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Pneumologie

Publié le 04 juil 2022Lecture 11 min

La pléthysmographie corporelle appliquée à l’étude de la fonction respiratoire : mieux comprendre pour mieux maîtriser

Robert BARBIER, Centre de pneumologie, Clinique Rhône-Durance, Avignon

La pléthysmographie permet aux pneumologues d’appréhender deux paramètres importants de la fonction respiratoire : la capacité résiduelle fonctionnelle (CRF) et la résistance des voies aériennes (Raw – « airway resistance »). La mesure de la CRF complète la mesure des volumes pulmonaires du spiromètre pour le diagnostic des maladies restrictives ou pour celles comportant une distension comme l’emphysème. La mesure des Raw est utile à l’évaluation du degré d’obstruction des voies aériennes dans l’asthme ou la BPCO par exemple.

COMMENT FONCTIONNE UN PLÉTHYSMOGRAPHE ? Nous nous limiterons à la description du modèle de pléthysmographe le plus utilisé, à volume constant – pression variable (ou barométrique). Il est fait d’une cabine étanche (après fermeture de por te) dont le volume ne peut varier. Dans la cabine est installé un capteur C de débit (ouvert dans la cabine) permettant de mesurer les débits à la bouche du patient et équipé d’un obturateur S (shutter), un capteur de pression à la bouche (Pmouth ou Pm) en amont de l’obturateur et un capteur de pression régnant dans la cabine (Pbox). Les mesures se font traditionnellement lors d’un halètement avec la séquence usuelle obturateur ouvert puis obturateur fermé. Quand l’obturateur est ouvert, on mesure le débit à la bouche (V’) et les variations de pression dans la cabine (Pbox), mesures permettant de tracer une courbe plus ou moins rectiligne. Quand l’obturateur est fermé, il n’y a plus de débit et on mesure les variations de pression à la bouche (Pm, censée refléter la pression alvéolaire ou PA) et les variations de pression dans la cabine (Pbox) censées refléter les variations du volume de l’espace libre de la cabine (volume cabine – volume patient estimé à partir de son poids), variations strictement identiques et opposées à celles du volume pulmonaire. Ces mesures permettent de tracer une droite. Les seules mesures effectuées lors du halètement par le pléthysmographe sont donc Pm, Pbox et V’ , mesures à partir desquelles il est possible de calculer le VGT (~ CRF) et la Raw. Figure 1 Figure 1. Mesures effectuées lors du halètement par le pléthysmographe. Deux notions importantes pour comprendre le fonctionnement d’un pléthysmographe : la loi de Boyle-Mariotte (contrariée par la dérive thermique) et la notion de shift volume. La loi de Boyle-Mariotte La loi de Boyle-Mariotte stipule que pour une masse cons tante de gaz dans des conditions de température constante (isotherme), la pression (P) et le volume (V) évoluent en sens inverse de sorte que le produit des deux (P.V) reste constant. C’est ce qui se passe par exemple pendant le halètement avec obturateur fermé pour le volume pulmonaire piégé par l’obturateur (volume gazeux thoracique ou VGT). Lors des variations du volume pulmonaire et de PA pendant le halètement obturateur fermé, le produit volume pulmonaire. PA reste constant. Il en va de même pour le produit volume libre de la cabine. Pbox lors du halètement obturateur fermé. La réalité n’est pas aussi simple… On considère dans un a priori simplificateur que les conditions sont isothermes. Néanmoins, si la température du volume pulmonaire est stable (homéothermie), celle de l’espace cabine ne l’est pas. On y observe invariablement une dérive thermique (hausse de température) dès qu’un patient s’assoit dans la cabine avec porte fermée. Ceci rend plus aléatoire l’exactitude des mesures si on ignore ce phénomène sans essayer de le réduire (encadré 1). Le shift volume La notion de shift volume (ou volume déplacé) doit être connue, car c’est le shift volume (ΔV) qui est utilisé dans les équations permettant le calcul de VGT et de Raw (cf. infra). Il est