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Allergologie

Publié le 19 juin 2020Lecture 6 min

La noix de coco et autres Arécacées : allergènes rares ?

Guy DUTAU, Allergologue, pneumologue, pédiatre, CHU de Toulouse

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Noix de coco et autres palmées  La noix de coco (angl. : coconut) fait partie du groupe hétérogène des « noix » communément appelées « fruits à coque » ou « fruits secs à coque», appartenant à des familles botaniques très diverses, exotiques ou communes dans les pays tempérés (figure 1). La noix de coco est le fruit du cocotier (Cocos nucifera) de la famille des Arécacées ou Palmées. On trouve également dans cette famille la noix d’arec ou noix de Betel (Areca catechu)(a), le sagou (Cana indica)(b) et la datte (Phoenix dactylifera). Figure 1. Les diverses noix d’arbres. Dans les pays tropicaux et subtropicaux, les divers genres de palmiers, très nombreux, viennent au deuxième rang parmi les plantes juste derrière les graminées. Ils sont employés de façon très variée dans l’économie des pays où ils poussent, à la fois dans les zones humides et marécageuses, les oasis (Sahara), mais aussi dans les régions semi-arides ou arides. Ils servent à l’alimentation mais aussi à la construction de planchers, de charpentes et de murs (avec leur bois) et à la couverture des maisons (avec leurs feuilles). En dehors de la noix de coco et des dattes, on ne connaît guère d’allergies alimentaires (AA) aux autres Arécacées. Des cas d’AA aux dattes sont connus, le premier(c) ayant été rapporté en 1997 par Gonzalo et coll.(1). Une étude de Kwaasi et coll.(2) portant sur une population atopique régionale (Arabie saoudite) a montré que 13 % des individus avaient des prick-tests (PT) positifs pour deux extraits de datte, mais les auteurs ne précisent pas les caractéristiques cliniques des AA ces personnes. Néanmoins la datte est un possible allergène alimentaire(d), mais l’AA à la datte semble rare en regard de l’importance de sa consommation. Dans les pays tempérés, la noix de coco entre dans la composition de nombreux gâteaux et sucreries. En Asie tropicale, c’est un aliment de base. Le liquide (eau de coco) contenu dans la noix peut être bu, mais sert aussi à préparer des sirops, des liqueurs, une eau-de-vie (« arak de paria »), des sucreries et confiseries, des glaces (etc.). Le coprah ou amande de la noix séchée, débarrassée de sa coque, est pressée pour préparer de l’huile à partir de laquelle on fabrique du beurre(e). Les autres utilisations sont nombreuses dans l’alimentation (laits, margarines, déjeuners, pâtisseries), mais aussi en pharmacie (suppositoires), en cosmétologie (crèmes, shampoings) et dans l’industrie (détergents) (etc.)(3). Symptômes de l'allergie à la noix de coco  Apparemment, malgré une consommation importante et en accroissement, la noix de coco semble être rarement la cause d’allergies. En 1986, dans une série de 102 anaphylaxies idiopathiques, Stricker et coll.(4) ont cherché à savoir la fréquence des AA au moyen de l’anamnèse, des PT et des dosages des IgE sériques spécifiques (IgEs), la noix de coco était responsable de moins de 3 % des PT positifs. Les autres aliments susceptibles d’être en cause étaient l’anis, la noix de cajou, le céleri, le lin, la moutarde, etc.   Parmi 600 individus ayant une « hypersensibilité alimentaire » (allergique ou non) et une pollinose, en particulier aux pollens de bouleau, moins de 2 % étaient sensibilisés à la noix de coco (1096).   Entre 1994 et 2002, quelques cas d’allergie isolée à la noix de coco ont été rapportés chez les jeunes enfants, en particulier des anaphylaxies(6-10).   Rosado et coll.(10) ont décrit le cas d’un homme de 28 ans, qui, immédiatement après la consommation d’une glace à la noix de coco, développa une anaphylaxie (prurit oral, vomissements, angioœdème intense des lèvres et de la luette) qui persistèrent 24 heures malgré le traitement symptomatique en réanimation(10). Il avait présenté un SAO (syndrome d’allergie orale) à la noix, mais il tolérait les autres fruits à coque. Le PT (9 mm x 13 mm) et le dosage des IgEs (18,40 kU/l) étaient fortement positifs.   Teuber et coll.(9) ont également décrit une anaphylaxie à la noix de coco et une réaction croisée avec la noix du Brésil chez 2 patients : ils avaient présenté une anaphylaxie pré-létale à la noix de coco. Une protéine de stockage (legumin-like) de PM 35 kDa était en cause.   