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Allergologie

Publié le 17 jan 2024Lecture 9 min

Le parcours de soins en cas d’anaphylaxie : des données du RAV à la prise en charge optimale

François LAVAUD, Reims, d’après une communication de Guillaume Pouessel*

RAV : Réseau d'Allergo-Vigilance

L’ANAPHYLAXIE EN 2023   Données épidémiologiques L’anaphylaxie reste une urgence absolue, mais avec un délai de prise en charge variable selon l’exposition allergénique. Sur 124 patients le délai moyen de prise en charge était de 5 minutes pour les médicaments, 15 minutes pour les venins d’hyménoptères et 30 minutes pour les aliments. Le nombre de cas d’anaphylaxies admis à l’hôpital augmente depuis les 20 dernières années avec actuellement plus de 10 admissions par an pour 100 000 habitants. Ceci concerne surtout l’enfant et pour l’anaphylaxie alimentaire. L’anaphylaxie inaugurale est fréquente et la gravité des réactions ultérieures ne peut être prédite comme le montre le registre européen des cas d’anaphylaxies qui regroupe 10 pays, 90 centres et a concerné 3 333 patients, dont 889 enfants et adolescents. Ainsi en 2014 l’anaphylaxie était inaugurale dans 57,6 % pour les aliments, 65,5 % pour les venins et 81,5 % pour les médicaments. En corollaire, les auto-injecteurs d’adrénaline sont de plus en plus prescrits. Parallèlement à la situation du Royaume-Uni, la prescription d’auto-injecteurs d’adrénaline est passée en France d’un peu moins de 200 000 en 2011 à près de 1 million en 2022.   Données sur la prise en charge La prise en charge préhospitalière demeure insuffisante. Dans une enquête canadienne portant sur 11 centres et 3 604 enfants, le lieu de la réaction anaphylactique était connu dans 81 % des cas. Dans 68 % il s’agissait du domicile, 13 % survenaient à l’école, 11 % en parc ou dans un véhicule et dans 7 % au restaurant. À la question sur l’utilisation de l’adrénaline, celle-ci était utilisée dans 37 % à la maison, 67 % à l’école, 40 % en voiture ou dans un parc et 45 % au restaurant. Dans une autre étude menée en Ohio entre 2015 et 2019 et regroupant 150 enfants d’âge médian de 12 ans victimes de réactions anaphylactiques, 56 (37 %) avaient reçu de l’adrénaline et 64 (43 %) n’en avaient pas bénéficié. Les facteurs de non-utilisation étaient le jeune âge (moins de 5 ans) avec un facteur de risque de 0,23, l’absence de réaction antérieure (facteur de risque 0,20), l’existence d’un état léthargique (facteur de risque 0,43) et un facteur déclenchant médicamenteux (facteur de risque 0,47). De même, la prise en charge aux urgences pédiatriques reste sous-optimale et aux USA sur 124 cas d’anaphylaxies, dont 103 cas pédiatriques pris en charge en SAU, les antihistaminiques étaient utilisés dans 93 % des cas, les corticoïdes dans 79 %, les bronchodilatateurs pour 30 %, un remplissage vasculaire dans 12 % des cas et l’adrénaline chez seulement 56 % des patients. Dans la même étude, la prescription d’adrénaline en sortie de SAU n’était que de 42 % avec un conseil de suivi allergologique chez un tiers des patients. Ces faits confortent la constatation que l’adrénaline n’est pas suffisamment utilisée dans l’anaphylaxie. Sur une grande étude européenne rassemblant 10 184 cas, le taux d’utilisation de l’adrénaline était de 27 % et celle d’une deuxième dose de 10 %. En dix ans, le taux d’utilisation a malgré tout doublé, mais la moitié seulement des injections est effectuée par voie intra musculaire.   Évolution de la réaction anaphylactique L’évolution d’une anaphylaxie est difficile à anticiper. Dans une étude française menée dans le Nord-Pas-de-Calais entre 2015 et 2017 portant sur 149 enfants pris en charge par les urgences, 129 n’avaient pas reçu d’adrénaline avant leur admission. Parmi ceux-ci, 61 (47 %) se sont améliorés, 46 (36 %) sont restés en état stable et 22 (17 %) se sont aggravés. L’aggravation a surtout concerné les enfants qui étaient déjà évalués avec un score sévère (13 fois), mais aussi des enfants jugés peu sévères à leur admission (9 fois). Ainsi l’évolution d’une anaphylaxie « peu sévère » est souvent spontanément résolutive, mais reste imprévisible.   