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ORL

Publié le 23 juin 2013Lecture 11 min

L’hypertension artérielle pulmonaire

X. JAÏS, Hôpital Antoine-Béclère, Clamart
L’hypertension artérielle pulmonaire est une maladie vasculaire pulmonaire qui se caractérise par une augmentation des résistances vasculaires pulmonaires entraînant, à terme, une insuffisance cardiaque droite. Elle se définit par une pression artérielle pulmonaire moyenne (PAP moyenne) ≥ 25 mmHg au repos associée à une pression artérielle pulmonaire d’occlusion normale (PAPO ≤ 15 mmHg) lors du cathétérisme cardiaque droit(1). Sa prévalence est faible, mais son pronostic reste réservé malgré l’importance des avancées thérapeutiques de ces dernières années. 
Etiologies   La classification internationale des hypertensions artérielles pulmonaires (HTAP) révisée en 2008(1,2) est présentée dans le tableau 1. L’HTAP peut survenir de façon sporadique (HTAP idiopathique), dans un contexte familial (HTAP héritable), ou compliquer l’évolution de certaines pathologies (connectivite, cardiopathie congénitale, hypertension portale, infection par le VIH), ou enfin être associée à certaines situations particulières (prise d’anorexigènes)(2-4).   Modes de découverte Plusieurs circonstances peuvent conduire à la découverte de la maladie. Le diagnostic est le plus souvent réalisé lors de l’exploration d’une dyspnée d’effort, symptôme présent chez plus de 95 % des patients souffrant d’HTAP. Cette dyspnée d’effort peut être isolée ou associée à des signes d’insuffisance cardiaque droite, des douleurs thoraciques, des palpitations, des lipothymies voire des syncopes à l’effort(1,3,4).   Tableau 1. Classification des hypertensions pulmonaires (d’après Simonneau G et coll.(2)). Il est aussi possible de diagnostiquer la maladie lors d’un dépistage systématique par une échographie cardiaque dans des populations à haut risque de développer une HTAP : – sclérodermie ; – parents au premier degré d’un patient atteint d’une HTAP héritable ; – patient ayant une mutation connue portant sur le Bone morphogenetic protein receptor type II (BMPR2) ; – cardiopathies congénitales avec shunt gauche-droit ; – hypertension portale (notamment lors du bilan pré-greffe hépatique). Il peut aussi s’agir d’une découverte lors d’une recherche systématique par une échographie cardiaque au cours de l’évolution de certaines pathologies respiratoires chroniques (fibrose pulmonaire, bronchopneumopathie chronique obstructive [BPCO], sarcoïdose, histiocytose langerhansienne, etc.), en particulier lorsque les symptômes sont disproportionnés par rapport à la sévérité de l’atteinte fonctionnelle(1-4). Dans tous les cas, une confirmation du diagnostic doit être obtenue par cathétérisme cardiaque droit. Éléments cliniques discriminants et examens à pratiquer   Diagnostic Le diagnostic d’HTAP doit obéir à une démarche clinique rigoureuse qui comporte trois étapes(1). La première étape consiste à détecter et à confirmer l’hypertension pulmonaire (HTP), la deuxième à classer l’HTAP en recherchant une éventuelle pathologie associée et la troisième à évaluer la sévérité de la maladie.   Détection et confirmation de l’HTAP • L’échographie cardiaque transthoracique (ETT) couplée au Doppler constitue l’examen de choix pour détecter une HTP. Elle doit être réalisée devant toute suspicion clinique et dans le cadre du dépistage des patients asymptomatiques à haut risque(1). Elle permet de rechercher une élévation de la pression artérielle pulmonaire par l’estimation de la pression artérielle pulmonaire systolique (PAPs) évaluée par la mesure de la vitesse du flux de régurgitation tricuspide (VIT). Si la VIT excède 3,4 m/s (soit une PAPs > 50 mmHg si la pression auriculaire droite [POD] est estimée à 5 mmHg), l’HTP est probable et un cathétérisme cardiaque droit doit être réalisé. Si la VIT est supérieure à 2,8 m/s (soit une PAPs > 36 mmHg si POD = 5 mmHg), l’HTP est possible et l’avis du centre de référence ou d’un centre de compétence doit être sollicité(1). L’ETT peut également montrer une dilatation des cavités droites, associée ou non à un mouvement paradoxal du septum interventriculaire, et l’existence éventuelle d’un épanchement péricardique. L’exploration des cavités gauches peut permettre de mettre en évidence une dysfonction gauche, systolique ou diastolique. Enfin, l’ETT permet de rechercher une cardiopathie congénitale ou un shunt droitgauche par réouverture du foramen ovale(3,4). • Le cathétérisme cardiaque droit est l’examen de référence pour confirmer le diagnostic et pour affirmer l’atteinte précapillaire en cas de détection d’une HTAP par l’échographie cardiaque. Il doit être réalisé dans un centre spécialisé dans la prise en charge de l’HTAP (centre de référence ou centre de compétence). Le diagnostic d’HTAP repose sur la mise en évidence de trois éléments : une PAP moyenne ≥ 25 mmHg au repos, une PAPO ≤ 15 mmHg et un débit cardiaque normal ou abaissé(1).   