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Allergie alimentaire

Publié le 19 sep 2019Lecture 7 min

Allergie aux fruits tropicaux

Eddy CITADELLE, Allergologue, Pointe-à-Pitre (Guadeloupe)

Des allergies alimentaires, il en est qui sont émergentes ou en augmentation croissante : c’est le cas des allergies aux fruits tropicaux. Ma revue se propose de décrire leurs spécificités avec leur allergénicité propre. Ces allergies font partie des allergies alimentaires rares au même titre que les aliments à faible allergénicité (ail, oignon, pomme de terre), ou encore allergènes alimentaires récemment introduits (lupin, sésame), ou pour finir les allergies dues à des croisements d’allergènes rares. Néanmoins, c’est une allergie qui risque de nous préoccuper dans l’avenir et nous allons tenter de l’expliciter.

Les fruits tropicaux se définissent comme des fruits provenant de régions au climat tropical ou subtropical. Ils ont comme caractéristiques de ne pas supporter le froid et peuvent être endommagés ou leur développement altéré par des températures inférieures à 4°C. Par définition, le climat tropical est un type de climat présent entre les tropiques jusqu’à 15 à 25° de latitude Nord et Sud mais les fruits tropicaux ne sont pas cantonnés à ces zones. Il existe des zones de latitude supérieure dont les conditions climatiques sont similaires aux régions tropicales, pour ces raisons il est admis que le climat tropical s’étend jusqu’au 30e parallèle (figure 1). Figure 1. Les principaux pays exportateurs se trouvent en Extrême-Orient, en Amérique latine, dans les Caraïbes et dans une moindre mesure, l’Afrique. Par ailleurs, les fruits exotiques sont souvent appelés ainsi dans les pays où ils sont importés et consommés, bien que ce terme n’ait aucune réalité biologique et ne désigne pas de fruits provenant d’un habitat particulier. C’est donc en langage commun un fruit qui provient d’une région étrangère à celle où l’on vit. Pour simplifier nos propos, nous entretiendrons à dessein la confusion entre les fruits tropicaux et exotiques (l’un désignant communément l’autre dans le langage courant) (figure 2). Figure 2. Liste non exhaustive des fruits tropicaux (dont ceux habituellement responsables d’allergie). Autant de noms qui fleurent bon les couleurs et les senteurs exotiques, en particulier la pomme cannelle et la prune de Cythère citées dans cette revue. Classification Alors qu’ils peuvent être classés selon l’habitat (on l’a vu) — fruits tropicaux et semi-tropicaux, fruits des régions tempérées (pomme, poire, pêche, prune) ou encore en fruits charnus (fruits juteux à réceptacle comestible comme l’avocat) ou non charnus, nous ne retiendrons ici que la classification du CICBAA (Cercle d’investigation clinique et biologique en allergie alimentaire) avec deux familles : – les fruits exotiques proprement dits : mangue, litchi, fruit de la passion, papaye, etc. ; – les fruits du groupe latex : banane, kiwi, avocat, etc. Symptomatologie Les symptômes ne diffèrent pas énormément de la clinique des allergies alimentaires : – symptômes bénins d’allergie orale : prurit bucco-pharyngé… ; – troubles digestifs : douleurs abdominales, nausées et vomissements, diarrhée (classiques mais peu spécifiques) ; – signes cutanés : angiœdème et urticaire aiguë ; – réactions anaphylactiques généralisées comme celles décrites et publiées pour la mangue. Les symptômes ne seront pas les mêmes en fonction de leur allergénicité propre. Allergénicité Les allergènes identifiés dans les protéines constitutives de la plupart des fruits sont des protéines impliquées dans la défense des micro-organismes phytopathogènes, mais leur synthèse augmente aussi en cas d’infection fongique de la plante. Ces protéines appelées PR (Pathogenesis Related) sont synthétisées en réponse à une infection de la plante à un phytopathogène et classées en 17 groupes distincts. Dans les fruits, ces protéines s’accumulent normalement au cours de la maturation (tableau 1). À ces protéines PR, s’ajoutent d’autres allergènes : – profilines : protéines cytoplasmiques qui se lient aux filaments d’actine et participent au cyto squelette des cellules végétales ; – pectates lysases : enzymes assurant la transformation des pectines qui interviennent dans la maturation des fruits charnus. L’étude approfondie de l’allergénicité des fruits permet de parfaire notre connaissance sur les allergies croisées, en particulier dans le syndrome latex-fruits. Dans cette entité nosologique, des personnes sensibilisées au latex peuvent développer des réactions d’allergies alimentaires croisées, en particulier avec la banane, l’avocat ou le kiwi (tableau 2). L’existence d’allergènes communs au latex et aux fruits (allergènes homologues) possédant des épitopes B liant des IgE identiques