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Tabacologie

Publié le 16 nov 2010Lecture 9 min

Tabac : dépister et sevrer !

A. CHASSEVENT, psychiatre addictologue, CHU de Nantes
Le repérage de la consommation de tabac doit se faire dans le cadre d’un repérage global de l’ensemble des conduites addictives. Le conseil minimal est constitué de deux questions très simples : est-ce que vous fumez ? Est-ce que vous voulez arrêter ? Il permet, à lui seul, à 2 % des patients de prendre la décision d’arrêter. La mesure du CO expiré permet de repérer le degré d’intoxication tabagique et présente une bonne corrélation avec le taux de carboxyhémoglobine sanguine, reflet de la toxicité du tabac pour l’organisme et de ses effets délétères sur la fertilité. 
Avant d’envisager un sevrage, il est nécessaire d’évaluer avec le patient sa motivation à l’arrêt, les facteurs de dépendance psychocomportementale, les éléments de vulnérabilité psychologique et le degré de dépendance physique. La prise en charge psychocomportementale pourra être complétée d’un traitement pharmacologique si la dépendance physique est sévère. Il est recommandé de suivre les patients pendant un an pour prévenir les risques de rechute.   Épidémiologie Les données récentes françaises sur les consommations de substances psychoactives chez les femmes en âge de procréer sont tirées du Baromètre santé 2005. La consommation de tabac concerne plus du tiers des jeunes filles de 18 ans et la prévalence de la consommation de tabac atteint un pic vers 25 ans avec un taux de plus de 41 % avant de commencer à décroître progressivement. À 45 ans, 36 % des femmes sont encore fumeuses. Mais le tabac est loin d’être la seule substance régulièrement consommée par les Français, avec une consommation régulière de cannabis (plus de 10 fois par mois) concernant davantage les moins de 25 ans (près de 9 %), alors que la consommation régulière d’alcool augmente avec l’âge (13 % chez les 26-44 ans pour atteindre près de 30 % après 45 ans).   Repérage Le repérage de la consommation de tabac doit se faire dans le cadre d’un repérage global de l’ensemble des conduites addictives. Les consommations de substances psychoactives (tabac, alcool, cannabis, cocaïne, héroïne, etc.), ainsi que certaines addictions comportementales, comme les troubles du comportement alimentaire ou l’addiction au sport intensif, ont toutes un impact sur la fertilité. Le repérage d’une problématique addictive doit pouvoir être systématiquement suivi d’une proposition d’aide. Cela suppose d’avoir à disposition un annuaire des personnes ou des services ressources dans ce domaine. Une plaquette a été élaborée par le réseau Sécurité Naissance des Pays de la Loire pour aider les professionnels de la périnatalité à aborder les questions de conduites addictives, ainsi que d’autres facteurs de vulnérabilité. La liste des questions et les plaquettes sont disponibles sur le site du réseau : www.reseau-naissance.com. ● Le repérage de la consommation de tabac repose sur le conseil minimal, constitué de deux questions très simples : est-ce que vous fumez ? Est-ce que vous voulez arrêter ? Le conseil minimal a montré son intérêt en termes de santé publique puisqu’il suffit à entraîner une démarche de sevrage chez 2 % des personnes interrogées. Dans le cadre des consultations d’infertilité, il est indispensable que ce repérage concerne les deux membres du couple, d’autant que le tabagisme passif a également un impact sur la fertilité. ● On peut également s’aider de mesures biologiques comme la mesure du CO expiré à l’aide d’un testeur CO, qui présente une bonne corrélation avec le taux de carboxyhémoglobine (HbCO) dans le sang, dont on sait qu’elle est à l’origine de la majorité des effets néfastes du tabac sur la santé du fumeur actif, en particulier cardiovasculaires et sur la fertilité, mais aussi du fumeur passif. Le taux de CO donne également une indication du degré de dépendance et permet d’orienter la posologie visée de la substitution nicotinique. Son élimination étant très rapide (demi-vie du CO : environ 6 heures, élimination complète en 24 heures), il s’agit d’une mesure intéressante pour soutenir la motivation des patients en début de sevrage, en permettant d’objectiver très rapidement les bénéfices de la réduction ou de l’arrêt du tabac. ● On peut également doser la cotinine dans les urines, la salive ou encore les cheveux, mais ces mesures sont plutôt réservées à la recherche et ne sont pas recommandées en pratique courante.   Sevrage Le temps de l’évaluation ● L’évaluation de la motivation au changement est indispensable avant de parler de sevrage. La théorisation du processus de changement a été élaborée par Prochaska et Di Clemente. Il est important de repérer à quelle étape de ce processus de changement se situe le patient, car l’attitude thérapeutique sera à adapter à chaque stade. Pour que le patient soit motivé à changer, il faut, d’une part, qu’il accorde de l’importance au problème et, d’autre part, qu’il ait confiance en sa capacité à changer. L’approche motivationnelle, par l’exploration de l’ambivalence et des solutions, permet de faire apparaître au patient les dommages et les risques liés au comportement, et les bénéfices qu’il peut attendre d’un changement, et ainsi de renforcer sa motivation à changer. Le