Bilan en vue d’une classification de l’HTAP Cette étape est essentielle, car elle va conditionner la prise en charge thérapeutique(1,2). Il s’agit de rechercher une cause éventuelle à l’HTAP par la réalisation de différents examens complémentaires. • La radiographie thoracique permet de visualiser des signes évocateurs d’HTAP (hypertrophie des artères pulmonaires, augmentation de l’index cardiothoracique) et d’éventuelles anomalies parenchymateuses, suggérant ainsi l’existence d’une pathologie respiratoire (pneumopathie infiltrante diffuse, emphysème) associée ou d’une forme particulière d’HTAP (maladie veino-occlusive)(3,4). • Les explorations fonctionnelles respiratoires doivent comprendre, outre les mesures habituelles (volumes et débits pulmonaires), une mesure de la DLCO (diffusion libre du monoxyde de carbone) et une gazométrie artérielle afin de détecter et d’évaluer une éventuelle pathologie respiratoire sous-jacente(3,4). • La scintigraphie pulmonaire de ventilation/perfusion a pour but d’éliminer une maladie thrombo-embolique chronique, un examen normal permettant d’exclure ce diagnostic(3,4). • L’angiographie pulmonaire ne sera réalisée que si la scintigraphie pulmonaire est évocatrice d’une maladie thromboembolique chronique afin de confirmer le diagnostic, d’évaluer les lésions et de déterminer l’opérabilité éventuelle(3,4). Elle sera effectuée de préférence dans le centre de référence national. • L’angioscanner thoracique doit être associé à la pratique de coupes parenchymateuses millimétriques pour dépister une pathologie respiratoire associée (emphysème, pneumopathie infiltrante diffuse) et apporter des éléments pouvant suggérer une maladie veino-occlusive (épaississement des septa, nodules flous centro-lobulaires, adénopathies médiastinales). Il permet également de rechercher des signes en faveur d’une maladie thrombo-embolique chronique (thrombus organisés dans les artères pulmonaires proximales, défects excentrés, aspect de perfusion en mosaïque sur les coupes parenchymateuses). Néanmoins, les données actuelles soulignent les limites de la tomodensitométrie pulmonaire dans le diagnostic d’une maladie thrombo-embolique chronique et par conséquent, un angioscanner thoracique normal ne permet pas d’exclure ce diagnostic(3,4). • La recherche de marqueurs biologiques d’auto-immunité sont utiles pour dépister une éventuelle connectivite. La recherche débute par un dosage des facteurs antinucléaires qui sera complété, s’il existe un titre élevé, par la recherche d’anticorps anti-centromère, anti-SCL 70, anti-DNA natifs et anti-RNP(3,4). • La sérologie VIH doit être systématiquement proposée mais ne peut être réalisée qu’après accord du patient(3,4). • L’échographie hépatique avec Doppler du tronc porte est destinée à rechercher une hypertension portale en cas de suspicion de maladie hépatique. Elle pourra être complétée en fonction du contexte par une endoscopie digestive haute (recherche de varices oesophagiennes) et/ou par la mesure du gradient porto-cave lors du cathétérisme cardiaque droit(3,4).   Évaluation de la sévérité  Il s’agit d’évaluer le retentissement fonctionnel de la maladie et de collecter les éléments pronostiques. Pour cela, on s’aidera de données cliniques et paracliniques. L’interrogatoire permet de rechercher des antécédents de malaises, de syncopes et de poussée d’insuffisance cardiaque droite. L’évaluation de la tolérance à l’effort se fait grâce à l’échelle de classe fonctionnelle de la New York Heart Association (NYHA) modifiée par l’Organisation mondiale de la santé (tableau 2).  