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BPCO

Publié le 13 sep 2018Lecture 7 min

Comorbidités cardiovasculaires dans la BPCO

Abdelmajid BOUZERDA(a), M. SABRY(a), L. BENDRISS(b), A. KHATOURI(b) - a. Centre de cardiologie, HMI Mohammed V, Rabat ; b. Cardiologie, Hôpital militaire Avicenne, Université Cadi Ayyad, Faculté de médecine et de Pharmacie, Marrakech, Maroc

La broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) est une véritable maladie générale, à point de départ respiratoire. Ces derniers temps, l’accent est mis sur l’importance des comorbidités associées à la BPCO, notamment cardiovasculaires, qui ont un impact considérable sur la qualité de vie et le pronostic vital des patients. De plus en plus, l’intérêt thérapeutique d’une prise en charge globale de ces patients par une équipe multidisciplinaire est souligné.

La BPCO est une maladie respiratoire chronique caractérisée par une obstruction permanente et progressive des voies aériennes. L’agent causal principal est le tabagisme, générant, entre autres, des phénomènes inflammatoires. En effet, les données de la littérature ont largement démontré que la BPCO est une véritable maladie générale, à point de départ respiratoire(1). Elle compte parmi les affections les plus fréquentes dans le monde, responsable de 17 000 morts par an en France et occupe le 3e rang des causes de mortalité mondiale en 2020(2). Les patients atteints d’une BPCO présentent un risque élevé d’atteintes cardiovasculaires(3,4) et celles-ci font partie des principales causes de décès chez ces patients(5). L’objectif de cet article est de passer en revue les comorbidités cardiovasculaires associées à la BPCO. Coronaropathie et BPCO Il existe un lien étroit entre coronaropathie et BPCO : une baisse de 10 % du VEMS s’accompagne d’une augmentation du risque de mortalité de cause cardiovasculaire de 28 %, indépendamment des autres facteurs de risque cardiovasculaire dont le tabac. Le risque d’infarctus du myocarde augmente d’un rapport de 2,3 dans les 5 premiers jours d’une exacerbation(6). La fréquence des syndromes métaboliques accroît aussi le risque de pathologie coronarienne. Plusieurs mécanismes physiopathologiques sont impliqués : inflammation, stress oxydatif, état prothrombogène conduisant à l’athérothrombose (figure 1). Le diagnostic de l’atteinte coronarienne sur ce terrain est difficile et la clinique souvent noyée dans la symptomatologie respiratoire. C’est ainsi que l’angor est rare et se traduit souvent par de la dyspnée ou par une blockpnée d’effort. Les tests d’effort seront de réalisation difficile compte tenu de la dyspnée.  Figure 1. Mécanismes physiopathologiques de la relation entre BPCO et cardiopathies ischémiques. L’échographie cardiaque de repos pourra orienter en cas d’altérations de la cinétique régionale. La scintigraphie myocardique est limitée par les capacités à l’effort du patient. L’échocardiographie de stress sous dobutamine est l’examen non invasif de référence pour dépister une atteinte coronaire. La coronarographie devra être couplée à un test fonctionnel pour une bonne interprétation et affirmer le caractère ischémiant d’une sténose coronaire. Le traitement de l’atteinte coronaire en cas de BPCO repose sur les bêtabloquants, les antiagrégants plaquettaires, les statines, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion, la revascularisation coronaire par endoprothèse ou chirurgicale, par pontage, sans oublier la correction des facteurs de risque cardiovasculaire. BPCO et arythmies cardiaques Les troubles du rythme cardiaque supraventriculaire, essentiellement la fibrillation atriale, sont retrouvés chez 12 à 14 % des patients(7). Ils semblent plus fréquents dans les BPCO sévères et au cours des exacerbations de la maladie. Il semblerait que les troubles du rythme ventriculaire soient plus fréquemment rencontrés chez les patients stables. Plusieurs facteurs sont à l’origine des arythmies (figure 2) : – l’hypoxémie, en particulier nocturne, avec bonne corrélation avec les épisodes de désaturation ; – les déséquilibres acidobasiques et ioniques ; – le rôle controversé des médications à visée respiratoire : bronchodilatateurs administrés à forte dose ; – la présence d’une maladie coronaire et/ou d’un cœur pulmonaire chronique. Le traitement de ces arythmies fait appel aux antiarythmiques classiques (bêtabloquant, amiodarone, flécaïnide) ou aux techniques ablatives par radiofréquence.  