ou voisines, explique ces allergies croisées (figure 3). Figure 3. Le syndrome latex-fruit. D’après Malandain H, 2010. Concernant l’entité fruits exotiques proprement dite, à savoir hors syndrome latex-fruits, les allergènes sont essentiellement issus des différents groupes de protéines PR : – PR-2 ou 1,3-βglucanase ; – PR-3 ou chitinase de classe 1 ; – PR-4 ou pro-hévéine-like ; – PR-5 ou thaumatine-like ; – PR-10 ou Bet v 1-like ; Diagnostic Le diagnostic est souvent clinique, mais il faut parfois recourir aux prick-tests cutanés et aux tests sanguins. Pour cela, il peut y avoir les tests avec extraits standardisés, mais les allergènes peuvent être altérés par des procédés de fabrication des extraits commerciaux. Aussi, il est essentiel de pratiquer des tests cutanés avec fruit natif (pulpe et peau, frais et cuit) pour les pricks. On peut aussi réaliser des patch-tests avec fruit natif. Les tests sanguins s’appuient maintenant sur les recombinants (en sachant que la connaissance d’un maximum de composants moléculaires dans les extraits commerciaux permet d’affiner le diagnostic et de diminuer les faux négatifs). Allergies aux fruits exotiques : à propos de deux cas La pomme cannelle De la famille des annonacées, c’est un fruit d’Amérique du Sud tropicale, portée par un arbre, l’attier (Annona squamosa). On la retrouve dans les Petites et Grandes Antilles, au Mexique, en Amérique centrale. Elle propose des activités tonicardiaques et bronchodilatatrices dévolues à un alcaloïde. On note aussi malheureusement des effets délétères, à savoir un syndrome parkinsonien atypique dont elle est accusée d’être responsable depuis les années 2000 par des équipes guadeloupéennes du service de neurologie du CHU de Pointe-àPitre. La preuve formelle de ces accusations n’a pas été établie, mais au regard d’autres études sur les alcaloïdes isoquinoléines contenus par les annonacées (en particulier le corossol proche de la pomme cannelle) et de leur toxicité neurologique, l’AFFSA (Agence française de sécurité sanitaire des aliments) depuis 2008 recommande de poursuivre la surveillance épidémiologique du syndrome parkinsonien atypique en Guadeloupe. • Allergie Seul cas déclaré (CICBAA) d’allergie à la pomme cannelle dans le monde par le Dr Sylvie Lafosse-Marin, membre de l’ANAFORCAL CARAIBE en 1999. Il s’agissait d’un jeune homme martiniquais atopique, sensibilisé aux pollens de graminées. Il a présenté après ingestion des gênes respiratoires, des nausées, des douleurs abdominales violentes (à noter qu’il présentait aussi des manifestations digestives violentes après ingestion de melon). Le diagnostic positif a été porté par des prick-tests cutanés réalisés avec la peau et la pulpe (fruit mûr et fruit vert +++). La prune de Cythère Ce fruit provient du prunier de Cythère ou pommier de Cythère, de la famille des Anacardiacées, qui est originaire de la Polynésie et cultivé dans les pays tropicaux. Il est consommé localement comme dessert, en jus de fruit et en confitures. Il représente une bonne source de vitamine C. • Allergie L’allergie a été bien décrite par un étudiant thésard du CHU de Pointe-à-Pitre, après que je lui ai donné un cas clinique de mes consultations. C’est un cas supposé d’anaphylaxie alimentaire à l’effort d’un jeune Indo-Guadeloupéen qui a présenté plusieurs réactions anaphylactoïdes dont deux objectivées médicalement avec collapsus. À l’interrogatoire, on retrouvait 10 ans plus tôt une urticaire généralisée après consommation de la pulpe du fruit. Les tests cutanés à la pulpe furent très positifs. Malheureusement, pour le diagnostic, des tests se positivèrent aussi aux crevettes et les tests de provocation à l’effort restèrent négatifs (mais la littérature montre qu’ils sont dans ce cas peu souvent reproductibles). Conclusion • Pour toutes les raisons évoquées et la mondialisation inexorable, l’allergie aux fruits tropicaux se développe et se développera de façon exponentielle sur toute la planète. • La forte prévalence de l’allergie aux pollens et l’augmentation de la prévalence de l’allergie croisée entre pollens et fruits vont nous confronter à de nouveaux cas. • Les allergies croisées avec le latex et la progression du syndrome latex-fruit en expliquent aussi par ailleurs. • L’augmentation du nombre d’allergènes recombinants disponibles et donc l’étude approfondie de ces fruits tropicaux rendront le diagnostic de ces allergies plus aisé. • Et les pectates lysases : toutes ces protéines largement distribuées dans les organes végétaux (feuilles, tiges, graines fruits, racines) des plantes supérieures sont en fait des panallergènes. Les pollens en particulier sont riches en protéines PR et profilines, ce qui explique les réactions croisées polliniques.

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