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ORL

Publié le 19 nov 2008Lecture 21 min

La douleur en ORL

J. BERTRAND-DELIGNÉ, S. DONNADIEU, Hôpital européen Georges Pompidou AP-HP, unité de traitement de la douleur, service d’anesthésie-réanimation
La stimulation des voies de la douleur de la région oro-cervico-faciale donne une symptomatologie riche qui amène les patients à consulter précocement le médecin ORL. Il s’agit donc souvent d’un contexte de douleur aiguë, une douleur chronique étant une douleur qui persiste au moins depuis 2 mois. La densité des tissus que traversent ces neurones nociceptifs rend compte de la fréquence des douleurs dans les affections ORL. Du fait de leur localisation particulière, elles génèrent vite anxiété et désarroi, tant elles altèrent rapidement la vie de relation. La crainte de la découverte d’un cancer vient renforcer cette réaction émotionnelle.
Le clinicien ORL sera donc souvent confronté, dans son exercice quotidien, à une symptomatologie algique des régions otologique, rhinologique, sinusienne, faciale, buccale, pharyngée et laryngée. L’innervation sensitive de ces régions est essentiellement assurée par le nerf trijumeau (V) dans ses trois branches, mais aussi par les afférences somatiques du nerf facial (VII), par le nerf grand hypoglosse (IX), par certaines afférences du nerf pneumogastrique (X) avec la zone de Ramsay-Hunt et le nerf laryngé supérieur, et enfin par le plexus cervical superficiel (C2-C3-C4). Schématiquement, l’atteinte du système sensitif peut se faire selon trois mécanismes, générateurs de sensations douloureuses différentes, et faisant appel à des ressources thérapeutiques différentes. En clinique, cette modélisation didactique est rarement retrouvée dans sa pureté, car les mécanismes en cause sont intriqués entre eux, et pour obtenir de bonnes réponses thérapeutiques, des traitements combinés sont nécessaires. La réponse émotionnelle vient apporter sa part dans la complexité de l’expression symptomatique et dans la variabilité des réponses thérapeutiques. Les trois mécanismes fondamentaux de stimulation des voies sensitives sont les suivants :  Les excès de stimulation nociceptive, « allumant » ainsi les différents récepteurs nociceptifs périphériques ou centraux, ce qui génère des influx dans les voies de la douleur. Par exemple, la compression ou la destruction des tissus avoisinants par un volume tissulaire en expansion, entraîne des douleurs par « effet de masse ». Leur expression clinique en est une sensation de compression, d’éclatement, de broiement, de déchirement. Ces douleurs sont sensibles aux traitements antalgiques purs des paliers I, II ou III de l’échelle OMS.  Les lésions du neurone sensitif, par compression, étirement, section, démyélinisation donnent un tableau de déafférentation. Il se traduit par des sensations de brûlures intenses dans le territoire somesthésique considéré, et/ou des douleurs en éclair survenant spontanément. Le déclenchement de douleurs en éclair par la compression loco dolenti évoque plutôt l’existence d’un névrome d’amputation. Le traitement des douleurs neuropathiques par déafférentation fait appel aux antidépresseurs tricycliques pour les sensations de brûlures, et aux antiépileptiques pour les sensations de décharges électriques paroxystiques. Quant aux névromes d’amputation, les infiltrations et les techniques chirurgicales d’enfouissement permettent de neutraliser les zones gâchettes. Leur prévention se fait au mieux par des massages proprioceptifs (massages appuyés, palpé-roulé) qui dirigent la repousse neuronale en évitant la formation de névromes.  L’inflammation neurogène est une réaction neurochimique qui se produit lors de la stimulation d’un nerf sensitif. Celle-ci libère de la substance P et de l’histamine qui stimulent les nocicepteurs. Cette réaction s’étend de proche en proche, provoquant ainsi une compression tissulaire par effet de masse. Son traitement fait appel aux stabilisants de membrane, aux anti-inflammatoires, et dans certains cas aux anti-infectieux. Quant à l’expression émotionnelle, elle nécessite écoute, explications, réassurance. Lorsque la douleur devient chronique, il est souvent nécessaire de faire appel à des psychothérapies diverses et de prescrire des traitements anxiolytiques et antidépresseurs. Sous l’éclairage de cette physiopathologie, la symptomatologie douloureuse en ORL peut se réécrire de façon originale. Il ne sera pas question, dans les lignes qui suivent, de faire une revue exhaustive et fastidieuse des différents tableaux cliniques possibles. Nous n’aborderons que les cas les plus illustratifs. Les douleurs de l’oreille   Otite moyenne aiguë.  