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Pédiatrie

Publié le 13 nov 2020Lecture 7 min

Les protéines de lait de vache (PLV) : comment les réintroduire en pratique de ville ?

Solène GANOUSSE-MAZERON, CSPEP, Créteil

La diversité des tableaux cliniques rencontrés dans l’allergie aux protéines de lait de vache (APLV) est notable. L’objectif de cet article est de préciser les prises en charge adaptées à chaque forme quand l’heure de la réintroduction des PLV se pose.

Les modalités de réintroduction diffèrent selon le type d’APLV. Il y a ainsi deux grands cadres, les APLV IgEmédiées et les non-IgE-médiées. Pour les formes mixtes, l’IgEmédiée potentiellement plus sévère primera pour les décisions. Dans les APLV IgE-médiées, les symptômes apparaissent de quelques minutes à 3 heures après l’ingestion et vont de la simple urticaire péribuccale à l’anaphylaxie. Dans les APLV non-IgE-médiées, les réactions sont semi-retardées à retardées, soit dans les 2 à 72 h après l’ingestion. Les symptômes gastro-intestinaux et/ou cutanés (eczéma) ont la particularité de résister aux traitements symptomatiques. La sévérité de cette forme est jugée sur l’éventuelle mauvaise prise de poids, voire la perte de poids, un eczéma sévère (scorad > 40), des vomissements répétés et/ou d’une diarrhée chronique. À noter la particularité du syndrome d’entérocolite induite par les protéines alimentaires (SEIPA) aux PLV : des vomissements répétés 2 à 6 heures après l’ingestion sont observés, plus ou moins une diarrhée parfois profuse, une hypotonie, voire un choc hypovolémique. Cet accès peut être précédé d’une phase chronique avec RGO, coliques, troubles du transit, croissance pondérale non optimale. Avant toute précision, il faut savoir qu’il y a 10 à 15 % de passage de la forme APLV non-IgE-médiée vers la forme IgE-médiée chez les patients de moins de 3 ans. Ainsi , avant d’envisager une réintroduction dans l’APLV non-IgEmédiée, il faut réaliser des tests cutanés et/ou doser les IgE spécifiques. Quand envisager ue réintroduction des PLV ? Une information importante doit être recherchée systématiquement à chaque consultation : y-at- il eu une ou des ingestions accidentelles de PLV par le patient ? Si c’est le cas, en fonction de la forme ingérée (crue ou cuite), la quantité ingérée, la tolérance, la réintroduction sera ou pas envisagée, éventuellement plus précocement qu’attendu. Dans l ’APLV IgE-médiée, le régime d’éviction est mené pendant au moins 6 mois et minimum jusqu’à l’âge de 9 à 12 mois. La décision de réintroduction est basée sur la clinique, les tests cutanés, la cinétique des IgE spécifiques, le souhait de la famille et sa capacité à suivre une éventuelle immunothérapie orale (ITO). Dans l’APLV non-IgE-médiée légère à modérée, l’éviction doit être suivie en moyenne 6 mois, pour la proctocolite allergique 4 à 6 mois avec possibilité de réintroduction dès l’âge de 4 mois. Pour les entéropathies allergiques sévères, l’éviction doit être poursuivie jusqu’à l’âge de 9 à 12 mois et pendant au moins 6 mois. Dans les SEIPA, l’éviction est menée jusqu’à l’âge de 18 à 24 mois. Où réinitialiser la réintroduction des PLV ?  Pour les APLV IgE-médiée, elle ne pourra être envisagée qu’en milieu hospitalier sauf si une ingestion accidentelle à domicile suivie d’une bonne tolérance est rapportée. Le milieu hospitalier est indiscutable pour les SEIPA. Dans le cadre des APLV non-IgEmédiée légère à modérée et des proctocolites allergiques, cette réintroduction est réalisée au domicile (après avoir vérifié l’absence d’IgE-médiée ou la négativité des tests cutanés). Pour les formes sévères des APLV non-IgE-médiée, la décision se prendra au cas par cas, il faut se méfier des formes chroniques de SEIPA, le choix du TPO au lait cuit dans un premier temps sera souvent une bonne option. Comment réaliser une réintroduction des PLV ? Les APLV non-IgE-médiées non sévères La réintroduction se fait de manière progressive pour éviter une mauvaise tolérance ou le dégoût de l’enfant. Le protocole varie selon l’âge, le niveau de diversification. Il est toujours préférable de débuter chez les enfants diversifiés par le lait cuit en particulier dans les gâteaux (éventuellement broyés et dilués) puis le beurre. En effet, il a été démontré une meilleure tolérance du lait cuit chez certains patients suivis pour APLV. En provoquant une modification conformationnelle des protéines, la cuisson du lait entraîne une reconnaissance moindre du répertoire épitopique par les IgE. Dans le lait, la seule protéine thermorésistante