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Tabacologie

Publié le 08 mar 2017Lecture 8 min

L’évolution du comportement des fumeurs au cours des dernières années

F. BECK*,**, R. ANDLER***, A. LERMENIER-JEANNET*, R. GUIGNARD***,* Observatoire français des drogues et des toxicomanies, Saint-Denis ** Sorbonne Universités, UPMC, INSERM, IPLESP UMRS 1136, Paris, ***Inpes, Paris

Depuis la loi Veil du 9 juillet 1976, et plus encore depuis la loi Evin du 10 janvier 1991, de nombreuses mesures législatives et réglementaires ont été mises en place pour lutter contre le tabagisme en France. Dans le cadre du troisième Plan cancer, l’objectif fixé était de réduire de 10 % la prévalence du tabagisme quotidien chez les adultes entre 2014 et 2019. Une telle évolution apparaît possible au regard de ce qui a pu être observé dans d’autres pays, notamment au Royaume-Uni(1). Un Programme national de réduction du tabagisme (PNRT) a donc été lancé en France en septembre 2014 par la ministre de la Santé, se donnant notamment pour ambition de faire que « les enfants qui naissent aujourd’hui soient la première génération de non-fumeurs ». Le suivi de l’évolution de la prévalence tabagique apparaît ainsi comme un élément central de l’évaluation des politiques publiques de lutte contre le tabagisme, que ce soit en population adulte ou en population adolescente.

