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ORL

Publié le 09 mar 2009Lecture 10 min

L’oedème de la luette : allergie ou traumatisme ?

I. LACHKAR, CHI André-Grégoire, Montreuil
L’oedème de la luette constitue une entité clinique parfois rencontrée et souvent inquiétante, aussi bien pour les patients que pour les médecins, car se manifestant par une gêne respiratoire et associée au fameux oedème allergique dit « de Quincke ». Pourtant, bien que le mécanisme allergique soit le plus connu, il ne constitue pas son unique étiologie. D’autres causes peuvent également expliquer une poussée d’oedème uvulaire : certains oedèmes isolés qui surviennent la nuit ou au réveil sont une conséquence d’un traumatisme local provoqué par les vibrations de la luette sur la base de langue lors du ronflement.
La luette, ou uvule palatine, dont le rôle physiopathologique n’est pas bien déterminé, constitue le prolongement, d’un peu plus de 1cm de longueur, du bord libre postéro-inférieur du voile du palais (1). Si l’examen clinique d’un oedème de la luette peut donner lieu à des erreurs d’interprétation, un interrogatoire bien mené permet le plus souvent d’éliminer un faux diagnostic d’allergie et de déterminer la véritable origine «mécanique» d’un oedème isolé de la luette. Un diagnostic courant Selon une étude rétrospective réalisée dans le service d’allergologie (adulte) du CHU Tenon (Paris), entre mai 1999 et mars 2006, ont été recensés 7 cas de patients qui étaient adressés dans ce service de référence pour un bilan allergique, mais qui présentaient en fait un oedème de la luette d’origine mécanique. Le bilan clinique, avec interrogatoire dirigé et examen somatique complet, a toujours permis d’affirmer le diagnostic. Aucun examen complémentaire n’a été nécessaire. Il s’agit d’un symptôme essentiellement masculin survenant assez précocement (âge moyen 43 ans ; patient le plus jeune 27ans). L’association à une surcharge pondérale et à un ronflement est constante (7 patients sur 7), tout comme est fréquente l’association à une intoxication tabagique active ou préalable (5 patients sur 7) ou bien la prise de sédatifs et la consommation d’alcool avant le coucher. On soulignera l’absence d’antécédent allergique pour l’ensemble des patients, ce qui constitue un élément négatif essentiel d’orientation diagnostique (tableau 1). La présence d’une luette hypertrophique n’était pas constante (luette de taille normale chez 2patients sur 7). Un examen clinique normal en dehors de la crise n’exclut donc en aucune façon le diagnostic.   Les causes d'oedème de la luette Oedème d’origine allergique : une réaction en 2 temps Le mécanisme de l’oedème d’origine allergique correspond à la réaction d’hypersensibilité immédiate médiée par les immunoglobulines de type E (IgE). Cette réaction se fait en deux temps : la sensibilisation, puis la révélation qui survient lorsque l’allergène est réintroduit dans l’organisme. C’est lors de cette deuxième étape que se produit la libération d’histamine et sa fixation sur les récepteurs spécifiques H1, provoquant une augmentation de la perméabilité vasculaire à l’origine de l’oedème. L’oedème peut toucher toutes les muqueuses, mais le plus fréquemment il se situe au niveau du visage : atteinte de la cavité buccale (lèvres, luette et langue) et/ou des paupières. Lorsque l’oedème de la luette est d’origine allergique, il n’est donc pas isolé mais associé à, au moins, un oedème labial et/ou lingual et/ou palpébral. Le contexte est évocateur avec la notion d’un contact allergénique dans les 3 heures précédant l’apparition des symptômes (ingestion d’un aliment ou d’un médicament, piqûre d’insecte). La présence d’un oedème de la luette isolé survenant la nuit ou le matin est de ce fait peu évocateur d’une origine allergique. Oedème d’origine non allergique Devant une symptomatologie d’oedème isolé de la luette et l’hypothèse d’une allergie étant écartée, il faut rechercher une autre étiologie (tableau 2).  