est la caséine, la diminution de ses IgE spécifiques est un bon signe d’une éventuelle tolérance du lait cuit. Par ailleurs, il a été démontré également que l’incorporation du lait cuit à une matrice de blé permettait une diminution de l’allergénicité. Chez les enfants diversifiés, les produits laitiers sont ensuite introduits progressivement jus qu’à 2 unités par jour. Tous ne sont pas aussi riches en protéines de lait de vache, ainsi les plus pauvres sont plus adaptés initialement (Petit Gervais aux fruits, Flamby, crème fraîche, fromage Vache qui Rit, fromage Kiri, yaourt à boire Actimel nature sucré, etc.). Si la tolérance est bonne, l’hydrolysat ou le soluté d’acides aminés sont ensuite remplacés cuillère-mesure par cuillère- mesure dans chaque biberon, de jour en jour, initialement avec un lait normalisé en PLV de préférence sans lactose pour éviter une mauvaise tolérance après une période sans exposition. Un lait standard infantile adapté à l’âge de l’enfant est ensuite introduit de la même façon. Pour les nourrissons non diversifiés, on introduit lentement un lai t contenant des PLV en le mélangeant à l ’hydrolysat ou le soluté d’acides aminés consommé chaque jour. L’utilisation d’un lait sans lactose n’est pas nécessaire, car la période d’éviction est moins longue. L’idéal est de fournir des protocoles écrits, détaillés aux familles en leur expliquant les différentes étapes. Les parents et les patients doivent être informés des signes cliniques à surveiller le plus souvent digestifs et/ou cutanés, assez semblables aux symptômes présents au diagnostic. En cas de symptôme, il faut préciser qu’il n’est pas nécessaire de stopper immédiatement toute prise de PLV. Un retour au palier précédent et une prolongation de celui-ci pendant 2 à 4 semaines peuvent suffire. Un échange facile avec le professionnel qui suit l’enfant est important dans la guidance parentale et l’accompagnement du patient. En cas d’échec, dès les premiers seuils, une nouvelle éviction des PLV est à poursuivre pendant 2 à 3 mois. Une ITO peut être envisagée si les quantités tolérées le permettent. Les APLV IgE-médiées La réintroduction ne peut pas être envisagée si la sensibilisation augmente, en particulier le taux des IgE spécifiques pour la caséine. L’exception est l’ingestion accidentelle sans réaction clinique. Il faut alors définir la dose de protéines ingérée, information précieuse pour envisager une ITO, éventuellement à do micile, en débutant systématiquement à une quantité inférieure, en général de moitié. La progression sera alors guidée par la tolérance, l’évolution de ses tests. Le site https://fr.openfoodfacts.org peut être d’une aide précieuse pour la définition précise des quantités de protéines ingérées accidentellement. La situation la plus favorable est l’absence de symptômes sur les 6 derniers mois d’éviction, un profil d’évolution de sensibilisation favorable sur les tests cutanés et les IgE spécifiques. On programme alors en collaboration avec un service hospitalier adapté un test de provocation oral au lait (TPO). Si la tolérance n’est pas complète, selon l’intensité de la réaction, selon la dose réactogène, une ITO au lait cuit ou au lait cru pourra être poursuivie au cours du suivi en ville. Chez les enfants âgés de plus de 4-5 ans, au profil d’évolution de sensibilisation défavorable, l’ITO va prendre toute son importance en raison de la difficulté du suivi de l’éviction en grandissant, du risque croissant d’exposition accidentelle, de carence et de marginalisation de l’enfant dans sa vie sociale. Il s’agit d’accélérer la guérison, de limiter le risque de réaction notamment sévère après l’ingestion accidentelle de lait, de faciliter le régime de l’enfant et d’améliorer sa qualité de vie. L’ITO ne peut pas être proposée à tous en fonction des critères de sévérité de l’APLV et du ni veau de compréhension des familles, bien informées des situations à risques. Elle a débuté par un TPO au lait cuit en milieu hospitalier en cas de réaction anaphylactique inaugurale, de profil de sensibilisation stagnant chez les petits ou peu favorable chez les plus grands ou encore en cas de prise accidentelle récente de lait cru avec réaction. Dans les autres cas, si IgE LV < 5 ou 10kU/l ou IgE caséines < 5kU/L, un TPO au lait cru est envisagé et l’ITO est poursuivie à moitié dose de la dose réactogène. La progression se fait par période de bonne tolérance de 1 à 3 mois, à domicile ou par de nouveaux TPO chez les plus fragiles.

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