Dans l’observation d’allergie isolée à la noix de coco rapportée par Tella et coll.(8) un autre allergène de PM 8 kDa semblait en cause.   Des réactions croisées ont également été décrites entre noix de coco (famille des Arécacées) et la noisette (famille des Bétulacées)(11). Finalement les réactions croisées entre la noix de coco et les autres noix d’arbres et les lentilles sont dues à des globulines 7S (Coc n2) et 11S (Coc n4)(9,11,12).   En 2017, Anagnostou(13) a publié le cas d’une anaphylaxie récidivante à la noix de coco chez un enfant d’âge scolaire. À l’âge de 6 ans, il présenta une urticaire généralisée après l’application d’huile de noix de coco sur la peau alors que, depuis l’âge de 2 ans, ses parents lui avaient appliqué ce type d’huile sur la peau sans le moindre symptôme indésirable. De même, il consommait régulièrement des noix de coco sans problème. Par la suite, un second épisode d’urticaire généralisée devait survenir après l’application cutanée d’huile de coco et c’est ensuite que l’enfant se plaignit de démangeaisons de la gorge après avoir consommé de la noix de coco. Un peu plus tard, il développa des symptômes plus sévères (prurit généralisé, douleurs abdominales, vomissements, diarrhée) mais sans wheezing, 20-30 minutes après avoir consommé une glace à la noix de coco. Ultérieurement il présenta des symptômes semblables, mais cette fois associés à un bronchospasme témoignant d’une aggravation progressive des symptômes de son allergie. Ces deux derniers épisodes eurent lieu à l ‘école, après la consommation de noix de coco plus ou moins « masquée ». Il faut noter que cet enfant était uniquement allergique à la noix de coco, tolérant en particulier tous les autres fruits secs à coque (noisette, pistache, noix exotiques, etc.)(13). Cette allergie était IgE-dépendante avec des PT fortement positifs (20 mm).   Chez ce garçon qui avait des antécédents d’eczéma atopique, ce cas clinique posait le problème inducteur bien connu des applications d’huiles végétales via une peau dont la fonction barrière est altérée (dermatite atopique)(13). À cet égard, l’auteur fait logiquement le parallèle avec l’allergie à l’arachide qui survient souvent en l’absence d’ingestion d’allergène par passage transcutané de ce dernier via une peau lésée(14). Le lecteur est renvoyé aux diverses étapes de l’étude LEAP (learning about peanut allergy) qui a remarquablement « décrypté » les mécanismes de production et de protection (induction de tolérance) de l’allergie à l’arachide (cacahuète) sous l’égide de Gideon Lack (St. Mary Hospital, Londres)(f).   Comme indiqué ci-dessus, on connaît des allergies de contact(15) qui peuvent être des maladies professionnelles(16), des allergies aux pollens de Cocos nucifera(17) et, récemment, une allergie professionnelle aux poussières de fibres de cocotier(18). Ce dernier cas concernait un homme de 46 ans dont le travail consistait, depuis 10 ans, à fabriquer des matelas « hypoallergéniques » avec des fibres de cocotier ! Il souffrait d’une rhinoconjonctivite qui débutait 20 à 30 minutes après avoir commencé à garnir les matelas avec les fibres. Le test de provocation réaliste fut positif avec la manipulation des fibres (conjonctivite), mais négatif avec le placebo (farine de pomme de terre)(18). C’est le premier cas connu d’allergie professionnelle aux fibres de cocotier(18).   Dans cet ordre d’idées on rappellera l’article de Badaoui et coll.(19) intitulé « une épidémie d’allergie de contact à la cocamide diethanol amide » qui souligne le danger potentiel de cette mode qui consiste à masser les enfants et les adultes avec des diverses huiles végétales « pour le bien-être »… Souvenons nous que les allergènes végétaux sont les plus nombreux et les plus puissants allergènes… Prévention et traitement  Le traitement des symptômes est basé sur l’adrénaline IM à la face antérolatérale de la cuisse en cas d’anaphylaxie. Il faut éviter de masser les enfants (et les adultes) qui ont (ou peuvent avoir) une altération de la fonction barrière la peau(13). Dans un cas d’AA sévère à la noix de coco une tolérance orale a été induite par une immunothérapie par voie orale (ITO)(20). En dehors de cette observation anecdotique, l’éviction est indiquée dans les autres cas.  

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