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Audiologie

Publié le 27 avr 2023Lecture 8 min

Nouvelles indications d’implantation cochléaire chez l’adulte

Ghizlène LAHLOU - APHP, Sorbonne Université, service d’ORL et de chirurgie cervico-faciale, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris ; Institut de l’audition/Institut Pasteur, Paris

L’implantation cochléaire permet une amélioration majeure de la communication chez les patients adultes présentant une surdité sévère à profonde, pour lesquels l’appareillage auditif n’apporte pas un bénéfice suffisant. Cela a fait élargir les indications d’implantation, notamment en cas de surdité unilatérale associée à un acouphène invalidant, de perte de bénéfice de l’appareillage du côté controlatéral chez un patient déjà implanté d’un côté, ou encore dans les populations particulières que sont les sujets âgés ou certains patients adultes atteints de surdité prélinguale d’emblée sévère à profonde.

L’implantation cochléaire s’est imposée comme modalité de réhabilitation de l’audition pour les patients présentant une surdité neurosensorielle bilatérale sévère à profonde, en l’absence de bénéfice suffisant d’un appareillage auditif optimal. La première implantation cochléaire a eu en 1957 à Paris, avec un implant mono-électrode. Le développement des implants multi-électrodes puis la miniaturisation des processeurs ont permis un essor de cette technologie dans le monde dans les années 1980 et 1990, et l’implant cochléaire a été inscrit sur la liste des produits remboursables en 2009. Les indications classiques d’implantation cochléaire concernaient jusqu’à présent les patients atteints de surdité post-linguale bilatérale (ayant débuté après l’âge d’acquisition du langage) présentant une intelligibilité avec leur appareillage inférieur à 50 % pour des mots dissyllabiques présentés à 60 dB, ou les enfants atteints de surdité prélinguale pour lesquels le gain obtenu avec l’appareillage auditif est insuffisant pour l’acquisition d’un langage oral. Plus rarement, une implantation cochléaire était proposée pour une surdité bilatérale asymétrique avec surdité profonde d’un côté, et fluctuation auditive de l’autre. Ces dernières années, les indications d’implantation cochléaire ont été élargies, et de nouvelles recommandations de la Société française d’ORL encadrent désormais l’activité d’implantation cochléaire.   SURDITÉ UNILATÉRALE AVEC ACOUPHÈNE INVALIDANT Depuis septembre 2021, la Haute Autorité de santé (HAS) a validé l’indication d’implantation cochléaire en cas de « surdités unilatérales sévères à profondes avec acouphènes invalidants après échec ou inefficacité des systèmes  CROS ou à ancrage osseux », quelle que soit l’audition controlatérale (arrêté du 6 septembre 2021). Cette validation s’est basée sur le résultat de plusieurs études ayant montré une amélioration de la gêne liée aux acouphènes après implantation cochléaire en cas de surdité sévère à profonde associée à l’acouphène. La principale est l’étude de Marx et coll. qui a étudié de manière prospective l’effet de l’implantation cochléaire en cas de surdité unilatérale, en comparaison à la réhabilitation par un système CROS d’une part, et à l’abstention, d’autre part. Après une période d’essai d’appareillage par un système CROS et un appareillage à ancrage osseux, le choix de la modalité de réhabilitation a été donné aux 155 patients inclus. 51 patients ont choisi l’implantation cochléaire. À 6 mois de l’implantation, la gêne liée à l’acouphène mesurée à l’aide d’une Échelle visuelle analogique (EVA) a diminué de manière significative, d’autant plus chez les patients présentant un acouphène invalidant, et avec un effet plus important de l’implantation cochléaire comparé à un système CROS . De même, les scores de qualité de vie spécifiques, l’intelligibilité dans le bruit, et la localisation sonore dans le plan horizontal étaient d’autant plus améliorés après implantation cochléaire comparé à un système CROS. L’indication d’implantation cochléaire est à évaluer de manière exhaustive avant la chirurgie. Une évaluation de l’acouphène doit notamment être faite par une échelle validée. La HAS propose d’évaluer le caractère invalidant de l’acouphène par le score « Tinnitus Handicap Incapacity  » (THI), obtenu à l’aide d’un questionnaire de 25 questions évaluant le handicap lié à l’acouphène (tableau 1), et/ou de l’EVA gêne, qui évalue de manière subjective la gêne du patient (figure 1). Un acouphène est dit invalidant si le score THI est ≥  50 % et/ou si l’EVA gêne est ≥  6. Il est également important de dater le début de l’acouphène, de déterminer le caractère latéralisé ou non de l’acouphène, et de le localiser. Une évaluation psychologique est également indispensable, afin d’évaluer les attentes du patient, qui doivent être centrées sur la diminution de l’acouphène. Figure 1.  Échelle visuelle analogique de la gêne liée à l’acouphène proposée par l’AFREPA. À gauche, face proposée au patient. À droite, face examinateur.   