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Rhinologie

Publié le 25 mar 2024Lecture 6 min

La chirurgie endoscopique du sinus frontal : le Draf III

Quentin LISAN, Hôpital Foch, Suresnes

La chirurgie endoscopique du sinus frontal a longtemps été un défi en raison de son accès difficile. En 1991, le docteur Wolfgang Draf a décrit une série de procédures visant à ouvrir de manière séquentielle la voie d’écoulement du sinus frontal. La plus importante de ces interventions est le Draf III, avec la création d’une cavité sinusienne frontale commune(1). Le développement d’outils dédiés et particulièrement performants, notamment l’apport des optiques angulées et des moteurs puissants eux aussi angulés, ont permis une large diffusion de la technique de Draf III(2).

ANATOMIE   La connaissance de l’anatomie est cruciale dans le cadre des chirurgies du sinus frontal. Brièvement, le récessus frontal est limité par la bulle ethmoïdale en arrière, la cellule d’agger nasi en avant, la lame papyracée latéralement et la lame criblée avec le cornet moyen médialement. La voie d’écoulement du sinus frontal peut varier en fonction de l’attache de l’apophyse unciforme. Dans la majorité des cas, l’apophyse unciforme s’attache à la lame papyracée et le sinus frontal se draine directement dans le méat moyen. Néanmoins, il existe une variabilité de l ’attache supérieure de cette apophyse un ciforme (6 variantes sont décrites)(3), et de l’anatomie de la région ethmoïdo-frontale en général(4).   LES TYPES DE DRAF   • Le Draf I, la moins étendue des chirurgies selon Draf, consiste en une ethmoïdectomie antérieure, réséquant la bulle ethmoïdale et toute autre cellule ethmoïdale obstruant directement la voie d’écoulement du sinus frontal. • Le Draf IIa consiste en l’ouverture du sinus frontal en réséquant le plancher du sinus frontal entre l’attache du cornet moyen médialement et l’orbite latéralement. • Le Draf IIb consiste en un Draf IIa étendu médialement jusqu’au septum nasal. • Enfin, le Draf III consiste en un Draf IIb bilatéral, c’est-à-dire à une résection du plancher des deux sinus frontaux, la réalisation d’une septectomie supérieure et la résection de la cloison intersinusienne afin de créer une cavité frontale commune.   INDICATIONS   Une revue systématique de la littérature retrouvait que le Draf III était réalisé dans 79 % des cas dans le cadre d’une rhino-sinusite chronique(5), et notamment chez les patients présentant une polypose naso-sinusienne sévère, essentiellement quand elle est associée à d’autres pathologies telles qu’une triade de Widal, une mucoviscidose ou encore une dyskinésie ciliaire(6,7). Le concept de « reboot surgery » dans la polypose naso-sinusienne, consistant à ouvrir l’ensemble des sinus, dont le sinus frontal est un concept relativement récent, mais dont les quelques résultats publiés semblent encourageants(8,9). Selon cette même revue systématique, une mucocèle du sinus frontal était la 2e indication la plus fréquente (10,5 % des indications de Draf III)(5). Cette chirurgie est également indiquée pour la résection de tumeurs bénignes (papillomes inversés, ostéomes) par voie endoscopique endonasale. Le Draf III constitue également une des étapes de la résection des tumeurs de l’étage antérieur de la base du crâne par voie endoscopique trans-cribriforme.   ÉVALUATION PRÉOPÉRATOIRE   L’évaluation minutieuse de la tomodensitométrie en préopératoire est primordiale. Sont notamment évalués l’agger nasi, la taille et la forme du sinus frontal, l’orientation du septum intersinusien, la présence de cellules frontoethmoïdales (cellules de Kuhn type 3 ) qui peuvent ê re antérieures ou postérieures(3), de cellules frontales suprabullaires, de cellules ethmoïdales supra-orbitales et/ou de cellules septales frontales, l’épaisseur du bec naso-frontal, la distance entre la table postérieure et la peau du bec nasofrontal (une distance inférieure à 5 mm représentant une contre-indication à la réalisation du geste), l’anatomie de la fosse olfactive, ou encore la localisation de l’artère ethmoïdale antérieure.   