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ORL

Publié le 06 juil 2023Lecture 6 min

Place de la biothérapie anti-IL-5 dans la polypose naso-sinusienne en 2023

Émilie BÉQUIGNON, ORL & chirurgie cervico-faciale, CHI de Créteil

La polypose naso-sinusienne (PNS) touche environ 2 à 2,5 % de la population française avec plus d’un million de Français atteints. Il est important de le rappeler à nos patients qui en sont atteints : l’évolution est bénigne et il n’y a jamais de cancérisation des polypes. Environ un tiers des patients ne seraient pas soulagés par les traitements médicaux de 1re ligne. Les traitements chirurgicaux actuels de la PNS peuvent permettre un meilleur contrôle de la maladie à moyen terme, mais le risque de non-contrôle à long terme, ou moyen terme pour certains patients, est élevé. Les biothérapies constituent un nouvel enjeu dans la prise en charge de la PNS(1).

Les biothérapies, ciblant directement la cascade de l’inflammation de type 2 (T2), ont récemment été suggérées comme une alternative thérapeutique de recours pour la PNS alors qu’elles existaient dans l’asthme depuis 2005 et l’autorisation de mise sur le marché (AMM) de l’omalizumab. Les récentes études de phase 3 concernant certaines biothérapies les positionnent comme une avancée thérapeutique majeure pour les patients avec PNS(1). Les mécanismes d’action des biothérapies varient en fonction de chaque molécule. Plusieurs biothérapies ont fait la preuve de leur efficacité dans la PNS, chacune ayant une cible précise, l’omalizumab (anti-IgE), le mépolizumab (anti-interleukine [IL]-5), anticorps dirigé contre l’IL-5 circulante, empêchant le recrutement et l’activation des polynucléaires éosinophiles, le benralizumab (anti-sous-unité alpha du récepteur à l’IL-5 (IL-5R alpha), et le dupilumab (anti-IL-4R alpha), toutes ont fait la preuve de leur efficacité sur la réduction des polypes(2-5). À ce jour, seulement deux biothérapies peuvent être prescrites dans la PNS par les ORL en France : le dupilumab et le mépolizumab (autorisation de la Haute Autorité de santé française, plus restrictive que l’AMM européenne). Le remboursement, en France, ne concerne que les patients atteints de PNS sévère et non contrôlée par la cortisone orale (CSO) et la chirurgie, mais les termes de « sévérité » et de « contrôle de la maladie » ne sont pas consensuels. Le mépolizumab (Nucala®) a l’intérêt d’être également disponible à la prescription dans la granulomatose éosinophilique avec polyangéite (GEPA) et le syndrome hyperéosinophilique (SHE). Dans certains cas frontières avec hyperéosinophilie, asthme et polypose, le choix du mépolizumab pourrait être intéressant.   UNE EFFICACITÉ INCONTESTABLE Concernant leur efficacité thérapeutique, 4 études de phase 3 (dupilumab, omalizumab, mépolizumab, benralizumab) montrent une amélioration statistiquement significative sur le score endoscopique de polypes et le score clinique d’obstruction nasale de ces biothérapies(3-6). Des études comparatives en double aveugle comparant spécifiquement le mépolizumab versus placebo ont montré une réduction des scores cliniques et radiologiques de polypes chez des patients avec PNS réfractaires à la corticothérapie, par rapport à un placebo, avec réduction de l’éosinophilie sanguine(7-11). Dans l’étude de phase 3 SYNAPSE, la moitié des patients dans le groupe traité par mépolizumab ont présenté une diminution de 1/8 en moyenne du score de polypes endoscopique versus 28 % dans le groupe placebo(4). Par ailleurs, 36 % du groupe traité versus 13 % du groupe placebo ont un score de polypes diminué > 2/8. Environ 60 % des patients sous mépolizumab ont une amélioration d’au minimum 3 points d’EVA d’obstruction nasale témoignant d’une très bonne réponse, avec un taux de 27 % de patients présentant < 1 point d’amélioration d’EVA. Ces résultats suggèrent qu’il y a des patients très bons répondeurs et de manière moindre des patients non répondeurs. Or, les facteurs prédictifs de réponse au traitement ne sont pas encore connus à ce jour. Une meilleure identification des endotypes permettrait la personnalisation d’un traitement ciblé sur les mécanismes physiopathologiques en jeu pour chaque patient avec une efficacité accrue. Il y aurait possiblement un intérêt pronostique du taux d’éosinophiles sanguins dans la PNS pour le mépolizumab. Selon l’exemple du résultat sur l’obstruction nasale, on constate une absence d’efficacité significative si les polynucléaires éosinophiles ont un taux < 150/μL. La durée optimale des traitements doit encore être précisée. Les résultats