L’otite infectieuse : la présence de liquide sous pression provoque une douleur par excès de nociception du IX qui innerve l’orifice de la trompe d’Eustache, et des afférences du VII qui innervent la trompe d’Eustache, l’oreille moyenne et l’oreille interne. L’infection provoque une inflammation qui aggrave cet excès de nociception. Les douleurs seront donc latéro-pharyngées à type de déchirement et de compression, ainsi que des douleurs aiguës de l’intérieur de l’oreille. L’utilisation combinée d’antalgiques purs et d’anti-infectieux sera nécessaire. La suppression de l’effet de masse par drainage soulagera également la douleur.  L’otite post-radique : la symptomatologie de la douleur sera la même. Un syndrome de déafférentation des nerfssensitifs lésés par l’irradiation pourra s’y associer. L’adjonction d’antiépileptiques neutralisera les douleurs aiguës paroxystiques de l’oreille. L’existence associée d’une tumeur pharyngée peut provoquer un excès de nociception ou une déafférentation du IX, donnant cliniquement une sensation de corps étranger et de compression latéro-pharyngée, ou une sensation de brûlure avec accès douloureux aigus paroxystiques à la déglutition ou à la phonation.  La topographie particulière du plexus cervical superficiel qui assure l’innervation sensitive du tiers inférieur du pavillon de l’oreille, de l’angle de la mandibule, de la région rétro-auriculaire du pavillon de l’oreille et de la face latérale du cou, peut, lorsqu’il est stimulé par une tumeur cervicale ou lésé par une intervention chirurgicale ou une irradiation de la région, donner un tableau douloureux trompeur péri-otologique. Des douleurs paroxystiques en éclair dans le territoire décrit peuvent faire croire à une otite. L’examen du tympan est normal, et le traitement antiépileptique supprimera les douleurs. Les massages proprioceptifs de la cicatrice cervicale traiteront les douleurs de zone gâchette en prévenant la constitution de névromes d’amputation. Les douleurs du nez et des sinus   Sinusite aiguë.  La perforation du sinus septal donne des douleurs neuropathiques des deuxièmes branches droite et gauche du nerf trijumeau, dont le traitement sera essentiellement antiépileptique. Une inflammation neurogène et infectieuse peut coexister, donnant des douleurs par excès de nociception des fosses nasales, qui peuvent irradier vers le front et les orbites, les joues et la mâchoire supérieure, pouvant faire croire à une pathologie dentaire associée. Les antalgiques des paliers OMS, les soins locaux de nettoyage et de drainage sont la base du traitement antalgique. S’il s’agit d’un contexte de toxicomanie, la réponse émotionnelle vient considérablement amplifier le tableau douloureux et rend le résultat thérapeutique plus incertain.  L’infection des sinus ethmoïdaux ou frontaux provoque un excès de nociception du nerf trijumeau au niveau de sa première et deuxième branche. Les douleurs sont parfois bilatérales et irradiées. Elles peuvent faire croire à une migraine ou une céphalée de tension. Les antalgiques purs et le traitement antiinfectieux soulageront le patient.  L’existence d’un processus tumoral dans un sinus est responsable de douleurs par excès de nociception, mais aussi de douleurs neuropathiques unilatérales de la première branche du nerf trijumeau dans les atteintes ethmoïdales, et de la deuxième branche de ce même nerf dans les atteintes maxillaires. Une surinfection ou une épistaxis peuvent accompagner le tableau douloureux. Les céphalées Nous n’aborderons ici que les céphalées primitives, ce qui nécessite bien sûr d’éliminer préalablement les algies otologiques et sinusiennes évoquées précédemment, ainsi que les affections neurologiques centrales, et de façon plus générale toute étiologie responsable de céphalées secondaires.  