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Allergologie

Publié le 07 nov 2016Lecture 10 min

Traitements de l’allergie oculaire : ne pas nuire

B. MORTEMOUSQUE, CHU de Rennes

La prévalence de la pathologie allergique étant en plein essor dans la population, l’utilisation des traitements est de plus en plus fréquente. Il est donc important pour tout praticien de garder à l’esprit que l’administration de ces thérapeutiques peut s’accompagner malheureusement de complications. La majorité des effets secondaires sont mineurs, tout du moins en ce qui concerne les traitements des allergies oculaires. L’arsenal thérapeutique étant assez vaste, un tour d’horizon des différents moyens de prise en charge de ces conjonctivites allergiques, et notamment des traitements topiques, est réalisé dans cet article, ainsi qu’un point sur les complications potentielles de chacune de ces classes.

Les conservateurs des collyres D’un point de vue réglementaire, un collyre doit répondre à quatre obligations : l’efficacité, la stabilité, la tolérance et la stérilité. C’est essentiellement pour ce dernier point que les conservateurs ont été et sont toujours utilisés – de moins en moins malgré tout. Initialement, ce sont les dérivés mercuriels qui ont été ajoutés, avant d’être abandonnés en raison de leur caractère fortement allergisant et des problèmes de pollution inhérents à leur fabrication. En effet, leur utilisation comme conservateurs des vaccins a entraîné une sensibilisation fréquente dans la population générale. Les réactions allergiques oculaires qui leur sont attribuées ont été évaluées à presque 40 % des utilisateurs. Ils ont donc rapidement été remplacés par des ammoniums quaternaires, et plus particulièrement le chlorure de benzal konium (BAK). Ce dernier présente les propriétés amphiphiles (un pôle hydrophobe et un pôle hydrophile) d’un savon, ses molécules étant moins allergisantes et moins polluantes à produire que les dérivés mercuriels. Le BAK est très rarement à l’origine de réactions allergiques (estimées à environ 4 % des effets). En revanche, le chlorure de benzalkonium est responsable d’atteintes fréquentes d’origine toxique. Si la clinique n’est pas toujours parlante « en raison des phénomènes cellulaires de réparation », il a été démontré depuis longtemps que le BAK était susceptible de provoquer les lyses des membranes cellulaires des microorganismes. Ainsi, une toxicité directe sur les cellules épithéliales de la conjonctive et de la cornée a pu être identifiée, de même qu’une infiltration des cellules inflammatoires. Une rupture précoce du film lacrymal par altération (apoptose) des cellules à mucus et une dégra dation du film lipidique ont été également constatées. Ces mécanismes s’accompagnent de la libération de cytokine pro-inflammatoire et à terme provoquent là aussi des modifications du tissu conjonctif sous-épithélial. Ainsi, l’utilisation de collyre contenant ce type de conservateur peut être responsable de l’apparition d’une pathologie de la surface oculaire. Il va de soi que prendre en charge une pathologie de surface oculaire telle que l’allergie conjonctivale, doit se faire en évitant une iatrogénicité supplémentaire au risque d’avoir une majoration de la symptomatologie.   Les lavages et les larmes artificielles Les solutions de lavage et les larmes artificielles sont fréquemment utilisées dans la prise en charge des conjonctivites allergiques, car elles permettent d’obtenir l’élimination de l’allergène au niveau de la conjonctive, mais également de réaliser une dilution, voire l’élimination des médiateurs inflammatoires. Dans l’absolu, ce traitement pourrait suffire. Cependant, pour obtenir une telle efficacité, leur utilisation doit être fréquente (pluriquotidienne), et ces instillations répétées peuvent avoir des conséquences néfastes sur la surface de l’œil. L’élimination des allergènes et des médiateurs s’accompagne de celle du film lacrymal (des couches superficielles ou des couches profondes), pouvant provoquer un véritable syndrome sec qualitatif. Les écoulements cutanés induits par l’utilisation trop fréquente de ces collyres, sans séchage post-instillation, peuvent être également à l’origine de lésions de macération au niveau des différents canthi, ainsi que de l’apparition d’atteintes de type eczémateuses. Ces solutions oculaires ne devront pas être conservées en raison de leur utilisation très fréquente. Leur emploi ne pourra donc être envisagé qu’au titre de moyen adjuvant.   