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ORL

Publié le 06 juil 2023Lecture 6 min

Prise en charge des sinusites d’origine dentaire

Quentin LISAN, ORL et chirurgie cervico-faciale, Hôpital Foch, Suresnes

Les sinus maxillaires ont des rapports étroits avec certaines dents. Ainsi, le bas-fond sinusien est en contact avec l’apex des racines des prémolaires et des molaires supérieures (par ordre de fréquence : les 6, 5, 7 puis les 4)(1). Normalement, les racines dentaires sont séparées du sinus maxillaire par l’os maxillaire, plus ou moins épais. Une déhiscence (spontanée, traumatique, infectieuse ou iatrogène) explique la diffusion des infections dentaires vers le sinus maxillaire.

La sinusite maxillaire odontogène peut être aiguë (évolution < 3 mois) ou chronique.   LA SINUSITE MAXILLAIRE ODONTOGÈNE AIGUË Une cause dentaire doit être suspectée devant une sinusite maxillaire aiguë en cas d’antécédent récent de soin dentaire, d’un mauvais état dentaire à l’examen ou en cas de sinusite maxillaire unilatérale récidivante. Certaines études estiment que jusqu’à 15 % des sinusites aiguës sont d’origine dentaire(2). Un examen spécialisé par un chirurgien-dentiste, complété par une panoramique dentaire et/ou un CBCT, doit être effectué. Lors de l’examen dentaire, des lésions péri-apicales peuvent être constatées, une complication d’un traitement dentaire (pâte dentaire intra-sinusienne, fistule bucco-sinusienne, traitement endocanalaire incomplet), un kyste apical ou péri-apical ou encore une communication bucco-sinusienne. Le traitement dentaire sera contemporain du traitement de la sinusite, qui sera le plus souvent médical. Un drainage chirurgical du sinus maxillaire est envisagé en cas d’échec de cette prise en charge ou en cas de complications immédiates.   LA SINUSITE MAXILLAIRE ODONTOGÈNE CHRONIQUE La sinusite maxillaire odontogène chronique est une pathologie fréquente, certaines séries estimant jusqu’à 75 % l’origine dentaire en cas de pathologie maxillaire unilatérale chronique(3). Deux grands cadres étiologiques peuvent être considérés : les pathologies dentaires en elles-mêmes, d’une part, et les causes iatrogéniques, d’autre part. Les pathologies dentaires regroupent ainsi les pathologies péri-apicales infectieuses ou les lésions de périodontite, tandis que les causes iatrogènes regroupent les communications bucco-sinusiennes, après avulsion dentaire par exemple, les chirurgies de rehaussement sinusien (« sinus lift ») ou encore les corps étrangers (racines dentaires, matériel de comblement endo-canalaire)(4). Par ordre de fréquence, le facteur le plus fréquemment en cause est une pathologie odontique suivant un traitement dento-alvéolaire, suivi ensuite des lésions périapicales et de la pathologie périodontique, et enfin des complications post-implantatoires(3). Dans le cadre des pathologies dentaires non iatrogéniques, la physiopathologie de la sinusite maxillaire odontogène résulterait de l’évolution d’une carie dentaire atteignant la pulpe puis l’apex de la racine dentaire et finalement entraînant une inflammation du parodonte, réalisant ainsi une parodontite aiguë(5). L’évolution peut se faire vers un abcès dentaire ou bien se faire sur un mode chronique, avec constitution d’un granulome ou d’un kyste radiculaire. Enfin, les sinusites chroniques d’origine dentaire peuvent également être en rapport avec une pathologie tumorale bénigne ou maligne odontogène. La microbiologie des sinusites odontogénique diffère de celle des sinusites maxillaires rhinogènes. La flore est souvent polymicrobienne avec une prédominance d’organismes anaérobies (environ 70 %). Les organismes retrouvés sont fréquemment Peptostreptococcus spp, Prevotella spp et Fusobacterium spp. Hæmophilus influenzae ou Moxarella catarrhalis ne sont pas retrouvés(6). Cliniquement, la symptomatologie est aspécifique, voire très peu bruyante, pouvant associer rhinorrhée postérieure, obstruction nasale ou encore cacosmie. Il a souvent été souligné que l’origine dentaire d’une sinusite chronique peut passer inaperçue et aboutir à un retard diagnostique(7). Ainsi, le délai entre le soin dentaire et le diagnostic de sinusite maxillaire chronique est ainsi évalué entre 1 et 4 ans(3). À l’examen, il sera recherché un bombement du sillon gingival supérieur homolatéral ou une douleur provoquée, l’inspection de l’arcade dentaire recherchera une anomalie dentaire, du pus à son collet ou une communication