mesuré lors du halètement et correspond aux variations du volume libre de la cabine (identiques et opposées à celles du volume pulmonaire) exclusivement obtenues par la compression - décompression des gaz (à l’exclusion, donc des gaz circulants entre le poumon et l’espace libre du pléthysmographe). Il évolue avec le halètement. Ces variations de shift volume entraînent des variations de pression à l’intérieur de la cabine (Pbox). Les variations de shift volume sont donc déduites des variations de Pbox (mesurées par le capteur de pression de la cabine). C’est parfois le shift volume ou volume déplacé qui s’affiche sur l’écran de mesure du pléthysmographe. La notion de shift volume (encadrés 2 et 3) est plus facile à comprendre lors du halètement avec obturateur fermé (variation de volume cabine uniquement liée à la compression – décompression des gaz) qu’avec obturateur ouvert (circulation d’air entre le volume pulmonaire et la cabine, la compression – décompression des gaz est appréciée par les variations de Pbox). Figure 2 Figure 2. Le « shift volume » représenté ici lors d’un halètement obturateur fermé est déduit des variations de pression cabine (Pbox) grâce aux données de l’étalonnage. PRINCIPE DE LA MESURE DU VGT DANS LE PLÉTHYSMOGRAPHE : OBTURATEUR FERMÉ Le patient est assis dans la cabine de pléthysmographie et réalise une respiration paisible. Dès lors que la ligne de volume courant se stabilise (à la CRF), on demande au patient de réaliser un halètement (fréquence proche de 0,5 à 1 Hz soit une FR de 30 à 60/min, fréquence affichée à l’écran en règle). On commande alors la fermeture de l’obturateur pendant que le patient continue à haleter. Le VGT piégé subit une compression-décompression obéissant à la loi de Boyle-Mariotte. Les seuls paramètres mesurés lors de cette manoeuvre (obturateur fermé) sont la pression à la bouche (Pm) qui reflète la PA et la pression dans la cabine (Pbox), reflétant les modifications du volume libre de la cabine (identiques et opposées à celles du volume pulmonaire). Il est alors facile avec la droite reliant les mesures de déterminer le volume gazeux thoracique (VGT) piégé. La loi de Boyle- Mariotte permet d’écrire une formule simplifiée de VGT (calcul détaillé dans la bibliographie) : VGT = (ΔV/ΔPA).(Patm-PH2Osat) Ou ΔPA = ΔPm et ΔV (shift volume) est déduit de ΔPbox. On peut donc écrire : VGT = (ΔV/ΔPm).(Patm-PH2Osat) ou VGT = (K.ΔPbox/ΔPm).(Patm-PH2Osat) K est un facteur correctif issu de l’étalonnage ΔV avec ΔPbox. Patm-PH2Osat est la pression atmosphérique « sèche ». Cette formule est une formule simplifiée pour le calcul de VGT. Les progrès de l’informatisation permettent d’utiliser la formule complète pour le calcul du VGT (voir bibliographie). Figure 3 Figure 3. Quelle que soit la formule de calcul, VGT est inversement proportionnel à la pente de la droite dessinée par Pm/Pbox. Plus la pente Pm/Pbox est raide, plus le VGT sera faible. PRINCIPE DE LA MESURE DES RAW DANS LE PLÉTHYSMOGRAPHE : OBTURATEUR OUVERT La Raw correspond à la pression nécessaire pour générer un débit donné dans les voies aériennes : Raw = pression motrice/V’. La pression motrice c’est PA-Pm et Raw = PA-Pm/V’. PA est inaccessible à la mesure pendant le halètement à obturateur ouvert et on ne peut donc mesurer directement la Raw. On contourne la difficulté en mesurant non pas la Raw, mais la résistance spécifique (sRaw), qui elle est accessible à la mesure lors du halètement avec obturateur ouvert à partir de ΔV (shift volume) et V’ (cf. infra). On en déduit ensuite Raw après avoir mesuré VGT (Raw = sRaw/VGT). Les deux étapes de mesure de Raw sont les suivantes : halètement rapide obturateur ouvert puis halètement plus lent obturateur fermé. Plus précisément, on demande d’abord au patient au niveau de la CRF de débuter un halètement avec une fréquence proche de 2 Hz soit une FR de 120/min alors que l’obturateur est ouvert. Les débits à la bouche (V’) et la Pbox sont mesurés, ce qui permet de dessiner la courbe déjà décrite ci-dessus et de calculer sRaw. La deuxième étape consiste à poursuivre le halètement (fréquence de 0,5 à 1 Hz) avec obturateur fermé permettant la mesure de VGT. • Lors du halètement avec obturateur ouvert (fréquence 2 Hz), la pente de la courbe nous informe non pas sur Raw, mais sur la résistance spécifique (sRaw) qui est le produit de VGT et de RVA (sRaw = VGT.Raw). En effet (calcul détaillé dans la bibliographie), sRaw = (ΔV/V’).