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ORL

Publié le 17 jan 2022Lecture 7 min

Signes cliniques et examen laryngé de l’immobilité unilatérale des cordes vocales

Philippe SCHULTZ, Laura MAUPEU, Strasbourg

L’évaluation de l’immobilité unilatérale de la corde vocale peut être difficile en raison de la complexité de l’anatomie, de la diversité des étiologies et des compensations ou récupérations musculaires possibles. La prise en charge idéale repose d’abord sur un examen clinique attentif.

Rappel anatomique pour comprendre le mou ement des cordes vocales Fonctionnement des muscles intrinsèques du larynx Les muscles intrinsèques du larynx sont pairs et symétriques sauf pour le muscle interaryténoïdien(1). Ils sont représentés par les muscles cricothyroïdiens (CT), les muscles thyroaryténoïdiens (TA), le muscle interaryténoïdien (IA), les muscles cricoaryténoïdiens latéraux (CAL) et les muscles cricoaryténoïdiens postérieurs (CAP). Le muscle CT comprend deux faisceaux à partir de la face antérieure et latérale du cartilage cricoïde (C-CRI) : un chef oblique qui s’insère sur la moitié postéroinférieure de la face interne du cartilage thyroïde (C-THY) et sur sa corne inférieure, un chef vertical qui s’insère sur le bord inférieur du C-THY. Ils abaissent, tendent, allongent et affinent les cordes vocales (CV). Ils sontresponsables de la voix de tête. Le muscle TA prend son origine sur la face antéro-interne du C-THY pour se terminer sur la face latérale du cartilage aryténoïde (C-ARY) depuis le processus vocal jusqu’au processus musculaire. Il comprend un chef médial (muscle vocal) et un chef latéral. Ils adductent, abaissent, raccourcissent et épaississent les CV. Le chef médial serait (non prouvé) un muscle adapté à la phonation tandis que le chef latéral a un rôle spécifique dans l’adduction (sphincter laryngé). Le muscle IA est constitué de fibres transverses et de fibres obliques. Les fibres transverses prennent leur origine et s’insèrent au flanc interne des C-ARY. Les fibres obliques partent de la base d’un C-ARY et s’insèrent près du sommet du C-ARY controlatéral. Il est plus particulièrement responsable de l’adduction de la partie cartilagineuse des CV et donc particulièrement important pour la fermeture de la partie postérieure de la glotte. Le muscle CAL s’insère sur la partie latérale du C-CRI et sur la face antérolatérale de l’apophyse musculaire du C-ARY. Il est extrêmement important dans l’adduction qu’il initie puis allonge, abaisse et tend la CV. Enfin le muscle CAP prend son origine sur une large zone de la surface postérieure du chaton cricoïdien. Il s’insère sur la face postérieure de l’apophyse musculaire du C-ARY. Son rôle est l’abduction des CV. Il est responsable de leur élévation et de leur allongement du fait d’une bascule du C-ARY latéralement et vers l’arrière. Innervation des muscles intrinsèques du larynx Les muscles intrinsèques du larynx sonttous innervés parle nerfrécurrent (NRL) sauf le muscle CT qui est innervé par la branche externe (NLE) du nerf laryngé supérieur (NLS). Si l’on peut globalement considérer qu’une paralysie du NRL sera responsable d’une immobilité de la corde vocale et une paralysie du NLE d’un défaut d’innervation du CT, des anastomoses entre NRL et NLS, entre NLE et branche interne du nerf laryngé supérieur (NLI) et entre NRL et sympathique cervical existent. Elles pourront être à l’origine de contractions minimes des muscles laryngés et faciliter leur réinnervation et donc les syncinésies. De nombreuses variations anatomiques existent, mais globalement le NRL se divise en une branche antérieure et postérieure juste avant d’entrer dans le larynx (figure 1). La branche postérieure se dirige vers le haut au-dessus du CAP et sous la muqueuse du pharynx, pour rejoindre la branche interne du nerf laryngé supérieur (anse de Galien, AG). La branche antérieure se dirige vers le haut derrière l’articulation cricothyroïdienne et donne une première branche qui part innerver le muscle CAP. La deuxième branche est celle pour le muscle IA. Enfin la branche terminale innerve le muscle CAL et le muscle TA. La branche antérieure initialement sous-glottique peut être comprimée par un ballonnet trop gonflé. Chez certains patients, le muscle TA va bénéficier également d’une innervation par une branche du NLE qui se détache du CT pour remonter dans le larynx. Enfin le muscle IAreçoit une innervation de la branche interne du NLS et une branche du récurrent controlatéral formant ainsi un véritable plexus nerveux. Si les implications physiologiques de ces anastomoses ne sont pas claires, elles doivent être prises en compte lors de la laryngoscopie après blessure du nerf récurrent, car elles peuvent être à l’origine de petits mouvements de la CV. Figure 1. Innervation du larynx. NLS : nerf laryngé supérieur, NLI : nerf laryngé interne, NLE : nerf laryngé externe, NLR : nerf laryngé recurrent, AG : anse de Galien, CAP : muscle cricoaryténoïdien postérieur, CAL : muscle