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BPCO

Publié le 11 oct 2022Lecture 10 min

Macrolides au long cours en prévention des exacerbations de BPCO - Quelle balance bénéfice-risque ?

Gaétan DESLÉE, Service de pneumologie, INSERM UMRS 1250, CHU de Reims

Les exacerbations impactent de façon importante la morbidité, la qualité de vie et la mortalité associées à la BPCO. Elles entraînent également des coûts de santé significatifs, notamment en cas d’exacerbation sévère nécessitant une hospitalisation. L’objectif de cette synthèse est de faire le point sur l’état des connaissances, notamment en termes de balance bénéfice-risque, concernant la place des macrolides au long cours dans la stratégie de prévention des exacerbations de BPCO.

QUEL RATIONNEL POUR UTILISER LES MACROLIDES EN PRÉVENTION DES EXACERBATIONS DE BPCO ? Les antibiotiques de la famille des macrolides sont caractérisés sur le plan structurel par un macrocycle lactone de taille variable en fonction du nombre d’atomes. Pour citer les macrolides les plus utilisés, l’érythromycine, la clarithromycine et la roxithromycine comportent 14 atomes, l’azithromycine comporte 15 atomes, la josamycine et la spiramycine comportent 16 atomes et le tacrolimus comporte 23 atomes. En plus de leurs effets antibactériens, les macrolides à 14 ou 15 atomes ont des propriétés immunomodulatrices et anti-inflammatoires diminuant la production de cytokines pro-inflammatoires, réduisant le recrutement des polynucléaires neutrophiles et des monocytes/macrophages, diminuant la sécrétion de mucus et inhibant la synthèse de facteurs de virulence bactériens. Ces propriétés immunomodulatrices ont donné lieu au développement de leur utilisation dans plusieurs pathologies respiratoires chroniques, telles que la panbronchiolite diffuse, la mucoviscidose et les bronchectasies non associées à la mucoviscidose. QUEL NIVEAU DE PREUVE D’EFFICACITÉ DES MACROLIDES AU LONG COURS DANS LA BPCO ? Les macrolides ont été étudiés dans la BPCO dans 11 études randomisées contrôlées contre placebo, évaluant majoritairement l’azithromycine (n = 6), suivie de l’érythromycine (n = 3), la clarithromycine (n =1) et la roxithromycine (n = 1). Outre les différences en termes de type de molécules utilisées, ces études sont hétérogènes en termes de durée de traitement (3 mois à 1 an), de posologie utilisée (dosages, fréquence quotidienne ou 3 fois par semaine), de critères d’inclusion et exclusion notamment concernant la fréquence des exacerbations à l’inclusion, de modalités de suivi et de nombre de patients inclus allant de 22 à 1117 patients. Concernant l’azithromycine qui est le macrolide qui a été le plus étudié dans cette indication, les posologies vont de 250 mg par jour à 250 ou 500 mg 3 fois par semaine. Une métaanalyse publiée en 2018 incluant 2151 patients issus de onze études randomisées contrôlées et une étude rétrospective, montre une réduction significative du nombre d’exacerbations de BPCO par an et par patient avec un risque relatif à 0,6 dans le groupe macrolides et une réduction du nombre de patients ayant au moins une exacerbation dans l’année avec un odd-ratio à 0,4 dans le groupe macrolides(1). Il faut noter que les résultats de cette métaanalyse étaient positifs en faveur des macrolides en prenant en compte les études ayant évalué une durée de traitement par macrolides de 12 mois, alors que les résultats n’étaient pas significatifs pour les études ayant évalué les macrolides sur une durée de 3 à 6 mois.Une métaanalyse Cochrane publiée en 2021 conclut également à un effet des macrolides en termes de réduction des exacerbations avec un hazard ratio à 0,67 dans le groupe macrolides, résultant en 127 patients en moins sur 1 000 présentant une exacerbation de BPCO par an(2). Il n’est pas noté d’effet des macrolides en termes de réduction du nombre d’exacerbations sévères nécessitant une hospitalisation, probablement en rapport avec la typologie des patients BPCO recrutés en ambulatoire avec une fréquence peu élevée d’événement « exacerbation sévère » au cours du suivi. Il faut noter également dans ces métaanalyses, un bénéfice significatif statistique sur la qualité de vie, mais sans atteindre la pertinence clinique avec une différence en termes de modification du score de Saint George de 2,5 points. Dans toutes ces métaanalyses analysant l’effet des macrolides sur les exacerbations de BPCO, l’étude d’Albert et coll. menée aux USA et ayant inclus plus de 1 100 patients a un poids très élevé(3). Dans cette étude randomisée contre placebo, la posologie de l’azithromycine était de 250 mg par jour pendant 1 an. Les critères d’inclusion étaient un VEMS inférieur à 80 % associé à au moins un critère parmi les suivants : prise en charge aux urgences ou en hospitalisation pour exacerbation dans l’année précédente, corticostéroïdes systémiques dans l’année précédente, oxygénothérapie de longue durée. Le délai moyen de la