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Allergie alimentaire

Publié le 06 déc 2021Lecture 10 min

Syndrome oral pollens-aliments

Étienne BIDAT, Paris ; Grégoire BENOIST, Hôpital de jour Asthme et Allergies, Service de pédiatrie générale, CHU Ambroise-Paré, (AP-HP), Boulogne-Billancourt

Les personnes allergiques aux pollens ont plus fréquemment que la population générale des réactions aux aliments, avant tout un syndrome oral. Le plus souvent, il s’agit d’une allergie croisée entre des protéines alimentaires d’origine végétale et des pollens, liée à des similitudes d’allergènes.

SYNDROME ORAL C’est la plus fréquente des manifestations de l’allergie alimentaire. Le syndrome oral se manifeste par un picotement dans la bouche et/ou dans le pharynx, un picotement ou un gonflement des lèvres, parfois un chatouillement des oreilles. Il survient dès la mise en bouche de l’aliment. Tous les aliments peuvent en principe être concernés (crustacés, arachide, fruits à coques, œuf, etc.). Ce signe constitue également le principal symptôme d’une forme spécifique d’allergie alimentaire chez les sujets allergiques à des pollens. Le terme de syndrome oral a été proposé en 1987 et utilisé pour décrire des signes d’allergies à différents aliments chez des allergiques aux aéroallergènes. Ainsi, le syndrome oral peut survenir à la suite d’une réaction de classe 1 ou de classe 2. Dans les réactions de classe 1, la sensibilisation à l’aliment s’est produite lors de son ingestion. Dans ce cas, le syndrome oral peut être le signe annonciateur d’une réaction allergique plus grave (conjonctivite, rhinite, asthme, urticaire, œdème laryngé, vomissements, anaphylaxie). Dans les réactions de classe 2, la sensibilisation initiale se fait par un pneumallergène (le pollen), le syndrome oral à l’aliment est en rapport avec une allergie croisée entre le pneumallergène et l’aliment. CONCEPT D’ALLERGIE CROISÉE Les allergènes contiennent un mélange de protéines allergisantes. Des protéines identiques peuvent être présentes dans des substances végétales ou animales proches. Un patient allergique à une espèce de graminées, le dactyle, présente aussi des réactions allergiques avec d’autres espèces de graminées, comme la phléole. La réactivité croisée est d’autant plus importante que les espèces sont plus proches. A côté des allergies croisées aisément explicables par la parenté des allergènes, il existe des réactions croisées plus surprenantes où les protéines sensibilisantes ont une grande homologie de structure, mais sont issues de sources allergéniques très différentes. Un patient présentant une rhinite et une conjonctivite après exposition aux pollens de bouleau est susceptible de présenter un syndrome oral lorsqu’il consomme une pomme crue. Ces allergies croisées entre des allergènes de sources très différentes étaient peu connues et rares il y a 40 ans. Les réactions croisées concernaient essentiellement les adultes. Elles ne sont plus une simple curiosité, elles font partie de l’exercice quotidien. Leur connaissance est indispensable dans la pratique pédiatrique. Elles touchent 9,4 à 35 % de la population générale et de plus en plus d’enfants sont concernés. La grande variabilité de prévalence est liée aux différences géographiques et aux modes de recueil des informations. Très souvent, le sujet présentant une allergie pollinique ne signale pas son syndrome oral si on ne lui demande pas. Il l’accepte en pensant le plus souvent que la réaction qu’il présente est liée aux pesticides employés pour la culture des fruits et légumes. Sensibilisation croisée n’est pas toujours allergie croisée Il existe une sensibilisation à un allergène quand les tests allergologiques cutanés ou sanguins sont positifs. La présence d’une sensibilisation n’implique pas obligatoirement qu’il se produira une réaction allergique clinique (syndrome oral, asthme, rhinite, conjonctivite, etc.). Une sensibilisation croisée peut ainsi ne pas se traduire par une allergie croisée. Les études portant sur les graminées et la tomate montrent que l’allergie croisée est 5 à 7 fois moins fréquente que la sensibilisation croisée, c’est-à-dire qu’il y a 5 à 7 fois plus de tests positifs pour les graminées et la tomate que de réactions. Dans le cas des réactions croisées bouleau avec pomme, pêche ou noisette, l’allergie croisée est 2 à 3 fois moins fréquente que la sensibilisation. Syndrome d’allergie pollens-aliments (SAPA) Le terme de syndrome d’allergie pollens-aliments a été introduit en 1995 pour mieux caractériser la physiopathologie des réactions pollens-aliments et éviter toute confusion (réaction pour des allergènes de classe 2). Le syndrome oral est la principale manifestation du SAPA. Il survient dès la mise en bouche du fruit ou du légume souvent cru. En Europe du Nord, il est rare de retrouver des signes plus sévères : conjonctivite, rhinite, asthme, urticaire, œdème