cricoaryténoïdien latéral, CT : muscle cricothyroïdien, IA : muscle interaryténoïdien, TA : muscle thyroarythénoïdien   Comment se mobilise le cartilage aryténoïde ? La facette articulaire supérieure du C-CRI est elliptique avec un grand axe antéro-postérieur incliné de 20-40° dans le plan sagittal et de 20à 40° dans le plan frontal. Le C-ARY bascule plus qu’il ne pivote d’arrière en avant, le long du petit axe de la facette articulaire du C-CRI de manière à ce que l’apophyse vocale se déplace dans les 3 plans de l’espace (figure 2)(2) . En adduction il se mobilise d’arrière en avant, de dehors en dedans et de haut en bas. Par ailleurs il se situe dans une capsule articulaire relativement lâche autorisant quelques mouvements le long du grand axe de la facette articulaire du C-CRI. Figure 2. Mouvement des cartilages aryténoïdes. Aryténoïde droit en adduction, aryténoïde gauche en abduction. Examen clinique et position de la corde vocale paralysée L’examen de la CV paralysée se fera au mieux à l’aide d’un fibroscope plutôt que d’une optique rigide, car le réflexe nauséeux provoqué par la laryngoscopie indirecte peut-être responsable d’une phonation moins naturelle (contractions involontaires du larynx et de la base de langue). L’examen analysera le mouvement (immobilité ou hypomobilité)(3) et la position de la CV (médiane, paramédiane, intermédiaire, latéral), de l’apophyse vocale et des reliefs de la région aryténoïdienne. On observe l’adduction (/i/), l’abduction (sniff), la phonation en glissando (voix de poitrine à la voix de tête), les mouvements réflexes lors de la toux, de la respiration ainsi que les mécanismes de compensation (hypertonie des bandes ventriculaires, dépassement de la CV saine au-delà de la ligne médiane). La stroboscopie n’est utile secondairement que pour analyser les défauts de l’ondulation muqueuse (affrontement, décalage horizontal et vertical). La paralysie du NLE se manifeste à l’interrogatoire par une fatigabilité vocale, une bitonalité, une diminution des capacités de projeter la voix, des difficultés de passage de la voix de poitrine à la voix de tête et globalement par une réduction de la tessiture. En voix parlée, la dysphonie est peu marquée. L’examen retrouve une corde vocale, courte, arquée et affaissée. À la stroboscopie, il existe une fuite glottique et un décalage horizontal et vertical de l’ondulation muqueuse. La manœuvre de glissando n’entraîne pas de tension de la CV incriminée, mais parfois une rotation ou inclinaison de la commissure postérieure vers le côté inactif. L’atteinte du NLS associe une perte de la sensibilité susglottique du côté incriminé. Lors d’une paralysie récurrentielle, la symptomatologie dépend de la latéralisation de la CV. Cependant les paralysies des muscles du larynx ne peuvent être caractérisées par des positions standards des CV. En abduction et position intermédiaire, la voix est soufflée, éteinte ou bitonale. De fausses routes sont fréquentes. En position paramédiane, le timbre sera plus sonore et éraillé. L’innervation du muscle CT par le NLS et l’innervation du muscle IAparles 2 NLR est, pour certains, à l’origine du rapprochement de la CV sur la ligne médiane. L’apophyse vocale s’abaissant lors de la bascule du C-ARY, on observe généralement à l’inspiration, une apophyse vocale paralysée située plus bas que celle de la CV normale et plus haute en phonation(4) . Le niveau vertical (hauteur) de la CV paralysée n’est cependant pas le même chez tous les patients et n’est pas déterminé selon la pathologie. Un cas particulier est la paralysie isolée du CAP. L’examen laryngé retrouve une bascule antéro-interne du C-ARY par l’action du CAL (figure 3), une absence de mobilité du C-ARY au reniflement, mais un rapprochement des CV à la phonation. Une atteinte du nerf vague en amont du NLS sera responsable d’une paralysie du NLS et du NLR. La CV est considérée comme plus détendue qu’en cas de paralysie récurrentielle isolée, mais il n’est pas constaté de positionnement plus latéral de la CV en raison du défaut de tonicité du muscle CT(5). Figure 3. Bascule antérieure du cartilage aryténoïdien droit avec suspicion de paralysie du muscle cricoaryténoïdien postérieur droit. Conclusion Si la qualité de la voix est assez bien corrélée à la médialisation de la CV, la position naturelle de celle-ci n’est actuellement pas encore prédictible. La richesse d’innervation, les variations anatomiques et le degré de l’atteinte nerveuse (classification de Sunderland) peuvent expliquer ces différences. Puisque la prise en charge dépend du potentiel de récupération, il sera utile lors du suivi, d’observer l’évolution de la position et du mouvement de la CV. Avant une prise en charge chirurgicale, il faut laisser une chance aux possibilités de récupération et à l’orthophonie tout en sachant intervenir avant l’apparition de compensations inadaptées. En cas de doute sur l’étiologie, l’EMG peut guider ce suivi.

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