Les migraines s’expriment majoritairement par des douleurs fronto-temporales, parfois rétro-orbitaires. La douleur s’installe progressivement en 2 à 4 heures. Elle est unilatérale au début, mais peut rapidement diffuser. Elle peut durer jusqu’à 72 heures. Elle est pulsatile, associée à des nausées ou des vomissements, des photo- ou phonophobies. La céphalée est aggravée par les mouvements et la toux. Un traitement d’épreuve par les triptans confirmera le diagnostic s’il soulage la douleur, bien que des céphalées symptomatiques puissent parfois être soulagées par cette classe thérapeutique.  Les céphalées de tension sont très fréquentes. Elles s’associent parfois aux migraines. Il s’agit de douleurs diffuses, bilatérales, à type de compression et de serrement en casque, non pulsatiles. Ces céphalées peuvent persister pendant 7 jours. Il n’y a ni nausées ni vomissements, ni aggravation des douleurs par l’activité physique de routine. Un contexte de stress mal géré, d’anxiété ou de dépression est souvent associé à ce tableau. Les stomatodynies Il s’agit de douleurs neuropathiques de la cavité buccale, évoluant sur un mode chronique. C’est le nerf trijumeau (V) dans sa troisième branche qui dysfonctionne, sans étiologie retrouvée. Les stomatodynies sont plus souvent retrouvées chez des femmes après la ménopause. Un contexte anxiodépressif est très fréquemment associé. Ces douleurs s’expriment sous forme de brûlures et de sécheresse de la langue, avec perturbations gustatives. Elles peuvent s’étendre à toute la cavité buccale. Des dyesthésies ou des douleurs aiguës et paroxystiques de la gencive au niveau de la mandibule peuvent faire croire à une affection dentaire. Le retentissement émotionnel est très important. Le traitement associe des antidépresseurs, des antiépileptiques en cas d’accès douloureux paroxystiques et une prise en charge psychothérapique. Les douleurs du pharynx Le grand hypoglosse (IX) assure l’innervation sensitive du tiers postérieur de la langue, de l’amygdale et de ses piliers, du voile du palais et de la paroi pharyngée postérieure. Au cours des pathologies infectieuses, le mécanisme de la douleur est essentiellement celui d’un excès de nociception. Au cours des pathologies tumorales, il peut s’y associer des douleurs par déafférentation. En cas d’atteinte de l’orifice de la trompe d’Eustache, une douleur aiguë paroxystique peut faire croire à une otite. Les douleurs du larynx L’innervation sensitive du larynx et de l’épilarynx est essentiellement assurée par le nerf laryngé supérieur, qui est une afférence du nerf pneumogastrique (X). Les douleurs apparaissent tardivement, elles sont souvent difficiles à décrire car les aires de projection centrale de ce nerf sensitif sont peu étendues. Elles sont souvent décrites de façon peu discriminatives, comme des dysphagies douloureuses ou des sensations de brûlures profondes. Au cours des pathologies tumorales, les troubles phonatoires, respiratoires ou de la déglutition sont souvent le premier motif de la consultation. Les douleurs après chirurgie ORL La douleur postopératoire est l’une des causes de douleurs induites parmi les plus communes et pourtant la plus prévisible. Toutefois, la grande variété des interventions pratiquées en ORL rend difficile l’établissement de protocoles simples pour prévenir et soulager ce type de douleur de mécanisme presque uniquement nociceptif, du moins dans sa phase initiale. Une hiérarchie de l’intensité des douleurs peut être dressée : les endoscopies simples sans résections importantes, la chirurgie des sinus et des fosses nasales, les cervicotomies sans geste étendu sont réputées peu douloureuses. La chirurgie de l’oreille, du pharynx et toute la chirurgie carcinologique sont beaucoup plus douloureuses. L’antalgie postopératoire en ORL présente quelques particularités : • le risque de détresse respiratoire en cas d’intervention portant sur les voies aériennes supérieures est important en cas d’usage de morphiniques qui vont diminuer les réponses à une hypercapnie induite par une obstruction de ces voies. La surveillance clinique rapprochée (fréquence ventilatoire, tirage, sueurs, agitation), instrumentale par oxymétrie et biologique (gazométrie artérielle) permet d’éviter de découvrir un patient déjà asphyxique • la fréquence de survenue de nausées et de vomissements en postopératoire, particulièrement dans la chirurgie de l’oreille, majorée par l’emploi des opiacés ; • la difficulté d’évaluation de la douleur chez des patients mal communiquants du fait de troubles de l’audition ou de la parole. Seul un séjour parfois prolongé, en salle de