Il peut essentiellement s’agir de traumatismes d’origine mécanique. Ceux-ci peuvent survenir lors du sommeil en cas de ronflement associé ou non à un syndrome d’apnée du sommeil. Lors du ronflement, les contacts répétés de la luette avec la base de la langue provoquent une inflammation locale avec congestion de la muqueuse uvulaire (2,3). Cela entraîne une sensation de suffocation ou de corps étranger pharyngé («comme une boule dans la gorge»), sans bruit glottique ni sibilances.  L’oedème de la luette peut également faire suite à des traumatismes directs comme après intubation trachéale ou manoeuvres d’aspiration oropharyngée répétées (4). Le contexte clinique est alors évident, comme en cas d’oedème d’origine infectieuse. Les germes les plus fréquemment en cause dans ce cas sont le streptocoques du groupe A, le pneumocoque (Streptococcus pneumoniae), l’hémophilus (Haemophilus influenzae) ou les germes anaérobies (5). En l’absence de cause allergique, mécanique ou infectieuse, on évoquera deux étiologies plus rares.  L’oedème angioneurotonique, entité nosologique particulière d’origine génétique ou acquise témoignant d’un déficit en C1- estérase, peut se révéler par une laryngite oedémateuse brutale et des poussées d’oedème récurrent au niveau facial.  Enfin la consommation de hachisch, plus toxique sur les muqueuses de l’oropharynx que le tabac, peut engendrer un oedème uvulaire. Il faut garder en mémoire cette étiologie, en particulier chez les adolescents (6).   Ronflements et syndrome d'apnées du sommeil Manifestations cliniques Le ronflement simple correspond au bruit généré par les vibrations des muqueuses oro-pharyngées, en particulier du voile du palais. Lorsqu’il s’y associe des pauses respiratoires nocturnes, il rentre dans le cadre du syndrome d’apnées du sommeil (SAS). Les manifestations cliniques de ce syndrome comprennent une somnolence diurne, des troubles de la concentration, une dépression, une irritabilité, des troubles de la libido. La nuit, lorsque le patient présente une pause respiratoire, il peut se réveiller avec une sensation de suffocation. Le SAS est potentiellement grave, car les apnées nocturnes sont associées à des poussées tensionnelles dont la répétition peut conduire à une cardiopathie ischémique, une hypertension pulmonaire et une attaque cérébrale (7). Il peut, plus exceptionnellement, être révélé par une poussée inflammatoire oedémateuse de la luette (2). Le diagnostic est posé par l’enregistrement polygraphique du sommeil qui objective les apnées obstructives (pause respiratoire d’au moins 10 s) ou leur équivalent, les hypopnées (réduction de la ventilation d’au moins 50 % pendant au moins 10 s) (8). Facteurs de risque De nombreux facteurs de risque sont associés au ronflement et au SAS.  L’obésité rétrécit le diamètre utile des voies aériennes par des dépôts adipeux au niveau de la base de la langue et du pharynx (9). On considère qu’un kilogramme de poids corporel correspond à environ un gramme de tissu graisseux basilingual. Toute surcharge pondérale a donc pour conséquence une augmentation de volume de la base de la langue, ce qui réduit d’autant le passage du flux aérien.  La prise de sédatifs peut être responsable d’un relâchement des muscles dilatant la voie aérienne supérieure.  