(Patm-PH2Osat). On peut l’écrire sRaw = (K.ΔPbox/V’).(Patm-PH2Osat). K est encore une fois un facteur correctif issu de l’étalonnage. Les courbes dites « de résistance » sont donc en fait des courbes de résistance spécifiques (sRaw n’est pas une résistance au sens strict du terme). On peut retenir que les sRaw sont inversement proportionnelles à la pente de la droite dessinée lors du halètement. Plus la pente est raide, plus les sRaw sont faibles. • Lors du halètement avec obturateur fermé (fréquence 0,5 à 1 Hz), on mesure VGT, ce qui permet de déduire Raw (= sRaw/VGT). Raw et VGT font évoluer la pente ΔV/V’ dans le même sens. À VGT égal, plus la pente est raide, plus Raw est faible. LES DIFFÉRENTS REPÈRES POUR MESURER LES sRAW Contrairement aux droites permettant la mesure de VGT, la courbe dessinée lors d’un halètement avec obturateur ouvert n’est pas toujours rectiligne et prend parfois une forme différente à l’inspiration et à l’expiration en particulier chez les patients obstructifs. Il est parfois difficile alors de déterminer la « pente » de la courbe. On utilise habituellement la portion de courbe correspondant aux débits compris entre +0,5 et -0,5 l/s pour calculer sRaw (sR0,5). Figure 4 Figure 4. Chez un patient sain, la courbe reliant V’ et Pbox est « fermée ». Elle prend parfois une forme de S allongé. On utilise la portion la plus rectiligne comprise entre +0,5 et -0,5 L/s de débit. Chez les patients obstructifs, la courbe expiratoire s’ouvre en dessinant la forme habituelle de « canne de golf » ou de « raquette ». Plusieurs portions de la courbe ont été proposées pour calculer la pente permettant la mesure de sRaw. Figure 5 Figure 5. Chez le patient obstructif, on utilise volontiers la partie de la courbe avec des débits compris entre +/- 0,5 L/s en s’appuyant sur sa portion la plus linéaire. Certains utilisent une droite tendue à partir des pressions Pbox extrêmes (sRtot), plus sensible à l’obstruction distale, mais plus variable. D’autres utilisent une droite de détermination plus complexe destinée à représenter une résistance spécifique moyenne ou résistance spécifique effective (sReff) plus sensible que sRtot à la résistance des voies respiratoires plus larges. PROBLÈMES PRATIQUES RENCONTRÉS LORS DES MESURES DE VGT ET RAW Même si les lois physiques qui valident ces mesures sont relativement simples, elles sont faites avec des présuppositions et des approximations qu’il faut connaître afin de repérer les dérives possibles de mesures. • La vitesse et la profondeur du halètement sont deux paramètres importants de la mesure et parfois problématiques avec les patients. Les règles édictées sur fréquence et amplitude du halètement concernent surtout les appareils d’ancienne génération : Lors du halètement à obturateur ouvert (mesure de sRaw), il est recommandé de le réaliser à une fréquence proche de 2 Hertz (1,5 -3 Hz) avec un volume courant faible (mais avec un débit suffisant pour dépasser les seuils de +0,5 et -0,5 l/s, sinon il devient difficile de déterminer la pente de la droite ΔV/V’). Ce halètement élimine les variations de volume liées à des variations de la température et de l’humidité de l’air mobilisé pendant la manœuvre et réduit la contribution du régime turbulent du flux d’air. Cela facilite aussi le maintien de l’ouverture de la glotte. Un halètement trop rapide peut aboutir à la formation d’une courbe en 8. Un halètement trop lent à la formation d’une courbe ouverte. Un halètement peu ample rend difficile le