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ORL

Publié le 18 sep 2019Lecture 6 min

Amygdalectomie totale ou intracapsulaire

Briac THIERRY, ORL, Chirurgie cervico-faciale pédiatrique, hôpital Necker-Enfants malades, Paris

Avec 30 000 interventions par an, en France, l’amygdalectomie de l’enfant est le geste chirurgical pédiatrique le plus fréquent. De nombreuses études ont montré la diminution de la douleur postopératoire et la réduction du risque de saignement après la réalisation d’une amygdalectomie intracapsulaire, pour une efficacité similaire à celle de l’amygdalectomie totale. Cet article fait le point sur ces deux indications.

Les deux indications les plus fréquentes sont l’hypertrophie amygdalienne symptomatique avec syndrome d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil (SAHOS) qui représente 80 % des indications d’amygdalectomie de l’enfant et l’angine à répétition, définie par la répétition de plus de 5 épisodes d’angines par an, pendant plus de 2 ans d’affilée. D’autres pathologies moins fréquentes peuvent également être concernées : amygdalite chronique, phlegmon péri-amygdalien récidivant, le syndrome de Marshall ou PFAPA (Periodic fever aphtous stomatitis pharyngitis adenitis) qui est un diagnostic d’élimination. Enfin, une suspicion de tumeur maligne, évoquée devant une hypertrophie amygdalienne asymétrique associée à des adénopathies, de la fièvre, et l’altération de l’état général nécessite une ablation à visée anatomopathologique. Les techniques opératoires sont actuellement en pleine évolution en Europe. Deux techniques d’amygdalectomie sont proposées : totale ou intracapsulaire. L’amygdalectomie chez l’enfant est de plus en plus proposée en unité de chirurgie ambulatoire. Techniques opératoires et dénomination L’intervention est réalisée au bloc opératoire sous anesthésie générale. Lors d’une amygdalectomie totale ou extracapsulaire, on réalise l’ablation de la totalité des amygdales palatines avec leur capsule. Lors d’une amygdalectomie intracapsulaire, aussi appelée partielle ou subtotale, on réalise l’ablation du tissu amygdalien dépassant des piliers. L’incision est donc intraamygdalienne (figure 1). Figure 1. Visualisation per-opératoire. L’incision par radiofréquence est réalisée dans le tissu amygdalien (flèche blanche). On note que l’amygdalectomie intracapsulaire droite a déjà été réalisée.   En fin d’intervention, il reste une lame de tissu amygdalien dans le fond des loges (figure 2). Ces interventions ont des durées similaires. Figure 2. Visualisation en fin d’intervention. Le tissu amygdalien obstructif a été retiré et ne dépasse pas des piliers amygdaliens. Il n’y a pas de saignement.  L’appellation du geste chirurgical Cette appellation a un véritable impact sur l’acceptation de l’intervention par les parents. Nous avons proposé d’utiliser la terminologie « amygdalectomie intracapsulaire » au sein de notre équipe plutôt qu’« amygdalecto mie partielle ». En effet, le terme « partiel » a pu, de nombreuses fois, être interprété à tort comme péjoratif et témoignant de l’aspect non abouti de la chirurgie. Nous rencontrons moins de réticences avec l’usage du terme « intracapsulaire ». Indications cliniques chez l’enfant sans comorbidités Dans le cas le plus fréquent d’obstruction chez l’enfant sans comorbidité, l’indication opératoire est clinique, sans nécessiter d’examen complémentaire. Elle est posée devant la concordance des symptômes de l’obstruction et de l’obstruction à l’examen clinique. L’interrogatoire est important. L’obstruction est très bien rapportée par les parents. Les parents décrivent les périodes d’apnées pendant le sommeil, et savent mimer la reprise inspiratoire bruyante. Souvent, ils ont filmé les épisodes. Ces films courts sont très informatifs, il faut prendre le temps de les regarder lors de la consultation : le diagnostic positif des apnées en est très simplifié. Par ailleurs, on recherchera systématiquement les signes obstructifs et les signes d’hypercapnie associés (tableau) et les signes de gravité de l’obstruction : la stagnation pondérale. La confirmation de l’obstruction est clinique L’examen de l’oropharynx à l’abaisse-langue a deux objectifs : confirmer l’hypertrophie amygdalienne et éliminer une bifidité de la luette. Une fibroscopie réalisée en consultation permet de confirmer ou non l’hypertrophie adénoïdienne associée. L’indication opératoire d’amygdalectomie associée ou non à une adénoïdectomie est posée à la fin de la consultation. On précise qu’en cas de luette bifide, l’adénoïdectomie est contre-indiquée du fait du risque d’insuffisance vélaire