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Allergologie

Publié le 02 jan 2024Lecture 6 min

L’allergie au venin de frelons

Nicolas HUTT, Strasbourg

Les frelons sont des insectes redoutés en raison de leur taille (plusieurs centimètres), de la douleur engendrée par leur piqûre et… des croyances populaires.
Ils sont toutefois le plus souvent peu agressifs sauf à proximité immédiate de leur nid ou lorsqu’ils se sentent menacés. Les piqûres sont ainsi rares par rapport à celles occasionnées par d’autres hyménoptères, mais du fait de la récente diffusion du frelon « asiatique » leur fréquence est en augmentation. À l’instar des guêpes et des abeilles, ils peuvent être la cause de réactions anaphylactiques sévères, mais aussi de réactions toxiques à l’origine de défaillances multiviscérales.

Les frelons, hyménoptères du genre Vespa, proches cousins des guêpes Vespula (figure 1) forment un groupe de 22 espèces, toutes présentes en Asie. Figure 1. Taxonomie simplifiée des vespidés.   En France métropolitaine, le frelon « européen », Vespa crabro, est présent de longue date, tandis que le frelon « asiatique » Vespa velutina nigrithorax est apparu en France en 2004, probablement accidentellement importé de Chine, dans des pots de terre pour horticulture(1). L’espèce a rapidement diffusé dans le Sud-Ouest, le nord de l’Espagne, le Portugal, et a à présent colonisé tout l’Hexagone, mais aussi la Suisse, l’Allemagne du Sud, la Belgique et le sud des îles Britanniques (cartes figure 2).   Figure 2. Cartes représentant la diffusion de Vespa velutina nigrithorax de 2008 à 2023 (®MNH – Q. Rome). Parmi les hyménoptères sociaux, le genre Vespa n’est en général pas considéré comme envahissant ; Vespa velutina constitue ainsi le premier exemple en Europe d’une invasion réussie. Cette réussite est la résultante de facteurs propres : flexibilité comportementale liée au caractère eusocial des colonies, polyandrie à l’origine d’une grande diversité génétique, mais aussi de facteurs extérieurs : conditions climatiques favorables, abondance des ruches et moindre compétition qu’en Asie avec les autres espèces de frelon. Vespa velutina se nourrit essentiellement de fruits mûrs et de nectar, mais c’est aussi un prédateur généraliste et opportuniste, redoutable chasseur d’abeilles. Fortement attiré par l’odeur de miel, V. velutina se place en vol à l’entrée d’une ruche, saisit par ses pattes une abeille, la découpe et en conserve le thorax dont il fera une boulette riche en protéines, destinée à nourrir ses larves. Une colonie consomme 11 kg d’insecte/saison (soit l’équivalent de 100 000 abeilles). Dans les zones fortement envahies, la densité des nids peut être supérieure à 10/km2(2). La forte prédation exercée sur les abeilles a des conséquences sur la survie des ruches et la production de miel, mais aussi sur toutes les cultures, vivrières ou non, dont la pollinisation est assurée par les abeilles. En Asie, les abeilles, contrairement à leurs homologues européennes, ont co-évolué avec Vespa velutina, et ont développé des stratégies de défense spécifiques : augmentation du nombre d’abeilles gardiennes autour des ruches, accélération du vol d’approche et modification des trajectoires de vol, encerclement du frelon par plusieurs abeilles entraînant une augmentation à caractère létal de la température dans le micro-environnement de l’agresseur. En Europe Vespa velutina est une espèce nuisible à la biodiversité autochtone des systèmes naturels ou semi-naturels, c’est-à-dire une espèce envahissante, référencée comme telle depuis 2016 dans la liste des Espèces exotiques envahissantes de l’Union européenne.   VESPA CRABRO VERSUS VESPA VELUTINA : COMMENT LES DISTINGUER ?   Le nid de par sa taille, sa forme et son positionnement (habituellement le nid de V. velutina est en hauteur dans de grands arbres, plutôt à feuilles caduques tandis que celui de V. crabro est plus proche des habitations), mais surtout la couleur des individus permet de différencier les deux espèces (figure 3, tableau 1). Figure  3. A. Vespa crabro. B. Vespa velutina.   