surveillance postinterventionnelle permet une surveillance suffisante et une réponse thérapeutique rapidement adaptée pour pallier ces difficultés. L’évaluation de la douleur postopératoire  L’autoévaluation est toujours la méthode de référence. L’outil le plus utilisé est l’échelle numérique verbale simple consistant à demander à intervalles réguliers à l’opéré : « À combien, sur une échelle de 0 à 10, évaluez- vous l’intensité de votre douleur ? ». Cette échelle n’est utilisable que chez un patient ayant recouvré toute sa conscience et pouvant s’exprimer. Un opéré encore intubé et ventilé peut néanmoins souffrir en cas d’utilisation, par l’anesthésiste en peropératoire, d’opioïdes à courte durée d’action. La prévention de la survenue de la douleur repose alors sur l’injection systématique de morphine dès l’arrivée en salle de réveil afin d’éviter toute survenue brutale de douleurs se traduisant par de l’agitation, une tachycardie, une poussée tensionnelle. Pour le patient ne pouvant parler du fait d’une trachéotomie par exemple, il lui est demandé d’exprimer sa douleur en utilisant ses doigts ou en inscrivant un chiffre sur une tablette. Une pancarte posant la question de l’intensité de la douleur peut être utilisée chez le malentendant. L’évaluation la plus difficile se rencontre chez le patient âgé, atteint de troubles cognitifs, qui peut s’agiter ou gémir sans que la corrélation avec l’existence d’une douleur soit évidente. Une observation attentive (recherche d’une position antalgique, faciès douloureux lors de certaines mobilisations) conduit à l’injection d’antalgiques dont les effets sont à évaluer très régulièrement.  L’évaluation d’une douleur ne se limite pas qu’à mesurer son intensité, mais aussi à rechercher une cause autre que l’intervention elle-même. La recherche d’un globe vésical, d’un hématome sous tension, de la malfaçon d’un pansement, de la mise en tension d’un drainage, voire de la douleur thoracique d’un pneumothorax, appelle des traitements spécifiques que ne doit pas retarder un traitement antalgique à l’aveugle purement symptomatique. Les moyens de soulagement de la douleur en postopératoire Les moyens médicamenteux sont principalement utilisés dès l’arrivée en salle de surveillance postinterventionnelle. Les antalgiques du palier I sont largement prescrits. Il s’agit du paracétamol et du néfopam (Acupan®). Le paracétamol est initialement prescrit sous forme injectable à la dose de 1 g 4 fois par jour. Les rares contre-indications sont celles de l’existence d’une allergie vraie et d’une insuffisance hépatique avérée. Le relais par voie digestive est, pour des raisons de simple économie, effectué dès que possible par administration par voie orale ou par sonde digestive en utilisant la forme en poudre. Le néfopam s’administre essentiellement par voie I.V., la prise per os des ampoules injectables étant entachée d’une absorption aléatoire. Il peut être administré de manière discontinue ou continue sur 24 h à la dose de 120 mg/j. Sa tolérance est généralement bonne, en le contreindiquant chez les patients tachycardes ou porteurs d’adénome prostatique ou de glaucome. Ces deux produits sont rarement suffisants dès que l’intensité de la douleur devient moyenne. Ils peuvent être associés aux antalgiques plus puissants. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont largement prescrits pour la période postopératoire en chirurgie ORL. Cette prescription est étayée par l’importance de la réaction inflammatoire dans ce type de chirurgie où les agents proinflammatoires comme les prostaglandines viennent exciter les terminaisons nociceptives. Deux produits injectables sont utilisables : le kétoprofène (Profénid®) et le parécoxib (Dynastat®). Le kétoprofène est un inhibiteur non sélectif des cyclo-oxygénases 1 et 2 (COX-1 et 2) administrable à la dose de 1 mg/kg 3 fois par jour. Le parécoxib, d’utilisation plus restreinte, est un inhibiteur sélectif de la COX-2. Si ces produits sont efficaces en termes d’antalgie, ils doivent respecter des contre-indications à rechercher systématiquement : insuffisance rénale y compris fonctionnelle, association à des inhibiteurs de l’enzyme de conversion ou des récepteurs de l’angiotensine, atteinte hépatique ou gastrique, coronaropathie. La meilleure prévention des effets indésirables est une prescription de brève durée n’excédant