bucco-sinusienne. Un examen dentaire réalisé par un spécialiste reste nécessaire. En endoscopie, il est fréquemment retrouvé un écoulement purulent au méat moyen (près de 9 % des cas(8)). Un bilan radiologique est indispensable devant la suspicion d’une origine dentaire à une sinusite maxillaire, et ce afin de préciser la nature des lésions dentaires et le retentissement sinusien. L’examen de référence est la TDM sinusienne, ou un cone beam, associée à des coupes des dents supérieures(4), permettant à la fois d’affirmer l’atteinte sinusienne, d’évaluer l’état dentaire, de rechercher une extension de l’infection aux autres sinus antérieurs ou une éventuelle complication. Il est retrouvé un comblement maxillaire partiel ou total, éventuellement associé à un retentissement sur les autres sinus antérieurs de la face, à savoir l’ethmoïde antérieur et éventuellement le sinus frontal comme illustré sur la figure 1. En effet, une atteinte extra-maxillaire est retrouvée jusque dans 88 % des cas(8). La TDM recherche en outre des lésions péri-apicales, une complication d’un traitement dentaire (pâte dentaire intra-sinusienne, fistule bucco-sinusienne, traitement endo-canalaire incomplet), un kyste apical ou péri-apical ou encore une communication bucco-sinusienne. La figure 2 illustre une sinusite maxillaire gauche en regard de lyses périapicodentaires des dents 25, 26 et 27, avec retentissement ethmoïdal antérieur. L’analyse de la TDM naso-sinusienne au niveau de l’interface dento-sinusienne doit être attentive. En effet, jusque 2/3 des comptes rendus radiologiques ne mentionnent pas la présence de pathologies dentaires(8). Figure 1. Sinusite antérieure droite complète, avec atteinte des sinus maxillaire, ethmoïde antérieur et frontal homolatéraux. Figure 2. Sinusite maxillaire gauche sur des lésions péri-apicodentaires des dents 25, 26 et 27. A : coupe coronale, B : coupe sagittale. En l’absence de traitement, l’évolution d’une sinusite d’origine dentaire est la diffusion de l’infection aux sinus antérieurs de la face, essentiellement par blocage ostial. Les complications orbitaires et endocrâniennes restent rares dans le cadre d’une sinusite chronique d’origine dentaire(9). Traitement Le traitement de la forme chronique est médical en première intention, associé au traitement de la dent causale(10). Néanmoins, un traitement chirurgical pour restaurer le drainage sinusien est souvent nécessaire en complément. Des études estiment qu’entre 50 % et 80 % des patients présentant une sinusite maxillaire odontogène nécessiteront un traitement chirurgical du sinus (drainage par voie endoscopique) en plus du traitement dentaire(11,12). En cas de communication bucco-sinusienne ou de corps étranger intra-sinusien, une prise en charge chirurgicale du sinus maxillaire est systématique(5,11). En cas de pathologie sur implant associé à un éventuel rehaussement osseux, le drainage chirurgical du sinus maxillaire par méatotomie moyenne peut être suffisant sans retrait systématique du matériel(13). Le plus fréquemment, la chirurgie consiste en une méatotomie moyenne par voie endoscopique, consistant en une ouverture large du sinus maxillaire incluant son ostium naturel afin d’éviter des phénomènes de recirculation (mucus recirculation syndrome)(14). Un abord endoscopique prélacrymal peut être utilisé afin de contrôler l’ensemble du sinus maxillaire, permettant de ne pas toucher à l’ostium naturel du sinus si celui-ci reste perméable. Cet abord permet notamment une excellente visualisation des parois antérieures et inférieures du sinus maxillaire, comme illustré sur la figure 3. Une approche par voie externe, telle qu’une ponction complémentaire de la fosse canine, ne semble pas apporter de bénéfice(15). En cas de communication bucco-sinusienne dans les suites d’un traitement dentaire, il conviendra de fermer celle-ci immédiatement au décours de l’avulsion dentaire si l’opérateur s’en rend compte, le plus souvent par rapprochement muqueux ou un lambeau de muqueuse en rotation. En cas d’échec, une reprise doit être effectuée, par exemple à l’aide d’un lambeau de graisse de la boule de Bichat ou un lambeau vestibulaire(16). Figure 3. Vue peropératoire d’un abord prélacrymal du sinus maxillaire gauche, permettant notamment un très bon contrôle du bas-fond sinusien (étoile noire) et de la paroi antérieure du sinus maxillaire (étoile blanche).

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