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ORL

Publié le 18 nov 2021Lecture 8 min

Biothérapies dans la polypose nasosinusienne. Pourquoi ? Comment ?

Wissame EL BAKKOURI, Le Vésinet

L’utilisation des biothérapies est bien connue des pneumologues pour l’asthme de type 2, ou des dermatologues pour la dermatite atopique. En ORL, l’utilisation des biothérapies est très récente, avec une indication dans la polypose nasosinusienne (PNS) sévère. Lors du congrès de la SFORL (2-3 octobre 2021), de nombreuses communications étaient consacrées aux biothérapies dans la PNS.

QUEL RATIONNEL PHYSIOPATHOLOGIQUE ? Face à un agent pathogène, une réponse inflammatoire modulée par des facteurs environnementaux va se mettre en place. Le système immunitaire adaptatif composé des lymphocytes T et B ainsi que des anticorps va développer une réponse immunitaire spécifique. Dans la PNS, les effecteurs sont l’épithélium de recouvrement (qui produit des molécules de type alarmines) et les polynucléaires éosinophiles (qui sont des cellules pluripotentes avec des propriétés anti-infectieuses et antitumorales). À la suite de l’exposition d’un agent pathogène, l’épithélium va produire cytokines et chémokines (IL33 et 25) ce qui va favoriser la migration tissulaire des cellules inflammatoires en particulier des lymphocytes Th2 et la production d’IgE, mastocytes... une libération d’histamine et un œdème propre à l’inflammation cliniquement observée. Les cytokines type IL4, 13 et 15 sont produites, ce sont les cibles des biothérapies. Dans l’asthme éosinophilique et la rhinosinusite chronique avec polypes (PNS), la réaction inflammatoire de type Th2 pré-domine. Il a été démontré une relation entre phénotype, clinique et endotype. Une étude du Mortuaire et coll. a montré que parmi 93 patients souffrant d’une PNS réfractaire au traitement médical, 50 % avaient un asthme associé. Des interleukines IL5 et IgE étaient présentes surtout dans la population PNS et asthme. Même si le profil de réponse immunitaire Th2 est pré-dominant dans ces tableaux cliniques, d’autres profils inflammatoires tissulaires ont été identifiés: Th17 et Th1. Il semble donc exister une hétérogénéité des profils inflammatoires parmi les patients ce qui rend intéressante la recherche de biomarqueurs afin d’identifier plus précisément les populations à traiter. Ces biomarqueurs permettraient d’anticiper la réponse des biothérapies ciblées. Une voie de recherche concerne l’identification de ces biomarqueurs surtout dans les formes de PNS sévère associée à un asthme pour lesquelles le risque d’observer une forme réfractaire est plus important. EFFICACITÉ ET TOLÉRANCE Une analyse de la littérature études cliniques des biothérapies testées en phase III, l’omalizumab (anticorps anti-IgE), le dupilumab (anticorps anti-récepteur IL4 et IL13) et le mépolizumab (anticorps anti-IL5), a été réalisée. En voici les principaux enseignements. Pour le critère « score endoscopique des polypes » : 46 % des patients traités par dupilumab ont montré une diminution de 2 points sur 8 versus placebo baissant le score de 4 a 3 ; 1/3 des patients traités par omalizumab ; 50 % des patients traités par mépolizumab. Concernant le score clinique d’obstruction nasale, on observe une diminution significative de la gêne pour les trois molécules. Pour les troubles de l’odorat : la proportion de patients anosmiques est passée de 74 à 24 % dès la deuxième semaine de traitement dans le groupe dupilumab ; pour l’omalizumab, le résultat n’est pas exprimé en pourcentage, un gain de 5 points a été observé à la 5e semaine de traitement ; dans l’étude mépolizumab versus placebo, c’est sur un interrogatoire que l’effet de la molécule a été jugé Sur la qualité de vie (questionnaire SNOT22), une amélioration de 30 points a été relevée concernant dupilumab et omalizumab versus 10 pour le placebo. Dans l’étude mépolizumab, une amélioration de 24 points a été observée. Quel a été l’impact des biothérapies sur le recours à d’autres options thérapeutiques ? Le dupilumab a permis de diminuer de 83 % le recours à la chirurgie et de 18 % pour l’omalizumab. Dans l’étude mépolizumab, les résultats sont exprimés autrement : la proportion de patients ayant eu recours à la chirurgie est passée de 23 % à 9 %. La diminution au recours aux corticoïdes oraux n’était pas significative dans l’étude omalizumab. Est-ce que les biothérapies sont aussi efficacesque la chirurgie ? Aucune des études ne répond à la question, car faites contre placebo. Une étude sur un faible nombre de patients a été menée (n =37); il en ressort que le SNOT22 est équivalent à 16 semaines dans le groupe bio-thérapie versus chirurgie. Une étude en phase IV a été menée sur 29 patients ayant une PNS associée à un asthme ou s’inscrivant dans une triade de Widal. L’objectif principal de cette étude était amélioration clinique du patient et pas forcément sur le score endoscopique. On constate sur l’efficacité des biothérapies en « vraie vie » sur l’obstruction nasale qu’il y a de forts répondeurs, des moyens répondeurs et des faibles répondeurs. Sur le critère odorat, les résultats sont moins enthousiasmants que sur les phases III. La tolérance clinique des biothérapies est très bonne. Il n’y a pas eu d’événements indésirables graves dans les études en phase III. Épistaxis, réaction cutanée au point d’injection, douleurs articulaires... sont les principaux effets indésirables retrouvés dans les études. Attention : 3 % des patients ont eu une décompensation grave de leur asthme. Ceci doit poser la question de la poursuite du traitement. Vingt pour cent des patients ont développé une hyperéosinophilie sanguine. Ceci