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ORL

Publié le 27 nov 2014Lecture 12 min

Implant cochléaire chez l’adulte : quoi de neuf ?

D. BOUCCARA, hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris
Les indications « classiques » d’implantation cochléaire chez l’adulte sont les surdités profondes ou sévères. La démonstration a été faite que, sous réserve de l’absence de pathologie contre-indiquant une anesthésie générale et de troubles cognitifs avérés, il n’y a pas de limite d’âge pour envisager une implantation cochléaire. Démonstration.
Plusieurs éléments ont contribué à l’évolution de l’implantation cochléaire. Ainsi, l’évolution technologique a permis une amélioration constante de la qualité du traitement du signal par les processeurs et, de ce fait, de la perception auditive des patients implantés. De « nouvelles » indications sont alors proposées : surdités fluctuantes, surdités unilatérales avec acouphènes sévères, et permettent d’envisager une implantation cochléaire bilatérale de plus en plus régulièrement. Par ailleurs, une meilleure analyse de l’anatomie chirurgicale de la cochlée, grâce à l’imagerie de haute résolution, et la mise à disposition de nouvelles électrodes permettent d’envisager leur insertion chirurgicale respectant de plus en plus les structures de l’oreille interne. La conséquence en est une préservation de l’audition résiduelle après implantation cochléaire. Ceci permet, dans un nombre de cas croissants, d’associer une double modalité de stimulation : électrique et acoustique du côté implanté.   À quel moment proposer un implant cochléaire chez l’adulte ? Pour formaliser un niveau de surdité, « seuil » au-delà duquel l’indication d’implantation est proposée, il est habituel de choisir les résultats obtenus lors des tests audiométriques. Ainsi, si le niveau de compréhension des mots ne dépasse pas 50 % à une intensité de 60 dB, lors d’un test en champ libre, sans le support de lecture labiale, alors que le patient utilise les aides auditives adaptées de façon optimale à son atteinte, l’indication d’une implantation cochléaire est justifiée. Ceci a d’ailleurs fait l’objet d’une validation par la Haute Autorité de santé(HAS)(1). Cette valeur est corrélée en pratique avec un niveau élevé de handicap auditif, limitant considérablement la communication, en particulier en situation bruyante et au téléphone. D’une manière générale, chez un adulte devenu sourd et appareillé des deux côtés, dès qu’il perd le bénéfice de l’aide auditive de l’un des côtés du fait de l’évolutivité de la surdité, il est licite de proposer une implantation cochléaire.   Quelle évaluation avant une implantation cochléaire ? Quelle information ? L’évaluation multidisciplinaire du malentendant adulte associe principalement à l’ORL un audioprothésiste, un orthophoniste et un psychologue. Elle est réalisée directement ou en liaison avec un centre référent en implantation cochléaire. Les caractéristiques des équipes de ces centres ont fait l’objet d’une mise au point par la HAS(1). Cette évaluation permet de caractériser l’atteinte auditive et son retentissement, ainsi que les moyens de communication associés qui ont été développés par le sujet malentendant, en particulier l’utilisation de la lecture labiale. L’imagerie effectuée comporte essentiellement un scanner des rochers en coupes fines sans injection et une IRM des voies auditives. Le scanner permet de vérifier la morphologie de la cochlée : normale ou pathologique du fait d’anomalies congénitales pour les surdités génétiques progressives (malformations plus ou moins complexes pouvant aller jusqu’à une cochlée rudimentaire) ou acquises (déminéralisation des otospongioses évoluées, ossification post méningitique, etc.). L’IRM permet d’analyser la qualité du signal liquidien de l’oreille interne. Sa modification est un signe d’alerte quant à une fibrose, voire une ossification labyrinthique, qui pourraient limiter, voire empêcher l’implantation cochléaire. Elle permet de vérifier la présence du nerf cochléaire et d’éliminer une pathologie tumorale des voies auditives. Enfin, elle recherche une pathologie cérébrale évolutive. Actuellement, il est possible de réaliser une IRM chez les patients implantés sous réserve de certaines conditions : modèle d’implant et type d’IRM (1,5 T). Cette évaluation préimplantation est complétée par une information du patient et de son entourage, concernant les modalités pratiques de l’intervention et ses risques, de ses suites, des réglages et des bénéfices attendus, ainsi que leur évolution avec le temps. L’information est complétée par la rencontre avec des patients déjà implantés, ce qui permet un témoignage direct. Il existe des associations de personnes implantées et de parents d’enfants implantés, qui offrent un complément d’information direct ou par l’intermédiaire de sites internet. Au terme de l’évaluation et de l’information, l’indication d’implantation est formalisée lors de réunions multidisciplinaires.   