Le tabac en population adulte Prévalence du tabagisme Le Baromètre santé, enquête en population générale réalisée à intervalles réguliers par l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes), permet de suivre les évolutions de l’usage de tabac au sein de la population française. Sur le long terme, la prévalence tabagique diminue de manière régulière depuis les années 1970 parmi les hommes et, de manière moins nette, depuis les années 1990 parmi les femmes. Une baisse importante a été observée entre 2000 et 2005, correspondant au lancement du premier Plan cancer, et à des augmentations importantes du prix du tabac. Ensuite, la prévalence du tabagisme actuel (quotidien ou occasionnel) a augmenté entre 2005 et 2010, avant de se stabiliser entre 2010 et 2014, à un niveau toutefois élevé, avec 34 % de fumeurs actuels parmi les 1875 ans (figure 1). Figure 1. Évolution de la prévalence du tabagisme actuel depuis 1974 selon le sexe (en %). L’usage quotidien de tabac concerne pour sa part 29 % des adultes (33 % des hommes et 25 % des femmes) et diminue nettement avec l’âge (figure 2). Dans l’ensemble de la population de 18 à 75 ans, la proportion de fumeurs quotidiens, qui avait augmenté de 2 points entre 2005 et 2010, apparaît en baisse très légère mais significative (de 30 % en 2010 à 29 % en 2014). Cette moindre prévalence d’usage correspond en fait à une diminution du tabagisme quotidien uniquement chez les femmes, de 27 % à 25 %, le niveau étant resté inchangé chez les hommes, à 33 %. Par ailleurs, cette évolution reste assez différenciée selon les âges. Parmi les hommes, la prévalence du tabagisme quotidien augmente significativement chez les 65-75 ans. Parmi les femmes, elle est en baisse significative pour les 2044 ans, mais elle apparaît en hausse chez les 55-64 ans, prolongeant la tendance déjà observée en 2010 sur les femmes de 45 à 64 ans(2,3). Cette hausse du tabagisme observée en 2010 s’expliquait à la fois par un effet de génération, avec l’arrivée dans cette tranche d’âge de la première génération de femmes fumeuses, ciblée par les stratégies marketing de l’industrie du tabac, mais aussi par le fait que certaines femmes avaient recommencé à fumer après avoir un temps arrêté ou étaient passées d’un tabagisme occasionnel à un tabagisme régulier. Au contraire, en 2014, le pourcentage de femmes ayant arrêté de fumer est en augmentation par rapport à 2010, cela étant vérifié pour quasiment toutes les générations. Figure 2. Proportions de fumeurs quotidiens de tabac, suivant l’âge et le sexe en 2014. Comme par le passé, un écart absolu relativement important (13 points) est observé pour l’usage quotidien de tabac entre les hommes et les femmes âgés de 18 à 34 ans, probablement lié en partie aux grossesses puis à la présence d’enfants en bas âge au sein des foyers, opportunités d’abandonner au moins temporairement le tabagisme, pour les femmes plus souvent que pour leurs conjoints. En ce qui concerne l’arrêt du tabac, la proportion d’ex-fumeurs est en augmentation par rapport à 2010 (31 % contre 29 %), ainsi que la part de fumeurs réguliers ayant fait une tentative d’arrêt dans l’année précédant l’enquête (29 % contre 25 %)(2). Au niveau international, la France conserve un taux de tabagisme très élevé au sein des pays développés et se situe parmi les plus gros consommateurs d’Europe de l’Ouest(4,5). Elle se distingue par ailleurs par une forte prévalence tabagique chez les femmes enceintes (24 % de fumeuses quotidiennes pendant la grossesse), la plupart des autres pays européens affichant des prévalences de 10 % à 15 %(6). Dans un pays marqué par un taux de fécondité important, il apparaît d’autant plus dommageable que le tabagisme pendant la grossesse se maintienne à un niveau élevé. Il faut enfin souligner le maintien des inégalités sociales en matière de tabagisme. L’écart entre les chômeurs (dont presque un sur deux fume en 2014) et les personnes qui travaillent (30 % de fumeurs quotidiens) a eu tendance à se creuser depuis 2000, alors que les fumeurs les moins favorisés sont aussi nombreux que les autres à déclarer avoir envie d’arrêter de fumer(2). Quantité et type de tabac fumé Comme en 2010, 68 % des fumeurs quotidiens déclarent fumer au moins dix cigarettes par jour, les hommes un peu plus souvent que les femmes (72 % contre 64 %). Le nombre moyen de cigarettes ou équivalent cigarettes(a)fumées quotidiennement par les fumeurs réguliers est de 13,5, chiffre similaire à celui observé en 2010 (13,8 cigarettes) et qui était en nette baisse par rapport à 2005 (15,3 cigarettes) parmi les 18-75 ans(2). Une modification du comportement des fumeurs est à signaler entre 2010 et 2014, s’agissant du type de tabac utilisé. En 2014, 63 % des fumeurs fument exclusivement des cigarettes manufacturées, alors qu’ils étaient encore 75 % en 2005 et 2010 ; ils sont 15 % à déclarer consommer uniquement du tabac à rouler (contre 9 % en 2005 et 2010) et 22 % disent alterner entre ces deux types de tabac. Ce report de la consommation d’une partie des fumeurs vers le tabac à rouler s’observe aussi à travers les ventes dans le réseau buraliste, et il s’est accentué ces dernières années (11 % des ventes de tabac en 2005, 12 % en 2010 et 15 % en 2014). Ce phénomène est très probablement lié aux hausses de prix du tabac, au nombre de cinq entre 2010 et 2014, qui ont fait passer le prix du paquet