laryngé, vomissements, anaphylaxie. Néanmoins, certaines publications notent jusqu’à 1,7 % de réactions anaphylactiques dans le syndrome d’allergie pollens-aliments. L’ingestion rapide de grandes quantités d’allergènes alimentaires sous forme de boissons (préparation à base de soja, smoothie, lait de noisette, etc.) facilite la survenue de signes plus sévères que le syndrome oral. Des circonstances particulières, appelées cofacteurs, peuvent aggraver toute réaction allergique : effort physique, infection, fatigue, stress, forte chaleur, prise d’alcool, menstruation, manque de sommeil, prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens ou d’antiacides, etc., et, plus spécifiquement pour le SAPA, la période pollinique. Le SAPA est constaté chez 70 % des sujets présentant une allergie aux pollens de bouleau. Ce SAPA peut apparaître au cours de l’évolution de la pollinose. Les panallergènes Ce sont des protéines du monde végétal et animal qui sont présentes dans des sources allergéniques de nombreuses espèces, proches ou éloignées. En raison de leurs homologies de séquence et/ou de conformation, ces protéines sont responsables de réactions croisées biologiques et/ou cliniques. Les allergènes sont classés en famille de protéines assurant un type de fonction biologique. Sur les 151 familles de protéines décrites comme étant allergéniques, seules certaines contiennent des allergènes croisants. Parmi ces familles de protéines, tous les membres d’une famille ne donnent pas des réactions croisées. Les familles de protéines qui sont le plus souvent à l’origine des réactions entre les pollens et les aliments sont : la famille des PR10 (PR : pathogenesis-related). C’est l’allergie croisée pollens-aliments la plus étudiée, elle met en jeu le pollen de bouleau et des rosacées (pomme, cerise, etc.), des apiacées (carotte, céleri, etc.) mais aussi certains fruits à coque. L’allergène du pollen de bouleau impliqué est Bet v 1 et celui, par exemple, de la pomme Mal d 1. Les PR10 font partie des protéines de défense de la plante. Elles sont détruites par les sucs gastriques et la chaleur. Ainsi, les aliments cuits sont généralement tolérés par les patients qui réagissent aux aliments crus ; la famille des LTP (LTP : lipid transfer protein). Une allergie croisée pollens-aliments étudiée est celle qui met en jeu la LTP du pollen d’armoise (Art v 3) avec les LTP de pêche, pomme, châtaigne. Les pro- téines de cette famille sont résistantes à la chaleur et aux enzymes digestives. Les LTP sont à l’origine d’allergie alimentaire, surtout dans les pays méditerranéens, avec 20 à 30 % d’accidents sévères. Le risque de réaction sévère est d’autant plus important que le sujet est sensibilisé à un nombre important deLTP; la famille des profilines. Elles sont dégradées par la digestion gastrique, et ainsi sont rarement responsables de signes autres qu’un syndrome oral. Des allergies croisées pollens- aliments étudiées mettent en jeu les profilines des graminées, des bétulacées, composés et celles des pommes de terre, tomate, arachide, soja, kiwi, banane, etc. ;  d’autres familles de protéines sont moins souvent en cause dans les réactions pollens- aliments. Les défensines (allergie croisée armoise-céleri), une protéine régulée par la gibbérelline (Snakin/GRP) (allergie croisée cyprès-pêche) ; les CCD (cross-reactive carbohydrate determinant) sont des résidus oligosaccharidiques portés par différentes familles de plantes. Ces CCD sont à l’origine de nombreuses réactions croisées biologiques (test cutanées ou IgE positives) sans pertinence clinique ALLERGIE CROISÉE POLLENS-ALIMENTS Les patients allergiques aux pollens présentent deux à trois fois plus fréquemment une allergie alimentaire que la population générale. Le SAPA ne concerne pas tous les patients allergiques aux pollens, mais sa prévalence augmente avec le temps. Les signes de pollinose (rhinite, conjonctivite, etc.) précèdent souvent, mais pas toujours, ceux de l’allergie alimentaire. Chez l’enfant, le SAPA se limitant à un syndrome oral peut apparaître des années avant les signes respiratoires. De nombreuses allergies croisées entre pollens et aliments ont été décrites (tableau 1). Ainsi, 50 à 70 % des patients allergiques aux pollens de bouleau sont sensibilisés aux fruits et aux légumes de la famille des rosacées (pomme, poire, pêche, prune, cerise, abricot, etc.) et aux noisettes. L’allergie alimentaire peut être plus marquée avec certaines espèces de pommes. Les allergiques aux pollens d’herbacées (armoise, ambroisie) présentent plus souvent une réaction au céleri et aux épices. La sensibilisation au céleri est retrouvée chez au moins 50 % d’entre eux. Stager et Wuthrich ont décrit le « syndrome céleri-carotte-armoise-épices ». Il concerne des patients allergiques aux épices et au céleri qui présentent une pollinose dans 91 % des