principe de base de cette approche, qui a fait ses preuves dans la prise en charge des addictions, repose sur l’empathie, l’écoute réflective, ainsi que sur des questions ouvertes. Il est aussi important d’évaluer la dépendance comportementale et on aidera le patient à s’interroger sur : – le rôle du tabagisme dans son quotidien, donnant une indication sur les moments difficiles prévisibles et permettant de chercher des solutions pour y faire face ; – la fonction des cigarettes (plaisir, anti-stress, se donner de la contenance, etc.) et comment faire sans ? – ses craintes liées à l’arrêt : peur du manque, du vide, prise de poids, irritabilité et autres symptômes de manque, gestion du quotidien, etc., et les solutions envisagées pour y faire face. ● L’évaluation de la dépendance pharmacologique se fait à l’aide du test de Fagerström, complété de la mesure du CO, et permettra d’adapter la substitution nicotinique si elle s’avère nécessaire. ● Enfin, il faut évaluer l’état psychologique du patient, en particulier les autres conduites addictives (alcool, cannabis, héroïne, mésusage des médicaments, TCA, jeux, etc.), mais aussi les comorbidités psychiatriques qui sont très fréquentes (trouble anxieux, dépression, etc.), afin de les prendre en charge également de manière adaptée.   Le temps de l’accompagnement du sevrage ● Prise en charge psychocomportementale L’approche cognitivo-comportementale a montré son intérêt dans l’accompagnement du sevrage tabagique. Il s’agit de repérer avec le patient les situations et les événements déclencheurs de l’envie de fumer et de susciter ses ressources pour y faire face (stress, café, alcool, sorties, confrontation à un environnement fumeur, etc.). Il faut travailler sur l’idée qu’« une envie passe en 3 à 5 minutes » et qu’il s’agit « d’occuper » ce court laps de temps : boire un verre d’eau, manger un fruit, faire des exercices respiratoires, discuter avec quelqu’un, se laver les dents, etc. Un suivi par un psychologue ou un psychiatre pourra également être associé, en particulier s’il existe un terrain anxieux ou dépressif. Enfin, un suivi par une diététicienne sera proposé à chaque fois que seront notées : une alimentation non équilibrée, une crainte de prendre du poids ou une prise de poids excessive lors d’arrêts précédents. ● Le traitement pharmacologique Le traitement pharmacologique vise une réduction des symptômes de sevrage. Il permet une diminution du besoin de fumer et un renforcement de la confiance en soi, mais il n’a pas ou peu d’effet sur les déclencheurs environnementaux ni sur l’aspect psychologique de la dépendance. – Les substituts nicotiniques sont en vente libre dans les pharmacies et ne présentent aucune contre-indication médicale. La posologie de la substitution est à adapter en fonction du degré de dépendance physique (tableau). Il a été montré une abstention à 1 an augmentée de 1,71 fois (14 à 18 % d’abstinents contre 10 % avec le placebo) (Cochrane, 2000). Il existe différentes formes galéniques : patchs 24 ou 16 heures, formes orales (gommes à mâcher, comprimés à sucer, microtab) et inhaleur. Leur association augmente les taux de réussite. La durée moyenne recommandée est de 2-3 mois, à dose décroissante toutes les 4 semaines. Ce schéma pourra être modifié : raccourci s’il n’existe aucun symptôme de sevrage malgré un oubli, le plus souvent prolongé au-delà de 3 mois : en cas de réapparition de la pulsion lors de la diminution de posologie, en cas d’événement de vie traumatique, d’anxiété, de tentation importante par l’environnement, etc. – La varénicline (Champix®) est un agoniste partiel des récepteurs nicotiniques à l’acétylcholine α4β2, qui permet théoriquement un soulagement des symptômes de besoin impérieux et de manque par stimulation partielle des récepteurs nicotiniques α4β2, et une réduction des effets de récompense et de renforcement du tabagisme par blocage du récepteur nicotinique α4β2. Une prescription médicale est nécessaire et indiquera une posologie croissante sur une semaine en début de traitement. Il existe peu d’études d’efficacité comparée au placebo (OR autour de 2 à 1 an). La varénicline est contre-indiquée chez la femme enceinte et en cas d’insuffisance rénale terminale, et nécessite une adaptation des doses en cas d’insuffisance rénale modérée et chez les sujets âgés. Des précautions d’emploi existent : sujet > 75 ans, épilepsie, pathologies cardiovasculaires, BPCO, psychose. Les effets indésirables les plus fréquemment rapportés sont : nausées, constipation, troubles du sommeil et céphalées ; et en fin de traitement : irritabilité, réactivation de l’envie de fumer, dépression et/ou insomnie.   Consultations de suivi Le rythme des rendez-vous sera à discuter avec le patient, mais il est recommandé un suivi rapproché en début de sevrage : au moins une consultation par semaine les 15 premiers jours, puis une consultation par mois au minimum. La durée souhaitable du suivi est de 1 an pour prévenir les rechutes. Celles-ci sont fréquentes (80 % à 1 an), le plus souvent dans les 6 à 9 premiers mois. L’accompagnement dans la durée permet de soutenir la motivation en valorisant les bons côtés de l’abstinence, de renforcer la confiance en soi et de travailler sur les situations à risque.

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