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ORL

Publié le 04 juin 2020Lecture 6 min

Les manifestations naso-sinusiennes des maladies de système

Leïla ESSAKALLI HOSSYNI, Service ORL et chirurgie cervico-faciale, hôpital des Spécialités, CHU Ibn Sina, Rabat (Maroc)

Épistaxis de faible abondance, répétitives, associées à une rhinorrhée sale : pensez à une granulomatose !
Ensellure nasale et/ou synéchies nasales antérieures, septales : pensez à une granulomatose !
Endoscopie nasale obligatoire.
Examiner le malade dans un contexte de maladie polysystémique.
L’atteinte naso-sinusienne conditionne souvent le pronostic de la maladie.

L’atteinte rhino-sinusienne dans le cadre des maladies systémiques est le plus souvent chronique et bilatérale. Ce type de pathologie nasosinusienne est caractérisé par la présence de lésions granulomateuses sur le plan histologique. Nous souhaitons mettre l’accent sur les difficultés d’ordre diagnostique et nous décrirons les particularités naso-sinusiennes des principales maladies de système que nous avons rencontrées dans notre pratique. La symptomatologie nasale n’a rien de spécifique ; la démarche diagnostique doit être commune et stéréotypée. La prise en charge thérapeutique associe le traitement de la maladie causale instauré par le médecin interniste au traitement de l’atteinte naso-sinusienne. Le diagnostic de certitude est souvent difficile surtout avec les autres granulomatoses d’origine infectieuse spécifique. Pour étayer la difficulté de poser un diagnostic de certitude, nous soumettons 4 cas cliniques : Cas clinique N° 1 Patiente âgée de 50 ans, venue consulter pour un syndrome de dysfonctionnement naso-sinusien chronique (DNSC) évoluant depuis 2 ans, fait de : obstruction nasale bilatérale ; rhinorrhée épaisse ; hyposmie. Multitraitée, sans aucune amélioration. Biopsie nasale : tuberculose naso-sinusienne. Cas clinque N° 2 Patient âgé de 56 ans très gêné par : des croûtes nasales bilatérales, cacosmie, épistaxis bilatérales de faible abondance. Diagnostic : ozène. Cas clinique N° 3 Patiente âgée de 64 ans, venue consulter pour : obstruction nasale unilatérale droite ; rhinorrhée postérieure sanguinolente ; céphalées. Le tout évoluant depuis 3 ans. TDM naso-sinusienne : (figure 1). Diagnostic : rhinosclérome. Figure 1. Processus expansif localisé au sinus sphénoïdal hétérogène. Cas clinique N° 4 Symptômes rhinologiques évoluant depuis plus de 2 ans : rhinorrhée, cacosmie, obstruction nasale, épistaxis. Évolution : ensellure nasale (figure 2). Diagnostic : syndrome de Wegener. Figure 2. Ensellure nasale. Figure 3. Nodules sarcoïdosiques sur le cornet inférieur et le septum en vue endoscopique (flèches). Que peut-on déduire de ces 4 observations ? • Polymorphisme clinique : rhino-sinusite diffuse bilatérale (DNSC) ; forme pseudo-tumorale (obstruction nasale unilatérale) ; rhinite croûteuse ; cas particulier des perforations septales. • Absence de spécificité. • Diagnostic histologique et/ou bactériologique. Penser à une granulomatose devant : 1 rhinite chronique avec épistaxis et croûtes nasales ; 1 sinusite incontrôlable en l’absence d’antécédents de sinusite ; 1 atteinte rhino-sinusienne associée à des symptômes extra-ORL atypiques. L’endoscopie nasale est obligatoire devant toute doléance rhinologique et/ou dans le cadre d’un examen ORL demandé par un confrère interniste ou dermatologue dans le cadre d’un bilan systématique devant une maladie de système. L’endoscopie nasale retrouve alors souvent : dermite vestibulaire ; croûtes nasales ; synéchies septo-turbinales ; sténose narinaire ; perforation septale ; ensellure nasale. Attention aux aspects trompeurs : d’œdème des méats moyens ; de polypose naso-sinusienne. Nécessité d’une corrélation anatomo-clinique et radiologique. Biopsies au moindre doute. Figure 4. Vue endoscopique d’une muqueuse nasale érosive avec croûtes. Figure 5. Perforation septale. L'imagerie La localisation naso-sinusienne nécessite la réalisation d’une TDM du massif facial en fenêtres parenchymateuses et osseuses, sans injection de produit de contraste, avec reconstruction dans les 3 plans. Les anomalies rencontrées habituellement sont : des opacités diffuses et bilatérales des sinus ; la destruction osseuse (septum nasal +++) ; l’ostéosclérose. L’épaississement muqueux seul ne peut être différencié d’une sinusite chronique, mais son association avec une érosion des parois osseuses est évocatrice d’une granulomatose. L’histologie La biopsie nasale orientée représente l’étalon d’or pour le diagnostic. Devant tout DNSC ne répondant pas au traitement, la biopsie de la muqueuse nasale et/ou sinusienne doit être systématique. On retrouve des granulomes épithélioïdes tirés au cordeau. Le bilan biologique de même que d’autres explorations paracliniques spécifiques seront demandés en fonction de l’orientation diagnostique. Devant une lésion granulomateuse à localisation