sur l’odorat sont en faveur de l’efficacité des biothérapies. Le mépolizumab a un résultat significatif sur l’appréciation subjective de l’odorat (échelle visuelle analogique) au bout de 52 semaines de traitement(4). Concernant la qualité de vie reliée aux symptômes rhinologiques évaluée par le SNOT-22 (min-max, 0-110), les 3 études de phase 3 (concernant le dupilumab, l’omalizumab et le mépolizumab) montrent une amélioration significative(3-5) ; en particulier le mépolizumab permettait, dans l’étude de phase 3, une amélioration significative du SNOT-22 (différence ≥ 8,9 points) chez 73 % des patients dans le groupe traité par mépolizumab versus 54 % dans le groupe placebo(4). Par ailleurs, la proportion de patients nécessitant une corticothérapie systémique ou une reprise chirurgicale était significativement plus faible à l’issue du traitement pour les 3 molécules testées(3-5). En particulier, 25 % des patients traités par mépolizumab versus 37 % des patients dans le groupe placebo nécessitaient une corticothérapie systémique. Concernant l’étude de phase 3, parmi les patients éligibles à une reprise chirurgicale, 9 % des patients dans le groupe traité versus 18 % dans le groupe placebo ont effectivement nécessité une reprise chirurgicale(4). Dans les études en « vraie vie », publiées récemment, le mépolizumab aurait également une efficacité plus importante chez les patients avec comorbidités tel le syndrome de Widal : PNS réfractaire + asthme sévère + allergie à l’aspirine(12).   UN PROFIL DE TOLÉRANCE FAVORABLE POUR TOUTES LES BIOTHÉRAPIES DANS LA PNS Les effets indésirables non graves les plus fréquents sont la rhinopharyngite, l’épistaxis, les réactions aux points d’injection cutanée et les céphalées(3-5). Des cas de douleurs articulaires, lombaires, oropharyngées et abdominales ont été rapportées pour l’omalizumab et le mépolizumab(4,5). Aucun événement indésirable grave n’a été rapporté pour les biothérapies testées. Sous anti-IL-5, il conviendra de vérifier la bonne déplétion sanguine en éosinophiles, mais la surveillance biologique est moins contraignante par rapport au dupilumab, qui nécessite d’être à l’écoute de signes évoquant une hyperéosinophilie et impose dans ce cas de réaliser une numération à la recherche d’une hyperéosinophilie symptomatique. Les études rapportent en effet une augmentation transitoire sous dupilumab du nombre moyen d’éosinophiles dans les premiers mois, majoritairement asymptomatique, ayant tendance à revenir au niveau de base à la semaine 52(3,13). Des algorithmes sont proposés pour gérer les hyperéosinophilies sous dupilumab en fonction du taux d’éosinophiles et de la présence de symptômes(13). En perspective, les biothérapies, en particulier le dupilumab, le mépolizumab et l’omalizumab, constituent une réelle avancée dans le traitement de la PNS sévère en raison de leur impact sur l’inflammation systémique, l’épargne cortisonique et le recours à une nouvelle chirurgie. La plupart d’entre elles offrent des résultats fonctionnels intéressants en particulier sur l’odorat et la qualité de vie reliée aux symptômes rhinologiques. Il s’agit cependant d’une option thérapeutique non curative, coûteuse, qui doit rester limitée aux patients pour lesquels le bénéfice thérapeutique serait certain. Le mépolizumab dont l’AMM est plus récente que le dupilumab, offre aujourd’hui une possibilité thérapeutique supplémentaire et peut constituer une alternative plus simple pour certains patients (une injection sous-cutanée par mois au lieu de 2 injections pour le dupilumab) et plus simple pour le praticien moins à l’aise avec la surveillance des éosinophiles, en particulier en cas de taux d’éosinophiles élevé. La question du seuil n’est pas tranchée. Certains experts ORL fixent le seuil à 1 500/mm3 d’éosinophiles pour privilégier le mépolizumab en première intention par rapport au dupilumab(14). Cependant, aucun seuil d'éosinophiles n’est retenu dans les AMM des deux biothérapies. Le coût peut être également, pour certains praticiens, un élément de décision (mépolizumab, une injection tous les mois : environ 950 euros/mois versus dupilumab, une injection tous les 15 jours, soit environ 1 300 euros/mois). Enfin, le duo pneumologue/ ORL reste au coeur de la prise en charge de la polypose naso-sinusienne sévère non contrôlée en cas d’asthme associé ; une concertation est indispensable pour discuter d’une reprise chirurgicale ou du choix de la biothérapie tant en initiation qu’en switch (en cas d’échec sur l’asthme et/ou la PNS).

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