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Allergologie

Publié le 07 juil 2023Lecture 5 min

Savoir reconnaître une allergie oculaire

Denise CARO, Boulogne-Billancourt

Avec une prévalence qui augmente en raison de l’environnement et de la pollution, l’allergie oculaire touche plus de 25 % de la population. Elle se présente sous diverses formes cliniques, des plus légères aux plus sévères, et qui doivent faire l’objet d’un diagnostic précis pour adapter leur prise en charge.

Les symptômes d’une allergie oculaire sont : le prurit, l’hyperhémie – les deux signes les plus fréquents – mais aussi la sensation de corps étranger, une douleur oculaire, une photophobie, un larmoiement, des cils collés, un gonflement des paupières, une sensation d’oeil sec, une baisse de l’acuité visuelle ou une vision floue. Ces symptômes témoignent d’une atteinte de la surface oculaire, mais ne sont pas totalement spécifiques de l’allergie. On peut classer les allergies oculaires en cinq catégories : la conjonctivite allergique, la blépharo-conjonctivite de contact, la kérato-conjonctivite vernale, la kérato-conjonctivite atopique et conjonctivite giganto-papillaire (qui sort du champ strict de l’allergie)(1). Enfin, on estime que l’atteinte conjonctivale est bénigne alors qu’une atteinte de la cornée est plus sévère.   LES CONJONCTIVITES ALLERGIQUES Une conjonctivite allergique peut être aiguë (gonflement des paupières, chemosis, larmoiement bilatéral, prurit et une sensation de corps étranger), saisonnière (avec fluctuation entre des périodes aiguës et les tableaux moins intenses), ou perannuelle (avec des symptômes beaucoup plus discrets, hyperhémie légère, cils collés, sensation de corps étranger). Ces conjonctivites allergiques sont extrêmement fréquentes et touchent prioritairement les sujets jeunes. La plupart du temps elles sont associées à d’autres comorbidités allergiques (rhinite, asthme, etc.) ou non allergiques, dont le kératocône à ne pas méconnaître. Il s’agit une maladie non inflammatoire de la cornée qui va progressivement passer d’une forme grossièrement sphérique à une forme irrégulière, amincie, d’allure conique, avec des troubles de la vision. Les frottements oculaires, l’atopie, les antécédents familiaux et l’origine asiatique sont des facteurs favorisants(2,3). Les allergènes impliqués sont : les pneumallergènes (acariens, graminées, cyprès, ambroisie, et phanères de chat), les trophallergènes d’origine professionnelles par aéroportage ou manuportage et avec une sensibilisation à faible dose, et les médicaments responsables d’anaphylaxies et de toxidermies (penser aux collyres). Ces signes de conjonctivites allergiques sont majorés par une sécheresse oculaire et un dysfonctionnement des glandes de meibomius. Le diagnostic repose sur les tests cutanés (prick-tests) à la recherche d’une sensibilisation aux acariens, aux phanères d’animaux, à des moisissures ou à des allergènes de graminées, d’herbacées, d’oléacées, de cupressacées ou d’ambroisie. Un dosage d’IgE spécifiques est demandé pour définir le profil moléculaire en cas de polysensibilisation aux tests cutanés ou face à un faux négatif de ces tests. On peut aussi faire un dosage des IgE totales dans les larmes (dont la présence signale une allergie). Un test de provocation conjonctivale (instillation de doses progressivement croissantes d’allergènes pour confirmer l’implication de l’allergène testé comme responsable des symptômes) est indiqué quand il y a discordance entre la clinique, les tests cutanés et les IgE. Il a une bonne reproductibilité et sans doute une bonne tolérance. Les blépharo-conjonctivites de contact ne sont pas liées aux IgE mais aux CD8 mémoire. Les symptômes ressemblent à un eczéma des paupières, avec ou sans une atteinte conjonctivale ou du bord libre de la paupière. Les allergènes impliqués sont très nombreux : cosmétiques, conservateurs (méthylisiothiazolinone), huiles essentielles, résine époxy, parfums, collyres, etc. On fait des patch-tests et en cas de doute on teste le produit suspecté, voire un ROAT test (allergène appliqué 2 fois par jour sur l’avant-bras pendant plusieurs jours). Le diagnostic différentiel est le psoriasis des paupières, la dermatite atopique, les rosacées oculaires, les blépharites irritantes ou des pathologies de système.   KÉRATO-CONJONCTIVITES Dans les formes plus graves d’allergies oculaires, l’atteinte conjonctivale est associée à une atteinte de la cornée. On parle de kérato-conjonctivite (KC). Les symptômes d’appel d’une KC allergique sont : le prurit, le larmoiement, l’oedème et la rougeur ; ces signes sont souvent associés à une rhinite et autres comorbidités atopiques. La douleur, la présence de sécrétions, une photophobie et des troubles de la vue sont des signes de gravité, nécessitant une consultation spécialisée pour établir un dia - gnostic précis et débuter un traitement (potentiellement urgent). À l’examen, on retrouve plusieurs types de lésions, correspondant à différentes formes de KC allergiques. Des papilles géantes (visibles quand on retourne la paupière) indiquent qu’il s’agit d’une KC palpébrale, des nodules ou grains de Trantas associés à un bourrelet limbique témoignent de l’atteinte du limbe ; tandis que les formes mixtes associent des lésions palpébrales et limbiques. Au niveau de la cornée, il peut y avoir une kératite ponctuée superficielle (KPS), des ulcères cornéens, une plaque vernale, des cicatrices taies et des néovaisseaux. Pour visualiser ces lésions l’ophtalmologue qui procédera à un examen à la lampe à fentes qui confirmera les macro-papilles et/ou la limbite, ainsi qu’un test à la fluorescéine révélant les ulcères cornéens. La mesure du BUT (brake up time) renseigne sur la qualité du film lacrymal. Le bilan allergologique d’une KC comporte, outre les prick-tests systématiques, des dosages séri - ques d’IgE spécifiques (définis selon l’interrogatoire) ainsi que la recherche d’un conflit IgE-médié au niveau de la surface ocu - laire par la recherche dans les larmes d’éosinophiles, le dosage d’ECP (protéine cationique des éosinophiles) et dosage quanti - tatif des IgE totales. En cas de sensibilisation, des tests de provocation conjonctivale en milieu hospitalier sont indiqués pour mettre en évidence une allergie à expression conjonctivale(4). Au terme de l’examen clinique et du bilan complémentaire, il convient de distinguer les différentes formes de KC. La kérato-conjonctivite vernale (KCV), rare en Occident et fréquente dans les pays chauds, concerne des enfants (surtout les garçons de moins de 10 ans) parfois avec un terrain atopique. Son expression est perannuelle avec une recrudescence vernale et estivale. Elle régresse généralement après la puberté sans séquelles, sauf s’il existe des complications iatrogènes. Rarement, elle évolue vers une KC atopique (KCA)(5). La limbo-conjonctivite endémique des tropiques est une forme africaine de KCV. Elle est souvent associée à une sensibilisation IgE blattes, acariens. Elle est responsable d’une coloration particulière de la conjonctive. Son pronostic est très sévère avec un risque de cécité. La KCA est inflammation chronique de la surface oculaire, souvent cortico-résistante ou cortico-dépendante, qui évolue par poussées. Elle touche des adultes entre 30 et 50 ans, avec des antécédents de dermatite atopique et des comorbidités (eczéma, asthme, rhinite, KCV). Sa forme cécitante est heureusement rare. Au total, seul un diagnostic précis de la forme et de la cause d’allergie oculaire permet de mettre en oeuvre une prise en charge thérapeutique appropriée.

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