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Pneumologie

Publié le 08 fév 2024Lecture 5 min

Bronchiectasie : des progrès dans le repérage des exacerbations

Denise CARO, Boulogne-Billancourt

Toutes les bronchiectasies n’ont pas la même sévérité. Identifier celles les plus à risque de s’aggraver et repérer de façon simple celles en train d’évoluer vers une exacerbation afin de proposer un traitement adapté est un des enjeux de la prise en charge de cette pathologie bronchique très fréquente.

L’inflammation est l’un des principaux mécanismes physiopathologiques de la bronchiectasie. L’objectif de l’étude du Dr Hayoung Choi(1) était d’identifier les différents endotypes inflammatoires et de déterminer ceux associés à un risque élevé d’aggravation. Dans ce cadre, 199 patients présentant une bronchiectasie stable ont été recrutés dans trois centres européens. Les patients ont été stratifiés en fonction des niveaux de 33 marqueurs inflammatoires présents dans les crachats et le sérum. La composition du microbiome des crachats était déterminée par séquençage d’amplicons d’ARNr 16S. Le risque d’exacerbation associé aux différents endotypes inflammatoires était évalué après 12 mois de suivi. Quatre endotypes ont été définis selon les profils inflammatoires : groupe 1 (inflammation neutrophile légère), groupe 2 (inflammation mixte neutrophile et de type 2), groupe 3 (inflammation neutrophile sévère), et groupe 4 (inflammation mixte épithéliale et de type 2). Les auteurs ont observé que les bactéries appartenant au phylum des protéobactéries et celles du genre pseudomonas, étaient davantage dominantes dans le microbiome des crachats des groupes 2 et 3 que dans celui des groupes 1 et 4. Bien qu’il n’y eût pas de différence clinique entre les 4 groupes au départ, après 12 mois les patients du groupe 2 présentaient un risque plus élevé d'exacerbations et d'exacerbations sévères que ceux du groupe 1. Les auteurs de ce travail ont conclu que les endotypes inflammatoires de bronchiectasie étaient associés à des profils de microbiome et à un risque d'exacerbation distincts.   Prévoir la sévérité des exacerbations Les exacerbations de bronchiectasie ne sont pas toutes identiques en termes de présentation cliniques, biologiques et de sévérité. Dans ce contexte, Mattia Nigro a conduit une étude(2) pour déterminer les différents phénotypes d’exacerbation de la bronchiectasie (EB). Pour cela il a réalisé une analyse groupée des symptômes (avec une échelle multidimensionnelle et un regroupement hiérarchique) chez des patients appartenant à la sous-étude sur les exacerbations EMBARC. Parmi 321 patients (62,6 % de femmes, âge médian 64 ans) provenant de 15 pays, 3 groupes ont été identifiés : les patients du groupe 1 (67,9 %) présentaient principalement de la toux et une augmentation du volume des crachats et de leur purulence ; ceux du groupe 2 (12,2 %) avaient une dyspnée prédominante et une respiration sifflante ; ceux du groupe 3 (19,9 %) étaient paucisymptomatiques avec lorsqu’ils s’aggravaient une toux sèche et des malaises. Les auteurs ont montré qu’à l’état stable, les patients du groupe 2 présentaient plus souvent une éosinophilie et un asthme que les patients des groupes 1 et 3, alors que l’index de sévérité était similaire dans les 3 groupes. Au cours du suivi, les patients du groupe 2 étaient plus nombreux à avoir reçu une corticothérapie au moment des exacerbations (p = 0,002) et la mortalité à 30 jours était significativement plus élevée dans ce groupe (9,7 % vs 1,0 % dans le groupe 1 et 0,0 % dans le groupe 3, p = 0,029). Il semblerait que la dyspnée et la respiration sifflante potentiellement associées à une éosinophilie et un asthme soient un marqueur de la sévérité des exacerbations d’une bronchiectasie.   