DONNÉES DU RÉSEAU D’ALLERGO-VIGILANCE (RAV)   Évolution du nombre de cas déclarés entre 2 périodes Entre 2 012 et mars 2023, 1 227 cas d’allergie alimentaire ont été déclarés au RAV. De 2012 à 2017, ces déclarations ont concerné 372 enfants et 289 adultes et entre 2018 et 2023 elles ont intéressé 453 enfants et 201 adultes. Pour la période 2018-2023, la tranche d’âge la plus concernée était les moins de 6 ans (262 cas), puis les 18-59 ans (162 cas), les 7-12 ans (100 cas), les 12-18 ans (91 cas) et les plus de 60 ans (39 cas). Chez l’enfant entre les périodes 2012-2017 et 2018-2023, le nombre de cas avec un stade de sévérité de grade 2 a diminué de 275 à 259 alors que pour les grades 3 une progression s’est faite de 66 à 124 cas.   Anaphylaxies alimentaires sévères Entre 2012 et 2023, dans les cas d’anaphylaxie alimentaire à risque vital chez l’enfant le lieu de la réaction était le domicile pour 99 cas, la famille hors domicile dans 15 cas, l’école 22 cas, le restaurant 16 cas, chez des amis 9 cas et dans des lieux divers dans 59 cas. En comparant les 2 périodes 2012- 2017 et 2018-2023, on constate une augmentation du nombre de cas survenus au domicile qui passe de 34 cas à 65 cas. Chez l’adulte, la répartition est comparable avec 74 cas survenant au domicile et 21 cas au restaurant sans différence marquée entre les 2 périodes de l’étude. Les structures impliquées dans la prise en charge de l’urgence de grade 3-4 chez l’enfant étaient les structures mobiles d’urgence (SAMU, pompiers, SOS Médecins) dans 108 cas, la famille dans 67 cas, les SAU dans 170 cas, les services hospitaliers conventionnels dans 121 cas, mais le milieu scolaire seulement dans 3 cas. Entre les 2 périodes de l’étude, on constate une augmentation du nombre de cas pris en charge par les structures mobiles d’urgence, de 43 cas à 65 cas et par la famille de 22 à 45 cas. Chez l’adulte, la prise en charge prédominante était effectuée par les SAU (121 cas) puis les unités mobiles d’urgence (90cas). La famille intervenait dans 22 cas. Chez 230 enfants victimes d’anaphylaxie alimentaire à risque vital, le taux d’utilisation de l’adrénaline par voie IM ou IV était de 51 % pour la période 2012-2017 et n’avait pas progressé pour la période 2018-2023 où son utilisation était de 50 %. Il faut remarquer que dans la première période de l’étude, l’adrénaline avait été déconseillée 2 fois par le SAMU et que les aérosols d’adrénaline avaient utilisé 15 fois. Dans la seconde période, aucune fois l’adrénaline n’avait été déconseillée et les aérosols avaient été prescrits dans 9 cas. Chez 186 adultes, le taux d’utilisation de l’adrénaline par voie IM ou IV était de 43 % pour la période 2002-2017 et avait progressé à 56 % pour la période 2018-2023. Les auto-injecteurs d’adrénaline (AIA) avaient été utilisés 41 fois chez l’enfant et 18 fois chez l’adulte. Les différents traitements administrés chez les 230 enfants victimes d’anaphylaxie alimentaire à risque vital étaient l’auto-injection d’adrénaline dans 34 cas, l’adrénaline en ampoule IM dans 34 cas, l’adrénaline IV 28 fois, l’adrénaline SC 3 fois, l’adrénaline en aérosols 24 fois, l’oxygène 33 fois, le remplissage vasculaire 25 fois, des bêta 2 mimétiques 70 fois et 24 cas étaient non renseignés.   Synthèse de la prise en charge Au total dans la période 2012- 2017, 619 patients (dont 349 enfants) sur 622 déclarés au RAV ont reçu des soins d’urgence et 497 ont bénéficié d’une prise en charge médicale, mais 35 sur 622 (6 %) n’ont reçu aucun traitement et dans 112 cas le patient a reçu un traitement, mais sans recours à des services de soins. Les anaphylaxies déclarées étaient de grade 2 dans 433 cas (275 enfants), de grade 3 dans 159 cas (66 enfants) et de grade 4 dans 10 cas (8 enfants). Quatre-vingt-dix-neuf patients avaient reçu 1 injection d’adrénaline, 5 patients 2 injections, 1 patient 3 injections et 1 patient 4 injections. Une trousse d’urgence avait été prescrite chez 95 patients. Pour la période 2018-2023, 571 patients (dont 390 enfants) sur 654 ont reçu des soins d’urgence et 497 ont eu une prise en charge médicale, mais 73 patients (6 %) sans aucun traitement. Le patient utilisait un autotraitement dans 97 cas sans recours au système de soins. Les grades 2 étaient au nombre de 354 (259 enfants), les grades 3 étaient de 207 (124 enfants) et les grades 4 étaient 10 (7 enfants). Soixantedouze patients ont bénéficié d’une injection d’adrénaline, 5 de 2 injections, et aucun de 3 ou 4 injections. Une trousse d’urgence avait été prescrite dans 125 cas, soit davantage que dans la première période.   