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Société

Publié le 07 avr 2016Lecture 7 min

Nouvelles technologies et allergies

J.-L. BOURRAIN, Allergologie et Dermato-allergologie, CHU de Montpellier

Être geek, être accro aux technologies du troisième millénaire, nous expose-t-il à des risques allergiques spécifiques ? Plus simplement et plus communément, nous sommes tous plus ou moins utilisateurs des nouvelles technologies qui se sont imposées dans notre vie quotidienne, faut-il en être inquiet ?

En étant très manichéen, on pourrait opposer les allergies des champs aux allergies des villes ; les allergies liées aux IgE qui visent essentiellement des allergènes qui sont des protéines exogènes, environnementales, naturelles, aux hypersensibilités cellulaires dépendantes des lymphocytes T, vis-à-vis d’allergènes qui sont cette fois des protéines endogènes, du soi, mais modifiées par les haptènes, substances chimiques le plus souvent apportées à notre contact par la vie moderne. À chaque génération ses haptènes, pourrait-on penser ; ainsi, on a vu récemment apparaître une efflorescence d’eczémas de contact au diméthylfumarate et plus récemment encore à la méthylisothiazolinone, rappelant pour certains le kathon CG des années 80…   Jeux vidéo, souris d’ordinateur...   Un usage intensif, voire excessif, peut être source de dermatoses de friction pouvant se révéler par des cals sur les zones cutanées en regard des joysticks ou des manettes de jeu vidéo. Si les gamers sont des adeptes de la souris d’ordinateur et du clavier, ce cal se situe alors à la limite du poignet et de la face interne de la main dans l’axe du cinquième métacarpe. Ces manifestations surviennent pour des pratiques intensives de 6-8 heures par jour pendant plusieurs années. Parfois, par phénomène de Koebner, de véritables lésions psoriasiques peuvent également être induites. Lors de l’utilisation intensive des manettes de jeux, ces dernières ont pu être responsables d’ulcérations palmaires, mais cela paraît très mineur, les principaux problèmes étant plutôt d’ordre musculo-squelettique et trau- matique, parfois graves (hémothorax) surtout avec les jeux de mouvements avec la Wii ou des équivalents. Parfois, ce sont de vraies aller gies de contact, principalement des paumes, qui peuvent être induites par les souris d’ordinateur, le clavier ou le tapis de souris, même s’il est vrai que ces derniers tendent à disparaître. Les haptènes en cause peuvent être des additifs des caoutchoucs (dérivé mercapto, thiuram, dialkyl thiourée), des phtalates ou le monobenzoate de résorcinol, qui est un filtre ultra-violet utilisé pour limiter le vieillissement prématuré des matières plastiques à la lumière. Le nickel, présent dans certains claviers, a été incriminé également. Enfin, parfois, l’épidermotest réalisé avec des raclures de plastiques confirme les soupçons, mais l’haptène en cause reste inconnu car non présent dans nos batteries de tests spécialisées.   Ordinateurs…   Les écrans ont, eux, parfois été accusés d’être responsables de dermatites rosacéiformes du visage se manifestant par un érythème, des papules, éventuellement des pustules pouvant s’accompagner d’un ressenti de chaleur locale, mais aussi de prurit, voire de douleurs. Les mécanismes physiologiques en cause sont mal élucidés ; il pourrait s’agir d’un phénomène irritatif non spécifique, sur un terrain de peau sensible et dans un contexte de stress psycho-social. La chaleur peut également jouer un rôle pathogène ; c’est le cas lorsqu’un ordinateur portable est utilisé régulièrement posé sur les cuisses. Ce contact indirect chronique peut alors induire une dermite des chaufferettes ; cette pathologie apparaissant sous la forme d’un érythème pigmenté réticulé est liée à des expositions prolongées à une source de chaleur modérée ne déclenchant pas de brûlure immédiate. Le diagnostic est clinique et permet de conseiller l’éviction du geste causal qui doit aboutir à la disparition des symptômes en quelques mois.   Téléphones mobiles…   Les téléphones mobiles sont devenus en quelques décennies des objets présents même chez les plus jeunes dans presque toutes les poches, voire plutôt les mains et surtout contre nos visages. Cela a conduit à l’apparition, ces quinze dernières années, d’eczémas allergiques de contact unilatéraux ou bilatéraux concernant joues et oreilles. Une main peut également être le siège de lésions d’eczéma ainsi que des zones plus inhabituelles telles qu’une cuisse ou un sein suivant l’endroit où est porté le téléphone. L’objet en cause est moderne, mais les haptènes responsables ne le sont pas. C’est principalement le nickel qui est retrouvé, mais également le chrome. Cela a conduit à modifier la directive européenne concernant le nickel en y incluant les téléphones mobiles. Ainsi, les parties pouvant être en contact avec la peau ne doivent pas libérer plus de 0,5 mg de nickel par cm2 par semaine pour cet objet utilisé en moyenne 50 minutes par jour dans la population nord-américaine. Il s’agit d’une directive, ce n’est pas un règlement communautaire, mais un acte normatif donnant des objectifs à atteindre par les pays membres. Cela peut expliquer qu’il y a quelques années, les études de recherche de nickel dans les téléphones mobiles en ont retrouvé dans près de 20 % des cas, voire plus du double pour ceux d’outre-Atlantique. Le cobalt est également présent dans plus de 10 % des cas. Des cas de co-sensibibilisations métalliques ont d’ailleurs été publiés. Ces eczémas de contacts allergiques restent exceptionnels compte tenu du nombre considérable de téléphones utilisés, la plus grande série comprenant 8 cas, les autres publications ne rapportant que des cas ponctuels. Le diagnostic est suspecté sur l’aspect clinique conforté par le résultat des épidermotests, mais les sensibilisations au nickel sont très fréquentes ; le test au diméthylglyoxime, s’il est positif, permet de confirmer la présence de sels de ce métal dans l’objet suspecté et d’apporter ainsi une preuve supplémentaire pour affirmer le diagnostic. Les étuis protègent les téléphones, pas la peau, car ils peuvent également être sources d’allergies de contact. Les haptènes sont rarement identifiés. Par ailleurs, ces contacts répétés seraient également susceptibles d’induire des dermites d’irritation pouvant être favorisées par un terrain atopique cutané.   … et nouveaux objets connectés   Les objets connectés arrivent, montres, lunettes, bracelets… Ils sont en contact direct avec la peau et bardés de technologies informatiques. Des cas de réactions cutanées ont rapidement été rapportés, pas tant dans les revues médicales, que sur les forums de discussion et les sites Internet préférés des geeks, évoquant des brûlures. Ces cas paraissent tout à fait rares et si les technologies intérieures mises en œuvre sont modernes et les couleurs parfois flashies, les matériaux en contact avec la peau n’ont rien d’original. Certaines réactions sont vraisemblablement de nature irritative, mais d’authentiques réactions allergiques sont également possibles que ce soit, là encore, lié au nickel, à des colorants, voire aux méthacrylates.   Conclusion   Les nouvelles technologies exposent finalement à très peu de risques allergiques. Leur originalité ne tient pas aux haptènes en cause, mais à la topographie des lésions. Il devrait être facile aux fabricants de les éviter à l’avenir. Il y a également toute une culture liée à leur usage ; être geek traduit l’appartenance à une culture qui ne se limite pas aux objets connectés. Cette tribu se reconnaît à ses vêtements, ses objets de décoration, son alimentation et ses hobbies qui pourront probablement à l’avenir être de manifestations dermatologiques nouvelles ou à la réapparition d’anciennes…

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