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HISTOIRE

Publié le 14 fév 2022Lecture 18 min

La prophylaxie postale des épidémies - Elle a commencé par la purification des objets de correspondance

Guy DUTAU, Allergologue, pneumologue, pédiatre, Toulouse

Au XVIIIe siècle, Angelo Frari(a) considérait que la désinfection des lettres avait commencé au moins un siècle plus tôt. Dans la Gazzetta Privilegiata di Venezia (GPV), il relate une épidémie de peste qui frappa le Portugal à la fin du XIVe siècle. Le roi du Portugal, Edouardo Ier (1391-1438), se retira alors avec sa famille dans le monastère de Tomar(b,c), mais il contracta la peste et sa contamination fut attribuée au contact avec une lettre infectée qui lui avait été remise(d) (figure 1). Comme la majorité des médecins de l’époque, Frari considérait que les lettres pouvaient contenir les « germes de la contagion(e) » et, par conséquent, qu’elles devaient être désinfectées. Cette opinion était partagée par la plupart des auteurs jusqu’à la découverte des bactéries et des virus responsables des maladies épidémiques, ainsi que de leurs modes de transmission. En France, les plus anciennes lettres purifiées que nous connais- sons datent du 20 mai 1607 (Alep-Marseille), d’octobre 1630 (Le Caire-Marseille) et du 14 août 1677 (Saïda-Marseille) (figure 2). Nous connaissons des lettres purifiées de la fin du XVIe siècle, mais il en existe de plus anciennes(f) (figure 3).

Figure 1. Messager à cheval distribuant une lettre à l’aide d’une pince pour éviter le contact avec le destinataire (bloc Europa, 1979) (collection G.Dutau ©). Figure 2. Lettre désinfectée au vinaigre d’Alep (20 mai 1607) pour Marseille avec mention d’acheminement « Par La Nonciade que Dieu Conduise ». Ces mentions dites « talisman » étaient souvent en abrégé comme « QDC » (Que Dieu Conduise) ou « WGP » (With God Protect) (collection G. Dutau ©). Figure 3. Lettre de la Grande Peste de Gênes : lettre du Commissaire des Guerres de la République de Gênes, purifiée par exposition au parfum et à la flamme dont on voit les traces. La lettre est destinée à Nicolò Guano Capne à Pieve (Pieve di Teco, province d’Imperia, Ligurie) (collection G. Dutau ©). JUSTIFICATIONS DE LA PURIFICATION DU COURRIER Jusqu’à 1830-1840, les lettres furent désinfectées(g), car on craignait qu’elles ne transmettent la peste(h), désignée à cette époque par le terme de «contagion», cause de fréquentes épidémies jusqu’à la grande peste de Marseille et de Provence (1720-1722). Mais, au début du XIXe siècle, avec l’apparition en Europe de la fièvre jaune et du choléra, la peste cessa d’être la seule maladie qui justifiait la désinfection du courrier. En effet, entre 1800 et 1821, plusieurs épidémies de fièvre jaune survinrent en Espagne, touchant Cadix à de nombreuses reprises (1800-1801 et 1803-1805), ainsi que plusieurs villes d’Andalousie, puis Barcelone (1821). Ces épidémies étaient dues à l’importation de la fièvre jaune (vomito negro) par les moustiques infectés(i) situés dans la cale de navires venant d’Amérique centrale, en particulier de La Havane et des Caraïbes où la fièvre jaune était endémique(j). À l’époque, ce mécanisme était inconnu et la théorie officielle était celle des miasmes(k), les principaux germes responsables des maladies infectieuses n’étant découverts qu’à la fin du XXe siècle, ou même plus tard. Ainsi, avec la fièvre jaune, le choléra morbus motiva la désinfection des lettres au cours des sept pandémies cholériques qui se succédèrent entre 1817 et 1961(l). Ailleurs qu’en France, le courrier des tuberculeux fut désinfecté avec de la formaline, en particulier au début du XXe siècle dans les sanatoriums de Pennsylvanie, en particulier à Mont Alto. Il en fut de même pour la correspondance des soldats atteints de la grippe dite espagnole en 1918-1919 (États-Unis), ainsi que pour l’ensemble du courrier au cours d’épidémies de fièvre aphteuse en Suisse (1919) par crainte d’une propagation humaine de cette affection du bétail(m). Une semaine après l’attentat contre les tours jumelles du World Trade Center (11 septembre 2001) est apparu un grave bioterrorisme par inclusion de spores de Bacillus anthracis dans des enveloppes, responsable d’infections très graves et même mortelles (figure 