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COVID-19

Publié le 06 juil 2020Lecture 17 min

Expérience de la crise COVID dans un hôpital privé : témoignage d’un pneumologue libéral

Étienne PIGNÉ, Pneumologue libéral ; Hôpital privé de Parly II, Le Chesnay

J’ai 50 ans et suis pneumologue dans une clinique privée depuis 2004. Auparavant, j’ai suivi un cursus assez classique avec internat puis clinicat dans de grands hôpitaux de l’Assistance Publique (en réanimation et en pneumologie). J’ai noué, pendant cette période, des liens professionnels (et surtout amicaux) avec de nombreux pneumologues et réanimateurs qui, comme vous le verrez, me furent très utiles pendant cette crise.

Mon travail à la clinique consiste à voir des patients en consultation et éventuellement de les prendre en charge en hospitalisation lorsque leur état le nécessite. Je travaille avec de nombreux praticiens, avec cependant une spécificité cardiovasculaire de la clinique qui explique qu’elle soit dotée de plusieurs services de soins continus dont une réanimation et une postréanimation (classiquement dévolue à des patients moins graves mais avec la possibilité de soumettre les patients qui le nécessitent à une ventilation mécanique). De nombreux chirurgiens sont également présents, aussi bien orthopédistes que viscéraux, plasticiens, ophtalmologistes, ORL, etc. À la différence de l’hôpital, chaque praticien travaille pour son propre compte avec des échanges le plus souvent cordiaux en cas d’avis et/ou de prises en charge spécifiques. L’avènement de la COVID-19, initialement en Asie, a bien sûr retenu toute mon attention, d’autant que ce virus a un très fort tropisme respiratoire. Son arrivée sur le territoire français a généré de mon côté (et de très nombreux confrères partagent cette opinion) une aventure humaine absolument inédite. La montée en puissance de l’épidémie en Région parisienne a entraîné de la part de nos autorités de tutelle une demande expresse de transformer radicalement le fonctionnement de la clinique ainsi que toutes celles que je connais (en tout cas toutes celles dotées d’une réanimation). Elle devait s’organiser afin de recevoir cette fameuse « vague » de patients infectés. Il fut donc demandé aux chirurgiens d’arrêter totalement de travailler à ce qu’ils savent faire habituellement, afin que leur patients n’occupent pas un lit pouvant être pris par un patient COVID. Comprenez par là non pas une réquisition mais bien un arrêt de leur métier et donc de leur revenu. En effet, un médecin libéral ne reçoit de rémunération que lorsqu’il travaille. Il n’en est pas de même pour le médecin hospitalier qui est rémunéré sous forme de salariat. Une tolérance fut initialement accordée à la prise en charge des grandes urgences cardiovasculaires mais rapidement l’afflux de patients infectés nous obligea à prendre en charge ces patients COVID de façon quasi exclusive. Lorsque les établissements hospitaliers (en pratique le service public) furent débordés par cet afflux de patients à prendre en charge et à hospitaliser, notre structure fut sollicitée. La réanimation, « vidée » pour l’occasion de ses habituels patients cardiovasculaires postopératoires, se retrouva remplie en quelques jours de patients COVID. Ils souffraient tous de détresses respiratoires extrêmement sévères nécessitant une ventilation mécanique avec des spécificités très particulières. Les réanimateurs de la clinique sont quasiment tous des cardiologues ou des anesthésistes plus habitués à prendre en charge leurs patients avant et après une intervention chirurgicale ou pour des problèmes cardiologiques graves. Tout cela pour dire que ces patients très particuliers ont été pris en charge rapidement et avec une remarquable rigueur par des médecins moins aguerris à ce type de No 2 337 JUIN 2020 réanimation que des réanimateurs notamment hospitaliers dont c’est le cœur de métier. En quelques jours et après de très nombreux contacts pris auprès d’autres confrères et d’innombrables lectures d’articles (souvent publiés le jour même...), nous avons pris en charge très efficacement ces patients avec des résultats en termes de survie et de durée d’hospitalisation qui n’ont rien à envier à ceux des grands services de réanimation parisiens. Rapidement la réanimation fut pleine et il fallut alors « armer » la post-réanimation en mode COVID et ses 7 lits furent remplis très rapidement. Cela se passa tellement vite qu’il fut même question un temps de transformer notre salle de réveil en réanimation COVID. Cela se serait fait, j’en suis certain, avec autant d’enthousiasme, si le nombre de malades n’avait pas fini par baisser plusieurs semaines après le début de l’épidémie. Cette période de forte affluence correspondait au transfert de nombreux patients des réanimations de Paris et d’Ile-de-France débordées vers les zones de province, moins touchées. Il faut imaginer cette prise en charge en réanimation autrement que par les images entraperçues au Journal de 20 heures… Les médecins sont habillés en « cosmonaute » toute la journée avec heureusement du matériel qui n’a jamais fait défaut grâce à la vigilance constante de la direction. Les journées sont harrassantes, passées à prendre en charge ces patients très sévères, souvent jeunes, nécessitant une ventilation très particulière. Le tout avec ce fameux masque FFP2 en permanence sur le visage et sous lequel il est si difficile de respirer (quelle ironie !