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Cancérologie

Publié le 05 jan 2011Lecture 8 min

Quelles perspectives pour le cancer bronchique non à petites cellules ?

J. TRÉDANIEL, Hôpital Saint-Louis, Paris
Comme pour toute maladie néoplasique, la stratégie thérapeutique du cancer bronchique, officialisée dans le cadre d’une réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP), repose sur un bilan pour pouvoir choisir au mieux l’option qui sera proposée au patient. La certitude histologique, plus que cytologique, est indispensable. Alors que le cancer bronchique à petites cellules est de mieux en mieux soigné, et donc plus rare, le diagnostic et le traitement du cancer bronchique non à petites cellules sont devenus une priorité. 
Le cancer du poumon reste la première cause de mortalité par cancer chez l’homme et la troisième cause de mortalité par cancer chez la femme. En 2006, il a été responsable de 22 000 décès chez l’homme et de 6 300 décès chez la femme (1). Les cancers bronchiques se répartissent en deux grands groupes : cancers à petites cellules et cancers non à petites cellules, eux-mêmes subdivisés en épidermoïdes, adénocarcinomes et grandes cellules. Après avoir connu une période faste jusqu’à la fin des années 1980, les cancers à petites cellules ont vu progressivement leur incidence diminuer (2), au point de ne plus représenter que 10 à 15 % des cancers du poumon, tandis que l’absence d’innovation dans les traitements qui leur sont opposés contrastant avec le foisonnement des avancées dans la prise en charge des cancers non à petites cellules, les a fait régresser au point d’être désormais souvent inclus dans le champ des maladies orphelines. C’est donc à la prise de décision thérapeutique devant un cancer non à petites cellules que nous nous intéresserons dans cet article. L’introduction de thérapeutiques ciblées dont l’autorisation de mise sur le marché (AMM) est conditionnée par la mise en évidence de caractéristiques biologiques de la tumeur, comme par exemple le géfitinib qui ne sera donné qu’aux patients dont la tumeur est porteuse d’une mutation du récepteur du facteur de croissance épidermique (EGFR), impose que des prélèvements, endobronchiques ou obtenus par ponction transpariétale guidée par le scanner ou l’échographie, soient disponibles en nombre et en qualité suffisants. L’état général du patient, évalué sur l’indice d’activité selon l’échelle de Karnofsky ou l’échelle plus simple de l’OMS mais aussi sur le degré éventuel d’amaigrissement par comparaison au poids corporel de base, est partie prenante à la décision. Bien sûr, le bilan d’extension s’impose : pour toute maladie localisée au thorax, non métastatique et donc potentiellement curable, il doit être exhaustif et s’appuyer en 2010 sur la scintigraphie au 18-fluorodéoxyglucose (TEP scanner) et au minimum sur un scanner, ou mieux une IRM cérébrale. Particularité du cancer bronchique, c’est le plus souvent (95 % des cas en Europe) une maladie du sujet fumeur ; l’appréciation des comorbidités est ici fondamentale. L’exploration fonctionnelle respiratoire, en particulier, s’impose avant toute décision chirurgicale (3) et même toute irradiation. L’évaluation de l’état cardiovasculaire guidera également les choix du RCP, que celle-ci s’oriente vers un traitement locorégional ou systémique (et on pense, par exemple ici, à la possibilité d’administrer une hyperhydratation autorisant la perfusion de cisplatine). À l’issue de ce bilan, le dossier peut être présenté en RCP où trois situations se dégagent : – le cancer est localisé au thorax et opérable ; – le cancer est localisé au thorax, mais il est inopérable ; – le cancer est métastatique.   1re situation : le cancer est opérable Il faut entendre par là qu’il est anatomiquement et fonctionnellement opérable. Sont incluses les tumeurs classées N0 ou N1. Le patient est alors opéré et la règle reste encore aujourd’hui la réalisation d’une résection anatomique (4) associée à un curage médiastinal (5). Se pose la question d’un traitement de chimiothérapie associée. Il est formel dès lors qu’il y a une atteinte ganglionnaire ; dans le cas d’une tumeur N0, un consensus « mou » se dégage pour proposer une chimiothérapie aux patients dont la tumeur atteint ou dépasse 40 mm de grand axe. Après plusieurs essais de chimiothérapie d’induction (6), préopératoire, la tendance actuelle se porte plutôt vers un traitement adjuvant (5). En fait, ce problème du timing de la chimiothérapie ne semble pas être véritablement déterminant et l’évolution actuelle est d’étudier et de se baser sur les caractéristiques biologiques de la tumeur afin de proposer au patient une chimiothérapie personnalisée (7). Cette importante question fait l’objet d’un essai de l’Intergroupe francophone de cancérologie thoracique (IFCT), l’essai IFCT 0801-TASTE. Comme nous le reverrons, la question de l’opérabilité des cancers cN2 n’est pas réglée. Néanmoins, lorsqu’une atteinte ganglionnaire médiastinale est constatée sur le produit du curage chirurgical, il y a une indication certaine pour une chimiothérapie adjuvante, alors qu’il n’y a pas de consensus pour la réalisation d’une irradiation médiastinale postopératoire (8). Cette question fait l’objet de l’essai IFCT 0503-Lung ART.   2e situation : le cancer est localisé au thorax, mais il est inopérable La contre-indication chirurgicale peut être d’ordre anatomique mais aussi fonctionnelle respiratoire. Dans ce groupe de malades, sont désormais volontiers rangés les patients avec atteinte ganglionnaire N2 (médiastinale homolatérale) clinique. En effet, deux essais internationaux, l’un européen (9), l’autre nord-américain (10), montrent schématiquement une identité d’évolution, que les malades aient été traités par association chimioet radiothérapie exclusive ou qu’ils aient été opérés après un traitement médical d’induction. En tout cas, il est admis de ne pas opérer d’emblée ces malades et il semble que la meilleure chance d’efficacité de la chirurgie soit réservée aux patients redevenus cN0 après traitement médical premier et chez qui le geste chirurgical peut être une lobectomie à l’exclusion des pneumonectomies. Toutefois, obtenir la preuve de ce concept nécessiterait la réalisation d’un essai dédié, ce qui paraît bien aléatoire dans ce contexte. L’association maintenant classique de la radiothérapie avec une chimiothérapie concomitante permet en effet, grâce aux techniques modernes, d’obtenir un contrôle locorégional mais aussi à distance, dont témoignent des taux de survie susceptibles d’atteindre 15 à 25 % à 5 ans, faisant espérer de véritables guérisons, de sorte que la notion classique d’incurabilité des cancers bronchiques non opérés est désormais dépassée (11,12). De nombreux essais se consacrent à l’amélioration de l’efficacité et de la tolérance de ces traitements, avec en particulier l’introduction dans les schémas médicamenteux de thérapies ciblées. Ainsi, l’essai IFCT 0803 propose à ces malades l’association cisplatine-pémétrexed-cétuximab conjointement au déroulement de l’irradiation thoracique.   3e situation : le cancer est d’emblée métastatique C’est la situation la plus fréquente en milieu hospitalier. Le traitement repose sur un doublet à base de platine et le cisplatine est, ici, reconnu comme étant légèrement plus efficace que le carboplatine (13). Il n’y a pas de preuve de l’efficacité ni de l’intérêt de l’oxaliplatine dans ce contexte. Le choix du partenaire du sel de platine se porte entre la vinorelbine, le paclitaxel, le docétaxel, la gemcitabine (s’il s’agit d’un cancer épidermoïde) et le pémétrexed (s’il s’agit d’un cancer non épidermoïde) (14). L’usage est encore de délivrer 4 à 6 cures de chimiothérapie. Cependant, une tendance se dégage en faveur de la poursuite du traitement sous la forme d’un traitement d’entretien ou d’un passage rapide à une chimiothérapie de seconde ligne. Ainsi, le pémétrexed a récemment obtenu une AMM pour la poursuite d’un traitement comprenant un sel de platine et soit la gemcitabine, soit le paclitaxel, soit le docétaxel dès lors que l’histologie tumorale n’est pas à prédominance épidermoïde et chez les patients dont la maladie n’a pas progressé après cette première ligne. Toutefois, la place de ce traitement d’entretien ou de maintenance ou de passage à une seconde ligne précoce, selon le terme que l’on choisit d’employer, restera floue tant qu’un bénéfice en survie globale n’aura pas été clairement démontré. Autre tendance récente : l’ajout au traitement initial d’un anticorps monoclonal, bévacizumab ou cétuximab dont les résultats restent cependant contradictoires (15,16) ou ne sont pas encore validés par l’obtention d’une AMM (17). Ainsi évolue la prise en charge du cancer bronchique qui reste, certes, un des cancers les plus graves mais dont le traitement a connu en 20 ans des bouleversements importants. La méta-analyse des essais réalisés durant les années 1980, qui comparaient la chimiothérapie au seul traitement de support et d’accompagnement chez les patients métastatiques, avait montré que sous traitement palliatif isolé, la médiane de survie de ces malades atteignait tout juste 4,5 mois (18). Les traitements modernes permettent aujourd’hui de tripler cette durée de survie et, surtout, d’observer de longs survivants. Bien sûr, il n’est pas question de s’en satisfaire et il est indispensable de poursuivre avec acharnement la réalisation d’essais thérapeutiques bien conduits, ce dont l’IFCT donne l’exemple. Reste à ne pas oublier que sans tabagisme, ce cancer serait une rareté !  

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