Se fier à la couleur des crachats Quoi qu’il en soit, permettre aux patients de repérer précocement et de façon simple les signes indiquant que son état s’aggrave est un élément important de la prise en charge d’une bronchiectasie. Dans ce contexte, un travail présenté par Megan Crichton(3) avait pour objectif d’évaluer si la couleur des crachats était un bon marqueur de l'inflammation neutrophile, de la sévérité et du risque d’exacerbation. Pour cela, l’auteur s’est appuyé sur le registre EMBARC qui collecte chaque année un grand nombre de données de patients atteints de bronchiectasie suivis à long terme. Parmi les indicateurs collectés, la couleur des crachats à partir d’un nuancier de 4 couleurs (échelle de Murray) est enregistrée. Au total, 19 324 patients ont été recrutés dans 31 pays ; 13 484 patients ont signalé une expectoration régulière des crachats : 40,4 % de crachats mucoïdes, 39,9 % de muco-purulents, 18,4 % de crachats purulents et 1,3 % de purulents sévères. Chaque type de crachats était associé à une couleur. Les patients présentant des crachats plus purulents avaient des scores de sévérité plus élevés, un VEMS plus faible et des infections chroniques plus fréquentes, notamment à P. aeruginosa. Au cours d'un suivi de 5 ans, la couleur de base des crachats s’est avérée être fortement prédictive des exacerbations à venir. Comparés aux patients ayant des crachats mucoïdes (référence 1,0), ceux ayant des crachats purulents ont présenté plus d'exacerbations (IRR 1,26 IC95% 1,19-1,33 ; 1,45 IC95 % 1,36-1,55 ; 1,54 IC95% 1,26-1,89, tous p < 0,0001) et en particulier plus d’exacerbations sévères avec une hospitalisation (IRR 1,29 IC95% 1,19-1,39 ; 1,73 IC95% 1,58-1,90 ; 2,01 IC95% 1,54-2,63, tous p < 0,0001). Le taux de mortalité augmentait significativement avec l’élévation du niveau de purulence des crachats : +12 % de risque de décès pour chaque point de purulence gagné (p = 0,027). Les auteurs ont conclu que la couleur des crachats est un biomarqueur simple et fiable de l’évolution de la bronchiectasie. « Les résultats de cette étude offrent aux médecins et aux patients un moyen simple et non invasif de surveiller les symptômes. Si cela est appliqué à la pratique clinique, cela pourrait faire une réelle différence dans la gestion de cette maladie et permettre aux cliniciens d’intervenir plus tôt si le changement de couleur des crachats montre clairement que les symptômes des patients s’aggravent », a estimé le Pr Carlos Robalo Cordeiro (président de la Société européenne de respiration, Coimbra, Portugal).   D’après les 3 communications citées en références, ERS 2023   Références 1. Endotypes inflammatoires, microbiome et risque d'exacerbation dans la bronchectasie : une étude multicentrique européenne (H. Choi, S. Ryu, H. Keir, Y.H. Giam, A. Dicker, L. Perea, H. Richardson, J. Huang, E. Cant, F. Blasi, J. Pollock, M. Shteinberg, S. Finch, S. Aliberti, O. Sibila, A. Shoemark, J. Chalmers). 2. Phénotypes cliniques de l'exacerbation des bronchectasies : données de la sous-étude EMBARC sur les exacerbations (M. Nigro, M. Crichton, P.C. Goeminne, N. Lorent, K. Dimakou, O. Sibila, R. Menendez, M. Shteinberg, F. Blasi, T. Welte, E. Polverino, J.D. Chalmers, S. Aliberti). 3. Évaluation de la couleur des crachats et résultats cliniques dans la bronchectasie : données du registre EMBARC (M. Crichton, E. Polverino, F. Ringshausen, A. De Souza, M. Vendrell, P.R. Burgel, C. Haworth, M. Loebinger, K. Dinamku, M. Murris, R. Wilson, A. Hill, R. Menendes, A. Torres, T. Welte, F. Blasi, J. Altenburg, M. Shteinberg, W. Boersma, S. Elborn, P. Goeminne, S. Aliberti, J. Chalmers).

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