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Cancérologie

Publié le 09 jan 2011Lecture 11 min

Chirurgie minimale invasive robotisée. Application en cancérologie des voies aérodigestives supérieures

S. HANS, D. BRASNU, Service d’ORL et de chirurgie de la face et du cou, Hôpital européen Georges Pompidou
Le développement de la chirurgie a toujours été la conséquence de l’évolution des technologies et d’un transfert de ces technologies vers des applications médicales. Les nouvelles techniques de caméra numérisée et de vidéo ont favorisé la coeliochirugie réalisée maintenant en haute définition. L’informatique permet aujourd’hui l’utilisation de robot assistant le chirurgien. Dans l’avenir, la miniaturisation des instruments permettra de réaliser une chirurgie de moins en moins invasive. Initialement introduite dans différentes spécialités chirurgicales, la chirurgie robotisée commence à se développer en cancérologie des voies aérodigestives supérieures (VADS ).
Le développement : de la coeliochirurgie à la chirurgie robotisée L’objectif des techniques chirurgicales minimales invasives est de réduire la taille des incisions cutanées ou d’utiliser les orifices naturels comme voies d’abord chirurgicales. Cela permet une réduction des durées d’hospitalisation, une diminution des douleurs postopératoires et une limitation des complications liées aux voies d’abord larges. La chirurgie minimale invasive s’est ainsi développée en introduisant des fibres optiques soit par les voies naturelles ou par de petites incisions où sont introduits des caméras et des instruments chirurgicaux. Cependant, les contraintes de la coeliochirurgie impliquent une perte des mouvements classiques de la main, limitent la vision en 2 dimensions et nécessitent des positions peu ergonomiques pour le chirurgien. L’introduction du robot en coeliochirurgie a permis de réaliser des interventions plus complexes que la coeliochirurgie classique. La chirurgie robotisée a plusieurs avantages : – une vision en 3 dimensions contre 2 dimensions en coeliochirurgie conventionnelle ; – une vision stable car l’optique est maintenue et mobilisée par un des bras articulés du robot ; – une gestuelle plus précise et plus fine avec une plus grande liberté dans les 3 axes de l’espace ; – une suppression du tremblement physiologique. Enfin, le chirurgien étant assis et dans l’axe de la console, il travaille dans des conditions ergonomiques plus favorables. Au cours des années 1990, deux types de robot ont été développés : Zeus et Da Vinci respectivement par les sociétés Computer Motion Inc. et Intuitive Surgical Inc. De nombreuses spécialités chirurgicales ont adopté la chirurgie robotisée et ont montré ses avantages et ses inconvénients en neurochirurgie, en chirurgie digestive, en urologie, en chirurgie cardiaque, en gynécologie, etc. Progressivement, le robot Da Vinci s’est imposé. Ainsi, en urologie, la première prostatectomie radicale coelioscopique assistée par le robot Da Vinci a été réalisée en 2000 dans le service du Pr Abbou au CHU Mondor (Créteil). Cette équipe a montré que l’utilisation du robot pour la prostatectomie radicale a permis, en comparaison avec la chirurgie ouverte, des pertes sanguines moins importantes, une durée d’hospitalisation plus courte, des cicatrices plus petites et un retour rapide à la vie active (1). Aujourd’hui, plus de 80 % des prostatectomies radicales sont faites aux États-Unis avec l’assistance du robot Da Vinci. Plusieurs équipes chirurgicales ont montré que la chirurgie robotisée nécessite, comme la chirurgie par voie externe, l’implication de tous les personnels soignants : les infirmières, les aides-soignants, les anesthésistes et les chirurgiens. Un technicien est nécessaire pendant l’intervention lors de la phase d’apprentissage. Les durées opératoires et les durées d’utilisation des salles de bloc opératoire sont équivalentes à la chirurgie classique. Les inconvénients de la chirurgie robotisée sont dominés par son coût : achat du robot, frais annuels importants de maintenance et achat du matériel à usage limité qu’il faut remplacer.   