de 20 cigarettes le plus vendu à 7 euros(7). Bien que le prix du tabac à rouler ait plus augmenté, et que la fiscalité qui s’y applique se rapproche de plus en plus de celle des cigarettes manufacturées, ce type de tabac continue d’être bien meilleur marché, ce qui en période de crise apparaît comme une alternative intéressante, notamment pour les gros fumeurs(8). Parmi les fumeurs de 18-75 ans fumant des cigarettes (manufacturées ou roulées), la part de ceux ne fumant que des roulées est ainsi de 21 % parmi les chômeurs contre 13 % parmi ceux ayant un emploi. Enfin, on observe entre 2010 et 2014 une augmentation significative de la consommation de chicha, quel que soit le sexe. En 2014, parmi les 18-75 ans, 12 % des individus déclarant fumer du tabac déclarent également fumer la chicha, contre 8 % en 2010. Néanmoins, la part de ceux en fumant au moins une fois par mois est restée stable, à 4 %. En 2014, sur l’ensemble de la population, 6 % des 18-75 ans se disent consommateurs de chicha (7 % des hommes et 4 % des femmes) et 2 % des 18-75 ans en fument au moins une fois par mois. La consommation de chicha concerne principalement les jeunes : 26 % des 18-25 ans se déclarent consommateurs contre 9 % des 26-34 ans, 2 % des 35-44 ans et moins de 1 % des personnes de plus de 45 ans. Le tabac en population adolescente Parmi les collégiens Le niveau du tabagisme chez les jeunes est préoccupant. En classe de 6e, un élève sur dix (10 %) a déjà essayé la cigarette, une proportion qui augmente de 10 points en 5e puis à nouveau en 4e, atteignant 49 % à la fin du collège(9). Les garçons expérimentent le tabac plus précocement que les filles (en 6e ils sont 13 %, contre 8 % pour les filles). Malgré un cadre législatif de plus en plus restrictif, avec en particulier l’interdiction de vente aux mineurs, les industriels parviennent néanmoins à recruter de jeunes fumeurs, notamment par le biais de la publicité indirecte, par exemple dans les films, puisqu’elle est formellement interdite sur les supports traditionnels depuis plusieurs décennies(10). Avant 14 ans, la consommation quotidienne de tabac reste rare, son usage augmente nettement ensuite. Ainsi, en classes de 6e et de 5e, l’usage quotidien est marginal avec moins de 2 % des élèves concernés. Cependant, dès la classe de 4e, 6 % d’élèves se déclarent fumeurs quotidiens, avec un doublement de cette proportion en 3e (12 %). Malgré une expérimentation plus tardive, le tabagisme quotidien féminin se développe ensuite plus rapidement, au point d’être similaire à celui des garçons à la fin du collège. Quand ils entrent en 2de, plus d’un quart des adolescents fument quotidiennement. À la fin de l’adolescence En 2014, plus des deux tiers (68 %) des jeunes de 17 ans ont expérimenté le tabac, et plus de quatre sur dix (44 %) déclarent en avoir consommé au cours des trente derniers jours(11). Après une hausse d’environ 3 points entre 2008 et 2011, l’usage quotidien continue à augmenter entre 2011 et 2014 (32,4 % contre 31,5 %), avec une légère prédominance masculine (32 % parmi les filles, 33 % parmi les garçons). Néanmoins, l’augmentation du tabagisme quotidien est majoritairement supportée par l’évolution de la consommation quotidienne des filles depuis 2011 (+ 2 points), contribuant au rapprochement des sexes. En comparaison avec les autres pays européens L’enquête scolaire ESPAD de 2011 permet de situer la France par rapport à la plupart des autres pays européens pour les jeunes âgés de 16 ans(12). Le niveau d’usage récent (au cours du mois) parmi les jeunes Français est plus élevé que la moyenne européenne (38 % contre 28 %), les situant à la sixième position (sur 36 pays). La forte prédominance féminine de l’usage de tabac observée en France en 2011 à 16 ans est une particularité seulement partagée par la Bulgarie. L'usage de la cigarette électronique Le phénomène de la cigarette électronique, apparu à la fin des années 2000, a connu une diffusion certaine, sans que l’on sache encore actuellement à quel point il va se développer. En 2014, en population adolescente de 17 ans, plus d’un jeune sur deux (53 %) déclare avoir déjà fait usage d’une cigarette électronique au cours de sa vie, les garçons (56 %) se révélant davantage concernés que les filles (50 %). Un adolescent sur cinq (22 %) déclare avoir utilisé la cigarette électronique au cours du mois alors que 2,5 % disent l’utiliser tous les jours ; là encore les garçons plus souvent que les filles (3,1 % contre 1,8  %)(11). Parmi les personnes âgées de 18 à 75 ans, 25 % déclarent avoir déjà essayé la cigarette électronique. Parmi les fumeurs, ils sont 57 % à l’avoir essayée. La cigarette électronique a par ailleurs été expérimentée par 4 % des individus n’ayant jamais fumé ou n’ayant fait qu’essayer. L’usage actuel (occasionnel ou régulier) de la cigarette électronique concerne 6 % de l’ensemble des 18-75 ans, dont la moitié en fait un usage quotidien, soit 3 % de la population (4 % parmi les hommes et 3 % parmi les femmes). Les trois quarts des vapoteurs (75 %) sont aussi fumeurs réguliers de tabac, 8 % sont des fumeurs occasionnels, 16 % des ex-fumeurs, tandis que 1,5 % d’entre eux n’ont jamais fumé. Sur l’ensemble de la population des 18-75 ans, 0,9 % sont des vapoteurs ex-fumeurs de tabac(c) et 0,1 % vapotent sans avoir jamais fumé(13,14).

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