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Asthme

Publié le 06 juil 2023Lecture 8 min

Les plans d’action personnalisés écrits dans l’asthme

Cyril MAURER, École de l’Asthme du GHI Le Raincy-Montfermeil, Montfermeil

Dans l’évolution d’un asthme, les exacerbations et les hospitalisations sont assez fréquentes. Ainsi, en 2015 les taux annuels d’hospitalisation pour insuffisance respiratoire aiguë associée à un asthme étaient de 0,3 pour 10 000 adultes et de 0,9 pour 10 000 enfants selon les données Santé publique France(1).

Parmi les objectifs sécuritaires de l’éducation thérapeutique, il est essentiel que le patient sache reconnaître précocement une exacerbation, en évaluer la gravité et mener la conduite la plus adaptée pour éviter son aggravation, voire le passage aux urgences ou l’hospitalisation. Les plans d’action personnalisés écrits (PAPE) s’imposent de fait et devraient être fournis à tous les asthmatiques, au moins ceux avec un traitement de fond. Ils consistent à mettre le patient en autogestion lors d’une aggravation des symptômes : il va analyser la situation lui-même, évaluer le niveau de sévérité à partir de symptômes et/ou du débit expiratoire de pointe et appliquer la consigne adéquate. Pour cela, les PAPE utilisent le plus souvent une structure en feux de signalisation ou « traffic light »(2), correspondant à des zones de gravité croissante : la zone Verte détermine un asthme contrôlé avec le traitement de fond qui est précisé, la zone Jaune signifie une perte de contrôle et indique comment se fait l’intensification thérapeutique. Quant à la zone Rouge, elle précise les symptômes graves conduisant à un appel immédiat aux secours médicalisés. Parfois, une zone Orange vient s’intercaler entre la Jaune et la Rouge pour identifier une exacerbation nécessitant une corticothérapie orale par exemple(3). Pour qu’ils soient compris et appliqués par les patients, les PAPE doivent être accompagnés d’une démarche éducative. Il s’agira, entre autres de faire émerger par le patient le besoin d’avoir recours à un plan d’action et de l’accompagner dans l’appropriation de cette autogestion(4).   EFFICACITÉ L’efficacité des PAPE a été évaluée par plusieurs études et méta-analyses. Dans la revue Cochrane de 2017 portant sur 15 études et 3 062 patients, l’utilisation d’un plan d’action n’influençait pas la visite aux urgences ou l’hospitalisation lors d’exacerbation d’asthme, même avec une démarche d’éducation thérapeutique structurée(5). Néanmoins, nombre d’études avaient un faible niveau de preuve. La revue effectuée par Pinnock et coll. de 2017 (27 revues systématiques et 13 études randomisées contrôlées) révèle qu’une démarche d’autogestion incluant un PAPE, encadrée par l’ETP réduit les hospitalisations ainsi que les visites non programmées et améliore la qualité de vie des patients(6). Malgré la divergence des résultats de la littérature, les recommandations dans l’asthme préconisent l’utilisation d’un PAPE chez tous les asthmatiques(7,8,9). Un des objectifs du livret blanc Asthme et inégalités, paru en 2020, est notamment de promouvoir les plans d’action. Les PAPE ont aussi une action rassurante pour le patient, souvent inquiet de ne pas savoir quoi faire une fois le bronchodilatateur de courte durée d’action utilisé. Par des points de repère précis (« points d’action »), par des consignes claires, applicables et expliquées, le patient voit son angoisse diminuer.   