En pratique Le robot chirurgical sert à commander des instruments endoscopiques au cours d’interventions chirurgicales. Il a été conçu pour être utilisé en salle d’opération par le personnel médical. Le robot se compose des éléments suivants : une console de chirurgien avec visionneuse stéréo à affichage tridimensionnel incorporée, un chariot de chirurgie avec des bras d’instrumentation et un chariot d’imagerie. Le chirurgien est assis à la console et opère à l’aide de deux manipulateurs. La tête du chirurgien repose entre des capteurs infrarouges situés de part et d’autre de la fenêtre de visualisation d’où il peut examiner l’affichage tridimensionnel agrandi du champ opératoire dans la visionneuse stéréo. Les extrémités des instruments sont alignées sur l’écran d’affichage avec les manipulateurs pour assurer les mouvements naturels et prévisibles des instruments. Le chirurgien retrouve le rapport d’orientation main/oeil et la sensation opératoire naturelle dont il a l’habitude en chirurgie par voie externe. Le robot chirurgical place les mouvements des instruments sous le contrôle direct et en temps réel du chirurgien. Il utilise une structure cinématique (reposant sur la théorie des mouvements d’articulation) permettant au chirurgien d’employer des techniques de chirurgie ouverte depuis la console. Ces techniques de chirurgie par voie externe sont instantanément converties dans le site chirurgical en gestes de chirurgie minimale invasive. À l’aide du robot, le chirurgien bénéficie d’un accès par des incisions de taille réduite sans avoir à compromettre la dextérité, la précision et les gestes naturels nécessaires en chirurgie par voie externe. Les composants électroniques du robot autorisent les démultiplications des mouvements de la main du chirurgien. Cette démultiplication des mouvements réduit les gestes de la main à des déplacements proportionnellement plus petits de l’extrémité de l’instrument dans le champ opératoire. Les instruments ont un total de 6 degrés de liberté. Différents réglages permettent au chirurgien d’optimiser la démultiplication en fonction d’applications cliniques variées. Les tremblements naturels de la main du chirurgien sont éliminés par un système de filtrage électronique assurant une maîtrise stable et prévisible des instruments. L’existence de l’interface électronique dans la vision et l’instrumentation donne à la téléchirurgie une nouvelle dimension. Elle permet d’opérer un patient à distance, par un chirurgien expert, à partir de n’importe quel endroit dans le monde. C’est initialement l’armée américaine qui a permis le développement de cette chirurgie robotisée ; le but était de traiter les soldats sur les champs de bataille, dans les sous-marins…avec des chirurgiens spécialisés à distance. La combinaison de la chirurgie robotisée à la télémédecine a permis de réaliser la première cholécystectomie en 2001. L’équipe chirurgicale était localisée à New York alors que la patiente était à Strasbourg (équipe du Pr Marescaux).   Application de la chirurgie robotisée à la cancérologie des VADS La chirurgie minimale invasive endoscopique au laser CO2 a été introduite dans les années 1970. Elle permet de traiter les tumeurs glottiques et supraglottiques de stade précoce avec d’excellents résultats. Cette technique a été ensuite, depuis les années 1990, réalisée par différentes équipes chez des patients sélectionnés atteints d’un stade avancé de tumeur glottique et/ou supraglottique, le plus souvent complétée par une radiothérapie postopératoire (2). Cette chirurgie minimale a été validée pour les cancers du larynx de faible volume avec des résultats supérieurs en termes de qualité de vie et de qualité vocale, et équivalents en termes de taux de préservation laryngée par rapport à la chirurgie conservatrice par voie externe. La chirurgie minimale invasive par voie endoscopique au laser CO2 permet de diminuer les durées d’hospitalisation et de la morbidité postopératoire, elle évite la trachéotomie le plus souvent, et au total elle permet une diminution du coût de la prise en charge. La qualité de la voix serait également meilleure que par chirurgie par voie externe (2). Cependant, la chirurgie par voie endoscopique au laser est essentiellement réalisée chez des patients atteints de tumeurs du larynx : le plan glottique et la partie supraglottique du larynx. Les autres sites anatomiques des voies aérodigestives supérieures sont beaucoup plus difficiles d’accès en raison de la difficulté d’exposition et des difficultés de réséquer correctement la tumeur : il s’agit essentiellement de l’oropharynx, de l’hypopharynx et de la région