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Allergologie

Publié le 16 juin 2014Lecture 9 min

Les hypersensibilités médicamenteuses les plus fréquentes

L. SICSIC, Paris

Cette synthèse a été réalisée d’après une revue de la littérature des deux dernières années et de publications de congrès internationaux de dermatologie ou d’allergologie.

 

 

Les bêtalactamines   Pour comprendre les mécanismes en cause dans l’hypersensibilité à l’amoxicilline, les cellules NK (natural killers) ont été étudiées in vitro chez 17 patients sensibilisés à l’amoxicilline avec tests cutanés positifs et 17 témoins qui toléraient les bêtalactamines. Chez les patients sensibilisés à l’amoxicilline, cette bêtalactamine entraînait in vitro l’activation et l’augmentation des taux de perforines et de granzyme B produits par les cellules NK. La prolifération des cellules T spécifiques de l’amoxicilline était augmentée de façon spécifique en présence de cellules dendritiques présentatrices d’antigène. Chez les patients allergiques, l’amoxicilline peut activer les cellules NK, induisant une réponse à la fois pro-inflammatoire et cytotoxique. Ces phénomènes dépendent de la présence de cellules dendritiques matures ou immatures. L’activité cytotoxique est liée à la présence de cellules dendritiques immatures, tandis que l’activité proinflammatoire est dépendante de la présence de cellules matures. Avec quels produits tester ? Une étude a été menée pour savoir si en utilisant les déterminants mineurs de l’amoxicilline on augmentait la sensibilité des tests. Chez 61 patients suspects de sensibilité immédiate à l’amoxicilline, les tests réalisés avec les déterminants mineurs (acide amoxicilloïque et dikétopipérazine) n’avaient pas une meilleure sensibilité que les tests cutanés réalisés avec l’amoxicilline seule. Une autre équipe a essayé de comparer la sensibilité des tests faits avec les pénicillines responsables et ceux réalisés avec des déterminants sous forme de PPl, MDM, benzylpénicilline. Sur les 158 sujets testés, seuls 9 d’entre eux (5,5 %) avaient des tests positifs pour le PPL et 17 (10,5 %) des réactions retardées avec le MDM.   Réactions croisées entre bêtalactamines Le céfuroxime pourrait être une alternative en cas d’allergie aux bêtalactamines. Dans une étude portant sur 143 sujets sensibilisés aux bêta-lactamines, 9 patients seulement (6,3 %) sont sensibilisés au céfuroxime, dont 6 diagnostiqués par tests de provocation. Cependant, individuellement, ces résultats intéressants ne permettent pas d’éviter de faire des tests cutanés suivis de tests de provocation sous surveillance avant d’autoriser le céfuroxime chez les patients allergiques aux bêtalactamines. Dans le but d’utiliser des pénicillines chez 98 patients ayant des réactions avec tests cutanés positifs aux céphalosporines, des tests cutanés et des tests in vitro ont été réalisés avec les pénicillines, monobactames et carbapénèmes. Les réactions croisées entre céphalosporines et pénicillines étaient observées dans 25 cas (25 %), et plus de 95 % des patients sensibilisés aux céphalosporines toléraient l’astréonam, l’imipenem/cilastin ou le méropenem. Il faut donc retenir de cette importante étude que les réactions croisées peuvent survenir de façon non exceptionnelle d’une classe à l’autre des bêtalactamines. Par ailleurs, si la réaction était due à une céphalosporine de première génération porteuse d’une chaîne latérale très proche de celle des  pénicillines A, le risque de réaction croisée avec les pénicillines est très élevé, et tout particulièrement avec les pénicillines A. Les produits de contraste iodés (PCI) Deux différents mécanismes ont été mis en évidence in vitro comme étant impliqués dans la reconnaissance des PCI par les cellules T humaines spécifiques. Cette reconnaissance se fait soit avec un mécanisme de « processing » (internalisation puis apprêtement de l’allergène médicamenteux dans et par les cellules dendritiques présentatrices d’antigène), soit sans processing. Une étude in vitro a souligné l’importance du rôle des cellules dendritiques dans la reconnaissance des PCI chez les patients ayant une hypersensibilité retardée. L’épitope en cause dans l’hypersensibilité aux PCI demeure inconnu. L’administration du lugol (solution d’iodure de potassium iodée) a été utilisée pour déterminer la responsabilité de l’iode elle-même chez les patients ayant une suspicion d’hypersensibilité aux PCI. Dans la majorité des cas, l’iode n’est pas l’allergène en cause. Cependant, cette étude souligne malgré tout qu’un certain nombre de patients pourraient être réactifs à la partie iodée de ces molécules. De plus, la classification chimique des PCI ne permet pas dans tous les cas de prévoir les réactions croisées, qui sont assez fréquentes. En cas d’urgence, l’iobitridol pourrait être proposé comme alternative chez un patient ayant déjà réagi à l’iodixanol avec ou sans hypersensibilité. Il est cependant indispensable de pratiquer des tests, principalement les IDR à lecture immédiate et retardée, pour guider des réintroductions avant d’envisager des nouveaux examens radiologiques avec injection de PCI. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens Se fonder uniquement sur les antécédents rapportés par le patient n’est pas du tout suffisant pour diagnostiquer une hypersensibilité ou une intolérance aux AINS. Un test de provocation orale a été réalisé avec différents AINS chez 275 patients ayant un antécédent d’intolérance aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS). Le médicament suspecté était toléré dans 78 % des cas. Les facteurs de risque de tests de provocation orale positifs étaient dans cette étude un âge < 40 ans, le sexe masculin, la survenue de réactions immédiates et un intervalle court entre la survenue de l’intolérance et la date des investigations, avec un délai de moins de 12 mois. Classiquement, on considère qu’il n’est pas utile de faire des tests cutanés médicamenteux chez les patients ayant eu des manifestations d’allure allergique immédiate aux AINS, même si une étude rapporte des tests positifs chez certains des patients, patchtests ou IDR. L’existence d’un terrain atopique prédisposerait au risque d’intolérance aux AINS. La tolérance du méloxicam chez les patients ayant une intolérance aux AINS a été analysée. Chez 116 patients ayant une histoire d’urticaire ou d’angioedème possiblement dûs à l’aspirine ou à d’autres AINS classiques, un test de provocation orale a été évalué versus placebo en simple aveugle (dose cumulée de 7,5 mg de méloxicam, sur 2 jours). Le méloxicam est un inhibiteur préférentiel de Cox2. Les patients intolérants à l’aspirine avec un asthme, une urticaire active ou des réactions d’intolérance sévère n’étaient pas inclus. Dix des 116 patients (8,6 %) ont développé lors du test de provocation une urticaire modérée ou un érythème au quart de la dose cumulative de 7,5 mg de méloxicam. Les réactions d’intolérance au méloxicam semblent donc rares et modérées chez les patients qui ont une histoire clinique d’intolérance aux AINS et/ou à l’aspirine. La valeur prédictive négative des tests de provocation orale aux AINS est bonne. Ceci a été montré en contactant 393 patients 6 mois après leurs investigations. Parmi les 279 (71 %) sujets retrouvés, 260 (93,2 %) avaient repris un AINS et seuls 8 d’entre eux (3 %) avaient eu une mauvaise tolérance, avec des réactions non graves survenues juste après la prise de l’AINS. La valeur prédictive négative des TPO négatifs est donc d’environ 98 %, que le patient reprenne l’AINS réintroduit ou un autre.   Les sulfamides Le sulfaméthoxazole (SMX) est métabolisé en hydroxylamine (SMX-NHOH), puis oxydé en SMX-NO. Chez les patients sensibilisés au SMX, ses nitroso-métabolites sont des déterminants antigéniques majeurs et se lient directement aux complexes HLA pour être présentés aux cellules T spécifiques. Les sulfamides sont classés en deux groupes : antibiotiques et non antibiotiques. Les patients allergiques aux antibiotiques sulfamidés n’ont pas de risque spécifique d’allergie aux sulfamides non antibiotiques. La réaction croisée entre sulfasalazine et SMX a été étudiée. Les tests d’activation lymphocytaire ont été réalisés avec des cellules T provenant de 2 patients ayant un syndrome d’hypersensibilité sévère à la sulfasalazine, et de 3 patients sensibilisés au sulfaméthoxazole. Chez ces 5 patients sensibilisés aux sulfamides, les tests d’activation lymphocytaire étaient positifs à la fois pour la sulfapyridine et le SMX, ce qui démontre une forte réactivité croisée entre ces deux médicaments. Autres médicaments  La pholcodine a été retirée du marché en Norvège en 2007 ; des études indiquent que, 2 ans plus tard, la prévalence de l’hypersensibilité immédiate IgE aux curares a considérablement diminué. Dans 7 pays européens, une analyse par régression linéaire a retrouvé une association statistiquement significative entre la prise de pholcodine et la présence d’IgE spécifiques antipholcodine (p = 0,010), antimorphine (p = 0,004) et antisuxaméthonium (curare) (p = 0,032). La pholcodine est une molécule monovalente possédant deux déterminants allergéniques qui ne cross-réagissent pas entre eux. Ce qui permet d’expliquer que même en présence d’anticorps antipholcodine, il y ait très peu de manifestations allergiques. En effet, il faut se souvenir que les IgE doivent ponter deux épitopes identiques pour entraîner une dégranulation mastocytaire. Certains curares bivalents pour cet allergène peuvent, eux, fixer des IgE spécifiques. L’European Medicine Agency a analysé le rapport bénéfice/risque de la pholcodine en juillet 2011, mais à ce jour, elle n’a pas jugé bon de retirer ce médicament utilisé comme antitussif du marché européen.  Héparine. Chez 320 patients recevant des injections d’héparine sous-cutanées, 24 (7,5 %) avaient des réactions cutanées induites par l’héparine. Les tests cutanés étaient positifs chez 18 des 23 patients testés. Les facteurs de risque de lésion cutanée induite par les héparines étaient l’existence d’un IMC supérieur à 25, d’un traitement de durée prolongée de plus de 9 jours et le sexe féminin.  Les excipients médicamenteux peuvent induire des réactions immédiates, mais sont rarement mis en cause dans les réactions retardées. Trois cas d’hypersensibilité retardée à la carboxyméthylcellulose avec exanthème maculo-papuleux ont récemment été rapportés. D’après l’intervention du Pr Annick BARBAUD (Service de Dermatologie, CHU Nancy) ; 7e CFA 2012.

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