Existe-t-il un âge limite pour proposer un implant cochléaire ? Il n’y a pas de limite d’âge à l’implant cochléaire chez l’adulte, sauf en cas de troubles cognitifs, ce qui justifie une évaluation spécifique au-delà de 65 ans. Les résultats obtenus chez les personnes âgées de plus de 65 ans sont tout à fait similaires à ceux des patients « plus jeunes »(2). La décision du côté à implanter dépend de l’historique de la surdité : dernière oreille « entendante » et bénéfice résiduel d’une aide auditive de l’un des deux côtés. L’implantation permet de limiter l’isolement de la personne et de réduire l’impact de l’apparition de troubles cognitifs en termes de communication.   Évolution technologique : développement et perspectives La fabrication, la recherche et le développement en matière d’implant cochléaire sont effectués par quatre firmes internationales : Advanced Bionics, Cochlear, Neurelec et MED-EL. Deux d’entre elles : Advanced Bionics et Neurelec ont vu leurs activités regroupées avec celles de firmes fabricants les aides auditives conventionnelles, respectivement Phonak et Oticon. Ces fusions devraient encourager une interaction « plus directe » dans la mise en commun de moyens concernant en particulier le développement de stratégies de traitement du signal et la connectivité entre un implant cochléaire d’un côté et une aide auditive de l’autre chez une même personne. En effet, l’utilisation conjointe d’un implant cochléaire d’un côté et d’une aide auditive « conventionnelle » de l’autre est non seulement possible, mais permet d’optimiser la communication par la complémentarité des informations apportées(3). Parmi les dernières innovations : la mise à disposition d’un processeur non plus en contour d’oreille mais décalé en arrière de l’oreille et, de ce fait, plus discret (figure 1) et un processeur hermétique avec possibilité de pratiquer certains sports aquatiques (figure 2). Figure 1. Le processeur RONDO est placé en arrière de l’oreille. Document fourni avec courtoisie par la société MED-EL.   Figure 2. Le processeur NeptuneTM est hermétique et permet une utilisation en milieu « aquatique ». (Document fourni avec courtoisie par la société Advanced Bionics)   Implantation cochléaire bilatérale Un certain nombre de situations représentent les indications d’implantation bilatérale : patient présentant un risque d’ossification cochléaire bilatéral en raison d’une méningite bactérienne récente ou d’une fracture du rocher bilatérale ; mais aussi porteur d’un implant unilatéral avec un résultat susceptible d’amélioration par une implantation binaurale dans le cadre de la réinsertion socio-professionnelle, et chez les personnes âgées en situation de risque de perte d’autonomie(4). La stimulation binaurale contribue à améliorer la localisation spatiale et la compréhension dans le bruit, avec optimisation du sens d’alerte en cas de danger. Les études médico-économiques ont montré que la procédure d’implantation cochléaire bilatérale était justifiée en termes de coût/bénéfice apportés. Deux modalités sont possibles dans le cadre de l’implantation cochléaire bilatérale. Dans la première, elle est réalisée simultanément du fait du risque de perte de chance à la différer (ossification cochléaire) ou en raison de l’enjeu immédiat d’une optimisation de la réhabilitation auditive du fait des impacts socio-professionnels. Son avantage est de réduire les risques liés à l’anesthésie générale, en particulier chez les personnes âgées, et de proposer une activation et une rééducation synchrones pour les deux implants. Dans la seconde option, l’implantation bilatérale séquentielle est basée sur la programmation de deux interventions à au moins 6 mois d’intervalle. Cette période permet d’évaluer le bénéfice apporté par l’implant unilatéral avec son impact individuel sur la communication. Le choix d’une implantation du second côté est souvent une demande du patient lui-même qui ressent le « déséquilibre » dans ses perceptions auditives. L’inconvénient de cette option est de renouveler l’anesthésie générale, l’activation, les ré glages et la rééducation.   