pas 48 heures. Les antalgiques opioïdes du palier II ont pour seul représentant le tramadol (Topalgic®, Contramal®). Peu adapté au traitement initial des douleurs postopératoires, il est surtout prescrit en relais d’antalgiques plus puissants par voie orale, associé au paracétamol lorsque la douleur postopératoire diminue. Ses effets atropiniques, des troubles digestifs, des sensations vertigineuses en sont des facteurs limitants de prescription. C’est aux morphiniques puissants du palier III qu’il est fait le plus souvent appel pour calmer la douleur postopératoire. La grande variabilité des réponses individuelles à ces produits du fait de facteurs génétiques, de l’expérience de traitements opioïdes antérieurs, de l’usage de cannabis, impose une injection initiale selon la méthode de titration décrite dans la figure 1.   Figure 1. Protocole de titration intraveineuse de morphine en salle de surveillance postinterventionnelle (SSPI). Deux produits injectables sont employés : la morphine et l’oxycodone (Oxynorm®). L’oxycodone injectable est un morphinique particulièrement intéressant, car son métabolisme est peu influencé par les caractéristiques génétiques de l’individu et ses métabolites sont dénués d’activité et d’effets indésirables. Après avoir obtenu un taux sanguin efficace par la titration, le relais est pris par l’administration de l’un de ces deux morphiniques par voie souscutanée, intraveineuse ou orale. La voie sous-cutanée, bien que la plus pratiquée dans le monde, ne garantit pas une biodisponibilité fiable du fait des variabilités de la vascularisation souscutanée. La voie intraveineuse a vu les méfiances du personnel soignant vis-à-vis des surdosages s’effacer par l’usage de l’analgésie autocontrôlée par le patient (Patient Controlled Analgesia ou PCA). L’opéré s’auto-injecte, en cas de douleur, de faibles doses de 2 mg de morphine ou 1 mg d’oxycodone à des intervalles possibles de 5 minutes environ (figure 2). Dès que l’alimentation orale est possible, la voie orale est indiquée; la conversion entre voie orale et voie veineuse se fait selon un facteur 3 pour la morphine (1 mg de morphine I.V. Û 3 mg p.o.) et un facteur 2 pour l’oxycodone. La prévention de la constipation induite par l’activation des récepteurs opioïdes digestifs est systématiquement entreprise par la prescription de laxatifs et des conseils de bonne hydratation et de lever précoce.   Figure 2. Pompe d’auto-administration d’opioïdes. Lorsque la douleur postopératoire diminue naturellement d’intensité avec le temps, le traitement du palier III est relayé par un antalgique du palier II généralement associé à du paracétamol. Les douleurs chroniques postopératoires Les douleurs chroniques postopératoires sont déconcertantes, tant pour le patient que pour son opérateur. En effet, le caractère inexpliqué et rebelle aux antalgiques habituels de ces douleurs ainsi que son retentissement important sur la vie quotidienne de l’opéré font que, se sentant incompris ou abandonné, ce dernier peut développer une attitude faite de récrimination vis-à-vis de ses médecins. La reconnaissance de ces douleurs chroniques postopératoires apparaissant malgré une indication pleinement justifiée, un geste techniquement correct, des suites opératoires non compliquées, est récente, contemporaine de l’identification plus fréquente des douleurs neuropathiques qui sont souvent retrouvées dans le mécanisme générateur de ces douleurs. Ces douleurs constituent une complication d’un geste opératoire et représentent un aléa thérapeutique (douleurs cervicales après cervicotomie) dont le futur opéré doit être informé de la survenue possible. L’incidence de ces douleurs est d’appréciation variable car les résultats diffèrent en fonction du moment où elle est considérée comme anormalement persistante et de son intensité. Une persistance à un an et un retentissement sur la qualité de vie du fait de l’intensité sont les critères à retenir pour la définir. Les chirurgies ORL les plus pourvoyeuses de douleurs chroniques sont les cervicotomies et la chirurgie des sinus maxillaires. En chirurgie carcinologique, l’association à une chimiothérapie neurotoxique ou une radiothérapie représente des facteurs favorisants. Mécanismes des douleurs chroniques postopératoires La lésion nerveuse représente la principale cause des douleurs chroniques postopératoires de