4). Toutes les lettres suspectes, principalement adressées aux organismes officiels, furent stérilisées par irradiation à Bridgeport, New Jersey, et distribuées au bout de plusieurs mois. Figure 4. Lettre du ministère américain de l’Énergie (24janvier 2002), désinfectée par irradiation à Bridgeport. Griffe au tampon « MAIL/ SANITIZED » (collection G. Dutau ©). Plus récemment, au cours des vols d’Apollo11 (11 août 1969) et d’Apollo14(31janvier-9 février 1971), des cosmogrammes lunaires – Moon Mail – qui avaient voyagé en orbite autour de la Lune furent désinfectés par crainte que des microorganismes aient été présents sur le sol de la Lune où Buzz Aldrin (1930) et Neil Armstrong (1930-2012) ont été les premiers hommes à marcher, Michael Collins (1930-2021) pilotant le module lunaire (figure 5). Lors des anciennes épidémies, il n’est pas impossible que des lettres purifiées aient été détruites par leurs destinataires qui craignaient d’être contaminés... Plus tard, pareillement, les lettres suspectes de bioterrorisme à l’anthrax furent souvent jetées ou détruites par leurs destinataires. Si l’application de ce « principe de précaution » avait été systématique, il nous aurait privés de ces documents historiques ! Figure 5. Cosmogramme lunaire dit « Moon Mail » no 1/55 « CARRIED TO THE MOON ABOARD APOLLO 14 (26 feb. 1971) ». Alan B. Shepard (commandant), Stuart A. Roosa (module de commande, reste en orbite), Edgar D. Mitchell (pilote du module lunaire) (Courtesy Bolaffi Historical Archive of Philography and Communication ©). La colère fut aussi une réaction fréquente des destinataires de lettres largement désinfectées au vinaigre, comme cela était la doctrine au lazaret de Marseille. La plupart étaient des négociants de la ville, pour lesquels le contenu épistolaire était important. Même s’il était recommandé d’utiliser le vinaigre blanc(n), une immersion prolongée dans ce liquide désinfectant(o) altérait fortement la suscription des lettres et leur texte intérieur devenait peu lisible, ou même illisible (figure 6). Figure 6. Ce pli, écrit de la « chaîne du port » de Marseille (20 septembre 1824) par un patron italien annonce son arrivée. La lettre a été longtemps immergée dans le vinaigre, sans entailles, au point que son texte extérieur est presque illisible. Colère assurée du destinataire. La suscription était aussi très peu lisible ! (collection G. Dutau ©). Vers 1820-1825, l’adoption du chlore ou parfum Guytonien, du nom de son promoteur Louis-Bernard Guyton de Morveau (1737-1816), devait pallier cet inconvénient épistolaire : cette désinfection chimique utilisant l’acide muriatique (acide chlorhydrique) ne laissant pas de traces ou peu, sans altérer l’écriture. LE SYSTÈME QUARANTENAIRE La désinfection du courrier s’intègre dans le cadre des mesures qui définissent le « système quarantenaire », imaginé dès la fin du XIVe par Bernabo Visconti à Reggio-Emilia, puis dans d’autres villes comme Raguse (l’actuelle Dubrovnik), Venise, Gênes, Marseille, Malte, Trieste, Ancone, Naples, Livourne, Toulon, puis, plus tard, dans les ports de l’Atlantique, Bordeaux et l’estuaire de la Gironde en particulier, ainsi que dans ceux de la mer du Nord. Ce système persista en France jusqu’à la fin du XIXe siècle, puis il fut remplacé par le Règlement sanitaire international, élaboré à partir de 1845 à l’instigation d’Adrien Achille Proust (1834-1903), professeur d’hygiène à Paris, défenseur du droit sanitaire international(p). Plus tôt, en Angleterre, les lazarets et les quarantaines avaient été supprimés, jugés comme obsolètes, car entravant le commerce. Les voyageurs devaient se déplacer avec des attestations, terrestres (billets de santé) ou maritimes (patentes de santé)(q) qui sont les ancêtres des « attestations » que nous eûmes à remplir au cours des confinements associés à la Covid-19 ! Il est curieux de voir que, à cette occasion, un grand nombre de personnes ont découvert ces « vieux papiers » (figure 7). On ne dira jamais assez que l’histoire se répète souvent... Mais à l’époque les contrevenants étaient passibles de lourdes peines, telles que de fortes amendes, des châtiments corporels comme l’estrapade(r), voire la mort ! Figure 7. Billet de santé délivré par les Capitouls de Toulouse pour un voyageur habitant