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Allergologie

Publié le 13 oct 2017Lecture 5 min

Faut-il prescrire de l’adrénaline à tous les allergiques quelle que soit la sévérité ?

Claire MAILHOL*, Françoise GIORDANO-LABADIE**, Alain DIDIER*, *Service de Pneumologie et Allergologie, CHU de Toulouse, **Service de Dermatologie, CHU de Toulouse

L’anaphylaxie est un tableau clinique correspondant à une réaction sévère d’hypersensibilité pouvant menacer la vie(1). Elle est l’expression clinique de la dégranulation d’une population de cellules présente dans tous les tissus de l’organisme : les mastocytes. La libération brutale de médiateurs préformés (histamine, tryptase), stockés dans ces cellules génère les symptômes perceptibles de l’anaphylaxie (urticaire, bronchospasme, vomissements, hypotension, etc.).

Les trois principales recommandations pour la prise en charge de l’anaphylaxie s’accordent à dire que l’adrénaline est le traitement de première ligne de la réaction anaphylactique quelle qu’en soit la cause car elle diminue le risque d’hospitalisation et de décès(1-3). Pourtant, l’adrénaline reste sous-prescrite en France(4) et sous-utilisée(5). Trois situations cliniques doivent faire évoquer une réaction anaphylactique(6) : – l’association d’une atteinte cutanée (urticaire et/ou angio-œdème) et d’un symptôme parmi hypotension et bronchospasme ; – l’exposition à un allergène potentiel (aliment, médicament, piqûre d’insecte) et deux symptômes parmi urticaire/angio-œdème, hypotension, broncho spasme, douleur abdominale/ vomissement ; – chez un allergique connu, la survenue d’une hypotension isolée dans un contexte d’exposition à l’allergène correspond aussi à une anaphylaxie. En pratique courante, les deux premières situations sont les plus fréquemment rencontrées et sont celles où l’administration d’adrénaline et la prescription d’un dispositif auto-injectable peuvent être indiquées. La sévérité de l’anaphylaxie doit être évaluée car elle va conditionner la décision de prescription. Le grade 1 correspond à une atteinte cutanée isolée (urticaire, érythème généralisé, angiœdème)(7). Dans le grade 2, la réaction implique des symptômes quantifiables mais ne menaçant pas la vie (signes cutanés, hypotension, tachycardie, difficultés ventilatoires, toux)(7). Les grades 3 et 4 comportent une atteinte de plusieurs organes avec une sévérité croissante jusqu’à l’arrêt cardiaque ou respiratoire (tableau 1). Quand doit-on prescrire de l'adrénaline ? Les recommandations de l’EAACI précisent les indications absolues de prescription de l’adrénaline sans différence importante dans les indications entre l’enfant et l’adulte(1) (tableau 2). Des indications relatives peuvent aussi faire l’objet d’une prescription dans certains cas (tableau 3). De faibles doses d’adrénaline sont discutées à partir du grade 2 de l’anaphylaxie(8), la voie intramusculaire peut dans ce cas être privilégiée, surtout si le tableau s’accompagne de signes digestifs(1). Les grades 3 et 4 peuvent nécessiter une administration d’adrénaline par voie intraveineuse par bolus ou en perfusion continue, sous contrôle permanent des constantes. On gardera à l’esprit que la présence de certains cofacteurs (effort physique, AINS, alcool, traitement bêtabloquant) peut aggraver la réaction anaphylactique et imposer un recours plus précoce à l’adrénaline(9). C’est particulièrement le cas avec les bêtabloquants qui ont un effet pharmacologique antagoniste de l’adrénaline. Tout patient ayant présenté une anaphylaxie est à risque d’en présenter à nouveau. Les patients asthmatiques ont un risque plus important de présenter une anaphylaxie(10) et ont un risque d’accident fatal plus élevé(11). Quelles situations ne relèvent pas de la prescription d'adrénaline ? Le plus souvent l’administration d’adrénaline est inutile lorsque les manifestations