type neuropathique. Cette lésion nerveuse est essentiellement mécanique par section par le bistouri lors de l’abord de la zone à opérer, coagulation par le bistouri électrique ou compression par l’application d’un écarteur. Le nerf lésé est le siège de décharges ectopiques spontanées et de réponses exagérées à la stimulation. La lésion nerveuse par section peut aboutir à la constitution d’un névrome dont la moindre stimulation se traduit par d’importantes douleurs à type de sensations de décharges électriques. Le nerf lésé est le siège de décharges ectopiques spontanées ou exagérées en cas de stimulations non nociceptives. Au niveau histologique, il est constaté une dégénérescence des fibres fines C amyéliniques suivie de la mort des interneurones impliqués dans le contrôle segmentaire de la transmission de la nociception. Tout comme une stimulation nociceptive intense et prolongée, une lésion nerveuse entraîne une sensibilisation centrale, en particulier au niveau médullaire où l’implication des cellules gliales a été mise en évidence avec libération de glutamate, activation de canaux sodiques et dysrégulation des canaux calciques. L’implication des cellules gliales au niveau médullaire, de reconnaissance plus récente, agit par la production de cytokines modifiant la régulation inhibitrice du message douloureux. L’examen clinique Les questions posées sur la nature de la douleur sont classiquement celles de l’évaluation de toute douleur neuropathique recherchant des sensations de brûlures, de froid douloureux, de décharges électriques, de fourmillements, picotements, d’engourdissement et de démangeaisons. L’examen clinique s’attache à constater une hypoesthésie au tact ou à la piqûre et une augmentation de la douleur par le frottement (allodynie dynamique). Le soulagement des douleurs chroniques postopératoires Le plus souvent, la douleur iatrogène postopératoire est « cicatricielle » donc inaccessible à un traitement chirurgical. Les traitements font appel à la quasitotalité des thérapeutiques d’une douleur chronique à composante neuropathique. Les traitements locaux  L’application d’anesthésiques locaux Deux présentations sont disponibles sans toutefois disposer d’AMM dans ces indications. Il s’agit du mélange eutectique en crème de lidocaïne et procaïne (EMLA®) et de l’emplâtre de lidocaïne (Versatis®). Le niveau de preuve retrouvé dans la littérature est faible, portant principalement sur le soulagement des douleurs postzostériennes. La rareté des effets indésirables retrouvés incite à leur utilisation, particulièrement lorsque les douleurs sont à composante allodynique ou hyperpathique, recouvrant un territoire nerveux superficiel et limité.  L’infiltration d’anesthésiques locaux Une seule indication émerge : celle de l’existence d’un névrome diagnostiqué cliniquement, et parfois à l’aide de l’échographie, voire d’une IRM. Le caractère très douloureux de cette infiltration peut conduire à la pratiquer avec une anesthésie locorégionale du territoire intéressé par le névrome, voire par une antalgie poussée avec utilisation de kétamine. Un corticoïde est souvent ajouté à l’anesthésique local (lidocaïne ou ropivacaïne 0,2 %).  La stimulation électrique transcutanée La stimulation électrique transcutanée (TENS) est reconnue comme efficace dans le soulagement des douleurs neuropathiques. En l’absence d’allodynie et avec l’accord du patient, cette technique se montre efficace, particulièrement en cas de douleur radiculaire ou tronculaire. Les traitements médicamenteux Ce sont ceux d’une douleur neuropathique dont les indications sont maintenant codifiées, associant antidépresseurs (Laroxyl®, Cymbalta®), anticonvulsivants (Neurontin®, Lyrica®) et en deuxième intention, des opiacés (Tramadol®, oxycodone). Le caractère rebelle de ces douleurs fait envisager, dans le cadre d’une structure d’évaluation et de traitement de la douleur chronique, le recours à des antagonistes de récepteurs NMDA. La kétamine (Kétalar®), anesthésique général utilisé pour ses propriétés antihyperalgiques par blocage des récepteurs NMDA, a été utilisée par voie parentérale, mais également par voie orale vis-à-vis de douleurs neuropathiques rebelles, mais avec une sécurité d’administration faible et la méconnaissance de l’administration à long terme sur le psychisme.

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