DIFFICULTÉS La remise de PAPE aux patients par les professionnels de santé reste malheureusement trop limitée. Dans une étude européenne, seuls 30 % des patients asthmatiques qui avaient reçu des corticostéroïdes inhalés dans l’année précédente étaient équipés d’un plan d’action personnalisé(10). Peu de médecins de ville délivrent des plans d’action à leurs patients(11). Certaines études retrouvent que seuls 2 % des patients en recevaient un(12). Les freins en sont le manque de temps, de connaissance, d’expérience ou de confiance à créer des plans d’action appropriés aux recommandations(13). Ainsi, la difficulté à indiquer quelle intensification thérapeutique proposer dans la zone Jaune constitue la principale barrière(14).   COMMENT LE PATIENT VA-T-IL INTENSIFIER SON TRAITEMENT EN CAS D’AGGRAVATION DE SON ASTHME ? La conduite varie selon le schéma thérapeutique du patient (corticostéroïdes inhalés [CSI] en monothérapie, association fixe CSI-formotérol ± en modalité fond et symptômes, association fixe CSI-autre bronchodilatateur de longue durée d’action [BDLDA]) mais aussi selon la sévérité de la situation respiratoire. Les options sont représentées notamment par l’augmentation de la fréquence de prise des traitements de secours (bêta-2 agoniste de courte durée d’action ou CSI-formotérol dans la modalité fond et symptômes[15]), le quadruplement (plutôt que le doublement) des doses de CSI(16,17) ou la majoration jusqu’à la plus haute dose d’une association fixe CSIBDLDA autre que formotérol). La corticothérapie orale est indiquée en cas d’exacerbation plus sévère (DEP ou VEMS < 60 % de la valeur optimale ou théorique ou patient ne répondant pas au traitement après 48 heures). On trouve ainsi dans le GINA(7), une discussion autour des ajustements thérapeutiques selon les cas, résumés dans le tableau 1.   PRINCIPES D’ÉLABORATION Il doit être coconstruit avec le patient afin qu’il soit notamment personnalisé à son traitement de fond et de secours ainsi qu’à ses symptômes et valeurs de DEP qui lui sont propres. On tiendra compte de son vécu vis-à-vis de l’asthme et des exacerbations. Le PAPE est inscrit sur un support : feuille ou ordonnance préremplie, livret de l’asthme, carte d’asthmatique… L’élaboration d’un PAPE repose sur 4 composants clés (tableau 2). Le premier point, c’est de déterminer quand renforcer le traitement. Ce que l’on appelle point d’action (« action points »). Ils sont basés sur les symptômes et/ou le DEP. Pour ce dernier, la comparaison au DEP optimal est plus intéressante que le DEP théorique. Il faut éviter d’utiliser plus de 4 « action points », ce qui risquerait de complexifier la conduite à avoir. Ainsi le concept classique du « traffic light » en comporte 3 ou 4 maximum. Vient ensuite comment renforcer le traitement. On précisera, selon le schéma thérapeutique de fond, à partir du tableau 1, s’il faudra intensifier le traitement de secours (BDCDA ou CSI-formotérol), quadrupler la médication contenant un CSI (jusqu’à la dose max de 2 000 μg équivalent béclométasone et 72 μg de formotérol) et en cas d’exacerbation plus sévère (DEP ou VEMS < 60 % de la valeur optimale ou théorique ou patient ne répondant pas au traitement après 48 h), démarrer une corticothérapie orale (prednisone ou prednisolone) à la posologie de 1 mg/kg/j jusqu’à 50 mg chez l’adulte(18). Pour l’enfant de 6 à 11 ans, la dose de corticostéroïdes oraux est de 1 à 2 mg/kg sans dépasser 40 mg. Il faut indiquer par la suite, pour combien de temps intensifier le traitement. Pour les corticoïdes oraux, la durée recommandée est de 5 à 7 jours et 3 à 5 jours chez l’enfant. Pour le quadruplement de la médication contenant un CSI, c’est 14 jours. Une fois la démarche mise en place, le patient doit surveiller (par les symptômes et/ou le débit expiratoire de pointe) la bonne évolution de la situation respiratoire. Enfin, le PAPE doit répondre à la question : quand recourir au médecin ou aux secours médicaux ? On précise à quel moment le patient doit contacter ou consulter son médecin traitant : très rapidement s’il faut traiter un facteur déclenchant infectieux par exemple ou en