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Infectiologie

Publié le 25 avr 2024Lecture 7 min

Tuberculose : état des lieux

Gérard GERTNER, d’après le BEH n°6-7, 19 mars 2024

L’OMS évalue à plus de 10 millions le nombre de personnes dans le monde atteints de tuberculose en 2022 et 1,5 million de décès chaque année. De plus, ce nombre est en augmentation de 16 % par rapport à 2021 et de 28 % par rapport à 2020. Certes, dans la plupart des pays de l’Europe de l’Ouest, l’incidence de la tuberculose a fortement diminué au cours des dernières décennies, et la France est considérée comme un pays de faible incidence de tuberculose. Cependant, elle n’est pas épargnée : après une diminution au cours de la pandémie de Covid-19, l’incidence est remontée.

En 2018, soit avant la pandémie de Covid-19, un peu plus 5 000 cas de tuberculose maladie ont été déclarés en France, soit un taux de 7,6 cas pour 100 000 habitants. Cependant, ce taux est extrêmement variable selon les régions et les populations considérées : les chiffres les plus élevés se retrouvent en Guyane, à Mayotte et dans une moindre mesure en Ile-de-France, mais surtout chez les personnes nées à l’étranger, chez les personnes sans domicile fixe et dans les prisons. Le nombre de cas est plus élevé chez les hommes et chez les adultes jeunes (entre 20 et 39 ans), les enfants de moins de 5 ans ne représentent qu’un faible nombre de cas. Les formes pulmonaires, associées ou non à d’autres localisations, représentent plus de 70 % des cas et sont considérés comme potentiellement contagieux. Parmi les formes pulmonaires, 45 % ont un examen microscopique positif alors qu’il est négatif ou non renseigné, mais avec une culture positive sur prélèvement respiratoire chez 25 % des patients. Ainsi, 70 % des cas déclarés avec une localisation pulmonaire sont considérés comme potentiellement contagieux. À noter que moins de la moitié des tuberculoses maladie déclarées en 2021 ont une issue de traitement renseignée, soit une forte baisse depuis 2017.   LES EFFETS DE LA COVID-19   La survenue de la pandémie de Covid-19 a modifié considérablement la situation sanitaire lorsque les mesures barrières ont été mises en place. Rappelons l’obligation du port du masque dans les espaces publics, la fermeture des écoles et la restriction des déplacements. À noter qu’en Europe, la plus grande baisse des cas déclarés était observée dans les pays dans lesquels les limitations de déplacements étaient les plus importantes. Dans le même esprit, on a observé une baisse des voyages internationaux et par conséquence de l’arrivée de ressortissants en provenance de pays de forte endémie tuberculose sur le sol européen. Toutes ces mesures ont joué un rôle majeur dans les maladies à transmission respiratoire telle que la tuberculose. Ainsi, en 2020, le taux de déclaration de tuberculose a diminué de 10 %. Cette baisse s’est poursuivie en 2021, bien que plus faible, mais toujours significative. Cependant, les restrictions de déplacements à l’intérieur du pays ont pu aussi entraîner une baisse des diagnostics, du fait de la moindre fréquentation et la crainte de fréquenter des structures de soins surchargées de patients Covid-19. Par ailleurs, face à des signes cliniques peu spécifiques, dans un contexte pandémique, les médecins ont peut-être été conduits à rechercher en premier lieu une infection par le SARS-CoV-2, négligeant une possible tuberculose. Enfin, débordés par des activités pandémiques, les médecins n’ont pas eu de temps suffisant pour effectuer les déclarations. À noter que le dispositif de surveillance de la tuberculose à travers la déclaration obligatoire a évolué depuis 1964 : élargissement des déclarations aux infections tuberculeuses latentes (ITL) chez les enfants de moins de 18 ans, surveillance des issues du traitement des patients atteints de tuberculose maladie et la télédéclaration (e-DO) dont le développement a débuté en 2016, mais qui ne se généralise que très lentement.   2023 : REMONTÉE DU NOMBRE DE CAS DE TUBERCULOSE   Les données provisoires montrent une augmentation de l’incidence de la tuberculose en France et dans la plupart des pays de l’Union européenne. Cette augmentation concerne également le nombre de décès, le nombre de cas graves et de tuberculoses à bacilles multirésistants (MDR – MultiDrug Resistant). Ces derniers sont avant tout observés dans les pays de forte incidence de tuberculose. La perturbation des services de soins pendant la pandémie pourrait dans certains cas entraîner un excès de cas et de décès dans les prochaines années, dus à l’accumulation des cas non diagnostiqués pendant la première année pandémique et les périodes de confinement. Compte tenu de ce ces données pour 2023 et de la situation observée dans d’autres pays, la surveillance de la tuberculose doit rester une priorité, afin de détecter précocement une évolution défavorable des indicateurs épidémiologiques de cette maladie, en ciblant particulièrement les sous-groupes de la population les plus touchées par la tuberculose.   