…) L’état de ces patients justifie souvent de réaliser une ventilation sur le ventre afin d’améliorer leur oxygénation et souvent également de les soumettre à une épuration extra-rénale (dialyse). Je n’étais pas en réanimation à cette période mais je travaillais avec les réanimateurs, « main dans la main » (au figuré bien sûr…). Je les sollicitais très souvent pour leur confier certains de mes patients en salle dont l’état se dégradait. Par ailleurs, ayant fait beaucoup de réanimation dans ma vie, et ayant gardé de nombreux contacts amicaux dans ce milieu, j’eus souvent à cœur de solliciter mon « réseau », afin d’obtenir un partage d’expérience. Effectivement, il fut fréquement décidé d’adopter des prises en charge fondées sur une expérience « vieille » de quelques jours ou sur des publications très récentes. Mon admiration va vers ces médecins réanimateurs de ma clinique, ayant enchaîné les gardes, s’exposant au virus sans crainte (en apparence en tout cas), avec ce que cela peut avoir de stressant. Ils étaient en effectif souvent réduit, du fait parfois de défections de collègues tombés malades. Leur détermination fut inébranlable. La prise en charge de leurs patients (qui furent souvent aussi les miens) n’a pas à pâlir d’une quelconque comparaison avec celle des services de réanimation médicale, plus aguerrie à ce type de prise en charge. Le 21 mars, la majorité des services de la clinique ayant été vidés et l’hopital public étant débordé par le nombre considérable de malades affluant aux urgences, les autorités de tutelle décidèrent de nous confier des patients infectés par le COVID en salle également (non réanimatoire, au moins à leur entrée…) Je fus alors en charge avec mon associé d’une unité de 46 lits de médecine qui fut remplie en 72 heures ! Nous avons pris en charge en réanimation et en salle 146 patients infectés par ce virus pendant cette période. Les patients arrivaient en très grand nombre de quasiment tous les hôpitaux parisiens et de toute la grande couronne. Ils étaient atteints de façon variable, de tous les âges (entre 20 et 90 ans) mais nécessitaient quasiment tous une surveillance très minutieuse ainsi qu’un apport en oxygène. Leur hospitalisation était rendue necessaire par leur état respiratoire bien sûr, mais également par l’existence chez eux de facteurs de risque d’acquisition de COVID sur un mode sévère : surpoids, antécédents cardiovasculaires, diabète, hypertension, pathologie respiratoire induite par le tabagisme ou l’asthme... et âge avancé. Mes fonctions furent très diversifiées, avec bien sûr la prescription de leur traitement habituel ainsi que des antibiotiques et des anticoagulants, afin d’éviter tout risque d’embolie pulmonaire, complication très fréquente, rapidement identifiée dans la littérature scientifique. Il fallait également que je surveille très attentivement leur taux d’oxygène, car ces patients ont la caractéristique de présenter des carences en oxygène très fréquentes, souvent profondes et étonnamment bien tolérées. Habituellement la carence en oxygène chez un patient indemne de toute pathologie respiratoire génère une oppression thoracique, une accélération de la fréquence respiratoire, tout cela étant très mal toléré par le patient, qui devient très vite anxieux, de façon tout à fait légitime. Il n’en est pas de même chez ces patients qui tolèrent habituellement très bien de grandes carences en oxygène, rendant leur surveillance d’autant plus délicate. En effet, les infirmières et moi ne pouvions nous fonder sur le ressenti du patient mais sur notre expérience : la fréquence respiratoire et surtout la saturation, information obtenue par un appareil appelé oxymètre, placé au niveau du doigt et nous donnant en temps réel une information prédominante dans le choix de la stratégie à adopter. En effet, en cas d’atération des échanges gazeux, souvent rapide, il m’incombait alors de solliciter les réanimateurs pour qu’ils prennent en charge le patient pour défaillance respiratoire. Ce type de décision est souvent difficile à prendre car assez subjective, même en dehors du