cas de mauvaise évolution. Dans les autres cas, il est recommandé de le consulter au bout des 5-7 jours des CSO ou à la fin préconisée de l’intensification thérapeutique. Pensez à prévenir le patient d’appeler tôt le cabinet médical pour planifier le rendez-vous. Concernant l’appel aux secours médicaux, les signes de gravité correspondant à la zone Rouge sont cités (par exemple aucune efficacité du traitement de secours, difficulté pour parler, étouffement…) et le numéro à contacter doit être clairement indiqué. Un PAPE nécessite obligatoirement une ordonnance « d’avance » comportant tous les traitements et dispositifs requis pour le mettre en oeuvre (boîte de corticostéroïdes oraux, flacon de traitement de secours supplémentaire, chambre d’inhalation…). Ils seront disponibles dans une trousse d’urgence par exemple, pour pouvoir démarrer le plan d’action sans attendre. Pensez à prévenir le patient qu’il devra vérifier périodiquement les dates de péremption de ces traitements de secours. À partir d’une démarche ETP, il faudra travailler avec le patient la prévention des effets secondaires des ajustements thérapeutiques et notamment des corticostéroïdes oraux en cure courte (prise de poids, perturbation du sommeil, déséquilibre glycémique…). Exemples de PAPE On trouve sur le site internet de la SPLF, plusieurs exemples de PAPE mis à disposition par les structures d’éducation thérapeutique(19) : 41 plans d’action, incluant 18 PAPE s’adressant aux adultes et 23 aux enfants et adolescents ont été analysés et se révèlent tous conformes aux recommandations(20). Celui que nous utilisons à l’école de l’asthme de Montfermeil est représenté figure 1. Il est conforme aux dernières préconisations du GINA(7). Figure 1. Plan d’action d’urgence. École de l’Asthme, CHI de Montfermeil. On peut aussi mettre en place, à l’aide d’un logiciel bureautique, un Plan d’action sous la forme d’une ordonnance type, préremplie et à compléter en consultation avec le patient (figure 2). Ceci a pour avantage de contenir les traitements et dispositifs nécessaires pour l’appliquer. Figure 2. Exemple d’ordonnance.   FAIRE S’APPROPRIER LE PLAN D’ACTION PERSONNALISÉ ÉCRIT PAR LE PATIENT Il ne s’agit pas de remettre en fin de consultation le PAPE au patient comme on lui donnerait, à tort, une ordonnance sans l’expliquer. Pour qu’il applique un plan d’action, un patient doit d’abord percevoir que c’est utile pour lui. Il doit participer à son élaboration et en avoir compris chaque étape. Ainsi, la séquence éducative pourrait débuter par : 1) Demander au patient : Qu’avez-vous fait lors de la dernière crise d’asthme qui s’est prolongée ou qui s’est aggravée ? Analyser la conduite de votre patient en en précisant les conséquences. Que diriez-vous si on optimisait un peu tout cela ? 2) Présenter chaque étape du plan d’action en les expliquant. 3) Remettre le plan d’action en le complétant avec le patient. Il est souhaitable de mettre le patient en situation. Proposez-lui un ou deux cas concret(s) (une exacerbation et une crise grave par exemple) et demandez-lui de développer la conduite à tenir. Vous pourrez ainsi apprécier sa capacité à appliquer le PAPE en toutes circonstances. N’oubliez pas de débriefer avec lui. On peut aussi suivre les différentes étapes décrites dans l’article très complet de H. Ouksel et A. Pineau(4) consacré aux apports du plan d’action écrit dans la prise en charge de l’asthme.   Les plans d’action personnalisés écrits dans l’asthme permettent aux patients d’agir de façon adaptée face à l’aggravation de leurs symptômes. Pour qu’ils soient compris et appliqués, ils nécessitent le respect d’une méthodologie d’élaboration, en partenariat avec le patient et un accompagnement éducatif.

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