LA TUBERCULOSE À BACILLES MULTIRÉSISTANTS AUX ANTIBIOTIQUES   On estime qu’il y a, chaque année, près de 500 000 nouveaux cas de tuberculose multirésistante dans le monde, mais seule une infime fraction est traitée avec succès. Les deux tiers des cas de tuberculose sont concentrés dans 8 pays : Inde, Indonésie, Chine, Philippines, Pakistan, Nigéria, Bangladesh et République démocratique du Congo. Parmi les cas de tuberculose observés en Europe de l’ouest, un tiers est d’origine étrangère au pays déclarant. Les taux d’incidence les plus élevés se trouvent en Roumanie, en Lituanie et au Portugal. Parmi l’ensemble des cas mondiaux de 2022, on estime qu’environ 410 000 étaient atteints de tuberculose à bacilles résistants à la rifampicine (RR), ou multirésistants aux antibiotiques (MDR), c’est-à-dire résistants à la fois à l’isoniazide et à la rifampicine. Trois pays totalisaient 42 % des cas résistants au moins à la rifampicine : l’Inde, les Philippines et la Russie. Seulement 2 malades sur 5 atteints de tuberculose MDR dans le monde ont eu accès à un traitement adapté et le succès thérapeutique était de 63 %. En Europe de l’ouest, 4,2 % des cas testés ont été atteints de tuberculose MDR, mais seulement la moitié d’entre eux ont eu une issue favorable à leur traitement. Au cours des 10 dernières années, la tuberculose MDR a représenté en France de 44 à 110 cas par an, soit une proportion de 1,4 % à 2,6 % du total des cas de tuberculose à culture positive signalés par le Centre national de reference des mycobacteries et de la resistance des mycobacteries aux antibiotiques (CNR-MyRMA). La région Ile-de-France représente près de la moitié des cas. La majorité des malades étaient des hommes, d’en moyenne 35 ans et dont 85 % étaient nés hors de France. Environ 10 % étaient co-infectés par le VIH et plus de 80 % avaient une atteinte pulmonaire de la leur tuberculose.   DES TRAITEMENTS DE PLUS EN PLUS EFFICACES   Le traitement des tuberculoses MDR a longtemps été synonyme de durée prolongée, faible efficacité et toxicité médicamenteuse. L’arrivée de nouveaux antituberculeux et les nouvelles combinaisons de ces antibiotiques sont en train de transformer le traitement des tuberculoses MDR. Ce traitement des MDR est devenu aussi court et efficace que celui des tuberculoses a bacilles sensibles. Les antibiotiques antituberculeux indiques pour traiter une tuberculose RR ou MDR sont classes en trois groupes selon leur importance dans le traitement d’après la nouvelle classification de l’OMS. Le groupe A des antibiotiques très efficaces et fortement recommandes comprend la bedaquiline, les fluoroquinolones et le linezolide. Le groupe B comprend les antibiotiques de second choix (clofazimine, cycloserine, terizidone). Le groupe C comprend les antibiotiques qui peuvent être utilises quand ceux des groupes A et B ne peuvent l’être (par exemple, ethambutol, pyrazinamide, aminosides, delamanide...). Le mauvais pronostic des tuberculoses MDR traités par fluoroquinolones est dû aux tuberculoses résistantes aux fluoroquinolones (XDR). Le linézolide, en inhibant la synthèse protéique, est efficace, mais au prix d’une toxicité importante (neuropathies périphériques ou optiques). La bédaquiline est un inhibiteur de la synthèse de l’ATP qui a montré, qu’ajoutée à un traitement « classique» de tuberculose MDR, elle augmente la proportion d’issues thérapeutiques favorables et permet de passer à un traitement entièrement par voie orale. Par ailleurs, le pétromanide et le délamanide qui sont des introamidazolés qui inhibent la synthèse de la paroi bactérienne, ont une activité bactéricide précoce. Enfin, plusieurs études associant plusieurs de ces antibiotiques ont montré non seulement une grande efficacité sur les tuberculoses XDR, mais également une réduction de la durée du traitement. Ainsi, l’OMS recommande l’association bédaquiline, prétomadine, linézolide et moxifloxacine (BPaLM), et ce, avec une durée de traitement de 6 mois. Cette efficacité est probablement due à la combinaison à la grande variété des mécanismes d’action des différentes molécules. Enfin, les résultats de l’essai endTB qui a évalué 5 schémas expérimentaux dans la tuberculose multirésistante, en comparaison avec les schémas thérapeutiques habituels, ont montré des résultats favorables dans 85 % à 90 % des cas selon le type d’associations thérapeutiques, avec une réduction très significative de la durée du traitement.   DES SÉQUELLES APRÈS GUÉRISON   La maladie pulmonaire post-tuberculeuse apparaît comme une entité de plus en plus discutée lors des principaux congrès internationaux. On admet qu’environ 155 millions de personnes étaient en vie en 2020 après avoir survécu à une tuberculose, soit environ 2 % de la population mondiale. Or, il semble que les sujets ayant survécu à une tuberculose sont exposés à un sur-risque de mortalité estimé à 1,62 par rapport à des sujets contrôles. Ainsi, une métaanalyse récente a montré que près des deux tiers des patients ayant réalisé une spirométrie après avoir terminé leur traitement antituberculeux avaient des résultats anormaux. Chez ces patients, on retrouve fréquemment une BPCO, même en l’absence de séquelles radiologiques thoraciques. Enfin, il existe un sur-risque de cancer broncho-pulmonaire dans cette population.

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