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Pneumologie

Publié le 22 fév 2023Lecture 6 min

Emphysème pulmonaire : prévalence et impact clinique - Quelles données en 2023 ?

Gaëtan DESLÉE - Service de pneumologie, INSERM UMRS 1250, CHU de Reims

L’emphysème pulmonaire est défini par un élargissement anormal et permanent des espaces aériens au-delà des bronchioles terminales avec destruction des parois alvéolaires sans fibrose associée. Cette définition anatomique rend difficile l’évaluation de la prévalence de l’emphysème en population générale ou parmi les patients atteints de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO). Classiquement, les types d’emphysèmes sont l’emphysème centro-lobulaire avec une destruction centrée sur la bronchiole, l’emphysème pan-lobulaire touchant l’ensemble du lobule et l’emphysème paraseptal touchant les régions sous pleurales.

La prévalence de l’emphysème dépend de la population étudiée, des facteurs de risque notamment tabagique, de l’âge, du sexe et de la prévalence de la BPCO dans cette population. Sur le plan clinique, l’emphysème est associé essentiellement à une dyspnée initialement à l’effort, pouvant être présente au repos dans les formes sévères. Sur le plan fonctionnel respiratoire, l’emphysème se caractérise par une hyperinflation, un trouble ventilatoire obstructif non réversible, une altération de la diffusion alvéolo-capillaire et un retentissement gazométrique en termes d’hypoxémie et d’hypercapnie de sévérités variables en fonction de la sévérité de l’emphysème. Ces éléments cliniques et fonctionnels respiratoires d’hyperinflation et d’altération de la diffusion alvéolo-capillaire ne sont cependant pas spécifiques de l’emphysème pulmonaire et ne peuvent être utilisés seuls pour déterminer la prévalence de l’emphysème au sein des populations étudiées. Les mécanismes physiopathologiques impliqués dans l’emphysème sont incomplètement élucidés, associant notamment une altération de la balance protéase-antiprotéase (i.e. déficit en alpha-1 antitrypsine), des phénomènes de stress oxydatifs, d’apoptose et des altérations des mécanismes de réparation. Cependant, hormis le dosage de l’alpha-1 antitrypsine, aucun biomarqueur spécifique de l’emphysème n’est actuellement pertinent en pratique clinique. L’évaluation de la prévalence de l’emphysème est actuellement basée essentiellement sur l’analyse du scanner thoracique mesurant la densité du parenchyme pulmonaire. La Fleischner Society a défini une échelle visuelle « qualitative » de l’emphysème, comprenant 6 stades : absence, traces, léger, modéré, confluent et destruction avancée. Une méthode visuelle semi-quantitative utilisant un score visuel de 0 à 4 pour chaque lobe permet une évaluation de la sévérité de l’emphysème. De multiples logiciels de quantification ont également été développés, permettant d’analyser le parenchyme pulmonaire en termes de distribution en Unité Hounsfield (HU). Plus de 5 % de parenchyme pulmonaire de densité inférieure à -950 HU définit la présence d’un emphysème. Des données récentes issues de cohortes multicentriques basées sur une évaluation par scanner thoracique ont permis de mieux appréhender la prévalence de l’emphysème. En utilisant une échelle visuelle qualitative, une étude nord-américaine évaluant 3 171 patients avec un tabagisme à plus de 10 paquets-années inclus dans la COPDgene Study a montré que l’emphysème était détecté chez 66 % des patients se répartissant de la façon suivante : 17 % de traces, 18 % léger, 15 % modéré, 11 % confluent et 4 % destructeur avancé(1). L’emphysème sévère (confluent et destructeur) était associé à un âge plus avancé, un index de masse corporel plus bas, un tabagisme plus élevé en paquets-années, un trouble ventilatoire obstructif plus sévère et une fréquence plus élevée d’exacerbations sévères et un taux de mortalité plus élevé. Dans cette étude, la fréquence d’exacerbation sévère dans l’année précédente était de 24 % dans l’emphysème sévère, contre 9 % dans le groupe ayant des traces d’emphysème. Dans une étude menée dans 3 centres au Japon et incluant des sujets fumeurs et