tracé de la pente de la courbe. L’analyse des courbes produites permet de guider le patient dans l’amplitude et la fréquence des respirations à adopter. Cependant, dans les appareils modernes, les compensations électroniques autorisent désormais une respiration plus paisible à fréquence moindre, beaucoup moins contraignante pour le patient ! Figure 6 Figure 6. Lors du halètement à obturateur fermé (mesure de VGT), la fréquence recommandée est de 0,5 à 1 Hz soit une FR de 30 à 60/min. Il faut haleter doucement de façon à générer une pression proche de ± 1 kPa à la bouche (Pm) et les droites dessinées par le halètement doivent être superposables. Un halètement trop ample (Pm > ± 2 kPa) ou rapide (FR > 60) aboutit à la production de boucles plus ou moins ouvertes et peut aboutir à une surestimation de VGT. Un halètement insuffisamment ample (Pm < ± 0,5 kPa) ne permet pas de déterminer une droite précise. Un halètement trop lent (FR < 30/min) conduit à l’apparition de boucles non exploitables. Chez les patients obstructifs, il est bien connu qu’un halètement trop rapide conduit à surestimer VGT, car, en raison d’une résistance importante des voies aériennes, la pression mesurée à la bouche (Pm) devient alors inférieure à PA. La règle est de respecter une fréquence de 0,5 à 1 Hz. Encore une fois, la modernisation des pléthysmographes permet la réalisation de ces mesures lors d’une respiration plus paisible à fréquence moindre. Figure 7 Figure 7. • VGT n’est pas strictement équivalent à CRF ! Les conditions de sa mesure (espace clos, halètement contre obturateur) font que le patient est enclin à respirer à plus haut volume pulmonaire. Ceci est particulièrement vrai pour les patients obstructifs qui peuvent être l’objet d’une distension dynamique même au repos. Il faut donc conduire le patient progressivement à respirer à sa véritable CRF avant toute manœuvre de halètement. Par ailleurs, l’obturateur n’est pas déclenché strictement au terme de l’expiration, mais après quelques millisecondes lors de l’inspiration qui suit. La plupart des logiciels permettent de corriger la mesure en ramenant VGT à la ligne stable de base du volume courant, ce qui permet d’apprécier plus justement CRF, VRE (volume résiduel expiratoire) et CI (capacité inspiratoire). Figure 8 Figure 8. Lors du halètement, le volume courant peut s’éloigner de la ligne de base de respiration paisible et le VGT être mesuré au-dessus du niveau de la CRF. • Le gonflement des joues peut poser un problème : il induit lors de la manœuvre de halètement avec obturateur fermé une augmentation du volume de la cavité buccale et une baisse de Pm qui ne traduit plus exactement PA (Pm < PA). La règle est de maintenir immobiles les joues avec la paume des mains. Ce phénomène est atténué avec les pléthysmographes récents permettant des mesures avec respiration plus lente. Figure 9 Figure 9. • Les gaz intestinaux sont compressibles et donc comptés avec le VGT. Ils sont estimés à 100-300 ml. Leur intervention est minimisée si on halète à la CRF (et s’accentue quand on s’écarte de la CRF). Ils posent donc peu de problèmes surtout si les mesures sont faites loin des repas. • Il est d’usage courant d’effectuer toutes les mesures accessibles dans le pléthysmographe en une fois selon un ordre précis : respiration paisible à la CRF - halètement obturateur ouvert (mesure de sRraw) puis fermé (mesure de VGT) - expiration lente maximale jusqu’au VR puis inspiration maximale jusqu’à la CPT (mesure de la CV inspiratoire) ou inversement (mesure de la CV expiratoire) – manœuvres respiratoires forcées. Ceci demande une attention et un effort soutenu du patient qui peuvent fléchir en fin d’examen avec une expiration forcée parfois médiocre. Il est plus sage de réaliser les mesures CRF (VGT) – sRaw – CV dans un premier temps puis les manœuvres respiratoires forcées lors d’une deuxième séquence afin d’optimiser les résultats.

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