rhino-sinusienne, on doit rechercher : une granulomatose systémique : Wegener, syndrome de Churg et Strauss… ; une sarcoïdose ; une intoxication type cocaïne ; une infection spécifique type tuberculose, ozène, rhinosclérome… Granulomatose avec polyangéite (Wegener) La GW est une vascularite systémique nécrosante d’origine inconnue. Elle est caractérisée par une inflammation granulomateuse des vaisseaux de petit calibre associée à la présence dans le sérum d’auto-anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles à renforcement cytoplasmique en immunofluorescence indirecte (cANCA) de spécificité anti-protéinase 3 (PR3). Facteur infectieux :  l’infection précède une poussée dans 45 % des cas (printemps, hiver) ;  le portage nasal chronique de staphylocoque à coagulase positive ⇒ rechutes ++. Facteur génétique : discuté. Maladie rare avec une incidence de 1 pour 100 000 habitants. Adulte : 40-50 ans, légère prédominance masculine. Principales atteintes : ORL, pulmonaire, rénale. L’atteinte ORL est la plus précoce : 70 à 100 % des cas. Les signes cliniques sont polymorphes non spécifiques : rhinite, sinusite, épistaxis, otite moyenne chronique, hypoacousie, perforation septale, déformation nasale. Sites atteints : en premier les fosses nasales et septum nasal puis sinus maxillaires. La difficulté est d’ordre diagnostique. Figure 6. Vue microscopique de granulomes. Figure 7. Vue endoscopique d’une PNS. Figure 8. Sarcoïdose nasale obstructive et sécrétante. Granulomatose éosinoplhilique avec polyangéite (ex. syndrome de Churg et Strauss)  Critères diagnostiques du SCS (Chapel Hill, 1994) : asthme ; éosinophilie sanguine ; vascularite nécrosante des petits et moyens vaisseaux ; inflammation de l’appareil respiratoire riche en éosinophiles ; inflammation de l’appareil respiratoire riche en granulomes. L’atteinte ORL est surtout rhinologique de type DNSC avec atteinte pouvant donner le change pour une PNS. Les biopsies des polypes trouvent un matériel granulomateux riche en éosinophiles. La sarcoïdose   La sarcoïdose est une maladie inflammatoire granulomateuse, sans nécrose caséeuse, d’étiologie inconnue. La sarcoïdose naso-sinusienne (SNS) peut être isolée ou s’intégrer dans une sarcoïdose multisystémique. La sarcoïdose est une maladie systémique caractérisée par la formation de granulomes inflammatoires au niveau des organes atteints. Elle est le résultat d’une réaction immunitaire exagérée à un ou plusieurs antigènes de nature non déterminée chez des sujets prédisposés génétiquement. Si le poumon et le système lymphatique sont atteints dans plus de 90 %, tous les organes peuvent être touchés avec une fréquence variable. L’atteinte naso-sinusienne concerne 1 à 1,5 % de l’ensemble des patients atteints de sarcoïdose. Critères de sarcoïdose ATS/ERS/Wasog endoscopie des cavités nasales, du pharynx, du larynx, des bronches ; dosage de l’enzyme de conversion de l’angiotensine ; EFR avec étude de la diffusion du monoxyde de carbone ; TDM haute résolution de la face, du cou et du thorax (dans tous les cas) ; IRM, TEP-TDM au 18F-FDG, scin ti graphie au 67 SG (certains patients) ; multiples biopsies des lésions macroscopiquement visibles ; autres examens complémentaires. Traitements SNS ⇒ Phénotype sévère de la sarcoïdose. Guérison spontanée ≈ 50 % des cas. Traitement de base de la SNS : corticothérapie Prolongée, par voie locale ou générale Corticothérapie locale dès les premiers signes d’inconfort nasal. Les traitements alternatifs aux corticoïdes se discutent en cas de contre-indications aux corticoïdes ou d’effets secondaires cortico-induits et en cas de sarcoïdose cortico-résistante. La maladie est considérée comme cortico-résistante en l’absence de réponse à 3 mois d’une corticothérapie à doses correctes. Les biothérapies : anti-TNFα type infliximab sont peu indiquées dans l’atteinte naso-sinusienne seule. La chirurgie naso-sinusienne dans ces formes liées aux maladies de système n’est pas indiquée, car elle peut engendrer des perforations septales et de croûtes postopératoires. Les récidives sont rapides et les améliorations sont incomplètes. Une reconstruction chirurgicale de l’ensellure nasale ne peut se concevoir qu’une fois que la maladie est stable. Figures 9 et 10. Atteintes cutanées type Lupus Pernioface et membre supérieur. Figure 11. 2 vues TDM. Vue du haut : SNS nasale nodulaire (cornets inférieurs et septum). Vue du bas : SNS sinusienne lytique, atrophique. Figures 12 et 13. Granulomes de SNS à fort grossissement.   Conclusion • La symptomatologie clinique des localisations naso-sinusiennes des pathologies systémiques n’a rien de spécifique. • L’association des symptômes rhinologiques à d’autres signes cliniques généraux doit orienter le diagnostic. • Le diagnostic est souvent difficile et confirmé par l’histologie. • Les formes systémiques requièrent une prise en charge multidisciplinaire.

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