première exacerbation était augmenté dans le groupe azithromycine comparé au placebo (266 vs 174 jours, p < 0,001). La fréquence des exacerbations était diminuée dans le groupe azithromycine comparé au placebo (1,48 vs 1,83 par an, p < 0,001). Les analyses de sous-groupes montraient un effet moindre de l’azithromycine dans les sous-groupes fumeurs actifs, BPCO très sévère (GOLD spirométrique IV), âge inférieur à 65 ans, oxygénothérapie, utilisation de traitements inhalés. L’étude probablement la plus proche de la pratique est l’étude COLOMBUS menée aux Pays-Bas(4). Cette étude a inclus 92 patients BPCO ayant au moins 3 exacerbations dans l’année précédente, comparant l’azithromycine à la posologie de 500 mg 3 fois par semaine à un placebo pendant un an. La fréquence des exacerbations à un an était de 1,94 dans le groupe azithromycine, contre 3,22 dans le groupe placebo. Après ajustement, la réduction du risque d’exacerbation était de 0,58 dans le groupe azithromycine en comparaison avec le groupe placébo. Une étude post-hoc de l’étude COLOMBUS suggère qu’un taux d’éosinophiles sanguin supérieur à 2 % pourrait être associé à une meilleure réponse à l’azithromycine, mais ces résultats doivent être interprétés avec prudence, car relevant d’une analyse post-hoc sans autres données prospectives publiées, ne permettant donc pas de retenir cet élément comme un facteur prédictif de réponse au traitement par macrolides dans la BPCO(5). Enfin, la présence ou non de Pseudomonas aeruginosa à l’inclusion ne constitue pas un facteur prédictif de réponse au traitement par macrolides au long cours. QUEL RISQUE DES MACROLIDES AU LONG COURS ? Les effets indésirables gastro-entérologiques incluant des douleurs abdominales et diarrhées sont classiquement rapportés avec l’érythromycine et un peu moins fréquemment avec l’azithromycine. Dans l’étude COLOMBUS, le risque de diarrhée était significativement augmenté dans le groupe azithromycine par rapport au groupe placebo (19 % dans le groupe azithromycine contre 2 % dans le groupe placebo)(5). Il faut noter également la possibilité de colite pseudo-membraneuse associée aux macrolides au long cours qu’il conviendra de rechercher. Une augmentation de l’espace QT induit par les macrolides expose au risque de torsades de pointe et de mort subite. Des études de cohorte sur bases de données américaines ont montré une augmentation du risque de décès d’origine cardiovasculaire associée à la prise en cure courte d’érythromycine et d’azithromycine(6,7). Les différentes études randomisées évaluant l’érythromycine ou l’azithromycine à faible dose au long cours en pathologie respiratoire chronique n’ont pas retrouvé ce risque. Il faut cependant noter que les patients ayant une augmentation du QT étaient exclus des études randomisées. Dans une étude rétrospective menée au Québec, 1,6 % des patients BPCO traités par azithromycine au long cours devaient arrêter le traitement compte tenu d’un allongement de l’espace QT(8). Une ototoxicité potentielle de l’azithromycine a été rapportée dans l’étude d’Albert et coll. rapportant 25 % d’ototoxicité dans le groupe azithromycine contre 20 % dans le groupe placebo(3), mais non retrouvée dans les autres études randomisées. Les macrolides entraînent une inhibition du cytochrome P450, qui est particulièrement importante pour l’érythromycine, moindre pour la clarythromycine et faible pour l’azithromycine, exposant au risque d’interactions médicamenteuses. Une augmentation de l’acquisition de pathogènes résistants aux macrolides a été rapportée dans plusieurs études, dont la plus large menée aux USA(3). Des données récentes apparaissent plutôt rassurantes en termes de risque de résistance aux antibiotiques. Une analyse post-hoc de l’étude COLOMBUS rapporte même au long cours chez les patients traités par azithromycine une acquisition moindre de germes ainsi que de résistance aux macrolides(5). Cette même équipe rapporte cependant une augmentation progressive de l’acquisition de gènes de résistance aux macrolides au cours du temps dans le groupe traité par azithromycine(9). Il faut également souligner que le niveau d’utilisation des antibiotiques reste le facteur principal de risque de résistance aux antibiotiques, justifiant d’une vigilance élevée vis-à-vis de stratégies trop larges d’utilisation d’antibiotiques au long cours. Une analyse microbiologique menée chez des patients emphysémateux recevant de l’azythromycine à 250mg/j pendant 8 semaines montre une modification du microbiote pulmonaire, avec notamment une diminution de la diversité bactérienne(10). Enfin, l’utilisation d’une monothérapie par macrolides dans un contexte d’infection à mycobactérie atypique est susceptible de favoriser la sélection de résistances aux macrolides. QUELLE MOLÉCULE, QUELLE POSOLOGIE, QUELLE DURÉE DE TRAITEMENT ? L’azithromycine est la molécule la plus étudiée dans le contexte de la prévention des exacerbations de