secondaire. Examen du sommeil En cas de SAHOS clinique et en l’absence de comorbidités, les explorations du sommeil ne sont pas obligatoires. En revanche, elles sont nécessaires en cas de trisomie 21, de mucopolysaccharidose, d’obésité, etc. Elles le sont également en cas de discordance entre l’interrogatoire et l’examen physique, notamment en cas d’apnées rapportées mais en présence d’amygdales de petite taille. Enfin, en cas de désaccord entre les parents ou entre les parents et le médecin sur la prise en charge à décider, elles seront systématiquement de mandées. Le syndrome d’apnées du sommeil est diagnostiqué si l’examen du sommeil met en évidence un score d’apnée supérieure à une apnée par heure. En d’autres termes, chez l’enfant, il n’est pas physiologique d’avoir des apnées du sommeil. Les complications majeures de l’intervention Le saignement postopératoire Le saignement est la complication la plus redoutée. Après une amygdalectomie totale, Bennett(1) avait estimé l’incidence du saignement précoce, au cours des 8 premières heures après l’intervention, à 1 % ; et le saignement tardif, jusqu’au 15e jour, entre 1 et 3 %. Le saignement peut entraîner le décès par choc hémorragique, dont l’incidence est estimée à 1/50 000 interventions. La douleur postopératoire Deux articles récents(2,3) ont décrit des effets secondaires graves de l’utilisation d’antalgiques de niveau 2 en postopératoire d’amygdalectomie : 2 décès et 2 comas sont rapportés chez des métaboliseurs ultra-rapides (polymorphisme du cytochrome P450 2D6). L’utilisation de la codéine ou du tramadol n’est donc plus recommandée. Par ailleurs, le paracétamol seul n’est pas suffisant pour traiter les douleurs de l’amygdalectomie totale. Actualités et modifications des pratiques Plusieurs études de cohorte (4-6) et revues de la littérature(7-9) de niveau de preuve 1 comparant les techniques d’amygdalectomie ont mis en évidence une nette diminution de la douleur postopératoire après amygdalectomie intracapsulaire, moins d’utilisation d’antalgiques, un retour plus rapide à une alimentation normale, moins de réhospitalisation pour difficulté alimentaire. L’incidence du saignement postopératoire précoce et tardif est diminuée, de 5 à 10 fois selon les études, dans la technique d’amygdalectomie intracapsulaire, en comparaison avec l’amygdalectomie totale. Cette diminution a été constatée aussi bien dans les revues de la littérature(7) (Zhang IJPO 2017), que dans des études rétrospectives de cohorte pédiatrique(4,6) de Hultcrantz (10 826 enfants) et de Odhagen (35 060 patients), ou dans des études monocentriques, notamment de Sakki(10) (4 951 patients). Les niveaux de preuves des études réalisées sur le sujet, grâce aux qualités méthodologiques, mais aussi au nombre de patients étudiés, ont permis d’établir un changement clair de pratique chirurgicale. L’amygdalectomie intracapsulaire chez l’enfant est aujourd’hui favorisée car : – son efficacité dans le SAHOS est prouvée à court et long terme ; – la réduction de l’incidence des saignements post-opératoires immédiats et tardifs est confirmée ; – la réduction des douleurs postopératoire a été démontrée, ainsi que son corollaire, l’absence d’utilisation d’antalgiques de niveau 2. En revanche, le principe de la technique chirurgicale étant de laisser un moignon amygdalien, il faut modérer l’efficacité de l’amygdalectomie partielle dans deux situations. L’efficacité pour les angines à répétition reste encore à démontrer : le moignon pourrait se réinfecter. D’autre part, le risque de repousse amygdalienne est, nécessairement, plus important que lors d’une amygdalectomie totale. Le moignon amygdalien peut croître et être de nouveau symptomatique entraînant une obstruction. La chirurgie de reprise, bien que rare, serait de l’ordre de 16 pour 1 000 dans l’étude d’Odhagen(4). Ce risque serait inversement proportionnel à l’âge. Compte tenu des bénéfices attendus sur la douleur et le saignement, de nombreux auteurs considèrent ce risque comme négligeable lors du choix de la technique. Conclusion Actuellement, l’amygdalectomie intracapsulaire est la technique proposée de première intention chez l’enfant. Elle est aussi efficace que l’amygdalectomie totale sur les symptômes obstructifs, en entraînant moins de douleur et moins de saignement postopératoire. Son efficacité serait également identique sur les symptômes de l’angine à répétition, ce qui reste à démontrer. Enfin, le risque de repousse amygdalienne symptomatique nécessitant une deuxième intervention, même s’il est faible, doit être pris en compte.

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