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Asthme

Publié le 30 mar 2020Lecture 4 min

Asthme et BPCO : quand tout était simple !

Colas TCHÉRAKIAN, Suresnes

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De grands changements se profilent dans la prise en charge des maladies bronchiques respiratoires. L’asthme et la BPCO sont clairement au premier rang des maladies chroniques puisqu’elles impliquent plusieurs millions de personnes en France et au cœur du plan santé 2020. La dichotomie physiopathologique pouvait sembler assez simple jusqu’à aujourd’hui. L’asthme était une maladie à profil immunologique TH2, impliquant les éosinophiles. La BPCO était une maladie à profil immunologique TH1, impliquant les neutrophiles. Fort de cela, les recommandations et les études cliniques nous poussaient à proposer une corticothérapie pour l’atteinte éosinophilique de l’asthme et, compte tenu de l’absence d’éosinophiles dans la BPCO et d’une prépondérance de neutrophiles, plutôt des traitements bronchodilatateurs dans la BPCO. Mais voilà que les choses se compliquent puisque les éosinophiles ont fait leur apparition dans l’arbre décisionnel de prise en charge de la BPCO (GOLD, Global Obstructive Lung Disease, 2018). Pire encore, aujourd’hui le dogme de la corticothérapie inhalée dans l’asthme tombe ! Alors que le GINA 2019 pointe l’importance de la corticothérapie inhalée quel que soit le stade de l’asthme, d’autres sons de cloche s’élèvent posant la question de la corticothérapie inhalée systématique dans l’asthme. Le problème d’une « sur-utilisation » de la corticothérapie inhalée systématique dans l’asthme provient d’un certain nombre d’études plus ou moins récentes. D’abord un certain nombre de praticiens pointent le problème d’un sur-diagnostic de l’asthme conduisant à des prescriptions erronées de traitement de l’asth me par corticoïdes inha lés chez les patients ayant plus une hyperréactivité bronchique qu’un asthme (Aaron SD, AJRCCM 2018). Plus étonnant encore, la mise en évidence d’asthme non éosinophilique questionne évidemment sur le bien-fondé de la corticothérapie inhalée dans ses formes (Carr TF, AJRCCM 2018). C’est dans la mouvance d’un concept d’asthme « non éosinophilique » qu’a eu lieu l’étude récente de Lazarus et coll. basée sur le choix du traitement inhalé selon le taux d’éosinophiles dans les expectorations. Cette étude jette un pavé dans la mare en montrant que dans l’asthme non éosinophilique (expectoration inférieure à 2 %), la réponse aux corticostéroïdes inhalés n’est pas meilleure qu’un placebo (Lazarus SC, N Engl J Med 2019). Après ce retournement de situation dans l’asthme, c’est au tour de GOLD 2018 de pointer les éosinophiles, cette fois dans la BPCO. En effet les dernières recommandations nous incitent à réaliser une numération formule sanguine chez nos patients BPCO, pour choisir au mieux le traitement inhalé le plus approprié. Ces recommandations se basent sur un certain nombre d’études montrant qu’il y a une corrélation entre la présence d’une éosinophilie sanguine et la présence d’éosinophiles dans les expectorations. Cela fait donc apparaître un profil TH2 éosinophilique chez les BPCO pour lesquelles on préconise alors une corticothérapie inhalée. On voit donc apparaître au fur et à mesure des années la complexité de la prise en charge des maladies bronchiques qui ne peuvent plus se réduire au « simple » diagnostic d’asthme ou BPCO mais, au sein même de ces deux entités, la nécessité de définir un asthme TH2 ou une BPCO TH2, versus une forme neutrophilique de ces maladies. Pour l’instant la pratique clinique reste peu impactée, en tout cas pour l’asthme. En effet peu nombreux sont les cliniciens qui se basent aujourd’hui sur le taux d’éosinophiles dans les expectorations induites pour choisir un traitement inhalé ! Il apparaît donc évident que mettre ce sous-type d’asthme non éosinophilique en évidence ne pourra avoir un retentissement sur la prise en charge des patients qu’en présence d’un biomarqueur facilement dosable ou accessible, contrairement aux expectorations induites qui restent la plupart du temps du domaine de la recherche clinique. L’intérêt pour l’éosinophilie dans la BPCO a une vraie pertinence d’un point de vue compréhension de la maladie mais là encore y a-t-il une pertinence au quotidien ? Et effectivement sur un plan épidémiologique, il y a une corrélation statistique entre l’éosinophilie sanguine et l’éosinophilie bronchique (Pascoe S, Lancet Respir Med 2015 ; Bafadhel M, AJRCCM 2012). Mais si cette corrélation reste vraie dans la population générale et sur de grands effectifs démontrant la pertinence physiopathologique de la BPCO TH2, elle n’en reste pas moins difficile d’utilisation au quotidien chez un patient donné. En effet, la variation de l’éosinophilie, particulièrement dans les valeurs basses, au cours du temps chez un patient donné, rend ce marqueur également compliqué d’utilisation. Quoi qu’il en soit, l’apparition de ces phénotypes au sein de maladies plus vastes que sont l’asthme et la BPCO témoigne de la personnalisation des traitements de demain. Il est fort à parier que la classification même d’asthme ou de BPCO disparaisse avec le temps au profit de maladies bronchiques à phénotype TH1, TH2 ou autres, qui prédiront avec plus de précision la réponse potentielle au traitement que les classifications antérieures de BPCO ou d’asthme. C’est d’ailleurs ainsi que l’on a vu apparaître une entité de chevauchement, qui était reconnue des cliniciens de longue date, sous la forme de l’ACO (Asthma COPD Overlap). La reconnaissance de cette entité par GINA et GOLD témoigne d’un manque de pertinence de la simple dichotomie asthme BPCO pour décrire le patient quotidien. Or, pour le clinicien, la caractérisation de l’évolution d’une maladie et la prédiction de la réponse au traitement restent probablement les éléments les plus importants de la prise en charge du patient et à ce titre cette nouvelle vision pourrait être plus pertinente que la dichotomie asthme BPCO et qui pourrait conduire à la disparition de ses deux entités.

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