Figure 2. Mécanismes suggérés des arythmies cardiaques dans la BPCO. BPCO et insuffisance cardiaque On estime que la prévalence de l’IC serait de l’ordre de 20 à 30 % chez les BPCO, et cette comorbidité expliquerait 5 % des causes de la mortalité totale dans cette population(3,8). L’IC et la BPCO sont l’un pour l’autre un facteur pronostique péjoratif, en termes de survie. Diagnostiquer l’insuffisance cardiaque n’est pas facile, particulièrement en présence de certaines comorbidités. Ceci est particulièrement vrai en présence d’une BPCO compte tenu du fait que les signes et symptômes cliniques tels que la dyspnée, l’inflammation systémique, la dénutrition, le déconditionnement musculaire et l’incapacité fonctionnelle sont similaires pour ces deux maladies. L’échographie cardiaque et le dosage de NT-proBNP pourraient être utiles afin de déceler la présence d’une insuffisance cardiaque chez les patients atteints d’une BPCO. Il est important de souligner que la prise de bêtabloquants cardiosélectifs n’est pas contre-indiquée, et, qu’à l’inverse, elle pourrait améliorer la survie des patients BPCO en cas d’IC(9). BPCO et accidents vasculaires cérébraux La prévalence des accidents vasculaires cérébraux (AVC) semble plus élevée chez les patients ayant une BPCO : dans la population britannique, elle est de 9,9 % chez les patients atteints de BPCO contre 3,2 % dans la population générale. Lors du suivi longitudinal, l’incidence des AVC était multipliée par 2,8. Au décours d’une exacerbation aiguë, le risque d’AVC est majoré de 30 %. Les patients les plus jeunes (moins de 45 ans) sont les plus menacés(10). La physiopathologie des AVC et les facteurs de risque sont similaires à ceux des cardiopathies ischémiques. La fibrillation atriale avec la possibilité d’embolie cérébrale représente un risque supplémentaire(7). BPCO et cœur pulmonaire chronique La prévalence de l’HTAP au cours de la BPCO se situe entre 5 et 40 %(11). Les signes cliniques d’appel d’une hypertension pulmonaire ou d’un cœur pulmonaire chronique sont fréquemment occultés par les signes liés à l’atteinte ventilatoire. Les signes d’insuffisance cardiaque droite sont habituellement tardifs ou ne s’observent le plus souvent que lors des poussées d’insuffisance respiratoire aiguë. L’électrocardiogramme et la radiographie du thorax sont des examens peu sensibles. L’échocardiographie est l’examen non invasif le plus utile à la recherche d’une hypertension pulmonaire dans la BPCO. La pression artérielle pulmonaire systolique estimée à partir de la fuite tricuspide permet un diagnostic d’hypertension pulmonaire dans plus de 50  % des cas. L’échocardiographie peut montrer des anomalies ventriculaires droites, à type de dilatation ou d’hypertrophie et d’évaluer la fonction systolique ventriculaire droite. Le cathétérisme cardiaque droit n’étant habituellement pas réalisé en routine au cours de la BPCO en dehors du bilan prétransplantation, des études se sont intéressées à des marqueurs indirects d’HTAP comme la dilatation des artères pulmonaires au scanner thoracique qui est associée (comme l’est une PAP moyenne > 18 mmHg(12)) à un risque accru d’hospitalisation et d’exacerbation aiguë de la BPCO(13). Le traitement de l’hypertension pulmonaire et du cœur pulmonaire chronique dans la BPCO est essentiellement basé sur l’oxygénothérapie de longue durée. Les traitements développés au cours des dix dernières années, dont les classes médicamenteuses sont les inhibiteurs des phosphodiestérases 5, les antagonistes des récepteurs de l’endothéline et les prostanoïdes, ont montré très peu d’efficacité et, dans certains cas, des effets indésirables significatifs. En termes de traitement, il est important, en présence d’une hypertension pulmonaire sévère ou de signe de cœur pulmonaire chronique, lorsqu’il n’existe pas de contre-indication, de penser à proposer une transplantation pulmonaire au patient. BPCO et syndrome métabolique La prévalence du syndrome métabolique est élevée chez les patients BPCO ; elle s’élevait à près de 50 %(14). Le syndrome métabolique et la BPCO présentent des facteurs de risque communs. Typiquement, les patients BPCO atteints d’un syndrome métabolique sont moins actifs sur le plan physique et des marqueurs inflammatoires élevés sont présents dans le sang, indépendamment du degré de sévérité de la BPCO(14). On suppose alors que l’activité inflammatoire élevée n’est pas exclusivement limitée aux poumons mais inclut également les tissus adipeux, et que cela peut s’accompagner d’une résistance élevée à l’insuline(15). Le tabagisme est un facteur de risque indépendant pour le développement d’un diabète de type 2 et les patients avec BPCO présentent, selon la Nurse’s Health Study, un risque deux fois plus élevé de diabète par rapport aux sujets contrôles. La mesure du tour de taille, un bilan lipidique et une glycémie à jeun doivent faire partie du bilan initial chez un patient ayant une BPCO, surtout s’il est obèse. EN PRATIQUE • Les comorbidités cardiovasculaires sont un nouvel enjeu médical et thérapeutique dans la BPCO. Elles constituent un élément incontournable par leur fréquence élevée et leur impact considérable sur la qualité de vie et le pronostic vital des patients. • En pratique, la présence d’une BPCO doit faire évoquer, chercher et traiter ces comorbidités, d’où la nécessité d’une collaboration étroite entre pneumologues et cardiologues.

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