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Troubles du sommeil

Publié le 02 jan 2024Lecture 6 min

Troubles du sommeil et retentissement sur l’oreille interne

Fabienne CARRÉ, Pitié-Salpêtrière, Paris, d’après le Dr Nathalie Cynamon-Aisenberg (SFORL 2023)

Les troubles du sommeil sont bien connus pour leur incidence dans les complications cardiologiques, neurologiques, endocriniennes et autres. L’incidence du sommeil sur les troubles de l’équilibre est, quant à elle, peu connue. L’objectif est de penser à évoquer un trouble du sommeil chez certains de nos patients résistants à la rééducation. L’idée est également d’évaluer le retentissement de ces troubles du sommeil et leur impact sur l’audition et également les acouphènes.

Le rythme circadien est bien connu et plusieurs études ont évalué son rôle sur ces différents éléments. Il a été montré que les stratégies de compensations concernant le contrôle postural sont variables au cours de la journée. Le matin, il existe une prédominance du système visio-vestibulaire alors que le soir, il existe une prédominance du système cérébelleux. Les seuils de détection des déséquilibres sont plus sensibles dans la soirée. Ces constatations ont un impact en rééducation puisque le soir, il existe une meilleure compensation. On en déduit qu’il vaut mieux faire travailler les patients à différents horaires pour mettre en jeu des stratégies de rééducation différentes. Le premier et le dernier bilan de rééducation doivent être faits aux mêmes horaires pour pouvoir être comparatifs. Concernant l’effet du rythme circadien dans la sévérité perçue d’un acouphène, il a été montré une forte corrélation entre le rythme circadien et la sévérité de la perception de l’acouphène avec 65 % de patients acouphéniques rapportant une variation de la sévérité de leur acouphène au cours de la journée. Le travail posté entraîne une désynchronisation des deux horloges. Le temps de sommeil dans la journée est toujours plus court que le temps de sommeil des nuits. Moins d’un tiers des personnes travaillant la nuit caleront les deux horloges entre pression de sommeil et homéostasie, donc dormira quand la pression de sommeil sera maximale et la température corporelle au plus bas. Le sommeil est alors de moins bonne qualité et de durée inférieure, ce qui est source de somnolence. Ces difficultés persistent à la retraite avec un rôle du médecin du sommeil et de la chronothérapie indispensable. Il existe un possible rapport entre l’apparition de vertiges paroxystiques positionnels bénins et le décalage de l’horloge circadienne. Les signes peu connus à rechercher chez un patient que l’on suspecte de présente un syndrome d’apnées obstructif du sommeil (SAOS) sont : des sensations vertigineuses le matin et une instabilité au lever. En effet, certaines études rapportent une association positive entre les paramètres de respiration nocturnes et les résultats de stabilité posturale. Les patients ayant un SAOS présentent un risque augmenté de présenter des vertiges. Le SAOS prédominant en sommeil paradoxal est plus fréquent chez les patients vertigineux. D’autres études rapportent des conséquences importantes de la réduction du temps de sommeil sur la vigilance, les performances et les capacités cognitives globales. L’instabilité posturale et les étourdissements liés au SAOS sont améliorés après plusieurs semaines de ventilation nocturne par pression positive continue. Il faut penser à rechercher un SAOS chez des patients qui sont étiquetés avoir des vertiges idiopathiques. D’autres études montrent un effet négatif de la perte de sommeil sur les capacités du contrôle postural et des liens possibles entre les pertes d’équilibre et les chutes chez les personnes âgées, le mauvais sommeil étant plus fréquent dans cette population. L’association entre insomnie et maladie de Ménière est connue. Il faut se poser la question de la mauvaise qualité du sommeil chez des patients présentant une maladie de Ménière ayant une résistance au traitement médical et penser à éliminer un SAOS associé. Dans cette population, une amélioration des symptômes de vertiges et d’audition est rapportée après traitement par ventilation nocturne par pression positive continue. Cette prise en charge thérapeutique du SAOS est utile à la maladie de