BPCO et devrait donc être privilégiée. Elle a également l’avantage d’être associée à moins d’effets indésirables et a moins d’interactions avec le cytochrome P450. Une étude rétrospective récente suggère que la posologie de 250 mg d’azithromycine, 3 fois par semaine, est aussi efficace que la posologie à 500 mg, 3 fois par semaine(11). Concernant la durée du traitement, il n’y a pas de données disponibles d’études randomisées contre placebo menées au-delà de 1 an. Après un an, les données de la littérature sont contradictoires. Dans une étude rétrospective menée au Québec, l’utilisation de l’azithromycine au long cours était associée à une persistance d’un bénéfice en termes de prévention des exacerbations de BPCO jusqu’à deux ans de traitement(8). Par contre, une étude plus récente rapportant les résultats de l’étude COLOMBUS au-delà d’un an ne montre pas de persistance de l’effet bénéfique de l’azithromycine après un an(12). QUELLE BALANCE BÉNÉFICE-RISQUE ? L’évaluation de la balance bénéfice-risque des macrolides au long cours est l’élément majeur à considérer. Les résultats récents des études plaident plutôt pour une sécurité d’utilisation des macrolides au long cours dans la BPCO, identifiant des niveaux de résistance aux antibiotiques assez faibles et des effets indésirables relativement limités et peu sévères. Une étude récente basée sur une méthodologie de modélisation mathématique conclut à une balance bénéfice-risque en faveur de l’utilisation des macrolides au long cours pour la prévention des exacerbations de BPCO(13). Il faut cependant se méfier de conclusions hâtives basées sur ce type d’études dont la méthodologie est basée sur des modèles mathématiques incluant des hypothèses issues de résultats d’études précédentes. Les propositions de la Société de pneumologie de langue française (SPLF) concernant le traitement pharmacologique de la BPCO à l’état stable, actualisées en 2021, indiquent que l’utilisation des macrolides au long cours doit être considérée comme une stratégie d’exception réservée à des patients ayant des exacerbations fréquentes malgré une prise en charge thérapeutique optimale, en privilégiant l’azithromycine à la posologie de 250 mg, 3 fois par semaine(14). CONCLUSION L’utilisation des macrolides au long cours est une stratégie thérapeutique d’exception pour laquelle une évaluation individuelle de la balance bénéfice-risque doit être clairement discutée. Cette stratégie reste actuellement hors AMM, mais peut être envisagée chez certains patients BPCO exacerbateurs fréquents (au moins 2 exacerbations dans l’année précédente, voire 3), comme cela est proposé par différentes sociétés savantes, notamment la SPLF. Avant de s’engager sur un traitement par macrolides au long cours, les éléments suivants doivent avoir été évalués rigoureusement : – s’assurer du caractère optimal du traitement de la BPCO sur le plan pharmacologique (traitement inhalé notamment) et non pharmacologique incluant le sevrage tabagique, la réadaptation respiratoire, la prise en charge nutritionnelle et la kinésithérapie respiratoire ; – réalisation d’investigations complémentaires pour l’évaluation des mécanismes des exacerbations fréquentes : a) imagerie thoracique à la recherche notamment de bronchectasies associées, b) évaluation microbiologique au minimum par examen microbiologique des crachats incluant une analyse bactériologique, mycobactériologique et mycologique et éventuellement par fibroscopie bronchique, c) recherche et traitement optimal d’éventuelles comorbidités notamment cardiovasculaires ; – ECG avec mesure de l’espace QT pour rechercher d’un QT long ; – recherche d’éventuelles interactions médicamenteuses qui contre-indiqueraient un traitement par macrolides, prenant en compte notamment l’interaction avec le cytochrome P450 ; – recherche d’antécédents devant faire exclure cette stratégie : a) antécédent de mycobactérie atypique, b) antécédents d’effets indésirables cardiologiques, gastro-entérologiques ou otologiques associés à l’utilisation de macrolides, c) allergie au macrolide que l’on souhaite utiliser, en rappelant que les réactions allergiques ne croisent pas forcément entre les différents macrolides. Si une décision de débuter les macrolides au long cours est prise, privilégier l’azithromycine à une posologie minimale de 250mg, 3fois par semaine pour une durée minimale de 3 mois de traitement, en se posant la question d’un éventuel arrêt après un an de traitement. Le traitement par macrolides au long cours devra être interrompu en cas d’effets indésirables et/ou d’absence d’efficacité sur la fréquence des exacerbations. Une surveillance rigoureuse doit être établie incluant : a) le repérage de la survenue d’effets indésirables qui doivent être expliqués au patient, b) l’évaluation de la réponse au traitement en termes de diminution de la fréquence des exacerbations.

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