Composition du venin Le venin de frelon est un mélange complexe de substances non allergéniques et allergéniques : amines biogènes-histamine, sérotonine, acétylcholine – polypeptides et protéines – antigène 5, bradykinine, crabroline – ainsi qu’enzymes – phospholipase, hyaluronidase, cholinestérase(3). Comme pour les autres vespidés, les allergènes principaux du venin de frelons sont l’antigène 5 (Ves c5 et Ves v5), allergène majeur sensibilisant 80 % des allergiques dont le rôle biologique demeure mal connu et le phospholipase A1. Ces allergènes présentent de fortes homologies de structure entre les frelons et avec leurs homologues du venin de Vespula (tableau 2). Cette parenté structurale marquée explique que la plupart des accidents allergiques liés aux piqûres de frelon surviennent dès la première piqûre, le sujet ayant été sensibilisé préalablement par une piqûre de guêpe(4). De plus, différentes études ont montré que le profil de sensibilisation était similaire, que le sujet allergique ait été ou non préalablement piqué par un frelon(5).   Diagnostic Le diagnostic de l’allergie au frelon repose en premier lieu sur les données de l’interrogatoire qui s’efforcera de préciser en plus de la clinique et des traitements mis en œuvre les circonstances de survenue de la piqûre et notamment la proximité ou le dérangement accidentel d’une colonie (travaux de jardinage, travaux forestiers, rangement d’une remise, d’un hangar…). Le venin de Vespa n’étant pas disponible en pratique clinique, les tests cutanés ne pourront être réalisés qu’avec du venin d’un insecte possédant une forte parenté antigénique et sont ainsi réalisés avec du venin de Vespula spp (tableau 2). La recherche d’IgE spécifiques est possible pour Vespa crabro (i 75) et depuis peu pour Vespa velutina (u1223). Il est inutile de doser les IgE spécifiques de Dolichovespula maculata et de Dolichovespula arenaria dont les noms vernaculaires, respectivement : frelon à tête blanche et frelon à tête jaune, induisent en erreur, car il ne s’agit là pas de vespidés du genre Vespa (tableau 1).   Immunothérapie En l’absence de venin de Vespa commercialement disponible, l’immunothérapie est réalisée avec du venin de guêpes Vespula spp ; ce traitement s’avère efficace concernant l’allergie à Vespa crabro(6) et à Vespa velutina(7). Rodriguez-Vazquez et coll. ont ainsi montré chez 46 sujets allergiques à Vespa velutina après un an d’immunothérapie avec du venin de Vespula spp une chute significative des IgE spécifiques chez 76,1 % des sujets et une augmentation également significative des IgG4 spécifiques chez 80,4 % des sujets. Il n’a pas été réalisé de test de provocation dans cette étude dans cette étude, mais 13 patients (28 %) ont été repiqués après 4-12 mois de traitement sans survenue de réactions systémiques(6). Ces études confortent l’attitude des centres spécialisés qui, de manière pragmatique, traitent de longue date et avec succès, selon un protocole thérapeutique classique, l’allergie au venin de frelon par du venin de Vespula spp. Au-delà de leurs effets sur la santé humaine, et des conséquences sur les colonies d’abeilles et la pollinisation, les frelons sont un élément important de l’écosystème par le contrôle qu’ils exercent sur les populations d’insectes (mouches, moustiques…) et d’arachnides. Vespa crabro, prédateur de la fausse teigne de la cire, Galleria mellonella, un lépidoptère dont les larves se nourrissent de rayons de cire des ruches, est ainsi quelquefois placé par les apiculteurs à proximité des ruches et en Allemagne Vespa crabro est, du fait de son intérêt écologique, une espèce protégée. L’auteur déclare n’avoir aucun conflit d’intérêts en rapport avec cet article.

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