L’IMPLANT COCHLÉAIRE BILATÉRAL Dans les cas de surdité bilatérale sévère à profonde, une implantation cochléaire unilatérale est initialement proposée, du côté de l’oreille la plus atteinte généralement, avec la possibilité de réhabilitation bimodale, c’est-à-dire par l’implant cochléaire d’un côté et une prothèse auditive de l’autre. Hors l’évolutivité de la surdité du côté non implanté et l’asymétrie du bénéfice obtenu peuvent amener le patient à abandonner sa prothèse auditive conventionnelle. Les recommandations de la Société française d’ORL de 2019 préconisent de proposer une implantation cochléaire controlatérale dès qu’il existe une perte de bénéfice de la prothèse auditive conventionnelle, notamment si celle-ci n’apporte pas d’amélioration de l’audition dans le bruit ou pour la localisation sonore dans le plan horizontal. Il a en effet été montré que la localisation sonore, l’intelligibilité dans le bruit et la qualité de vie étaient améliorées après implantation bilatérale comparée à une implantation unilatérale dans les cas de surdité sévère à profonde bilatérale symétrique. Un projet d’implantation bilatérale séquentielle est donc à proposer d’emblée au patient, avec une implantation controlatérale qui ne doit pas être retardée afin d’obtenir les meilleurs résultats possibles.   IMPLANTATION COCHLÉAIRE DU SUJET ÂGÉ La question d’une limite d’âge supérieure pour l’implantation cochléaire s’est longtemps posée, du fait du risque chirurgical d’une part, et du bénéfice obtenu après implantation chez le sujet âgé de l’autre. Pourtant, la surdité est désormais un facteur de risque reconnu de démence, avec un risque d’autant plus important que la surdité est sévère. Sa réhabilitation est donc d’autant plus primordiale chez le sujet âgé. Sur le plan chirurgical, l’implantation est une procédure pouvant être réalisée en ambulatoire dans la majorité des cas, peu hémorragique, et dont les risques chirurgicaux sont faibles, le principal restant le risque de déficit vestibulaire postopératoire homolatéral. En cas de contre-indication formelle à l’anesthésie générale, la chirurgie peut également être effectuée sous anesthésie locale. Il a été montré que ces risques n’étaient pas plus importants chez le sujet âgé, et que le bénéfice de l’implant chez le sujet âgé était similaire à celui du patient plus jeune. Les dernières recommandations de la Société française d’ORL en 2019 ont donc clairement indiqué qu’il n’y avait pas de limite d’âge supérieure pour une implantation cochléaire. Celle-ci doit s’accompagner d’une évaluation du contexte socio - familial ainsi que d’une évaluation neuropsychologique à la recherche de troubles cognitifs. En cas de troubles cognitifs légers (mild cognitive impairment  ou MCI), l’implantation  cochléaire est possible, et pourrait permettre une stabilisation, voire une amélioration des troubles cognitifs, notamment des fonctions exécutives et de l’attention. Un accompagnement postopératoire à la fois par une rééducation orthophonique soutenue, mais également par l’entourage du patient permet d’optimiser les bénéfices d’une implantation cochléaire chez un sujet âgé.   CAS PARTICULIER DES SURDITÉS PRÉLINGUALES SÉVÈRES À PROFONDES De la même manière, l’implantation cochléaire à un âge adulte d’un sujet présentant une surdité congénitale ou prélinguale d’emblée sévère à profonde a longtemps été discutée, et reste toujours débattue. Il est clairement indiqué dans les recommandations de la HAS de 2012 qu’il « n’y a en général pas d’indication à une primo implantation chez l’adulte ayant une surdité prélinguale ». Cependant, de nombreux patients avec surdité prélinguale sévère à profonde, appareillés dès la petite enfance et ayant développé une communication orale suffisante, ont un bénéfice au minimum subjectif en termes de communication dans la vie quotidienne après implantation cochléaire à un âge adulte. Un certain nombre de patients présentent un bénéfice auditif significatif en termes d’intelligibilité, comparable à celui obtenu après implantation d’un adulte avec surdité post-linguale. La figure 2 expose les résultats après primo-implantation cochléaire à l’âge de 29 ans chez une patiente présentant une surdité congénitale bilatérale profonde. Nous avons pu montrer que le bénéfice mesurable en termes d’intelligibilité était d’autant plus important qu’il persistait une intelligibilité même modeste avec les prothèses auditives, que la communication orale était privilégiée par le patient, et que le langage oral du patient était compréhensible par un auditeur non averti de la surdité. Une évaluation préopératoire poussée, notamment pour vérifier que les attentes du patient ne soient pas démesurées, ainsi qu’une information claire sur la possibilité d’un bénéfice auditif pouvant être limité après l’implantation sont primordiales avant d’envisager une implantation cochléaire dans cette population. Figure 2.  Résultats subjectifs et auditifs après primo-implantation cochléaire à 29 ans chez une patiente avec surdité congénitale bilatérale profonde de cause inconnue. A.  Évolution du score ECOMAS de communication, montrant une amélioration globale entre le préopératoire et le score à 1 an de la première implantation cochléaire, puis une amélioration des scores de communication en groupe à 6 mois de l’implantation controlatérale. B.  Audiogramme tonal (à gauche) et vocal (à droite) à 2 ans de la première implantation.   CONCLUSION •  En pratique, on retiendra que l’implantation cochléaire est la modalité de réhabilitation de choix en cas de surdité sévère à profonde unilatérale avec acouphène associé ou bilatéral. •  Il est donc important d’informer le patient de cette possibilité, et de l’adresser précocement dans un centre d’implantation cochléaire, où une évaluation complète pluridisciplinaire sera effectuée.    

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