Albi, allant de Toulouse (21 mars 1722) pour se rendre à Montauban (23 mars) et en Auvergne. Au verso sont inscrits ses visas de passage à Puylaroque (23 mars), Limonhe (Limogne, 24 mars), Figeac (24 mars) et Rieupeyroux (29 mars). Ce billet, délivré pendant la Grande Peste de Marseille et de Provence (1720-1722) témoigne des précautions sanitaires prises à l’époque, très loin du foyer initial. Toulouse et sa région ne furent pas touchés, ni la Catalogne, au contraire du Gévaudan (collection G.Dutau ©). MOYENS DE DÉSINFECTION Les signes de désinfection des lettres varient selon les règles sanitaires des ports ou des pays, et aussi avec les agents sanitaires qui les ont effectuées(s). En France, à l’exemple du bureau de Santé de Marseille, les lettres furent d’abord immergées dans le vinaigre sans entailler les plis. Mais la survenue d’une grave épidémie de peste en Afrique du Nord (1784-1787) modifia cette pratique et, à partir de 1784, des entailles – en général deux, parfois plus, en particulier en cas de lettres épaisses susceptibles de contenir des échantillons d’étoffes – furent pratiquées systématiquement au lazaret de Marseille pour mieux faire pénétrer le vinaigre à l’intérieur des lettres (figure 8). Figure 8. Aspect typique d’une lettre désinfectée au vinaigre blanc avec deux entailles caractéristiques aux extrémités bifides. Cette lettre est datée de Tunis, 1er novembre 1785, où la peste sévit, puis s’étendra au reste du pays et à l’Algérie (collection G. Dutau ©). Avec le chlore gazeux (circa 1820), d’autres moyens de désinfection ont été utilisés comme le formol (formaline ou formaldéhyde ou méthanal : CH2O), l’exposition à la flamme, l’exposition combinée à la chaleur et à diverses plantes aromatiques (laurier, genévrier, romarin, thym) dans des dispositifs particuliers, appelés « chambres du parfum »(t). Dans certains lazarets d’anciens États italiens (Naples, Livourne, Gênes, Cagliari) ou ailleurs (Trieste, Tunisie), les lettres furent exposées directement à la flamme, tenues par des pinces (angl. : tongs) qui laissaient souvent leur empreinte en négatif sur les lettres ainsi exposées (figures 9 et 10). Les lettres désinfectées à la flamme sont exceptionnelles en France, où les modèles techniques étaient ceux de l’Intendance sanitaire de Marseille, dominés jusqu’à 1784 par l’utilisation du vinaigre. Figure 9. Lettre commerciale de Livourne (2 juin 1837) pour Tunis désinfectée à l’arrivée à la flamme selon les techniques en vigueur en Italie, ici par l’office sanitaire sarde de Tunis. Plusieurs lettres ont été exposées à la fois. Il en résulte l’empreinte de la lettre qui était tenue exposée au-dessus de celle-ci. Visualisation possible à droite de la pince qui a tenu l’ensemble. Absence d’entaille (collection G. Dutau ©). Figure 10. Lettre par porteur de La Goulette (24 juillet 1837) pour Tunis. Désinfection extérieure par exposition probable à un parfum végétal généré par combustion. Trace de la pince qui a maintenu la lettre. Deux entailles (collection G. Dutau ©). SIGNES DE DÉSINFECTION Couleurs du papier Il s’agit de taches et/ou de décoloration affectant la suscription et/ou le texte intérieur jusqu’à le rendre difficile à lire. Le vinaigre donne lieu à des taches disséminées à bords irréguliers, de tonalité allant du jaune au marron avec tous les dégradés possibles (figures 11 et 12). Les fumigations confèrent au papier une coloration allant de l’ocre jaune au marron, en fonction des compositions végétales et de l’emploi (ou non) de la flamme. Figure 11. Lettre de Constantinople (30 septembre 1797) pour Marseille. Traces de vinaigre sur les bords de la lettre et pénétration du vinaigre (collection G. Dutau ©). Figure 12. Lettre écrite à l’arrivée à la chaîne du port de Marseille (« De la Chaîne du port 18 frimaire an X » soit le 9 septembre 1801) adressée à un négociant de la ville. Immersion dans le vinaigre (collection G. Dutau ©). Entailles Les techniques utilisées pour entailler les lettres sont sommairement décrites dans les règlements de la Santé de Marseille ou dans d’autres bureaux de Santé. Des instruments tranchants comme des lames ou des ciseaux ont été employés (angl. : slits) (revoir ci-dessus les figures 8 et 11). L’extrémité des entailles est le plus souvent