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Audiologie

Publié le 16 mai 2018Lecture 6 min

Surdité de perception : quel bilan avant la consultation génétique ?

Marine PARODI, service d’ORL et de chirurgie cervico-faciale, hôpital Necker-Enfants malades, Paris

La surdité est le handicap neurosensoriel le plus fréquent à la naissance. Elle touche un enfant sur 1 000 à la naissance et six enfants sur 1 000 avant l’âge de 18 ans. La surdité de perception est une surdité qui touche l’oreille interne, voire de façon plus rare les structures en aval de la cochlée (synapse, nerf cochléaire, structures cérébrales centrales). Elle peut toucher une ou les deux oreilles. Si diagnostiquée et prise en charge tardivement, elle est à l’origine de difficultés pour l’acquisition du langage oral et la scolarisation. L’enjeu principal reste donc son diagnostic et sa prise en charge précoces. Une enquête étiologique ne permet que de mieux organiser cette prise en charge.

Pourquoi lancer un bilan étiologique ? • Pour adapter la prise en charge de l’enfant. S’agit-il d’une surdité isolée ou syndromique, associée à d’autres pathologies qui peuvent apparaître dans un deuxième temps ? • Pour connaître l’évolutivité de la surdité. Dans le cas d’une surdité unilatérale, l’autre oreille peut-elle être touchée dans un 2e temps. S’agit-il d’une surdité qui peut s’aggraver dans le temps ? • Pour connaître les complications éventuelles. Les malformations de l’oreille interne sont pourvoyeuses de méningites à Pneumocoque et Haemophilus influenzae. Ces patients doivent donc être vaccinés de façon adéquate (Prevenar 13® et Pneumo 23®). • D’implémenter la base de données des gènes impliquées dans la surdité. • D’adapter un traitement curatif : déjà actuellement avec le traitement antiviral dans le cas du cytomégalovirus (CMV) et qui, dans un futur plus lointain, permettrait d’en stopper l’évolution (études actuelles sur des thérapies cellulaires ou génétiques). Principales causes de surdité de perception Dans les pays industrialisés, les surdités neurosensorielles sont pour 20 % d’origine environnementale. L’étiologie principale de ces surdités environnementales est largement dominée par les infections fœto-maternelles à CMV. Les 80 % restant sont d’origine génétique, soit syndromique (10 à 15 % des surdités génétiques), soit non syndromique (85 à 90 % des surdités génétiques). Les surdités congénitales sont donc majoritairement d’origine génétique non syndromique. L’étiologie principale est la double mutation de la connexine 26, qui rend compte de 60 % des surdités non syndromiques congénitales autosomiques récessives et 30 à 40 % des cas sporadiques en France(1) (figure). Dans les surdités syndromiques, la surdité peut s’associer à n’importe quel autre organe. Il existe des centaines de syndromes répertoriés. Le développement des connaissances en génétique, et en particulier des surdités isolées, a permis de changer le pronostic du diagnostic étiologique de ces surdités, qui étaient souvent considérées comme « de causes inconnues ». Les facteurs de risque de surdité (prématurité, anoxie néonatale, infections fœto-maternelles, dysmorphie faciale, etc.) ne doivent pas dispenser d’un bilan à visée étiologique et génétique. Avant de proposer la consultation génétique, il est cependant important de réaliser plusieurs examens complémentaires qui permettront d’orienter ce bilan génétique. Ces examens sont guidés après un interrogatoire précis sur les antécédents personnels et familiaux, un examen clinique complet et le phénotype du déficit auditif (uni- ou bilatéral, congénital, évolutif, etc.). Les examens systématiques devant une surdité neurosensorielle IRM de l’oreille interne Elle est devenue l’examen radiologique de référence dans les surdités de perception et a supplanté le scanner des rochers. Il s’agit d’une IRM centrée sur l’oreille interne, les paquets acoustico-faciaux, comprenant également des coupes sur le parenchyme cérébral et les bulbes olfactifs. Il est important de ne pas la demander de façon trop précoce. En effet, avant l’âge de 6 mois, certaines structures comme le nerf cochléaire sont parfois difficilement visibles. D’autre part, l’analyse du parenchyme cérébral est parfois difficile