COVID et nécessite beaucoup d’expérience. En revanche, dans ce contexte précis, l’extrême tolérance à l’hypoxémie (diminution anormale de la quantité d’oxygène contenue dans le sang) de ces patients rajoute une difficulté supplémentaire à leur évaluation et engendre un stress bien réel. Nous avons l’habitude de tenter de réaliser ce que l’on appelle de la ventilation non invasive pour les patients en détresse respiratoire. Il s’agit d’une technique faisant intervenir un masque et une machine avec turbine soulageant le travail respiratoire de ces patients fatigués et qui a surtout pour but d’éviter d’avoir à les intuber (et donc d’éviter un coma artificiel avec tout ce que cela a d’agressif et de traumatisant pour les patients et leur entourage). Il nous avait été initialement vivement déconseillé, au début de l’épidémie, d’utiliser cette technique du fait d’un risque d’aérosolisation (mise en suspension) du virus dans la chambre du malade. Par la suite, reproduisant l’expérience d’autres confrères, nous réalisâmes que cette technique, appliquée avec des précautions particulières, était non seulement non délétère mais surtout très efficace. Elle permit pour de nombreux patients très précaires d’éviter un séjour en réanimation. Sachant que la ventilation en réanimation des malades COVID est grevée d’une très lourde mortalité, ce type d’intervention fut vraiment la bienvenue. Ces patients étaient bien sûr à surveiller comme « du lait sur le feu ». Les interactions entre différents services de pneumologie et de réanimation, les retours d’expérience des uns et des autres, a permis, je pense, d’améliorer le pronostic de ces patients très sévères. Il en fut de même pour la ventilation sur le ventre. Comme de nombreux patients de réanimation nécessitent une ventilation dans cette position pour améliorer leur oxygénation, pourquoi ne pas le faire chez les patients vigiles, en leur demandant de dormir sur le ventre le plus longtemps possible pendant la nuit, voire aussi quelques heures pendant la journée ? J’ai l’impression que cette démarche, à ma connaissance inédite, a permis d’améliorer le pronostic au même titre que la ventilation non invasive. J’eus à solliciter plusieurs prestataires de service, sociétés privées s’occupant de livrer les patients à leur domicile en appareils de ventilation et/ou d’oxygène. J’eus alors la très agréable surprise de voir ces professionnels m’apporter gratuitement leur appareil de ventilation habituellement utilisés au domicile afin de m’aider à cette prise en charge inédite. J’ai apprécié leur engagement, leur proactivité, leur professionnalisme et leur abnégation. Ce type d’interaction avec ces sociétés m’a été rapporté par tous les échanges que j’ai pu avoir avec d’autres confrères d’autres services. Cela nous fut d’une très grande aide. Une autre part de mon travail était de gérer les retours au domicile des patients dont la santé s’était améliorée soit spontanément, soit sous l’effet de nos traitements. Lorsqu’ils furent sevrés en oxygène et que leur état le permettait, il leur fut demandé de retourner chez eux en respectant des mesures de confinement dans leur propre foyer. Je dois bien avouer que je n’ai pas « chouchouté » ces patients comme j’aurais aimé le faire s’ils avaient été moins nombreux ! Les retours montrent que les patients, ainsi que leur entourage, ne nous en tiennent pas rigueur et je leur en sais gré. Il semble qu’ils aient globalement compris le côté inédit de la situation et ne s’attendaient pas à être pris en charge avec autant d’attention qu’en dehors de cette situation sanitaire extraordinaire. Il n’en demeure pas moins qu’ils furent tous pris en charge avec le plus de rigueur possible. Le taux de mortalité dans cette unité fut globalement la même que celle observée ailleurs. La durée moyenne de séjour fut même inférieure de quasiment une journée à celle observée à l’hôpital public. Comme partout ailleurs, la question de la chloroquine se posa. Cette molécule, sanctifiée par les uns, villipendée par les autres, était fréquemment présente dans les conversations entre docteurs ou avec les patients et leurs familles. Cette prise en charge, basée sur des données scientifiques assez faibles mais repris « à bras le corps » par les réseaux sociaux, nous occupa beaucoup. La décision de sa prescription se basa, il faut bien l’avouer, plus sur la pression populaire que sur des données rigoureuses. Elle représente, à mon avis, une dimension inédite supplémentaire de cette crise (à cause d’internet, ce type de polémique n’aurait certainement jamais eu lieu il y a 20, voire 10 ans). Enfin — et c’est je pense ce côté de mon travail qui fut le plus difficile à vivre — nous dûmes gérer de nombreuses situations de fin de vie. Cette maladie très