anaphylactiques se limitent à une urticaire isolée (grade I)(12). Une urticaire isolée peut en effet être l’expression d’un diagnostic différentiel (vascularite urticarienne pour les urticaires fixes, maladies auto-immunes, urticaires physiques inductibles, urticaire chronique spontanée). • Le syndrome pollen-aliment est l’expression d’une allergie croisée où le patient déclenche des symptômes de rhinite en présence du pollen auquel il est sensibilisé et un syndrome oral (prurit buccal, œdème labial et parfois gêne pharyngée) lors de la consommation de végétaux crus contenant un allergène fortement apparenté à l’allergène pollinique. Lorsque les végétaux sont tolérés sous leur forme cuite, dans la majorité des cas le risque d’anaphylaxie est faible et le régime d’éviction strict ainsi que la prescription d’adrénaline peuvent ne pas être indiqués(13). Une vigilance particulière doit, en revanche, être de mise chez les patients dont le syndrome oral persiste avec des végétaux cuits. Les réactions anaphylactiques sont polymorphes car susceptibles d’intéresser tous les appareils. Des troubles neurologiques peuvent apparaître (agitation, confusion ou anxiété, angoisse, troubles visuels, vertiges, paresthésies des membres, des lèvres, des orbites, céphalées, désorientation temporo-spatiale), des signes digestifs isolés (nausées ou vomissements) sont possibles. Ces signes peuvent être annonciateurs et prodromes d’une anaphylaxie, mais ils peuvent aussi être l’expression d’un diagnostic différentiel du choc anaphylactique (choc vagal, choc septique, choc cardiogénique, hypoglycémie), chacun relevant d’un traitement spécifique. Il en est de même avec l’angiœdème (syndrome cave supérieur, œdème angioneurotique héréditaire, inhalation de corps étranger) où l’adrénaline n’a alors pas de place. En réalité, il n’y a pas de contre-indication absolue à l’utilisation d’adrénaline dans la réaction anaphylactique vraie, même chez le sujet âgé ou porteur d’anomalies cardiovasculaires. Et le bénéfice est supérieur au risque. Comment prescrire et utiliser d'adrénaline ? Outre sa sous-utilisation, c’est aussi son mésusage et le retard d’utilisation par les patients qui compliquent la prise en charge. Une éducation est indispensable pour les malades et l’entourage et probablement aussi pour les médecins. Trois dispositifs auto-injecteurs d’adrénaline sont actuellement disponibles en France chacun proposant un dosage pédiatrique (jusqu’à 30kg) et un dosage adulte. Il est recommandé de les prescrire par deux, le pharmacien ne doit pas substituer les dispositifs prescrits. L’injection est réalisée sur la face externe de la cuisse, rapidement, et doit être répétée dans les 5 minutes si nécessaire. La tolérance est bonne, en particulier pour la voie intramusculaire qu’utilisent les stylos auto-injecteurs. L’apparition transitoire de certains signes est possible : pâleur, palpitations, céphalées. Les effets secondaires graves rapportés ponctuellement (infarctus du myocarde, accidents vasculaires cérébraux hémorragiques secondaires à une poussée hypertensive, troubles du rythme) surviennent à la suite d’accidents anaphylactiques sévères où l’adrénaline est administrée par voie intraveineuse, parfois sur des terrains déjà fragiles. Les signalements d’effets indésirables et d’accidents avec les stylos d’adrénaline sont en augmentation. Ils correspondent à des erreurs de manipulation d’auto-injecteurs lors de l’injection dans un doigt (douleurs, picotements du pouce, perforation de l’index, lésions articulaires et osseuses)(14,15). Ces effets peuvent et doivent être prévenus par une éducation du patient et de son entourage. L’entraînement à la manipulation du stylo doit être répété et contrôlé régulièrement afin d’éviter des erreurs d’utilisation en situation d’urgence.

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