Les stabilisateurs de membrane ou antidégranulants mastocytaires Ces derniers ont été penant très longtemps le « fer de lance » des traitements en ophtalmologie de l’allergie oculaire. Ils ont également été les premiers disponibles sans conservateur. Leur très bonne tolérance locale et leur très faible taux de complications expliquent aussi leur forte utilisation pendant de nombreuses années. Actuellement moins prisés, ils sont cependant toujours prescrits et peuvent être à l’origine d’effets indésirables. Ainsi, comme pour tous les produits à venir, une hypersensibilité au principe actif peut être décrite, entraînant une majoration de la conjonctivite allergique ou provoquant une blépharo-conjonctivite (ou eczéma) de contact. Cette hypersensibilité peut être liée au principe actif ou à l’un des autres composants des collyres : les excipients. Plus spécifiquement, en dehors de sensations de brûlure et de picotements lors de l’instillation ou encore de gênes visuelles passagères pouvant être ressenties après l’utilisation de ces collyres, aucune complication spécifique n’a été rapportée dans cette classe thérapeutique. Ainsi, leur utilisation chez la personne allaitante est possible. Certaines précautions, bien qu’aucune documentation n’existe, sont recommandées chez la femme enceinte, en particulier pour certains des produits de la classe. Des phénomènes irritatifs peuvent également être constatés en raison d’une posologie normale d’utilisation de 4 à 6 fois par jour. Ces instillations fréquentes réalisent un équivalent de lavage oculaire et sont donc susceptibles de donner les mêmes complications que celles observées par l’utilisation des solutions de lavage ou de larmes artificielles.   Les antihistaminiques locaux De plus en plus utilisés pour la prise en charge des conjonctivites allergiques de par leur posologie réduite (2 gouttes par jour à 4 gouttes maximum en cas d’épisode aigu), ces molécules, qu’elles soient à efficacité simple (anti-H1) ou à effets multiples (anti-H1 +, antidégranulant + effet « anti-inflammatoire ») doivent être bien connues par les prescripteurs, et en particulier leurs éventuelles complications associées. Ainsi, ces spécialités ont en commun des effets indésirables variables : – irritations oculaires, douleurs oculaires ou kératites ponctuées superficielles ; – vision trouble, sécheresse oculaire, réactions conjonctivales, photophobies ; – affections à distance comme céphalées, somnolences, réactions cutanées à type d’éruption, eczéma ou urticaire, ou encore phénomènes de sécheresse buccale. Malgré tout, cette symptomatologie reste peu fréquente pour les complications les plus rares. Là aussi, en raison soit des faibles données de la littérature, soit de mise en évidence de toxicité sur la reproduction après administration systémique chez l’animal, il est conseillé pour beaucoup d’entre eux de ne pas les utiliser durant la grossesse, de même que certaines précautions sont demandées en cas d’allaitement. Il est vivement recommandé de ne pas conduire après instillation de ces derniers et ce, en particulier tant que la vision reste trouble. Ces effets indésirables sont mineurs pour la grande majorité des produits de la classe thérapeutique.   