Ménière. Le fractionnement du sommeil est source de dégradation vestibulaire. Le retentissement diurne pourrait être responsable de plus de crise de Ménière par augmentation du stress, de l’irritabilité et de la somnolence. La position de la tête lors du sommeil est également source d’interrogations sur une possible corrélation avec la latéralité du canal semi-circulaire affecté lors d’un vertige positionnel paroxystique bénin. Il a été montré que les troubles du sommeil sont plus fréquents dans les cas de récidive de vertiges positionnels paroxystiques bénins. Il existerait une augmentation du risque de récidive lorsque le patient dort du côté manœuvré, en cas de mauvaise qualité du sommeil, en cas de SAOS, d’insomnie chronique, d’activité physique pauvre ou encore de décubitus dorsal plus de 10 heures par jour. La mauvaise qualité du sommeil serait d’autant plus importante que les épisodes de vertiges sont présents depuis plus de 12 mois. Il faut donc porter une grande attention à la qualité de sommeil chez les patients présentant des vertiges positionnels paroxystiques bénins. Plus largement, les études montrent une plus mauvaise qualité de sommeil dans toutes les pathologies vestibulaires, ce qui diminue la qualité de vie des patients. Le vertige alternobarique, encore désigné comme le syndrome de Lundgren en plongée scaphandre, correspond à la pression passive d’ouverture de la trompe d’Eustache à 15 cm d’eau. Son mécanisme repose sur l’obstruction d’une seule trompe d’Eustache, ce qui entraîne l’augmentation brutale de pression en cas de forçage à 60 cm d’eau et une asymétrie d’information pressionnelle avec une stimulation vestibulaire asymétrique. Au décours de cet incident de plongée, on retrouve l’absence d’atteinte vestibulaire résiduelle et aucun signe d’atteinte cochléaire. De rares cas cliniques de patients ayant présenté ce type de vertiges sous ventilation par pression continue sont rapportés. Une étude sur le traumatisme sonore chronique que pourrait engendrer le ronflement tend à montrer que ce dernier pourrait causer des pertes auditives aux hautes fréquences. Par ailleurs, on constate chez les patients présentant des SAOS sévères, une baisse de l’amplitude des produits de distorsion des otoémissions acoustiques. L’hypoxie chronique intermittente entraîne la production de radicaux libres toxiques pour la cochlée. C’est une des hypothèses physiopathologiques expliquant le lien entre SAOS et acouphènes, surtout dans la zone des 4 000- 8 000 Hertz, en rapport avec la susceptibilité des cellules ciliées externes dans le tour basal de la cochlée. Par ailleurs, les effets de l’insomnie sur les acouphènes sont rapportés. Les patients insomniaques ont une détresse émotionnelle accrue associée à leurs acouphènes. Ces deux symptômes interagissent ensemble fortement et tendent à s’autoaggraver. Il est bien démontré qu’une augmentation des troubles du sommeil est corrélée à une augmentation de la sévérité de l’acouphène. Le risque de développer un acouphène est plus important chez les patients présentant des troubles du sommeil et chez ceux avec un SAOS. Il existe une corrélation positive entre les questionnaires de sévérité de l’acouphène et du handicap lié à l’acouphène. Plus la gêne liée à l’acouphène est élevée, plus les symptômes d’insomnie le sont également. La mélatonine pourrait améliorer les patients avec un acouphène idiopathique, et surtout ceux avec des troubles du sommeil résultant de l’acouphène. En conclusion, il faut questionner le patient sur d’éventuels troubles du sommeil en cas de vertige inexpliqué. La vigilance et les performances varient dans la journée, en rapport avec le rythme circadien. En pratique, il faut donc adapter les horaires de rééducation et penser à réaliser les tests initiaux et finaux dans les mêmes tranches horaires dans le cadre de la rééducation. En cas de maladie de Ménière, il faut éliminer un SAOS sous-jacent et penser à dépister d’autres troubles du sommeil. Concernant la surdité et les acouphènes chez un patient, il faut éliminer un SAOS associé et expliquer au patient le lien entre la qualité de son sommeil et sa tolérance à l’acouphène, puisque les deux ont un impact fort l’un sur l’autre, et de manière réciproque.

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