur de nécrose tumorale (TNF)α de cultures de monocytes périphériques stimulées par des lipopolysaccharides (LPS) (11). D’autre part, l’extrait 5-Loxin® inhibe 113 des 522 gènes induits par le TNFα dans des cellules de l’endothélium microvasculaire (12). Un essai clinique randomisé en double aveugle contre placebo incluant 80 patients souffrant d’asthme bronchique a été réalisé sur 6 semaines. Les résultats montrent 70 % d’amélioration des symptômes dans le groupe traité (vs 28 % pour le groupe placebo), ce qui s’explique par une augmentation significative du VEMS, du débit de pointe et de la CVF (13).   AntiaSthma Herbal Medicine Intervention (ASHMI™) ASHMI™ est un mélange standardisé d’extraits provenant de trois drogues végétales différentes (figure 3) : les racines de Sophora flavescentis, les racines de Glycyrrhiza uralensis, une réglisse chinoise, ainsi que le champignon séché Ganoderma lucidum, plus connu sous le nom de Reichi. Figure 3. De gauche à droite : racines séchées de Sophora flavescentis(fabacées) – Ku Shen ; racines séchées de Glycyrrhiza uralensis (fabacées) – Gan Cao ; Ganoderma lucidum (polyphoracées) – Ling Zhi. Ce remède donné pour l’asthme comportait au départ 14 drogues végétales différentes. La formule a été simplifiée et sa préparation ainsi que sa composition chimique sont bien définies et contrôlées qualitativement (14). ASHMI™ est actuellement en phase II d’essais cliniques après avoir démontré une bonne tolérance chez les patients asthmatiques (15). ASHMI™ donné à des souris asthmatiques 24 heures avant le test de provocation par l’antigène et pendant 6 semaines, inhibe la réaction d’hypersensibilité immédiate (diminution des LTC4, de l’histamine, et des immunoglobulines [Ig]E-antiovalbumine [OVA]), et d’hypersensibilité retardée (diminution des éosinophiles et de cytokines Th2 dans le LBA) (14). Un essai clinique randomisé en double aveugle vs prednisone avec contrôle placebo sur 91 patients asthmatiques a été réalisé pendant 4 semaines (16). Les résultats montrent une augmentation significative du VEMS et du débit de pointe ainsi qu’une diminution des IgE, de cytokines Th2 et d’utilisation d’agonistes β2 dans les deux groupes traités. Cependant, une diminution significative des taux sériques d’interféron (IFN)γ et de cortisol a été constatée dans le groupe traité à la prednisone, alors qu’une augmentation significative de ces taux a été mesurée pour le groupe traité par ASHMI™. ASHMI™ semble donc efficace et modifie positivement la balance Th1/Th2, ce qui constitue un mécanisme d’action original.   Food Allergy Herbal Formula (FAHF)-2 FAHF-2 est un remède comportant 9 drogues végétales différentes (11 au départ) et utilisé dans les allergies alimentaires. Des publications récentes relatant des essais réalisés sur des souris allergiques montrent une étonnante efficacité de ce traitement : donné en intragastrique à des souris allergiques aux arachides pendant 7 semaines, FAHF-2 a bloqué complètement l’anaphylaxie lors du challenge et jusqu’à 5 mois après traitement (17) : l’effet protecteur serait médié par l’augmentation de la synthèse d’IFNγ dans les lymphocytes CD8+ (18) et par la diminution de l’expression des récepteurs FcεRI, ainsi que du nombre de mastocytes et de basophiles (19). Cet effet semblerait être retrouvé sur des souris souffrant d’allergies multiples aux oeufs, à la morue et aux arachides (20). FAHF-2 a récemment passé une phase d’essai clinique et montré une bonne tolérance ; une phase II est en cours sur des patients souffrant de diverses allergies alimentaires (21).   Conclusion Certains remèdes phytothérapiques ouvrent des perspectives intéressantes dans la prise en charge des allergies. De par leurs mécanismes d’action originaux, ils peuvent représenter des solutions complémentaires intéressantes aux traitements classiques de certaines manifestations allergiques comme l’asthme, la rhinite allergique ou les allergies alimentaires. Des essais cliniques indépendants, utilisant une méthodologie plus rigoureuse (comme par exemple celle préconisée dans l’initiative CONSORT qui concerne l’utilisation d’extraits végétaux (22)), doivent être réalisés avant que ces traitements ne puissent être utilisés par les praticiens.

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