sous-glottique. Lors de la résection des tumeurs siégeant sur la paroi latérale de l’oropharynx et de la face externe des sinus piriformes, l’axe de vision du microscope et du rayon laser étant tangentiels à la tumeur, l’exposition et la résection sont très difficiles. Ces difficultés inhérentes à la chirurgie au laser CO2 par voie endoscopique et l’évolution technologique ont permis l’application de la chirurgie robotisée en cancérologie des VADS. Initialement développée aux États-Unis, la chirurgie robotisée a montré son efficacité pour l’exposition et la résection de tumeurs situées au niveau de sites anatomiques des VADS difficiles d’accès par voie endoscopique. Les premières études publiées datent de 2005 et ont été réalisées chez l’animal, des cadavres humains et des mannequins (3-5). Elles ont permis de valider l’application de la chirurgie robotisée aux voies aérodigestives supérieures en termes de faisabilité (partage de l’airway avec les anesthésistes), de possibilités d’exposition, du contrôle de l’hémostase, de résection, etc. Elles ont été rapidement suivies par des études chez des patients atteints d’un cancer de différents sites des VADS : l’oropharynx, le pharynx et le larynx (7-13). Ces différentes études ont montré que le robot à trois bras était parfaitement adapté à la résection des cancers des VADS. Deux études ont montré la possibilité et les intérêts de l’utilisation d’un laser manipulé par l’un des bras du robot(10,11). La réalisation de lambeaux locaux pédiculés, voire de lambeaux libres, par chirurgie robotisée a été rapportée en raison des degrés de liberté des instruments, de dissection et de sutures(12,13). Enfin, certains auteurs ont montré l’apport de la chirurgie assistée au robot pour l’abord, l’exposition et la résection de tumeurs de la base du crâne antérieure et médiane (14,15). Dans le cas des patients atteints d’un cancer des VADS, les avantages de la chirurgie robotisée sont les suivants : – accès à des sites anatomiques non accessibles classiquement à la voie endoscopique ; – absence de cicatrice cervicale ; – absence de trachéotomie ; – absence d’alimentation par sonde nasogastrique ou de gastrostomie ; – obtention d’une meilleure qualité de vie ; – enfin, la chirurgie robotisée permet également de réaliser des sutures des lambeaux, ce que ne permet pas la chirurgie classique par voie endoscopique. Ces premiers travaux montrent que les contre-indications essentielles de la chirurgie robotisée en cancérologie des VADS sont les contre-indications de l’anesthésie générale, l’impossibilité d’exposition et de résection de la tumeur en raison de sa situation et/ou de sa taille. L’atteinte de l’os mandibulaire, les tumeurs avancées de la base de la langue nécessitant la résection de plus de 50 % de celle-ci, les tumeurs avancées du pharynx nécessitant la résection de plus de 50 % de la paroi postérieure et l’atteinte du plan vertébral semblent actuellement les contre-indications cancérologiques de la résection par chirurgie robotique ; ces données sont également vraies pour la chirurgie conservatrice pharyngolaryngée et oropharyngée. Depuis 2005, plus de vingt études ont été publiées sur la chirurgie robotisée chez l’animal, le cadavre et des sujets humains, et dans différentes localisations de cancers des VADS (Pubmed). Ces premiers travaux sont préliminaires. Plusieurs équipes dans le monde, notamment en France, développent cette chirurgie qui peut être considérée comme une stratégie de préservation d’organe. L’Hôpital européen Georges Pompidou a mis à la disposition des équipes chirurgicales un robot Da Vinci. L’équipe du service d’ORL a commencé en 2009 la réalisation d’actes chirurgicaux robotisés dans le cadre d’une étude prospective d’évaluation où sont inclus des patients atteints d’un cancer des VADS.   Conclusion L’avenir est très certainement à la robotique. La miniaturisation et le développement de nouvelles technologies permettront de créer des robots aidant les chirurgiens en facilitant leurs gestes pour une chirurgie de plus en plus précise et la plus minimale invasive possible. L’introduction d’un ordinateur dans l’interface entre le chirurgien et son patient sera à l’origine, dans le domaine chirurgical, d’une révolution semblable à celle introduite par l’informatique en aéronautique.  

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