LA CHIRURGIE DE TYPE DRAF III   Deux approches existent, de l’extérieur vers l’intérieur (« outside – in ») ou bien de l’intérieur vers l’extérieur (« inside – out »). Les étapes communes préalables reposent sur la réalisation d’une ethmoïdectomie complète, emportant l’apophyse unciforme dans son intégralité, et l’identification du récessus frontal. La base du crâne ainsi que la lame papyracée sont alors identifiées. Ensuite, un lambeau muqueux à charnière postérieur dans la fente olfactive est réalisé, et la rugination sous-périostée est poursuivie vers l’arrière jusqu’à l’identification des premiers filets olfactifs. La branche nasale de l’artère ethmoïdale antérieure est identifiée juste avant les premiers filets olfactifs(10). Une septectomie supérieure est ensuite réalisée. Selon la procédure « outside – in », on débute par le fraisage latéral du processus frontal du maxillaire jusqu’à l’exposition du périoste sur le versant sous-cutané, et ce de manière bilatérale. Ainsi, les limites du Draf III sont bien identifiées, avec le périoste latéralement et les premiers filets olfactifs en postérieur (figure 1). Figure 1. Le périoste (1) etles premiers filets olfactifs (2) sont identifiés.   Le fraisage du plancher des sinus frontaux peut débuter, en avant des filets olfactifs, jusqu’à l’identification de la muqueuse de chaque sinus frontal(11). Ensuite, la régularisation des berges, la résection du septum intersinusien, et la résection de l’attache du cornet moyen sont effectuées afin d’obtenir une large cavité ayant une jonction régulière avec l’ethmoïde de chaque côté. Selon la procédure « inside-out », on identifie le récessus frontal par voie ethmoïdale, et celui-ci est agrandi à l’aide d’instruments angulés. Le fraisage se réalise vers l’avant et médialement. Ainsi, le plancher du sinus et le bec frontal sont progressivement réséqués. La cavité est ensuite élargie à son maximum, vers l’avant et latéralement, le processus frontal du maxillaire étant fraisé jusqu’à l’identification du périoste. En fin de procédure, une large cavité est obtenue comme illustré sur la figure 2. Figure 2. Une large cavité commune est obtenue en fin de procédure, avec la fente olfactive et les premiers filets olfactifs (1) ainsi que le sinus frontal gauche (2).   Des lambeaux muqueux pédiculés ou de muqueuse turbinale inférieure peuvent être utilisés afin de diminuer le risque de sténose secondaire(12,13). Enfin, un calibrage est mis en place.   POSTOPÉRATOIRE   L’utilisation postopératoire de corticoïdes et/ou d’antibiotiques est possible, bien que l’utilisation prophylactique de ces derniers ne semble pas apporter de bénéfice(14). Les lavages abondants des fosses nasales et l’utilisation de corticoïdes locaux sont systématiques. Le patient est régulièrement revu en postopératoire, à une fréquence dépendant de l’évolution de la cicatrisation. Les soins locaux sont réalisés en consultation selon les constatations endoscopiques.   COMPLICATIONS   Plusieurs complications immédiates peuvent survenir lors de la réalisation de cette chirurgie. Une plaie de l’artère ethmoïdale antérieure est possible, potentiellement à l’origine d’un hématome intra-orbitaire. La coagulation de l’artère est alors nécessaire, par voie endonasale ou paracanthale, et une décompression orbitaire est éventuellement réalisée. Une brèche de la base du crâne peut survenir, et celle-ci est immédiatement réparée si elle est identifiée. À distance, la complication la plus importante est la sténose du néo-ostium. Elle survient dans environ 17 % des cas de manière partielle sans nécessité de reprise chirurgicale, et dans environ 3 % une resténose complète survient(15,16). L’utilisation de lambeaux muqueux, des nettoyages réguliers de la cavité opératoire associés à l’utilisation constante de corticoïdes locaux permettent de diminuer le risque de sténose.   CONCLUSION   • La procédure de Draf III s’est largement répandue depuis son introduction en 1991 pour permettre la prise en charge chirurgicale de pathologies variées (rhino-sinusite chronique, tumeurs, mucocèles, traumatisme…). • Aidé des outils modernes, il s’agit actuellement d’une chirurgie fiable et comprenant des risques limités.

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