La consommation d’alcool doit être évitée pour la même raison : elle majore le ronflement et augmente ainsi le risque d’oedème de la luette (10). La consommation de tabac majore l’inflammation muqueuse tant au plan pharyngé que nasal (augmentation des résistances nasales) ; la nicotine constituerait un facteur de risque du SAS (8). Mais ceci est controversé. Oedème de la luette d'origine mecanique : conduite à tenir Diagnostic Si la consultation est réalisée lors de la poussée oedémateuse, l’approche diagnostique repose sur l’interrogatoire et l’examen clinique. L’interrogatoire, correctement orienté et faisant appel à l’entourage du patient, permet le plus souvent de recueillir des éléments suffisants. Devant un patient obèse et ronfleur sans aucun antécédent allergique, consultant pour un oedème de la luette de survenue nocturne ou matinale, il faut évoquer l’oedème d’origine mécanique. Des investigations complémentaires ne sont pas nécessaires. Traitement Le traitement est symptomatique ; le plus souvent une corticothérapie locale ou générale est prescrite (4). Il n’a jamais été décrit d’oedème uvulaire d’origine mécanique (dû au ronflement) ayant entraîné un tableau clinique grave (par dyspnée aiguë) nécessitant une intubation laryngo-trachéale. Si la consultation est réalisée à distance de l’épisode inflammatoire (ou une fois le problème aigu résolu) il faut proposer une polygraphie du sommeil pour éliminer un SAS qui peut être par ailleurs asymptomatique.  Le traitement du ronflement dépendra de la présence ou non de SAS.  En cas de ronflement simple l’amaigrissement est toujours préconisé devant une surcharge pondérale. La réduction du volume de la base de langue et des tissus pharyngés améliorera le passage du flux d’air. L’avis d’un nutritionniste pourra être demandé. Chez certains patients, une perte de poids et/ou un traitement positionnel, ainsi que l’arrêt d’absorption d’alcool et de sédatifs le soir suffisent à traiter le ronflement. L’indication d’orthèse d’avancée mandibulaire, de radiofréquence, de vaporisation laser du palatopharynx ou de geste chirurgical (uvulopharyngopalatoplastie, amygdalectomie) sera portée par l’ORL, au cas par cas.  En cas de SAS, en plus des règles hygiéno-diététiques, la CPAP (continuous positive airway presure) ou VPPC (ventilation par pression positive continue) est le traitement de référence (2). Il s’agit d’une pression positive continue d’air délivrée par masque nasal durant chaque nuit au domicile. Une pression de 5 à 15 cmH2O maintient les voies aériennes supérieures perméables et permet une ventilation normale au cours du sommeil. La mauvaise tolérance du dispositif en limite l’utilisation. On peut proposer l’orthèse d’avancée mandibulaire en cas de refus ou d’intolérance à la CPAP. La chirurgie est souvent souhaitée par les patients, mais son indication est limitée et doit toujours faire l’objet d’un avis ORL spécialisé (10). Conclusion  L’oedème traumatique de la luette provoqué par les vibrations du voile du palais à l’occasion de ronflement constitue un diagnostic différentiel à connaître devant un soi-disant « oedème de Quincke allergique » limité à la luette.  On peut écarter une cause allergique si le délai entre l’apparition des symptômes et le contact avec l’allergène soupçonné est > 3 heures (par exemple, les symptômes surviennent la nuit ou au réveil).  L’origine mécanique est d’autant plus évocatrice lorsque le patient est obèse, ronfleur et qu’il a consommé de l’alcool ou un sédatif avant de se coucher. La connaissance du caractère mécanique de l’oedème uvulaire permet de rassurer le patient, de le traiter simplement et de lui éviter de pratiquer une batterie d’examens complémentaires inutiles.  L’interrogatoire est capital malgré la subjectivité des signes fonctionnels et l’imprécision des témoignages recueillis auprès de l’entourage. Il faut poser les bonnes questions.  Aucun examen complémentaire n’est nécessaire pour confirmer le diagnostic.  Un SAS nécessite un traitement spécifique (règles hygiénodiététiques pour maigrir, geste chirurgical local) sur la luette ± le voile du palais ± les amygdales selon l’avis de l’ORL. Illustration : OEdème isolé de la luette (Eur J Emerg Med 2005 ; 12 (5) : 255–6).  

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