POSITIONS CONSENSUELLES   Recommandations internationales sur l’administration d’adrénaline Les différentes recommandations internationales préconisent en cas d’anaphylaxie l’utilisation systématique d’adrénaline par voie intramusculaire à la dose de 0,15 mg chez l’enfant de moins de 25-30 kg, et à la dose de 0,3 mg chez l’adulte et l’enfant de plus de 25-30 kg. En SAU, de l’oxygène est débuté à un débit de 10 l/min, des bolus de cristalloïdes sont effectués en cas de symptômes cardio-vasculaires et respiratoires sévères, des aérosols d’adrénaline en cas de stridor et des bêta 2 mimétiques en cas de wheezing. En cas de non-amélioration dans les 5 à 10 minutes, l’adrénaline IM est répétée et on met en place un remplissage vasculaire. On envisage ensuite l’adrénaline par voie veineuse en cas de non-réponse avec signes cardiovasculaires ou respiratoires de gravité. Lorsque le patient est stabilisé, outre mesurer la tryptase sérique une demi-heure à 2 heures après le début de la réaction anaphylactique, on considère des traitements additionnels, antihistaminiques et corticostéroïdes et on décide du niveau et de la durée du suivi.   Mise à disposition d’AIA Les auto-injecteurs d’adrénaline entrent dans la trousse d’urgence du patient ayant présenté une réaction anaphylactique, mais seulement 32 % des 195 pays du monde, dont l’Europe de l’Ouest, les États-Unis et le Canada y ont accès.   Anaphylaxie réfractaire En cas d’anaphylaxie réfractaire définie par la persistance de symptômes cardio-vasculaires ou respiratoires non améliorés par 2 injections IM d’adrénaline à dose adaptée, une perfusion de sérum physiologique est commencée permettant l’administration d’adrénaline à petite dose à la seringue électrique sous monitoring (1 mg d’adrénaline dans 100 mL de sérum salé). En attendant le début de la perfusion, l’adrénaline IM est répétée toutes les 5 minutes. Une oxygénothérapie à haut débit est mise en œuvre pour obtenir une SpO2 de 94-98 %.   Prise en charge de l’anaphylaxie Le message général de la prise en charge de l’anaphylaxie pour optimiser les premiers secours est REACT. R pour reconnaître, E pour évaluer la gravité, A pour adrénaline, C pour communauté, T pour tous concernés (figure). Figure. Optimiser les premiers secours dans l’anaphylaxie : RÉAGIR ! Document fourni par le Dr Guillaume Pouessel. Avec nos remerciements.   Dans cet objectif, en milieu scolaire, le DGESCO prévoit depuis 2019 l’équipement en AIA des établissements du second degré, mais cette mesure demeure insuffisante et ne concerne pas le premier degré. Par ailleurs seulement 47 % des 469 établissements du Nord-Pas de Calais sont pourvus d’AIA. Les freins sont le coût pour 47 % et le délai de péremption pour 37 %. À titre individuel, une nouvelle circulaire PAI-RAS en date du 14 avril 2021 précise la prescription d’adrénaline lors de la vie scolaire. Pour les pompiers, le décret relatif aux soins d’urgence relevant de la compétence des sapeurs-pompiers en date du 22 avril 2022 précise que dans le cadre de leur participation à l’aide médicale urgente et sur prescription d’un médecin régulateur ou d’un médecin présent sur les lieux, les sapeurs-pompiers sont habilités à pratiquer les actes de soins d’urgence suivants… administration de produits médicamenteux par stylo auto-injecteur auprès d’une personne présentant un tableau clinique de choc anaphylactique.. Les limites sont qu’il ne s’agit pas d’une obligation, qu’il est nécessaire d’envisager une formation et une évaluation des personnels ainsi qu’une actualisation des recommandations auprès de la SFMU-régulation SAMU. Des problèmes pratiques persistent comme le nombre d’AIA nécessaires, la posologie, la péremption et les conditions de stockage. Le RAV a pour objectifs de colliger des données nationales fiables, d’améliorer la formation médicale continue en allergologie, de mieux traiter et informer les patients et de mener des actions auprès des autorités de santé.   *d’après la communication de Guillaume Pouessel, CFA 2023

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