grave touche toute la population. Les sujets âgés payent un plus lourd tribut à cette infection. Au-delà de 80 ans, le pronostic d’un séjour en réanimation est effroyable. En soins intensifs, la mortalité liée au COVID tous âges confondus est évaluée à 30, voire 40 %. Il avoisine les 100 % au-delà de 80 ans !!! Par ailleurs, l’âge moyen de mortalité en France du COVID est de 80 ans et un patient sur trois atteint de COVID-19 de plus de 80 ans en décédera. J’eus donc à décider d’instaurer des soins de confort, habituellement réservés au soins palliatifs, pour certains patients très gênés pour respirer, âgés et/ou porteurs de comorbidités préexistantes considérées comme rédhibitoires. Les sociétés savantes de soins palliatifs nous aidèrent en éditant des conduites à tenir qui nous ont permis de prendre en charge ces dyspnées terminales. Je n’avais pas fait cela de longue date ou alors très épisodiquement. Le côté répétitif de ces actions ne peut que peser sur la conscience : ces attitudes étaientelles justifiées ? Réalisées de façon rigoureuse ? Comment ces patients ont-ils « vécu » cela ? et leurs familles ? Aurions-nous dû faire autrement ? Mieux ? Je garde encore (et pour longtemps) en mémoire le cas d’un patient de 80 ans, en bon état général, qu’il fallut accompagner jusqu’au bout devant une atteinte très sévère, le pronostic jugé trop grave et l’abscence de place pour bénéficier de la réanimation. Idem pour une patiente moins âgée mais souffrant préalablement d’une pathologie respiratoire grave et qu’il fallut elle aussi aider. Cette crise aura changé (transitoirement espérons-le) notre paradigme et nos habitudes en furent totalement modifiées. Il fallut aussi composer avec les familles. Leur visites furent interdites dans la clinique et elles le sont restées longtemps. Les familles furent appelées régulièrement par divers médecins mais imaginer la souffrance des proches (enfants, conjoints...) modifia encore cette prise en charge déjà très lourde. Ces proches ont mal vécu l’impossibilité qui leur fut faite de ne pouvoir veiller les mourants et c’est une évidence terrible que nous comprenons fort bien. Nous organisâmes parfois des appels vidéo grâce au téléphone portable afin de permettre aux familles de dire adieu à leur proche. Quelle émotion ce fut ! Assister à des moments d’intimité terribles, reservés au cercle le plus restreint, restera gravé dans ma mémoire. J’ai donc vécu des moments de désarroi et de grande souffrance dans ces situations, mais également de moments de grande solidarité et fraternité ! L’équipe soignante est constituée certes de médecins mais ces prises en charge n’auraient jamais pu être possibles sans le dévouement des infirmières et des aide-soignantes. Elles furent extraordinaires ! Quel dynamisme, quel gaieté, quel entrain aussi et surtout quelle implication ! La journée commençait par une petite contre-visite afin de parer au plus pressé (entendez s’occuper prioritairement des patients les plus graves) où le rôle de ces dames fut primordial. Cela permit d’aller à l’essentiel... Elles furent également proactives, toujours promptes à améliorer leurs connaissances, apprenant très vite de nouvelles connaissances, dans une partie de leur métier qu’elles ne connaissaient que très mal (elles ont plus l’habitude de s’occuper de patients de cardiologie ou de postopératoire). Elles furent très rapidement opérationnelles et leur professionnalisme aura permis, j’en suis persuadé, de sauver la vie de nombreux patients. Nous fûmes aussi aidés par une équipe de jeunes kinésithérapeutes très dynamiques et motivés. Ils nous aidèrent à repérer les patients les plus fragiles, les désencombrer le cas échéant et leur redonner de l’autonomie. Ils allaient tous les jours voir ces patients et tenter de leur redonner le moral, très souvent défaillant. Assez rapidement, la tâche m’incombant devenant trop lourde, je demandais de l’aide à mes camarades médecins. Ils m’avaient déja proposé leur aide et leur arrivée dans le service pour m’épauler fut très importante. Je pris donc très rapidement l’habitude de faire la visite avec un urologue, un gynécologue, un orthopédiste, un coronarographiste, un ophtalmologue, un plasticien, un ORL.... Je fus également rapidement secondé par des médecins généralistes des environs, qui se proposèrent spontanément de nous aider, et tout cela sans réclamer la moindre rémunération en contrepartie ! Les médecins libéraux ont l’habitude de travailler vite et bien. De plus, ils apprennent vite et j’ai pu rapidement m’en rendre compte ! Je tire mon chapeau à tous ces collègues pour leur aide et leur réactivité. Enfin, ce furent des moments de grande confraternité comme je n’en avais jamais vécu. J’adresse aussi un grand merci à l’équipe des