Les corticoïdes Les collyres à base de corticoïdes sont largement utilisés dans la prise en charge des conjonctivites allergiques, et plus particulièrement des kératoconjonctivites. Il est important de rappeler que leur indication est avant tout les atteintes cornéennes avec mise en jeu du pronostic visuel et les réactions inflammatoires majeures. Ils ne doivent donc pas être utilisés pour la prise en charge d’une conjonctivite, et être plutôt réservés au traitement des kérato conjonctivites. Cependant, ces produits ont une très grande efficacité sur l’inflammation de la surface oculaire, ce qui en fait pour certains une solution de facilité ou pour d’autres une assurance d’efficacité pour la prise en charge des réactions allergiques oculaires. Il faut pourtant garder à l’esprit qu’ils n’en sont pas moins dépourvus d’effets secondaires majeurs, et rappeler qu’une hypersensibilité peut exister pour les corticoïdes. Les réactions observées sont alors soit une blépharo-conjonctivite de contact, soit une exacerbation de la symptomatologie existante. Ces mécanismes allergiques sont souvent des phénomènes de classe et ne contre-indiquent pas l’utilisation de corticoïdes locaux après évaluation par un allergologue de leur responsabilité, à partir du moment où une autre classe est utilisable. Cependant, il est capital de rappeler que ces collyres sont à proscrire en cas de kératite herpétique épidendritique, de kérato-conjonctivite virale en phase aiguë et de kératoconjonctivite mycotique, bactérienne et/ou mycobactérienne. Des précautions sont également à prendre en raison des complications associées. Ainsi, l’hypertonie oculaire est une complication fréquente des corticoïdes. Son apparition est directement corrélée à la puissance du corticoïde et à sa pénétration intraoculaire. Cette hypertension intra-oculaire peut disparaître à l’arrêt du corticoïde, mais elle peut malheureusement se poursuivre après et nécessiter la mise en place d’un traitement hypotonisant ou une prise en charge chirurgicale en cas d’évolution vers un glaucome non contrôlé par une médication. Il est important de rappeler que les femmes, les enfants et les sujets mélanodermes sont plus fréquemment exposés à cette complication que le reste de la population. Par ailleurs, l’apparition d’une cataracte sous-capsulaire postérieure est également observable en cas d’utilisation prolongée ou répétée de ces collyres, sans qu’aucune corrélation n’ait pu être démontrée entre la puissance du corticoïde et la fréquence d’apparition, contrairement au glaucome. Compte tenu de la gravité de ces complications pouvant mettre en jeu le pronostic visuel, leur utilisation en cas d’allergie oculaire ne doit se faire que sous contrôle ophtalmologique strict et leur prescription qu’à courte durée.   Les collyres à base de ciclosporine La première publication de l’utilisation de la ciclosporine A dans la prise en charge des kératoconjonctivites allergiques (vernales) a été réalisée en 1986 par Benezra. Depuis lors, de nombreuses prescriptions ont été réalisées avec des préparations magistrales de concentrations variables allant de 0,5 % jusqu’à 2 %. Des complications locales à type d’irritations oculaires, de vision floue et de brûlures majeures ont été rapportées. Cependant, des complications graves locales ou générales sont excessivement rares dans la littérature : elles concernent souvent des patients ayant eu des antécédents d’épithéliomas palpébraux, récidivant sous ciclosporine. À ce jour, aucune complication majeure systémique ni locale n’a été rapportée chez l’enfant. L’arrivée récente sur le marché d’une ciclosporine à 0,1 % distribuée en officine de ville va sûrement augmenter sa prescription, jusqu’alors réservée à certains centres hospitaliers spécialisés.   Les collyres antiinflammatoires non stéroïdiens Très peu utilisés pour la prise en charge des conjonctivites allergiques, ils ont néanmoins pour certains leur autorisation de mise sur le marché outre-Atlantique. Leur efficacité est basée sur l’effet hypoesthésiant de la cornée, et ils sont avant tout utilisés en tant qu’épargneurs de corticoïdes. Cependant, certains cas de perforation cornéenne ont été rapportés, en particulier chez l’enfant. Ces produits devront donc être utilisés de façon limitée et sous surveillance rapprochée.   Conclusion Malgré tous les problèmes énoncés ci-dessus, il est toujours bon de se souvenir que les complications sévères des traitements des allergies oculaires restent exceptionnelles, comme en atteste le caractère anecdotique de la littérature abordant le sujet.

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