non-fumeurs, la prévalence de l’emphysème centro-lobulaire était de 44 % chez les fumeurs et de 5 % chez les non- fumeurs(2). Chez les fumeurs, la prévalence de l’emphysème centro-lobulaire était de 79 % chez les patients ayant un trouble ventilatoire obstructif et de 32 % en l’absence de trouble ventilatoire obstructif, soulignant la fréquence élevée de l’emphysème centro-lobulaire dans la BPCO, mais également la possibilité de lésions emphysémateuses y compris en l’absence de trouble ventilatoire obstructif dans une population assez large. Dans cette même étude, la prévalence de l’emphysème paraseptal était de 44 % chez les fumeurs et de 1 % chez les non-fumeurs. Des données issues de la cohorte allemande multicentrique COSYCONET analysant 436 patients BPCO a monté que 42 % des patients présentaient un phénotype emphysémateux pré-dominant(3). Dans cette étude, l’association d’une diffusion alvéolo-capillaire basse (KCO inférieur à 63,2 %), un rapport VEMS/CVF inférieur à 0,52 et une échelle de dyspnée mMRC supérieure à 1 permettait de prédire un phénotype emphysémateux prédominant avec un odd ratio à 5,9. Dans une étude incluant 86 patients BPCO, la sévérité de l’emphysème évaluée par une technique quantitative était associée à une augmentation du volume résiduel (VR), de la capacité pulmonaire totale (CPT) et du rapport VR/CPT et à une diminution du volume expiré à la première seconde (VEMS) et de la diffusion alvéolo-capillaire(4). Dans cette étude, les comparaisons entre le groupe BPCO avec emphysème sévère et le BPCO avec peu ou pas d’emphysème montraient un VR moyen à 221 % vs 147 %, un rapport VR/CPT à 70 % vs 54 % et une DLCO à 35 % vs 75 %, soulignant l’impact majeur de l’emphysème en termes d’hyperinflation et d’altération de la diffusion alvéolo-capillaire. Des travaux récents ont également étudié la progression de l’emphysème au cours du temps. Des données issues de 5 056 patients inclus dans la COPDGene Study ont montré que 26 % des patients présentaient une progression significative à 5 ans de l’emphysème détectable visuellement(5). La progression de l’emphysème était associée à une baisse plus importante du VEMS, du rapport VEMS/CVF et de la distance de marche sur le test de marche de 6 minutes, ainsi qu’à une augmentation de la mortalité. L’emphysème est également associé à un risque augmenté de carcinome bronchique, avec un odd ratio estimé à 3,1 dans une méta-analyse récente(6). L’emphysème centro-lobulaire et la sévérité scannographique de l’emphysème sont associés à un risque significativement plus élevé de carcinome bronchique. Ces données récentes basées essentiellement sur des évaluations par scanner thoracique soulignent la fréquence importante de l’emphysème pulmonaire, notamment au sein de la population tabagique et son impact majeur sur le plan clinique, fonctionnel respiratoire et sur le pronostic vital des patients. Le scanner thoracique est l’outil principal permettant l’évaluation morphologique de l’emphysème. Il faut souligner que l’arsenal thérapeutique « spécifique » de l’emphysème pulmonaire reste actuellement très limité, comportant sur le plan pharmacologique uniquement, la supplémentation par alpha-1 antitrypsine en cas de déficit en alpha-1 antitrypsine et la réduction volumique chirurgicale et endoscopique indiquées pour une population très sélectionnée. Des efforts plus soutenus de recherche et d’innovation centrées spécifiquement sur la pathologie emphysémateuse sont nécessaires de manière à mieux comprendre la physiopathologie de l’emphysème pulmonaire dans l’objectif de développer des stratégies thérapeutiques nouvelles. Figure 1. Emphysème centrolobulaire destructeur chez un patient de 73 ans présentant un trouble ventilatoire obstructif sévère (VEMS post-bronchodilatation 34 %), une distension thoracique (VR : 203 %, CPT : 132 %) et une altération de la diffusion alvéolo-capillaire (DLCO: 39 %). Figure 2. Emphysème panlobulaire au niveau des bases chez une patiente de 46 ans ayant un déficit en alpha-1 antitrypsine de phénotype ZZ et un tabagisme à 20 paquets-années.

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