urgences. Elle dut se réorganiser mais aussi faire très souvent l’interface entre l’extérieur et la salle. Cela se fit avec beaucoup d’efficacité et je dois bien le dire, de bonne humeur ! Les informations aux familles furent « externalisées ». En effet, afin de nous décharger de cette tâche très importante mais ô combien chronophage, plusieurs médecins (une gynécologue retraitée et une plasticienne) s’attelèrent à cette activité en appelant plusieurs fois par jour la « personne de confiance » désignée par le patient. Cette partie du travail aura été, je pense, déterminante pour le « bien-être » psychologique des familles (et des patients évidemment). Enfin, afin d’éviter d’avoir à prendre tout seul des décisions de limitation thérapeutique, nous organisâmes, plusieurs collègues et moi-même, une cellule de réflexion afin de statuer sur le devenir de certains patients nous paraissant « limite » dans l’hypothèse où leur état devrait justifier la réanimation. Un collègue ORL souhaitant s’impliquer mais sans aller en salle car souffrant de problèmes de santé, me fut d’une grande aide en appelant régulièrement les divers médecins de ces patients, et leurs familles, afin de les prévenir mais également des médecins de soins palliatifs afin de se former à ce type de prise en charge et de nous faire remonter les informations. Ces réunions permirent de prendre des décisions soit de réanimation, soit de limitation de traitement sous une forme collégiale beaucoup plus confortable pour le médecin présent sur place. En résumé, il était une fois une clinique privée à orientation principalement chirurgicale qui fut capable en un temps record, d’une part, d’arrêter quasi complètement son fonctionnement habituel et, d’autre part, de participer à l’effort collectif de prise en charge de ces patients et se réinventant totalement. Sans réfléchir aux éventuelles répercussions de santé sur les médecins et autres personnels impliqués mais également aux répercussions financières (l’activité chirurgicale de la clinique générant sa seule source de revenus là où l’hopital et ses membres reçoivent une rémunération mensuelle indépendamment de l’activité générée), cette clinique s’impliqua corps et âme. Tous les personnels soignants agirent avec leurs moyens mais avec un enthousiasme collectif remarquable. Il en fut de même pour la direction, mobilisée « comme un seul homme » en permanence, avec beaucoup d’efficacité. Les réunions de 9 heures, tous les jours, weekend inclus (pendant cette crise, la notion de week-end devint vite assez… floue) permirent d’assurer une ligne directrice claire, de faire des retours d’informations et d’expérience et d’assurer une bonne continuité. Les hôpitaux (le service public) sont constamment couverts d’éloges et à juste titre ! Ils l’ont été grandement pendant cette crise. Il serait bon de réaliser qu’avec beaucoup de dynamisme et peu de moyens humains (initialement un médecin pour 46 patients puis, au plus fort de l’activité 4 à 5 pour l’unité de médecine, ce qui est beaucoup moins que dans les services hospitaliers), cette clinique réalisa des prestations de grande qualité qui n’ont rien à envier à nos collègues et voisins hospitaliers, beaucoup plus nombreux et probablement mieux organisés. Les médecins libéraux ne devraient pas tous être considérés comme vénaux. Il s’agit avant tout de médecins, qui sont capables de réaliser des exploits lorsqu’on leur demande, et ce avec énormément d’enthousiasme. Cette crise en est, je pense, un exemple très parlant. Ils ne sont pas à la recherche de couronnes ni de fleurs mais uniquement d’une reconnaissance de leur travail et éventuellement (on peut toujours rêver !) de remerciements... Nous attendons toujours la reconnaissance de l’État. Quant aux remerciements, pour l’instant seule la population et ses applaudissements de 20 heures ont permis de nous réchauffer le cœur (comme dirait Brassens...). Je n’ai jamais mangé autant de gâteaux ou autres mets délicieux, confectionnés par un élan de générosité venant de tous les environs de la clinique, soit par des associations, soit par des particuliers. Que mon tour de taille modifié pour l’occasion leur prouve ma gratitude ! Même si la fatigue accumulée est très importante, je retire de cette expérience un grand sentiment de fierté. Je peux dire que j’ai apporté ma pierre à cet édifice, que j’ai participé à cet effort de « guerre » et que les efforts réunis de toute la clinique auront permis de s’acquitter au mieux de cette tâche qui, sur le papier, paraissait insurmontable. Finalement cela nous aura permis de montrer qu’avec beaucoup de volonté, des moyens, et de la détermination, il y a toujours un chemin... je pense que nous l’avons trouvé.

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