Stimulation bimodale : implant électroacoustique Le principe est d’utiliser l’implant cochléaire pour une stimulation électrique dédiée aux fréquences aiguës et une aide auditive pour une stimulation acoustique des fréquences graves, sur la même oreille(5,6). Le dispositif comporte donc un processeur externe relié à un dispositif acoustique qui est placé dans le conduit auditif externe, de la même façon qu’une aide auditive (figure 3 et figure 5). Les critères d’utilisation de cette procédure sont essentiellement la préservation d’une audition résiduelle utile sur les graves après la chirurgie d’implantation, rendue de plus en plus possible grâce à l’évolution des techniques chirurgicales. Figure 3. Les composants et principes de l’implant électroacoustique. (Document fourni avec courtoisie par la société MED-EL) Figure 4. Le processeur de l’implant électroacoustique : noter la présence d’un embout qui sera placé dans le conduit auditif externe pour la stimulation acoustique. (Document fourni avec courtoisie par la société Cochlear)   Figure 5. Audiogramme retrouvant une atteinte auditive sévère sur les aiguës, bilatérale, évocatrice de zones inertes cochléaires, faisant discuter une indication d’implant cochléaire de type électroacoustique.   Ceci conduit à élargir les indications d’implant cochléaire à des cas d’atteinte auditive prédominant sur les aiguës, avec des zones cochléaires « mortes », pour lesquelles l’appareillage conventionnel est complexe (figure 5).   Surdité unilatérale et acouphènes La qualité de la perception auditive obtenue avec les nouveaux processeurs fait qu’ils sont proposés, dans le cadre d’études cliniques, en cas de surdité unilatérale acquise avec acouphènes et d’audition controlatérale normale ou peu altérée. Le bénéfice attendu, démontré par plusieurs études, est, d’une part, l’amélioration de l’audition en termes de compréhension dans le bruit et de localisation spatiale et, d’autre part, une réduction de la sévérité des acouphènes(7).   Évolution des techniques chirurgicales S’agissant des techniques chirurgicales, le développement de la chirurgie assistée par ordinateur et de la robotisation des actes chirurgicaux comporte de nombreuses applications dans le domaine de l’implantologie auditive. Les recherches et le développement s’effectuent dans différentes directions. Ainsi, la préservation de l’audition peut être améliorée, d’une part, par l’utilisation de thérapeutiques adjuvantes et, d’autre part, par l’évolution de la technique chirurgicale, en particulier à l’aide de la robotisation. En effet, l’insertion manuelle se fait « par à coups », alors qu’un système d’insertion motorisée, contrôlé par robotique, permet de diminuer le traumatisme chirurgical en contrôlant les forces d’insertion.   Non-indication et échecs des implants cochléaires : les implants du tronc cérébrale Certaines affections rendent impossible l’implantation cochléaire. C’est le cas de la neurofibromatose de type 2, au cours de laquelle le développement d’un schwannome vestibulaire bilatéral peut entraîner une surdité totale bilatérale. Le principe de fonctionnement de l’implant du tronc cérébral est le même que celui de l’implant cochléaire, la seule différence concerne le porte-électrodes qui est adapté à l’anatomie du tronc cérébral (figure 6).   Figure 6. Implant auditif du tronc cérébral. Noter le porte-électrodes en forme de palette, adapté à son positionnement au niveau des noyaux cochléaires du tronc cérébral. (Document fourni avec courtoisie par la société Neurelec Oticon) Les résultats obtenus au cours de la neurofibromatose de type 2 sont variables, pouvant dans les meilleurs cas atteindre ceux obtenus avec un implant cochléaire. De ce fait, les indications d’implantation auditive du tronc cérébral se sont élargies à d’autres étiologies que la neurofibromatose de type 2, en particulier en cas d’impossibilité d’implantation cochléaire pour des raisons anatomiques : ossification cochléaire totale et bilatérale post méningitique, agénésie des nerfs cochléaires, schwannome vestibulaire unilatéral associé à une surdité congénitale controlatérale.   Conclusion  • Les techniques actuellement disponibles, de l’aide auditive conventionnelle à l’implant auditif du tronc cérébral, permettent de proposer une réhabilitation auditive, quelles que soient la cause et la sévérité de l’atteinte auditive. • Pour être efficace, cette suppléance doit être adaptée à chaque patient. La restauration d’une audition bilatérale doit être privilégiée, le plus précocement possible. • Les indications d’implantation cochléaire chez l’adulte se sont élargies grâce aux progrès technologiques qui ont amélioré la qualité du traitement du signal.

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