en raison de l’absence de maturation. • Environ 30 % d’anomalies de l’oreille interne sont identifiées(2). La malformation la plus fréquente est la dilatation de l’aqueduc du vestibule(3), souvent associée à une malformation vestibulaire ou cochléaire (84 % des cas). • L’hypoplasie des nerfs cochléaires est constatée dans 12 à 18 % des cas, c’est l’anomalie la plus fréquente dans les surdités unilatérales. L’analyse du parenchyme cérébral (anormal dans 20 % des cas de surdité bilatérale) permet aussi d’orienter l’étiologie. On peut retrouver, par exemple, des signes en faveur d’une fœtopathie à CMV, d’une mucopolysaccharidose ou d’une cytopathie mitochondriale. La recherche de CMV Elle doit être systématique et réalisée dès le diagnostic de surdité uni- ou bilatérale. La recherche de CMV est à adapter en fonction de l’âge de découverte de la surdité de l’enfant. Chez le nouveau-né (< 1 mois), le virus peut être recherché sur un prélèvement salivaire ou dans les urines. Il est possible de faire une recherche de CMV par Polymerase chain reaction (PCR) sur le carton du test de Guthrie, tout en sachant que ce dernier n’est conservé que quelques années. S’il n’est pas exploitable, il est toujours possible de faire une sérologie chez la mère et chez l’enfant. Le bilan ophtalmologique Il doit être systématiquement associé à un fond d’œil. Il permet, d’une part, de rechercher un trouble de réfraction qui nécessiterait d’être corrigé. Les anomalies ophtalmologiques seraient 2 à 3 fois supérieures chez les enfants sourds(4). D’autre part, il peut orienter vers un diagnostic étiologique. La présence d’un colobome peut faire évoquer un syndrome de CHARGE. Une rétinite pigmentaire peut être associée dans les fœtopathies à CMV. L’électrorétinogramme (ERG) n’est pas demandé de façon systématique, seulement en cas de surdité profonde congénitale associée à un retard de la marche. Le diagnostic suspecté est alors un syndrome d’Usher de type I qui associe surdité profonde, aréflexie vestibulaire et rétinite pigmentaire se développant après la première décade. L’ERG est perturbé dès les premières années de vie dans le syndrome d’Usher. Le bilan vestibulaire Il consiste à évaluer le fonctionnement du vestibule, organe de l’équilibre situé dans l’oreille interne. La surdité (tout degré confondu) peut être associée à des anomalies vestibulaires dans 50 à 60 % des cas(5). Le bilan doit être envisagé pour tout degré de surdité, uni- ou bilatérale, d’autant plus qu’il existe un retard moteur. Un déficit vestibulaire oriente, d’une part, vers certaines étiologies (fœtopathies à CMV, syndrome d’Usher de type I) et permet, d’autre part, d’adapter la prise en charge de l’enfant (rééducation psychomotrice). Les examens non systématiques devant une surdité Bilan rénal Une échographie rénale est demandée en cas de présence d’une anomalie de l’oreille externe, d’une fistule ou d’un enchondrome à l’examen clinique, faisant évoquer un syndrome oto-branchio-rénal. Une recherche d’hématurie est réalisée en cas de surdité bilatérale évolutive, faisant évoquer un syndrome d’Alport. Bilan cardiaque L’électrocardiogramme avec une analyse du QT est demandé devant toute surdité profonde congénitale. Le syndrome de Jervell et Lange-Nielsen associe surdité profonde et allongement du QT à risque de malaise et de mort subite. L’échographie cardiaque est demandée en cas d’anomalie de l’oreille externe. Bilan thyroïdien Il est à réaliser en cas de surdité associée à certaines anomalies de l’oreille interne (appelées Mondini), qui peut être liée à un goître thyroïdien et une hypothyroïdie dans 50 % des cas(6). Au terme de ce bilan, l’ORL propose aux parents et à l’enfant un bilan génétique auprès d’un généticien référent. Le bilan génétique est orienté en fonction de ces différents examens. Le bilan génétique n’est pas obligatoire. Il faut savoir le proposer au moment opportun (à distance de l’annonce d’une surdité, par exemple), respecter son refus, et parfois le proposer de nouveau. De même, une infection congénitale à CMV avec une surdité ou la présence d’un facteur extrinsèque évident de surdité (prématurité, etc.) ne doit pas non plus exempter le bilan génétique.

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