bifide. Toutefois, au lazaret de Trompeloup (hôpital Marie-Thérèse[u]) puis à Pauillac, dans l’estuaire de la Gironde, une lame, très aiguisée et coupante, a servi à réaliser une longue entaille (de 7 à 10 cm) sans extrémité bifide, associée à la griffe « Purifie au Lazaret/de Trompe-loup » (figure 13). Les lettres purifiées à Saint-Jean-de-Luz, Saint- Malo, Cherbourg, Brest ont aussi une entaille rectiligne, probablement effectuée par une simple lame. Figure 13. Lettre de Pointe-à-Pitre (20 juillet 1838) pour Aubusson (19 septembre) par Bordeaux (16 septembre). Elle a subi une purification chimique par des vapeurs de chlore au lazaret de Trompeloup, dans l’estuaire de la Gironde face à Pauillac : longue entaille de désinfection oblique de 11 cm et griffe sur deux lignes « Purifié au Lazaret/de Trompeloup ». Le texte de cette lettre est digne d’intérêt : « La fièvre jaune depuis le commencement de cet hivernage dévaste la colonie. Elle compte un très grand nombre de victimes surtout parmi les Européens arrivés récemment [...] elle prend par un horrible mal de tête et des reins et des vomissements. Aussitôt qu’on vomit noir on est perdu... ». L’expéditeur décrit le vomito negro et évoque la grande susceptibilité des nouveaux arrivants qui contraste avec la plus ou moins grande immunité des autochtones (collection G. Dutau ©). Les entailles facilitent la pénétration des « produits désinfectants », mais avec le risque d’altérer l’écriture de façon importante si le vinaigre est utilisé, alors que les désinfections chimiques n’ont pas cet inconvénient. La présence d’entailles multiples fait supposer que l’opérateur a voulu rechercher des objets interdits comme les liens, les fils de soie ou des échantillons de tissu(v). Si ces lettres contenaient des matières dites « susceptibles »(w), elles étaient aussitôt ouvertes et subissaient, séparément, des désinfections poussées. On a proposé de mesurer la longueur des entailles et leur espacement, et d’évaluer leur obliquité, etc., mais ces caractéristiques ne sont pas spécifiques, car elles dépendent de la position des lettres au moment de leur incision et aussi de la technique des agents sanitaires, des capitaines des navires qui pouvaient inciser les lettres, des agents des bureaux de santé, des personnels sanitaires des navires stationnaires (par exemple à l’embouchure de l’Adour), etc. Certains préfets demandèrent même aux directeurs des Postes de leur département qu’ils fassent désinfecter les lettres par leurs agents, mais ces procédures furent rarissimes, à défaut d’instructions précises sur les techniques à utiliser (Dutau, 2021). Cachets de désinfection Globalement, les griffes de désinfection frappées au tampon sont rares avant 1830. Les premiers cachets français apparaissent à Marseille (1814), et un peu plus tôt, en 1813, dans les départements conquis : à Gênes (département conquis no 87 « Gênes ») et à Livourne (département conquis no 113 « La Méditerranée »). Après 1830, les griffes se multiplient dans tous les pays, parti-culièrement abondantes dans les États italiens(x). Leur apogée se situera entre 1830-1850, période où la menace principale fut le choléra : ces lettres sont souvent dénommées cholera-letters par les auteurs anglo-saxons. Par la suite, à partir de 1850, ces cachets se raréfient avec l’abandon progressif de la désinfection du courrier. À partir du début du XIXe siècle, la désinfection du courrier par le vinaigre, puis par des moyens chimiques, pouvait rassurer les destinataires par leur caractère officiel comme « Purifiée à Marseille », « Purifié à Toulon », « Purifiée à Livourne », « Purifié à Gênes », et bien d’autres. La griffe italienne « Netta Fuori e Dentro » (littéralement « Propre à l’extérieur et à l’intérieur») était plus rassurante que «Netta Fuori/Sporche Dentro) (littéralement « Propre à l’extérieur et sale à l’intérieur »), ce qui, dans ce dernier cas, signifiait que les autorités sanitaires du lazaret n’avaient pas ouvert la lettre pour la « désinfecter » ! En France, les griffes les plus populaires sont les cursives «Purifiée à Marseille », presque toujours frappée en noir, et « Purifié à Toulon », frappée le plus souvent en rouge, plus rarement en noir (figures 14 et 15) (Dutau, 2021). Figure 14. La griffe de