justifie un suivi par NFS tous les mois. Les biothérapies constituent une réelle avancée dans l’arsenal thérapeutique des PNS du fait de leur impact sur la qualité de vie des patients, leurs symptômes, le recours a la chirurgie et le profil de tolérance qui est favorable. Toutefois, il reste nécessaire de définir les facteurs prédictifs de réponse au traitement en définissant des biomarqueurs et des endotypes. D’autres inconnues persistent : l’association chirurgie-biothérapie n’a pas été investiguée pour l’instant, la durée optimale de traitement n’est pas connue, qu’en est- il du risque d’échappement thérapeutique ? A priori, compte tenu de ces inconnues, il semble judicieux de réévaluer l’efficacité du traitement à 6 mois. INDICATIONS ET PLACE DANS L’ARSENAL THÉRAPEUTIQUE Les objectifs de traitement dans la PNS sont clairs : soulager les symptômes d’obstruction nasale et l’anosmie ; améliorer la qualité de vie ; diminuer le nombre de pas- sages au bloc opératoire ; optimiser le traitement local ; diminuer le nombre de cures de corticoïdes oraux (moins de 1 gramme par an de prednisone pour ne pas avoir d’effets à long terme) ; améliorer les comorbidités (asthme, allergies). Les biothérapies agissent de manière comparable sur les critères suscités dans les études de phase III réalisées. Une étude a été réalisée sur l’efficacité d’une biothérapie (benra-lizumab) sur l’asthme associé à une PNS. On constate une diminution de 49 % des épisodes d’exacerbation d’asthme dans la population totale et une diminution plus forte dans la population asthme et polypose. Une étude avec le dupilumab a montré qu’il était efficace sur le critère « rhinosinusite chronique » (il n’est pas précisé le caractère polypes, car aucun examen ORL n’est réalisé dans ces études) des populations asthmatiques. Chez ces patients la diminution des exacerbations est plus importante que dans la population asthme seule. Le défaut majeur de ces traitements est leur coût élevé (près de 18 000 euros pour un an de traitement) avec un remboursement à 65 % par l’assurance maladie. Les recommandations européennes pour la prescription d’une biothérapie sont : échec de la chirurgie et trois critères parmi ceux émis par la Société européenne de rhinologie : présence d’une inflammation de type Th2 (présence de PNE dans les tissus en particulier dans les polypes, ou PNE supérieure à 250 microgrammes/mm3 dans le sang, ou taux d’IgE totaux supérieur à 100) ; nécessité de plus de deux cures de corticoïdes oraux par an; retentissement significatif sur la qualité de vie (SNOT 22 > 40) ; retentissement sur l’odorat asthme associé. Deux biothérapies ont une AMM européenne, le dupilumab et l’omalizumab. Le mépolizumab vient d’obtenir un avis favorable de l’EMA. En France, pour le moment, seul le dupilumab a une AMM dans l’indication suivante : PNS insuffisamment contrôlée par la corticothérapie orale et la chirurgie chez l’adulte. Le remboursement a été obtenu en juillet 2021. Avant la prescription d’une biothérapie un bilan minimal est nécessaire : scanner des sinus, dosage des IgE totales, NFS, spirométrie si symptômes, allergologie si symptômes. Un bilan complémentaire facultatif comprend une IRM (si doute sur une sinusite fongique immuno-allergique), un dosage des IgE antias-pergillaires, une biopsie des polypes, un bilan immunologique. Bien entendu, une RCP commune ORL/pneumologues est souhaitable en cas d’association PNS et asthme.  EN PRATIQUE ? La prescription initiale des biothérapies doit se faire en milieu hospitalier qu’il soit public ou privé. Le renouvellement est restreint aux seuls spécialistes pneumologues, pédiatres, ORL, internistes ou dermatologues. Il n’y a pas de délai de validité précisée par l’AMM pour la durée de la prescription initiale qui peut aller jusqu’à un an d’emblée. Toutefois, il est recommandé de réévaluer l’efficacité du traitement au bout de 6 mois, car tous les patients ne répondront pas positivement au traitement. Une ordonnance de médicaments d’exception est nécessaire (disponible sur le site Ameli) est à remplir et comporte 4 feuillets (le premier pour le patient, les 2e et 3e à adresser à la CPAM, le 4e pour la pharmacie). Les contre-indications aux biothérapies sont peu nombreuses : hypersensibilité à la substance active ; la grossesse ; une infection par helminthes ; l’administration simultanée de vaccins vivants ou vivants atténués ; le syndrome d’hyperéosinophilie. Le rythme de surveillance n’est pas protocolisé. Il est recommandé d’évaluer l’efficacité du traitement à 16 semaines afin de justifier de sa poursuite. On évalue l’observance, les scores d’endoscopie nasale et de qualité de vie. En cas d’asthme associé, il faut également évaluer le contrôle de l’asthme, la spirométrie et la FeNO. On évalue également la tolérance par un examen cutané, un examen ophtalmologique si signe d’appel et une NFS pour l’élévation de l’éosinophile sanguine. CONCLUSION Les biothérapies permettent une réelle avancée dans le traitement de la PNS sévère, en raison de l’impact sur l’inflammation systémique, l’épargne cortisonique, l’impact sur la qualité de vie et une possible diminution du recours à une nouvelle chirurgie. Mais il y a encore quelques inconnues, comme les facteurs prédictifs de la réponse au traitement, identifications de biomarqueurs pour une meilleure définition des endotypes, durée optimale du traitement. Une étude française «en vraie vie » (Biopose) devrait permettre d’identifier les endotypes en routine clinique, de définir les biomarqueurs du profil T2 prédictifs de la réponse aux biothérapies et l’impact médico-économique.

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