cas, dirigée contre l’armoise pour 80 % d’entre eux. Les épices en cause sont le poivre, la moutarde, l’anis, le fenouil, la coriandre, le cumin et le curry (qui est une association de plusieurs épices). L’association pollinose de graminées et allergie alimentaire est moins fréquente. Les aliments concernés appartiennent le plus souvent à la famille des solanacées : tomate, pomme de terre et poivron. Il est possible de réagir à un fruit ou légume mais de ne pas réagir aux autres de la liste décrite dans le SAPA. Certains sujets présentent des signes de SAPA toute l’année. Pour d’autres, ils ne sont présents qu’au moment des pollens ou ressentis comme plus intenses à cette période (certains patients ne peuvent pas croquer de pommes spécifiquement en période de pollinisation du bouleau). Il n’y a pas de relation entre l’intensité de la pollinose et la gravité des réactions aux aliments. Les réactions sont liées à des protéines communes entre les pollens et ces aliments. Quand les protéines à l’origine de la réaction sont sensibles à la chaleur (PR10), les fruits ou légumes cuits ne provoquent aucune réaction. Les compotes sont donc bien tolérées. Les fruits issus de l’agriculture biologique entraînent parfois plus de réactions. N’étant pas traités par des pesticides, ils produisent plus de protéines de défense. Les fruits très matures déclenchent plus de réactions. Les fruits épluchés en provoquent souvent moins. LES TRAITEMENTS Lorsque les réactions sont gênantes, l’éviction du ou des aliments en cause est naturellement faite. Si les réactions sont minimes, l’ingestion est possible mais il faut se méfier de prises massives de l’aliment (le syndrome oral est une sorte de sentinelle rappelant au sujet de stopper l’ingestion de l’aliment en plus grande quantité) ou de l’existence de cofacteurs notamment l’effort (cf. supra). La désensibilisation aux pollens est peu efficace sur l’allergie croisée aux fruits et légumes qui lui est reliée. Des protocoles de désensibilisations pour certains fruits (pomme) sont en développement(3). UNE CONNAISSANCE UTILE POUR LE PRATICIEN L’allergie alimentaire renforce la suspicion d’une allergie à un pneumallergène En cas de suspicion d’allergie respiratoire à un pollen, la découverte par l’interrogatoire d’un syndrome oral pour un aliment qui croise habituellement avec le pollen, renforce la suspicion diagnostique. Souvent, c’est l’interrogatoire orienté qui relève des signes mineurs d’allergie alimentaire, comme un syndrome oral. Par exemple, un enfant présente une rhinite et une conjonctivite qui prédominent en région parisienne en mars-avril. La découverte par un interrogatoire systématique d’un dégoût et d’un refus des pommes, renforce la suspicion diagnostique d’allergie aux pollens de bétulacées, surtout s’il apprécie les compotes de pomme et est moins gêné si la pomme est épluchée. L’allergie aux pneumallergènes facilite le diagnostic d’une allergie alimentaire La connaissance des allergies croisées habituelles peut facili- ter la démarche diagnostique. Un enfant présente une histoire clinique compatible avec une allergie alimentaire. On ne dispose pas toujours immédiatement de l’aliment incriminé pour la pratique des tests cutanés. La connaissance des sensibilisations croisées peut, là encore, faciliter la démarche diagnostique. Il est possible de tester l’enfant pour le ou les pollens qui croisent avec l’aliment incriminé. Un test positif pour le pollen renforce la suspicion diagnostique. Par exemple, un enfant présente une histoire clinique compatible avec une allergie alimentaire au melon. On ne dispose pas toujours dans son congélateur de melon pour pratiquer les tests cutanés. La positivité d’un test pour l’ambroisie renforce la suspicion diagnostique pour une allergie au melon. Les recombinants au service de la démarche diagnostique de l’allergologue Pour certains aliments pouvant être impliqués de manière fréquente à la fois dans un SAPA et une authentique allergie alimentaire, l’allergie moléculaire peut aider à distinguer la forme. Par exemple, un enfant présente un syndrome oral après prise d’un MM’S (arachide) Il est connu pour avoir une allergie aux pollens de bouleau. Un dosage très positif et exclusif de la PR10 arachide (Ara h 8) argumentera le phénotype SAPA du syndrome oral, qui rappelons-le, n’est pas spécifique et pourrait être un signe annonciateur d’une réaction allergique potentiellement plus grave jusqu’à l’anaphylaxie. Pour les patients et leur famille En raison de la fréquence de ces réactions croisées pollens-aliments et de leurs aspects parfois déroutants, nous avons effectué et publié une fiche de recommandations pour les patients et leur famille. Très souvent, à la lecture de cette fiche, les parents comprennent ce qu’ils pensaient être des « bizarreries » de leur enfant (tableau 2).

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