Tableau 2. Classification fonctionnelle de la dyspnée adaptée à l’HTAP (version modifiée de la classification NYHA). La classification NYHA est un élément pronostique majeur, les patients en classe fonctionnelle III ou IV ayant une survie très inférieure à celle des patients en classe fonctionnelle I ou II(3). L’évaluation de la dyspnée est complétée par un test de marche de 6 minutes. Il s’agit d’un moyen simple et facilement reproductible d’évaluer le handicap fonctionnel(3,4). Afin d’évaluer la sévérité hémodynamique et le retentissement sur le coeur droit, on doit disposer de certaines valeurs obtenues lors du cathétérisme cardiaque droit : pression auriculaire droite, débit cardiaque, PAP moyenne, résistances vasculaires pulmonaires, saturation veineuse en oxygène(3,4). L’existence ou non d’une réponse en aigu au monoxyde d’azote (NO) doit systématiquement être recherchée lorsque le cathétérisme est réalisé pour la première fois. La réponse en aigu est définie par une baisse de la PAPm d’au moins 10 mmHg, pour atteindre un niveau < 40 mmHg, avec un débit cardiaque normal ou augmenté au cours de l’inhalation de monoxyde d’azote (NO)(5). Enfin, certains paramètres échocardiographiques permettent d’évaluer la fonction ventriculaire droite et donnent des indices pronostiques(1). Il en est de même du dosage plasmatique de certaines substances, en particulier le Brain Natriuretic Peptide (BNP)(6). Suivi en l’absence de complication Les objectifs du suivi sont de surveiller l’efficacité, la tolérance et l’observance des traitements prescrits, de détecter précocement une aggravation et de poursuivre l’éducation thérapeutique du patient tout au long de sa prise en charge. Le suivi est assuré par le centre de référence national et/ou un centre de compétence régional en collaboration avec les médecins spécialistes de proximité et le médecin traitant. Rythme et contenu des visites Un premier bilan est effectué systématiquement après 3 à 6 mois de traitement. Le suivi est ensuite réalisé au minimum annuellement, avec des visites supplémentaires selon la sévérité de la maladie, et/ou en cas d’événements particuliers ou de survenue de complications(1). À chaque visite, on s’intéressera à l’ensemble des événements intercurrents survenus depuis la dernière consultation et à la qualité de vie des patients. L’interrogatoire et l’examen clinique évalueront l’état général, nutritionnel, la tolérance à l’effort (classe fonctionnelle de la NYHA), l’état cardiorespiratoire, les manifestations extrarespiratoires éventuelles. L’observance des traitements et du régime alimentaire éventuel est systématiquement évaluée. Un test de marche de 6 minutes est pratiqué à toutes les visites(1). Examens complémentaires Un cathétérisme cardiaque droit et/ou une échographie cardiaque sont réalisés au moins une fois par an, afin de disposer d’une évaluation objective des facteurs pouvant influencer le pronostic et la prise en charge de la maladie(1). Par ailleurs, un cathétérisme cardiaque droit est recommandé 3 à 6 mois après l’introduction d’un traitement spécifique de l’HTAP, avant toute modification thérapeutique et en cas d’aggravation clinique(1).   Pour la pratique, on retiendra  Le diagnostic d’HTAP doit être évoqué devant une dyspnée d’effort inexpliquée (au terme d’un bilan standard), associée ou non à des lipothymies et/ou à des signes d’insuffisance cardiaque droite.  Le diagnostic est suspecté par l’échographie cardiaque mais doit être confirmé systématiquement par un cathétérisme cardiaque droit.  L’annonce diagnostique et le bilan initial doivent être réalisés dans le centre de référence national ou dans un centre de compétence régional.  L’évaluation de la sévérité de la maladie repose sur l’analyse de données cliniques (classe fonctionnelle de la NYHA, test de marche de 6 minutes) et hémodynamiques qui guideront le choix thérapeutique.  La prise en charge de la maladie est multidisciplinaire et continue, au mieux coordonnée par le centre de référence et/ou un centre de compétence régional en articulation avec les spécialistes de proximité et le médecin traitant.  Cette maladie reste une affection sévère. Malgré les progrès thérapeutiques actuels, il n’existe pas de traitement curatif. L’efficacité des thérapeutiques instaurées doit donc être évaluée dans le centre de référence ou dans un centre de compétence régional au minimum une fois par an.  Les traitements de l’HTAP sont des traitements à vie. Ils ne doivent jamais être arrêtés sans l’avis du centre de référence ou d’un centre de compétence de l’HTAP.

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