purification en écriture cursive « Purifiée à Marseille » est la griffe la plus populaire, utilisée de 1814 à 1875. Six types ont été décrits pour certifier la purification des lettres entrant à Marseille, destinées à la ville et à l’ensemble de la France. Compte tenu de l’abondance du courrier, ces griffes sont très communes, d’autant que Marseille avait le monopole du commerce, alors que Toulon était réservé aux navires de guerre. Ici une lettre de Saint-Louis du Sénégal (25 août 1831) pour Bordeaux (9 octobre) entrée par Marseille (3 août) où la cursive « Purifiée à Marseille », est exceptionnellement bien frappée. Une entrée par Marseille pour une lettre destinée à Bordeaux est peu commune, ce qui explique les diverses erreurs de taxation : d’abord « 2 » (décimes), La Poste croyant traiter une lettre destinée à la ville de Marseille, puis taxe rectifiée à 9 décimes, et enfin à 10 décimes (taxe pour une distance de 600 à 750 km entre Marseille et Bordeaux, tarif de 1828) (collection G. Dutau ©). Figure 15. Lettre écrite au lazaret de Toulon (23 septembre 1835) par un militaire donnant de ses nouvelles à son épouse. La cursive « Purifié à Toulon » est frappée en rouge. Taxe 3 décimes à la charge de la destinataire (port dû) pour une distance comprise entre 40 et 80 km entre Marseille et Toulon. Purification chimique. Deux entailles de désinfection (collection G. Dutau ©). Ouverture puis recachetage Une technique utilisée dans plusieurs lazarets italiens, en particulier à Livourne, consistait à désinfecter les lettres à l’extérieur et à l’intérieur. Les plis étaient délicatement ouverts en faisant une incision de part et d’autre du cachet central ou de l’hostie(y) de fermeture que l’opérateur faisait ensuite sauter à l’aide d’une spatule. Dans l’exemple du lazaret de Livourne, la lettre était ensuite purifiée le plus souvent à la flamme, intérieurement et extérieurement, puis recachetée à l’aide d’un cachet de cire administratif portant les mots « LAZZERETTO DI S ROCCO » (i.e. Lazaret de Saint-Roch) associés à l’un des divers cachets de désinfection de ce lazaret. Un autre exemple est fourni par le lazaret de Malte ou, après l’ouverture de la lettre et sa désinfection par le chlore gazeux, celle-ci était refermée par le cachet de cire «OPE- NED & RESEALED / LAZZARETTO OF MALTA » (« OUVERT ET RECACHETÉ/LAZARET DE MALTE »). À Marseille, on connaît quelques rares exemples de cette technique où le cachet de cire rouge de fermeture porte l’inscription « ADMINISTRATION DE MARSEILLE/SANTÉ PUBLIQUE ». Au centre, les mots « SANTÉ PUBLIQUE » surmontent un serpent entourant une branche. Texte et datation des lettres Les lettres purifiées constituent un chapitre très intéressant, non seulement de l’histoire postale mais aussi de l’histoire humaine, ne serait-ce que par les textes qu’elles contiennent. Ils nous renseignent sur les épidémies, les localités atteintes, la progression du péril infectieux, etc. Connaissant l’histoire des épidémies, le collectionneur pourra fortement suspecter une désinfection lorsque la lettre émane d’une ville, d’un port ou d’une région touchée. L’expéditeur (le patron du bateau en général) indique son arrivée au port, décrit les incidents survenus pendant la traversée (décès, maladies, fièvres). Nous avons trouvé de nombreux textes surprenants ou cocasses(z). En voici deux : À bord du Martial, le 18 mai 1839, un capitaine venant de La Havane, entre dans l’estuaire de la Gironde pour aller au lazaret de Trompeloup et écrit à son épouse : « Après 49 jours de mer et une traversée longue et pénible... Nous avons perdu deux hommes de la fièvre jaune. Moi-même j’ai été après trois jours de mer atteint de cette maladie [...] Sans médecin tu dois penser que je n’étais pas à mon aise, mais j’ai eu deux fois le courage de me faire saigner avec un canif par un homme qui n’y entendait rien mais qui suivait mes avis... » ! Le patron d’un navire du commerce venant de Sousse (Tunisie) et allant à Marseille avertit son armateur qu’il fait relâche à Villefranche (30 octobre 1842) : « La présente est pour vous faire savoir que je suis de relâche à Ville Franche depuis hier par des vents de NO grand frais [...] le même jour à deux lieues de Monaquo (Monaco) il nous est tombé un homme à la mer [...] le malheureux a paine il savait nagé [...] il a passé sous le navire, il a reparu derrière [...] nous lui avons jeté des cordes, il n’en a pu attraper aucune [...] nous avons mis de suite le canot à la mer, le tout s'est fait dans dix minutes/apaine (à peine) le canot à quitté le bord il a disparut, il était à une ancablure du navire » (orthographe d’origine respectée). ÉPILOGUE Lorsque les lettres cessèrent d’être purifiées, les autorités sanitaires mirent en place des mesures de surveillance et de contrôle des risques infectieux. En effet, plusieurs navires ayant la peste à bord arrivèrent à Marseille, et il y eut même des malades atteints de peste au lazaret. Des cartes circulant en franchise postale avertissaient les maires des communes où habitaient les passagers des navires suspects (figure 16). Rentrés chez eux, ceux-ci devaient se présenter à la mairie de leur lieu de domicile pour vérifier leur état de santé passer une visite médicale. Ces cartes servirent surtout pour le choléra. Par la suite, les cartes postales du service sanitaire subirent des transformations successives afin de contrôler les diverses maladies infectieuses à déclaration obligatoire telles que la fièvre typhoïde, la scarlatine, la rougeole, etc.(z bis). Les médecins devaient s’acquitter de ces déclarations auprès des médecins inspecteurs de la Santé et des préfets. Nous avons même trouvé des formulaires de ce type pour les maladies vénériennes (en général) et la syphilis (en particulier). Nous aurons peut-être l’occasion de développer ces diverses dispositions qui, dans le droit fil de la purification des lettres, constituent pleinement des actes de ce que nous avons dénommé « la prophylaxie postale des épidémies ». Cliquez ici pour accéder au lien indiqué ci-dessus LIVRE La désinfection du courrier en France et dans les pays occupés Histoire, règlements, lazarets, pratiques - Nouvelle édition revue et augmentée Depuis une soixantaine d’années, aucun ouvrage n’avait fait le point sur les lettres désinfectées – « purifiées » – en France et dans les pays occupés ou conquis. Guy Dutau qui étudie activement ces lettres (et leurs textes) depuis plus de trente ans, avait publié en 2017 un ouvrage de référence sur ce sujet (676 pages), ouvrage réédité un an plus tard. Cette réimpression est aujourd’hui épuisée, mais fait toujours l’objet d’une demande très importante. De plus, les lecteurs ont été nombreux à signaler des informations nouvelles et, poursuivant ses propres recherches, l’auteur a rencontré des documents inédits. Par ailleurs, la pandémie due au SARS-CoV-2 responsable de la Covid-19 a fait apparaître des correspondances troublantes avec de nombreuses épidémies/pandémies importantes du passé, telles que la variole et la pandémie grippale de 1918-1919, grippe H1N1, dite « grippe espagnole», qui avaient été oubliées et qu’il fallait «revisiter ». Enfin, dans sa présentation initiale, l’ouvrage ne comportait pas d’indications permettant d’évaluer la rareté des lettres, sinon leur valeur. C’est pourquoi, à la suite d’un travail passionné de deux ans, Guy Dutau propose aujourd’hui cette seconde édition, entièrement revue et augmentée de très nombreux documents inédits, à tous les amateurs d’histoire postale et d’histoire en général. Fidèle à sa conception que « les textes doivent faire partie de l’exploitation philatélique et historique des lettres et documents que nous assemblons », il y a inclus toutes les additions mentionnées plus haut. De même, toutes les reproductions de lettres, documents, cartes géographiques, etc. incluses dans cet ouvrage sont présentées en quadrichromie avec commentaire bilingue, français et anglais, ainsi que les résumés étendus de chaque cha- pitre et les nombreuses entrées figurant dans leurs annexes. Guy Dutau, RDP, FRPSL, est membre titulaire de l’Académie de philatélie, membre de l’Académie européenne de philatélie, et membre correspondant étranger de l’Académie de philatélie de Belgique. Format A4, 840 pages ; ISBN 978-2-9574406-0-3 / 95 euros (plus port) Ouvrage publié à compte d’auteur - Mars 2021 Contacts de l’auteur : guy.dutau@wanadoo.fr 05 62 17 12 14 - 06 15 72 19 25 Guy DUTAU 9, rue Maurice Alet 31499 Toulouse (France)

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